Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 82 I 309



82 I 309

44. Arrêt du 16 novembre 1956 dans la cause Chambre suisse de l'horlogerie
contre Tenor SA Regeste

    Art. 11 Abs.2UB: Legitimation der Schweizerischen Uhrenkammer zur
Verwaltungsgerichtsbeschwerde.

    Art. 4 Abs. 1 lit. b UB: Können in einem Falle, wo die Voraussetzungen
für die Bewilligung einer Betriebsumgestaltung nach lit. b erfüllt
sind, dem Gesuchsteller wesentliche Interessen der Uhrenindustrie
entgegengehalten werden?

Sachverhalt

    A.- Tenor SA fabrique des montres Roskopf et genre Roskopf. R. Choffat
en est le seul conseiller d'administration; toutes les actions
appartiennent soit à lui-même, soit aux membres de sa famille. Le 4 mai
1953, Tenor SA a acquis de Cervinka la licence pour la fabrication d'un
dispositif de remontage automatique inventé par lui et breveté. Elle
s'engagea à n'employer que ce dispositif pour les montres fabriquées par
elle. Choffat demanda alors au Département fédéral de l'économie publique
(en abrégé: le Département) l'autorisation d'adjoindre à son entreprise
une nouvelle activité: la fabrication du dispositif; par la suite, il
modifia sa requête en ce sens qu'il demandait que l'autorisation lui soit
accordée à lui-même. Le 20 juillet 1954, le Département fit droit à la
requête, considérant que, comme actionnaire principal et membre unique
du conseil d'administration de Tenor SA, Choffat exploitait déjà une
entreprise de l'industrie horlogère, que les dispositions relatives à la
transformation des entreprises étaient dès lors applicables en l'espèce,
bien que l'autorisation lui soit accordée personnellement; que cette
autorisation était du reste limitée à la fabrication du dispositif de
remontage pour les montres fabriquées par Tenor SA; qu'en outre, elle
était personnelle et intransmissible, sauf autorisation du Département.

    Par la suite, des difficultés s'élevèrent entre l'inventeur et Tenor
SA, du fait notamment que le contrat de licence avait pour titulaire
cette société, tandis que l'autorisation du Département était au nom de
Choffat. Le Département demanda que la situation soit clarifiée et Choffat
requit l'inscription de Tenor SA en son lieu et place comme titulaire
de l'autorisation.

    Le 19 juillet 1956, le Département admit cette requête, en bref par
les motifs suivants:

    Les raisons qui ont justifié l'autorisation accordée à Choffat valent
manifestement aussi pour Tenor SA Elle est titulaire de la licence, de
sorte que c'est à elle que l'autorisation doit être accordée. On objecte
qu'il serait incompatible avec les intérêts importants de l'industrie
horlogère d'autoriser un établisseur à fabriquer une partie de l'ébauche.
Mais le principe selon lequel chaque entrepreneur doit rester dans sa
branche ne saurait être invoqué ici, car le statut horloger y a précisément
fait une exception dans le cas de la mise en oeuvre d'une invention
(art. 4 al. 1 lit. b). L'autorisation est limitée à la fabrication du
dispositif de remontage selon la licence pour les montres fabriquées par
la requérante; elle deviendrait donc caduque si Tenor SA perdait le droit
de fabrication que lui confère la licence.

    B.- A la demande de l'Association d'industriels suisses de la montre
Roskopf, la Chambre suisse de l'horlogerie a formé un recours de droit
administratif. Elle conclut à l'annulation de la décision du 19 juillet
1956 et argumente en résumé comme il suit:

