Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 II 49



85 II 49

10. Arrêt de la Ie Cour civile du 28 février 1959 dans la cause Dupré
contre Union de banques suisses SA Regeste

    Berufung, Art. 49 und 50 OG.

    Begriff des Vor- oder Zwischenentscheides (Erw. 1a, 2).

    Bedeutung der angeblichen Verletzung bundesrechtlicher
Zuständigkeitsvorschriften in Bezug auf einen vorfrageweise zu
entscheidenden Streitpunkt (Erw. 2 i.f.).

Sachverhalt

    A. - Le 2 avril 1946, les époux français André et Alice Dupré ont
passé un contrat en vertu duquel André Dupré s'engageait à servir à sa
femme une rente de 12 000 fr. suisses par année, payables à Genève, au
siège de l'Union de banques suisses (ci-après: la banque). En garantie de
cette rente, Dupré devait déposer à la banque un certain nombre de titres
bloqués. Les parties stipulèrent en outre ce qui suit, par l'art. 6 de
la convention:

    "Article 6.

    En cas de retard de plus d'un mois dans le paiement de l'une quelconque
des tranches annuelles, Madame Dupré est autorisée:

    a)  pour le cas où la législation n'ait pas encore prévu le déblocage
des titres, à solliciter de l'Union de banques suisses l'ouverture
d'un crédit garanti par les titres énumérés à l'arti-cle 4 ci-dessus;
cette ouverture de crédit sera hmitée au montant de la rente annuelle
impayée et, ainsi de suite, d'année en année. L'attention des parties
et, particulièrement, de Madame Dupré est attirée sur le fait que cette
disposition ne peut pas comporter obligation pour l'Union de banques
suisses de consentir à l'ouverture du crédit sollicité.

    b)  pour le cas où la législation ait prévu le déblocage des titres,
à demander à l'Union de banques suisses la réalisation d'une partie
suffisante, au choix de Madame Dupré, pour couvrir le montant de la rente
impayée d'une année et, ainsi de de suite, d'année en année.

    L'Union de banques suisses est autorisée à se contenter de la seule
déclaration de Madame Dupré au sujet d'un éventuel retard dans le paiement
d'une tranche annuelle."

    Informée de cette convention, la banque répondit, le 23 avril,
qu'elle s'y conformerait pourvu que la législation en vigueur le permît.

    Par la suite, la rente promise fut régulièrement payée à dame
Dupré. Elle fut même portée à 18 000 fr. à partir de novembre 1949.

    Dupré décéda le 26 décembre 1955. Le 15 septembre 1956, l'exécuteur
testamentaire invita la banque à ne plus faire aucun versement à dame
Dupré car, disait-il, la convention du 2 avril 1946 est devenue caduque
par la mort de Dupré. La banque se conforma à ces instructions.

    B. - En octobre 1956, dame Waters, légataire de Dupré, a assigné dame
Dupré et les autres héritiers et légataires, ainsi que l'Union de banques
suisses, devant le Tribunal civil de la Seine, for du dernier domicile
français du défunt. Elle concluait notamment à ce que la convention du
2 avril 1946 fût déclarée nulle et que l'actif déposé par Dupré à la
banque fût apporté à la succession libre de toute charge. Ce procès est
actuellement pendant.

    C. - De son côté, dame Dupré a, en décembre 1956, actionné l'Union
de banques suisses devant le Tribunal de première instance de Genève,
en concluant, en bref, à ce que la défenderesse soit condamnée à lui
payer 18 000 fr. par année tant qu'elle serait couverte par les titres
déposés par Dupré.

    La banque a proposé le rejet de l'action.

    Par jugement du 6 mars 1958, le Tribunal de première instance a
débouté la demanderesse de ses conclusions. Il a considéré qu'elle ne
pouvait pas faire valoir de droits directs contre la banque, qui était
simplement détentrice d'un gage mobilier.

    Sur appel de dame Dupré, la Cour de justice de Genève a, par arrêt
du 30 septembre 1958, annulé en l'état le jugement du 6 mars 1958 et
suspendu la procédure jusqu'à ce que l'action pendante devant les tribunaux
français fût liquidée; elle a précisé en outre qu'elle réservait le fond
et les dépens. Les juges cantonaux ont considéré, en substance, que la
banque avait la qualité d'assignataire selon les art. 466 et suiv. CO et
que, par conséquent, dame Dupré pouvait agir directement contre elle pour
réclamer le paiepent de sa rente. Mais, ont-ils ajouté, l'obligation de
la banque dépend de la question de savoir si la convention du 2 avril
1946 est restée en vigueur après le décès de Dupré; or ce point est
actuellement l'objet d'un procès en cours devant les tribunaux français;
c'est donc seulement après que ceux-ci se seront prononcés qu'il sera
possible de déterminer les droits de dame Dupré envers la banque.

