Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 II 375



83 II 375

51. Arrêt de la IIe Cour civile du 19 septembre 1957 dans la cause Perrin
contre Vitra

SA Regeste

    Verantwortlichkeit des Grundeigentümers. Art. 679 ZGB.

    1.  Art. 679 ZGB schützt nicht nur den Eigentümer eines
Nachbargrundstücks, sondern auch jedermann, der dieses Grundstück kraft
eines beschränkten dinglichen oder eines persönlichen Rechtes besitzt,
namentlich einen Mieter oder Pächter (Erw. 1).

    2.  Soweit die Voraussetzungen des Art. 679 ZGB zutreffen, haftet
der Eigentümer für einen Schaden, der durch die Art der Ausführung von
Bauarbeiten durch den von ihm beauftragten Unternehmer entsteht (Erw. 2).

    3.  Der für bauliche Arbeiten an einem Grundstück benützte
öffentliche Boden ist, soweit er zu deren Ausführung dient, als Teil des
Baugrundstückes zu betrachten (Erw. 2).

    4.  Die zur Ausführung solcher Arbeiten technisch notwendigen
Werkplatzanlagen können Ursache einer Schädigung der Nachbarn sein,
und ihre Aufstellung kann sich als Überschreitung des Eigentumsrechtes
erweisen (Erw. 3).

    5.  Die sich aus baulichen Vorrichtungen auf einem Grundstück für
die Nachbarn ergebenden Unzukömmlichkeiten dürfen gewisse Grenzen nicht
überschreiten, die der Richter unter Berücksichtigung der gesamten Umstände
und Abwägung der beidseitigen Interessen zu bestimmen hat (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Marcel Righi est propriétaire d'un immeuble situé à la place de
la Fusterie, à Genève. Il loue un magasin à Oscar Perrin, qui exploite un
commerce de tabac, cigares et cigarettes. Le bâtiment contigu appartient
à la société immobilière Vitra SA Une allée publique reliant la place
de la Fusterie au passage Malbuisson est aménagée au rez-de-chaussée de
l'immeuble de cette société.

    En été 1953, Vitra SA a fait procéder à la réfection de son bâtiment.
L'entrepreneur de Garini, qu'elle avait chargé de cette transformation,
obtint du Département des travaux publics du canton de Genève, le
14 juillet 1953, l'autorisation d'occuper le domaine public pendant
les réparations. Au début d'août 1953, il dressa contre la façade de
l'immeuble de Vitra SA un échafaudage qui reposait sur le trottoir et
se trouvait en partie devant l'entrée du passage allant de la Fusterie à
Malbuisson. Il installa également contre le bâtiment appartenant à Righi,
au-dessus du magasin de Perrin, un auvent de planches destiné à en protéger
la marquise et à empêcher les chutes de matériaux sur les piétons. Cet
auvent cachait l'enseigne du commerce de Perrin et rendait impossible
l'usage de la tente. Un chantier fut ouvert sur le bord du trottoir et la
chaussée devant l'échafaudage et jusque devant le magasin de Perrin. Une
bétonnière et un élévateur y étaient installés. Une paroi de planches,
haute de 2 m au début des travaux et ramené à 1 m 40 à la fin de septembre,
fut posée en travers du trottoir devant l'entrée de l'allée publique
et jusque devant le magasin de Perrin; elle avait pour but de clore le
chantier de ce côté et de protéger les piétons qui passaient de l'allée
publique au trottoir devant le magasin de Perrin, ou vice versa. Les
échafaudages et barrières furent enlevés le 10 ou le 11 mars 1954.

    Le 20 août 1953, Perrin se plaignit auprès de Vitra SA de ce que
la palissade placée devant son magasin le cachait presque entièrement.
Prétendant que son chiffre d'affaires avait beaucoup baissé, il réclama une
indemnité de 50 fr. par jour. Il revint à la charge le 5 septembre 1953,
mais n'obtint aucune réponse. De son côté, Righi protesta, par lettres
des 4 et 21 septembre 1953, contre la façon dont les échafaudages et les
barrières avaient été établis et contre la lenteur des travaux.