    Tenor SA est un établisseur de la branche Roskopf. Selon un usage déjà
ancien, qui, pour la branche des montres à ancre, est consigné à l'art. 4
ch. 14 de la convention collective, on considère comme un établisseur
le fabricant d'horlogerie qui achète toutes les ébauches nécessaires à
sa fabrication. Cette définition s'applique aussi à la fabrication des
montres Roskopf. Le dispositif de remontage est une partie de l'ébauche
des montres automatiques. L'autorisation de fabriquer ce dispositif,
accordée à Tenor SA, constitue donc une entorse à cet usage et à la règle
conventionnelle. Tenor SA pourrait aussi tirer parti de l'invention en
faisant fabriquer le dispositif par une fabrique d'ébauches. Le Département
a créé un précédent fâcheux. On peut craindre que tous les établisseurs
qui réalisent ou achètent une telle invention ne veuillent fabriquer les
pièces brevetées et que le Département ne puisse s'y opposer en raison
de la décision prise en faveur de Tenor SA C'est pourquoi, il y a lieu
d'annuler cette décision en vertu du préambule à l'art. 4 al. 1 AIH.

    C.- Tenor SA et le Département concluent tous deux au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 11 al. 2 AIH, ont qualité pour recourir contre les
décisions du Département sur les demandes d'autorisation, non seulement
le requérant lui-même, mais encore la Chambre suisse de l'horlogerie. Le
droit de recours accordé à cet organisme doit lui permettre de défendre les
intérêts de l'industrie horlogère dans son ensemble et aussi de chacune de
ses branches, intérêts que le préambule à l'art. 4 al. 1 vise en termes
exprès, mais que les entrepreneurs et leurs associations des diverses
branches n'ont pas qualité pour représenter. Il s'agit, en l'espèce, d'un
recours formé à la demande d'une association d'entrepreneurs appartenant
à une branche, qui s'estiment lésés par la décision attaquée.

Erwägung 2

    2.- Tenor SA a demandé que soit transcrite à son nom l'autorisation
accordée à Choffat, le 20 juillet 1954. Cette autorisation avait été
accordée expressément à titre personnel; elle ne pouvait donc être
transmise à moins que le Département n'y consente. C'est pourquoi ce
consentement est aussi nécessaire pour la transmission à Tenor SA Ce
dernier acte emporte la transformation de l'entreprise car, du point
de vue juridique et formel, Tenor n'a pas jusqu'ici fabriqué elle-même
son dispositif de remontage; en le faisant, elle s'adjoint une nouvelle
branche de fabrication.

    En réalité, du reste, rien ne sera changé à l'exploitation telle
qu'elle existe actuellement. Car la fabrication des montres Tenor et celle
des dispositifs de remontage automatique exécutée sous le nom de Choffat
lui-même forment aujourd'hui déjà une unité effective. L'autorisation
du 20 juillet 1954 l'admettait déjà puisqu'elle a expressément déclaré
applicables les dispositions qui règlent la transformation d'une
entreprise. Effectivement, c'est par suite de cette autorisation que la
nouvelle branche de production a été ajoutée à la fabrique. La séparation
était purement formelle et ne correspondait à la situation ni du point
de vue des faits, ni du point de vue du droit. Car la licence qui permet
l'exploitation de la nouvelle branche n'appartient pas à Choffat, titulaire
de l'autorisation, mais à Tenor SA Des difficultés se sont nécessairement
ensuivies; pour les surmonter, le Département a fini, dans la décision
attaquée, par mettre l'autorisation en accord avec la situation de fait. On
ne voit pas dès lors pourquoi la Chambre suisse de l'horlogerie recourt
aujourd'hui contre la transmission purement formelle de l'autorisation
à Tenor SA, alors qu'elle n'a pas agi contre l'autorisation elle-même,
accordée en 1954. Si le préambule au 1er alinéa de l'art. 4 AIH empêchait
effectivement d'accorder à un établisseur l'autorisation de fabriquer une
partie de l'ébauche, c'est alors qu'elle aurait dû en faire état, à savoir
au moment où le Département a admis la transformation par l'adjonction à
l'entreprise d'établissage de la fabrication des dispositifs de remontage
automatique.

