Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 IV 1



85 IV 1

1. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 février 1959
dans la cause Genoud contre Ministère publie du canton de Genève. Regeste

    Art. 12 und 263 StGB. Verhältnis dieser Bestimmungen
zueinander. Vorsätzliche und fahrlässige actio libera in causa.

Sachverhalt

    A.- Le soir du 24 mai 1958, au volant de son automobile Jaguar, Xavier
Genoud, qui habite à Genève, se rendit à Hermance en compagnie de Gilbert
Gertsch. Ensemble, ils fréquentèrent les cafés de cette localité, qu'ils
quittèrent au milieu de la nuit. Genoud, qui était ivre, laissa Gertsch
piloter la voiture. En cours de route, après avoir cherché inutilement
à reprendre le volant, il consentit qu'un chauffeur de taxi conduisît
la Jaguar à sa place pour rentrer à Genève. De crainte que Genoud ne
poursuivît seul sa course, le chauffeur mena la voiture au garage de
l'entreprise où il était employé. Cependant, à peine était-il descendu
de l'automobile que Genoud la remettait en marche et partait à une allure
désordonnée. Il était près de cinq heures du matin. Sur le quai de Cologny,
la voiture heurta un cycliste, Pasquale Carsana, qui succomba sur-le-champ.
Elle s'arrêta d'elle-même un kilomètre plus loin en raison des dégâts
causés par le choc aux commandes de gaz et d'embrayage. Genoud se cacha
derrière une haie, où la gendarmerie le découvrit une heure plus tard. Au
moment de l'accident, son sang contenait 2,33 à 2,58 é d'alcool.

    B.- Le 5 juillet 1958, la Cour correctionnelle de Genève condamna
Genoud à deux ans et demi d'emprisonnement pour infraction à diverses
règles de circulation (art. 25 al. 1, 26 al. 4, 36 al. 1 et 2, 59 al. 1
et 2 LA, 46 al. 3 RA), homicide par négligence (art. 117 CP), abandon de
blessé (art. 128 CP) et entrave intentionnelle à la circulation publique
(art. 237 ch. 1 CP).

    Le condamné attaqua cette décision par un recours que la Cour de
cassation pénale du canton de Genève rejeta le 8 décembre 1958.

    C.- Genoud se pourvoit en nullité contre l'arrêt de seconde
instance. Il en requiert l'annulation et demande le renvoi de la cause
à de nouveaux juges.

    Le Ministère public du canton de Genève propose le rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Le recourant fait valoir qu'il aurait dû être mis "au bénéfice de
la spécialité du délit d'ivresse prévue par l'art. 263 CP". Il conteste
que l'art. 12 CP lui soit applicable.

    Cette disposition prévoit que l'inculpé ne peut invoquer son
irresponsabilité quand il l'a créée dans le dessein de commettre
l'infraction. Elle consacre l'existence de l'actio libera in causa. Elle
n'en vise, il est vrai, que la forme intentionnelle. Cependant, d'après
la doctrine, la règle énoncée à l'art. 12 CP est également applicable
à l'actio libera in causa par négligence, c'est-à-dire à l'.accusé
qui se met en état d'irresponsabilité alors qu'il peut prévoir que,
dans cet état, il risque de commettre des actes punissables (HAFTER,
Allg. Teil, p. 113; LOGOZ, note 2 ad art. 12, p. 46; THORMANN/VON OVERBECK,
notes 2 et 3 ad art. 12; SCHWANDER, no 222; GERMANN, Das Verbrechen,
p. 168). Cette opinion est exacte. En effet, si l'auteur d'une actio
libera in causa intentionnelle est punissable, c'est parce que en
s'étant rendu irresponsable, il a commis une faute qui est une cause
de son infraction. Or ce double élément de culpabilité et de causalité
se retrouve dans l'actio libera in causa par négligence. D'ailleurs,
si l'auteur d'une telle actio pouvait arguer de son irresponsabilité, il
serait, sans raison valable, privilégié par rapport aux autres délinquants
qui ont agi par négligence.

    Sous sa double forme, l'actio libera in causa exclut l'application
de l'art. 263 CP. qui punit l'auteur d'une infraction commise en état
d'irresponsabilité fautive et réprimée comme crime ou délit (LOGOZ, note
3 ad art. 263; SCHWANDER no 224). Sinon l'art. 12 CP ne viserait pas les
cas de crime ou de délit et perdrait ainsi presque toute raison d'être. En
réalité, l'art. 263 CP ne peut s'appliquer que lorsque les conditions de
l'actio libera in causa ne sont pas réunies, soit qu'avant de s'enivrer,
le prévenu n'ait pas eu le dessein de commettre une infraction, soit
qu'il n'ait pu prévoir alors qu'il risquait d'en commettre.

    En l'espèce, le recourant ne s'est pas mis en état d'ivresse
dans le dessein de commettre des infractions. Aussi bien la Cour de
cassation genevoise ne lui reproche-t-elle pas une actio libera in causa
intentionnelle. Il est clair en revanche que ses actes constituent des
actiones liberae in causa par négligence. En effet, celui qui consomme de
l'alcool, alors qu'il sait qu'il lui faudra encore rentrer chez lui avec sa
voiture, peut et doit se rendre compte que, s'il en absorbe des quantités
excessives, il risque, en reprenant le volant, de violer les règles de la
circulation et même de causer un accident. Le recourant allègue, il est
vrai, que des tiers l'ont ramené pratiquement jusque chez lui et qu'il ne
pouvait pas prévoir qu'une fois ainsi rentré à son domicile, il reprendrait
le volant par ruse. Cette argumentation tombe à faux. Le recourant pourrait
tout au plus se prévaloir de cette intervention de personnes complaisantes
si, avant de s'enivrer, il avait pris la précaution de la solliciter. Or
il n'a rien fait de tel et a évidemment toujours supposé qu'il rentrerait
par ses propres moyens. D'autre part, quand il a repris le volant, il
ne se trouvait pas dans son garage, mais dans celui d'une entreprise
de taxis où le chauffeur avait ramené l'automobile; il ne s'était donc
pas encore éloigné de son véhicule et n'avait pas davantage regagné son
domicile. Or le conducteur qui s'enivre en route ne peut pas ignorer
qu'il sera tenté de piloter lui-même sa voiture et exposé ainsi à causer
un accident, aussi longtemps du moins qu'il reste dans son véhicule ou
à côté de lui et qu'il n'a pas effectivement regagné sa demeure. Il ne
peut pas ignorer davantage qu'il risque de perdre la conscience de ses
actes et des ses devoirs et que, dès lors, s'il provoque un accident,
il sera peut-être incapable de s'en apercevoir ou de réagir conformément
aux prescriptions légales. Par conséquent, lorsque le recourant s'est mis
à boire, il pouvait et devait prévoir la possibilité d'un accident grave,
voire mortel, ainsi que ses contraventions aux règles de la circulation,
en particulier son omission de s'arrêter, de secourir la victime et
d'annoncer l'accident. Les actes qu'il a commis à cet égard sont donc des
actiones liberae in causa par négligence. C'est, partant, à juste titre
qu'il a été condamné pour homicide par négligence et pour infraction par
négligence à diverses règles de circulation, notamment aux prescriptions
relatives aux devoirs en cas d'accident.