    Par exploit déposé le 21 septembre 1953, Perrin a ouvert action
contre Vitra SA et conclu à ce qu'elle fût condamnée à lui payer 8000
fr. avec intérêt à 5% dès le 15 août 1953 et une indemnité judiciaire
de 800 fr. Il a allégué que l'échafaudage avait été appuyé sans droit
contre le bâtiment de Righi, qu'il constituait un écran et une barricade
interdisant pratiquement l'entrée de son magasin, que la paroi de planches
donnait l'impression aux passants que l'allée reliant Malbuisson à la
Fusterie était fermée, et qu'enfin les travaux auraient pu être exécutés
plus rapidement. Il aurait préféré, disait-il en outre, que sa marquise
et ses vitrines courussent le risque d'être brisées, plutôt qu'elles
fussent protégées d'une façon qui cachait la vue de son commerce. Il a
produit des décomptes pour démontrer que son chiffre d'affaires aurait
été, pendant les mois d'août 1953 à février 1954, de 23 400 fr. inférieur
à celui de la période correspondante de l'année précédente. Il a indiqué
que sa marge de bénéfice était de 30%. Il a invoqué les art. 679, 684,
685, 928 CC, 41, 55, 58 et 59 CO.

    La défenderesse a conclu à libération. Elle a contesté toute faute et
tout excès dans l'exercice de ses droits, et fait valoir que le trouble
subi par Perrin était insignifiant. Elle a soutenu que les art. 679 et 928
CC n'étaient pas applicables, en particulier parce que les échafaudages
étaient établis sur le domaine public et non sur son immeuble.

    Par jugement du 2 juin 1955, le Tribunal de première mstance de
Genève a rejeté l'action de Perrin. Il a considéré que l'art. 679 CC
s'appliquait en l'espèce, mais n'a pas admis que Vitra SA aurait excédé
son droit de propriété.

    B.- Saisie d'un appel formé par Perrin, la Ire Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement, le 29 mars
1957. Elle a estimé que Vitra possédait la qualité pour défendre et que
l'art. 679 CC était applicable. Elle a chargé des experts d'examiner si,
eu égard aux travaux effectués, les échafaudages, les palissades, l'auvent
et le chantier étaient nécessaires et si ces installations auraient pu
être conçues différemment de façon à causer moins de gêne aux voisins
et notamment à Perrin, de comparer, le cas échéant, les inconvénients
réellement subis par le demandeur à ceux que lui auraient occasionnés
des installations mieux comprises, et de dire si les travaux avaient
été inutilement traînés en longueur. Vu le rapport des experts et leurs
explications orales lors de leur comparution personnelle, elle a estimé
que la prétention de Perrin n'était pas fondée.

    C.- Contre cet arrêt, Perrin a recouru en réforme au Tribunal fédéral,
concluant principalement à l'allocation de 8000 fr. avec intérêt à 5%
dès le 15.août 1953 et d'une indemnité de 800 fr. à titre de participation
aux honoraires de son avocat, et subsidiairement au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour qu'elle fixe le montant des dommages-intérêts
et fasse administrer les preuves offertes devant elle.

    L'intimée conclut au rejet du recours et à la confirmation de la
décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon la jurisprudence (RO 59 II 136/137, 73 II 154, 75 II 120,
79 I 204), les droits découlant de l'art. 679 CC n'appartiennent pas au
seul propriétaire d'un fonds voisin mais à quiconque est atteint ou menacé
d'un dommage parce qu'un propriétaire excède son droit. Celui qui a la
possession d'un immeuble en vertu d'un droit réel limité ou d'un droit
personnel, en particulier un locataire ou un fermier, peut revendiquer la
protection accordée à la propriété foncière par l'art. 679 CC (RO 59 II
136/137, 75 II 120). En l'espèce, le recourant, qui est locataire d'un
magasin dans le bâtiment appartenant à Righi et qui prétend avoir subi
un dommage du fait que Vitra SA aurait excédé son droit de propriété,
a dès lors la qualité pour agir selon l'art. 679 CC.