Erwägung 3

    3.- Cet argument, du reste, le seul dont le recours fasse état,
n'est pas fondé. Il repose sur le principe de la division de l'industrie
horlogère en branches distinctes, qui est inscrit dans l'arrêté fédéral
du 22 juin 1951 en ce sens que cet arrêté soumet à une autorisation la
transformation d'une entreprise horlogère - c'est-à-dire le passage d'une
branche à une autre ou l'adjonction d'une branche de fabrication à une
autre (art. 4 al. 1 lit. b et c, al. 2 lit. a et art. 3 al. 2 AIH). Sans
doute cet arrêté ne prescrit-il nulle part d'une façon expresse qu'un
établisseur n'a pas le droit de fabriquer des ébauches; mais cette règle
résulte de la définition même de l'établisseur, reçue selon un usage
incontesté et formulée conformément à cet usage au ch. 14 de l'art. 4 de
la convention collective de l'industrie horlogère suisse: l'établisseur
est un fabricant d'horlogerie qui achète toutes les ébauches nécessaires à
sa fabrication. Si donc un établisseur fabrique, ne fût-ce que certaines
des pièces de l'ébauche, il empiète sur une branche qui n'est pas la
sienne. Mais un tel empiétement par adjonction d'une branche de fabrication
à une autre n'est pas absolument interdit. Comme transformation d'une
entreprise, il est soumis à une autorisation. Celle-ci devra être accordée,
selon l'art. 4 al. 1 lit. b AIH lorsque le requérant veut exploiter une
invention brevetée, un nouveau procédé de fabrication ou une amélioration
technique, s'il en résulte un progrès sensible pour l'industrie horlogère.

    En l'espèce, la Chambre suisse de l'horlogerie - et c'est à juste
titre - ne conteste pas que cette condition soit remplie. Dans la
procédure qui a abouti à l'autorisation du 20 juillet 1954, deux experts
ont affirmé qu'elle l'était et le Département a suivi leur avis. La
recourante invoque uniquement la réserve contenue dans le préambule à
l'al. 1 de l'art. 4 AIH et allègue que l'empiétement des établisseurs
sur la fabrication des ébauches léserait d'importants intérêts de
l'industrie horlogère dans son ensemble ou tout au moins de l'ensemble des
fabricants d'ébauches. Mais étant donné que l'art. 4 al. 1 lit. b AIH,
sous les conditions qu'il formule, prévoit expressément l'autorisation
non seulement pour l'ouverture, mais encore pour la transformation des
entreprises, il faut admettre que, dans les cas visés, le législateur n'a
pas considéré l'empiétement d'une branche sur une autre comme contraire
en principe aux intérêts importants de l'industrie horlogère ou d'une
de ses branches. En effet, on ne saurait guère admettre que ces intérêts
puissent être lésés lorsque la transformation apporte un progrès sensible
(RO 79 I 90; arrêts du 15 juillet 1955 en la cause Kunz et du 2 novembre
1956 en la cause Zurbrügg, non publiés). En vue de la réalisation d'un
tel progrès par l'exploitation d'une invention, l'arrêté du 22 juin 1951
accorde le droit d'empiéter sur une autre branche. C'est là un des cas
dans lesquels l'art. 4 al. 1 lit. b AIH fait exception au principe de la
séparation des branches.

    C'est sans droit que la recourante voudrait renvoyer Tenor SA à
exploiter le brevet en cédant une licence à une fabrique d'ébauches. Cela
ne serait pas praticable, en l'espèce, puisque la licence n'appartient
qu'à Tenor SA De plus, cette entreprise a droit, de par la disposition
légale précitée, à exploiter sa licence elle-même. Tout établisseur
a le même droit s'il remplit les conditions de l'art. 4 al. 1 lit. b
AIH et demande à entreprendre luimême la fabrication. Le précédent que
craint la recourante est absolument conforme à la volonté du législateur,
clairement formulée dans l'arrêté applicable.

    On peut d'autant moins, en l'espèce, admettre la lésion d'importants
intérêts de la branche des ébauches que l'autorisation accordée à Tenor
SA est limitée à la fabrication des dispositifs de remontage automatique
pour les montres que cette maison produit elle-même. Tenor SA ne fera donc
pas de concurrence aux fabricants d'ébauches auprès d'autres établisseurs.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.