    D. - Contre cet arrêt, Alice Dupré recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal, sauf dans la
mesure où celui-ci a annulé luimême le jugement du 6 mars 1958. En outre,
elle demande, à titre principal, que la banque soit condamnée à lui
payer 18 000 fr. par année tant que ces versements seront couverts par
les titres que Dupré a déposés; elle conclut subsidiairement au renvoi
de la cause à l'autorité cantonale.

    L'Union de banques suisses propose que le recours soit déclaré
irrecevable. A titre subsidiaire, elle conclut à son rejet.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Il est constant que l'arrêt attaqué n'est pas une décision finale
selon l'art. 48 OJ. Dame Dupré prétend cependant que son recours est
recevable en vertu de l'art. 50 al. 1 OJ.

    a) Pour qu'un recours en réforme dirigé contre une décision
préjudicielle ou incidente soit recevable selon l'art. 50 OJ,
il faut d'abord qu'une décision finale puisse être ainsi provoquée
immédiatement. Or le Tribunal fédéral ne saurait statuer sur une question
de procédure cantonale ni sur un point que les premiers juges n'ont pas
tranché. L'art. 50 OJ ne s'applique par conséquent que s'ils ont rendu,
sur une question de fond, une décision préjudicielle ou incidente et que
le litige soit liquidé au cas où le Tribunal fédéral jugerait le point
en cause dans un sens différent (RO 81 II 398 consid. 2).

    Ces conditions ne sont pas remplies. En effet, la Cour de justice
de Genève, dans la mesure du moins où sa décision est attaquée, n'a pas
statué définitivement sur une question de fond. Elle a simplement rendu
une décision de procédure, prise en vertu du droit cantonal. Du reste,
elle a expressément réservé le fond. Il est vrai qu'elle s'est prononcée
sur diverses questions de fond dans ses motifs, mais cela importe peu,
car ces derniers ne participent pas à l'autorité de la chose jugée. Rien
n'empêcherait donc la Cour de justice de revenir, par la suite, sur
l'argumentation qu'elle a exposée dans ses motifs ni même de statuer dans
le même sens que le Tribunal de première instance.

    b) D'autre part, le recours en réforme n'est recevable en vertu de
l'art. 50 OJ que si son admission permet d'éviter une procédure probatoire
dont la durée et les frais seraient considérables. Sur ce point encore,
les conditions requises ne sont pas remplies. En effet, la Cour de justice
n'avait nullement l'intention d'ordonner, après sa décision du 30 septembre
1958, une procédure probatoire importante. Elle voulait simplement
attendre que les tribunaux français se fussent prononcés sur la validité
de la convention du 2 avril 1946. Sans doute ce procédé retardera-t-il le
cours de la procédure, mais, contrairement à ce qu'exige l'art. 50 OJ,
cette conséquence ne résulte pas d'une procédure probatoire. En outre,
il n'entraîne pas de frais importants.

    Dès lors, dame Dupré prétend à tort que son recours est recevable en
vertu de l'art. 50 OJ.

Erwägung 2

    2.- La recourante invoque également l'art. 49 OJ. Elle allègue
que les juges cantonaux se sont déclarés incompétents pour connaître
de la validité du contrat du 2 avril 1946 et qu'ils ont ainsi violé la
convention francosuisse sur la compétence judiciaire et l'exécution des
jugements du 15 juin 1869.

    Cependant, l'art. 49 OJ suppose que l'autorité cantonale ait, par une
décision préjudicielle ou incidente, jugé expressément ou implicitement une
question de compétence relevant du droit fédéral. Or la Cour de justice
n'a rien fait de tel. Dans la mesure où son arrêt du 30 septembre 1958
est attaqué, elle a simplement suspendu le procès et réservé le fond;
il s'agit là d'une décision procédurale, qui ressortit au droit cantonal.

    Il est exact que la juridiction genevoise paraît s'être considérée
comme incompétente pour statuer sur la validité de la convention du 2 avril
1946 et semble avoir l'intention de se fonder purement et simplement sur la
décision qui sera prise par les tribunaux français. Toutefois ce point du
différend ne devait être jugé qu'à titre préjudiciel. Or, en principe, les
règles sur la compétence ne concernent pas les questions préjudicielles,
qui peuvent toujours être tranchées par l'autorité saisie de l'ensemble
du litige (cf. LEUCH, Die Prozessordnung für den Kanton Bern, 3e éd.,
ad art. 1er, rem. 1). Le recours en réforme n'est donc recevable selon
l'art. 49 OJ que si c'est la compétence pour connaître de la prétention
elle-même qui est en cause. Pour l'instant, du moins, cette condition
n'est pas remplie en l'espèce. Ainsi, le Tribunal fédéral doit écarter
le recours de dame Dupré sans en examiner le mérite.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Déclare le recours irrecevable.