Erwägung 2

    2.- Le propriétaire foncier a qualité pour défendre à une action
fondée sur l'art. 679 CC non seulement lorsqu'il cause lui-même le
dommage, mais également quand celuici est le fait d'une autre personne
qui utilise directement l'immeuble et qui y est autorisée, en vertu soit
du droit privé soit du droit public. Le Tribunal fédéral a jugé que le
propriétaire peut être recherché selon l'art. 679 CC pour le fait de son
locataire ou de son fermier (RO 44 II 36) et que la corporation publique
qui est propriétaire d'un égout peut être actionnée à raison du dommage
causé par les eaux usées des entreprises reliées, avec son autorisation,
à sa canalisation (RO 75 II 121, 76 II 132/133). Dans le sens de cette
jurisprudence, on doit admettre de même que le propriétaire répond du
dommage provoqué par la façon dont l'entrepreneur, chargé de la réfection
d'un bâtiment, exécute les travaux, en tant que les conditions prévues
par l'art. 679 CC sont réunies. L'entrepreneur est, en ce cas, autorisé
à utiliser directement l'immeuble et, dans la mesure où l'usage qu'il en
fait constitue un excès dommageable, l'action de l'art. 679 CC peut être
exercée contre le propriétaire, sans préjudice des droits que le lésé
peut faire valoir contre l'entrepreneur lui-même en vertu de l'art. 928
CC ou de l'art. 41 CO.

    L'intimée conteste avoir la qualité pour défendre parce que seules les
installations du chantier établies sur la voie publique peuvent être la
cause du dommage dont se plaint le recourant. A son avis, l'action fondée
sur l'art. 679 CC ne peut dès lors être dirigée que contre le propriétaire
de cette voie publique, à savoir le canton de Genève. La Cour cantonale
a rejeté avec raison cette argumentation. Elle a considéré à juste titre
que, si les échafaudages, le chantier, la paroi de planches et l'auvent
ne se trouvaient pas à proprement parler sur le fonds de Vitra SA et
reposaient sur la voie publique ou la dominaient, ils étaient cependant
"établis en fonction directe des travaux" qui étaient effectués au bâtiment
de l'intimée et qui ne pouvaient être exécutés sans emprunter le domaine
public. Ainsi qu'elle le relève, ces installations étaient rattachées au
fonds de Vitra SA Lorsqu'une voie publique est utilisée pour des travaux
faits à l'immeuble, en vertu d'une autorisation officielle accordée
par l'autorité compétente à l'entrepreneur qui en est chargé, elle doit
être considérée, en tant qu'elle sert à leur exécution, comme faisant
partie de cet immeuble. Il en est ainsi du trottoir et de la route sur
lesquels se trouvaient les installations établies pour la réfection du
bâtiment de Vitra SA Dans le même sens, le Tribunal fédéral a jugé (RO 59
II 176, 79 II 78) que pour déterminer, du point de vue de l'art. 58 CO,
l'étendue d'un ouvrage, c'est-à-dire les choses et installations qu'il
comprend, il faut en considérer la destination, et a admis qu'un ouvrage
peut comprendre des parties qui sont la propriété de tiers. En l'espèce,
l'intimée peut dès lors être recherchée en vertu de l'art. 679 CC, dans
la mesure où elle a excédé son droit de propriété, alors même que les
installations qui ont causé le dommage reposaient sur le domaine public.

Erwägung 3

    3.- Les experts désignés par l'autorité cantonale ont notamment admis
que, eu égard aux travaux effectués à l'immeuble de la défenderesse,
les échafaudages, la palissade et l'auvent étaient nécessaires,
mais que celui-ci "aurait pu être établi au-dessus de la marquise,
ce qui aurait évité de poser le panneau vertical cachant l'enseigne du
magasin". Ils ont déclaré en outre que la durée des travaux n'était pas
exagérée. La Cour de justice genevoise a estimé que, d'après le rapport
et les explications des experts, seule la façon dont l'auvent avait été
placé pouvait être retenue à la charge de Vitra SA, et considéré que le
"fait que l'inscription Laurens était plus ou moins cachée" ne pouvait
avoir causé un dommage à Perrin. Elle a cependant perdu de vue que les
installations d'un chantier peuvent être la source d'un dommage pour les
voisins et que leur établissement peut constituer un excès du droit de
propriété, même si elles sont techniquement nécessaires pour exécuter
des travaux à un bâtiment. Il s'agit là d'une question de droit que le
juge doit examiner en tenant compte de l'ensemble des circonstances.

    En l'espèce, il est constant que l'entrepreneur a porté atteinte
aux droits du propriétaire voisin et du recourant en installant contre
l'immeuble de Righi un auvent qui était fixé sur la marquise de béton,
masquait l'enseigne du magasin et rendait impossible l'usage de la
tente. L'intimée répond de cette violation des droits des voisins,
car elle a été commise par l'entrepreneur qui utilisait directement son
fonds avec son autorisation. La Cour cantonale déclare qu'elle ignore
si c'est à la demande de Perrin que l'auvent a été placé de cette façon
pour assurer de l'ombre à sa vitrine, vu que les perches de l'échafaudage
l'empêchaient de se servir de la tente. Les pièces du dossier ne permettent
cependant nullement d'admettre même l'éventualité d'un accord de Perrin
à ce sujet. Il en ressort au contraire que le recourant a formulé des
réclamations auprès de l'architecte Braillard, chargé de la conduite
des travaux effectués par Vitra SA, et qu'au cours de l'échange de
correspondance qui a suivi, il a continué à protester contre la manière
dont les installations avaient été faites. On se trouve dès lors, sur ce
point, en présence d'une inadvertance manifeste qui doit être rectifiée
d'office conformément à l'art. 63 al. 2 OJ.

    L'auvent, qui masquait l'enseigne "Laurens" et qui, selon les
constatations des experts reprises par la Cour cantonale, aurait pu
être placé autrement de façon à la laisser visible, n'est pas la seule
installation qui était de nature à nuire au commerce du recourant. Durant
près de huit mois un chantier, comprenant notamment une bétonnière et un
élévateur, une paroi de planches hautes tout d'abord de 2 m puis de 1 m
40 et des barrières furent établis jusque devant le magasin de Perrin,
qui était ainsi caché. En portant de la sorte atteinte aux droits du
demandeur, Vitra SA a incontestablement excédé son droit de propriété,
alors même que ces installations pouvaient être exigées du point de vue
technique par les travaux effectués. Certes, comme l'admet avec raison
l'autorité cantonale, il y a des inconvénients résultant des constructions
entreprises sur un fonds qui doivent être supportés par les voisins (cf. en
ce sens KOLB, Die Haftung des Grundeigenümers, Revue de droit suisse 1952,
p. 145 a). Toutefois, ces inconvénients ne sauraient dépasser certaines
limites qu'il appartient au juge de tracer en tenant compte, dans chaque
cas, de l'ensemble des circonstances et en mettant en balance les intérêts
en présence (cf., en ce qui concerne l'art. 684 CC, RO 79 I 205/206; pour
le domaine d'application des art. 685 et 686 CC, HAAB, note 16 p. 455).
En l'espèce, on doit admettre que l'atteinte portée aux intérêts de
Perrin, dont le commerce a été pendant de longs mois caché et entouré
d'installations qui en détournaient le public, dépasse manifestement ce
qu'il peut être tenu de supporter. Il s'ensuit que Vitra SA a l'obligation
de réparer le dommage causé au recourant dans la mesure où, par les travaux
exécutés à son immeuble, elle a outrepassé les limites des inconvénients
qu'elle pouvait faire subir d'une manière licite à ses voisms.

Erwägung 4

    4.- Estimant que la responsabilité de Vitra SA n'était pas engagée,
la Cour cantonale ne s'est pas prononcée sur la question du dommage. La
cause doit dès lors lui être renvoyée pour qu'elle statue sur ce point
en faisant application en particulier de l'art. 42 al. 2 CO.

Entscheid:

          Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

    Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est
renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le
sens des considérants.