Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 82 I 11



82 I 11

2. Arrêt du 4 mai 1956 dans la cause Fondation de famille
F. c. Administration genevoise de l'impôt pour la défense nationale.
Regeste

    Art. 118WStB.Voraussetzungen der Sicherstellung:

    -  Bestand der Steuerschuld; Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts
(Erw. 1).

    - Mangel eines Wohnsitzes in der Schweiz? Fall der von einem Ausländer
gegründeten Stiftung zugunsten von Ausländern, die alle ausser der Schweiz
wohnen (Erw. 2).

    - Verhalten des Steuerpflichtigen, durch das die Steuerschuld als
gefährdet erscheint? (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- La fondation de famille F. (en abrégé: la Fondation) a été créée
à Genève, le 2 mars 1950, conformément aux art. 80 ss. CC. Elle n'est
ni soumise au contrôle de l'autorité de surveillance (art. 87 al. 1 CC),
ni inscrite au registre du commerce (art. 52 al. 2 CC).

    Considérant qu'il n'avait appris l'existence de cette personne morale
qu'au mois de novembre 1955 et que le gérant ne pouvait avoir ignoré
qu'elle était en principe assujettie à l'impôt pour la défense nationale,
le fisc genevois ouvrit la procédure prévue en cas de soustraction d'impôt;
il taxa la contribuable pour les 5e, 6e, 7e et 8e périodes et la condamna
à une amende. La somme totale réclamée se montait à 18 107 fr. 10. La
contribuable recourut contre cette décision devant la Commission genevoise
de recours.

    Le 28 février 1956 l'Administration genevoise de l'impôt pour la
défense nationale a ordonné à la Fondation, en vertu des art. 118 et 119
AIN, de fournir des sûretés pour 17 748 fr. "en garantie de l'impôt pour
la défense nationale dû ... pour les années fiscales 1950 à 1956".

    B.- Le 29 février 1956, la Fondation recourut contre la demande de
sûretés en alléguant qu'elle n'avait ni soustrait, ni voulu soustraire
aucun impôt effectivement dû, que, du reste, au début de la 6e période de
l'impôt pour la défense nationale, elle s'était mise en rapport avec le
fisc en produisant l'acte de fondation et l'état des engagements; qu'on
lui avait alors affirmé qu'elle n'était pas imposable. Avec son recours,
elle produisit ses bilans et comptes de pertes et profits pour les années
1950 à 1955. Au passif figurent uniquement, outre le capital de 10 000
fr. et le solde du compte de pertes et profits, deux dettes, l'une en
francs suisses, l'autre en dollars des Etats-Unis d'Amérique et qui ont
passé de 488 154 fr. 90 en 1950 à 665 772 fr. 85 en 1955. La recourante
allègue que le titulaire de ces créances serait un étranger domicilié à
l'étranger; elle ne le nomme pas mais offre de produire, pour prouver sa
véracité sur ce point, un certificat émanant d'une société fiduciaire.
L'actif est constitué essentiellement par des titres, des comptes en
banque et un dépôt d'or peu important.

    C.- L'Administration genevoise de l'impôt pour la défense nationale
estime que la décision entreprise est en tous points justifiée. Son
argumentation se résume comme il suit:

    La Fondation a été créée par des personnes de nationalité étrangère
domiciliées à l'étranger et en leur faveur. Elle ne pouvait cependant
ignorer ses obligations fiscales, étant domiciliée à la Société
de banque suisse, à Genève, et gérée par un ancien directeur de cet
établissement. Elle n'a jamais soumis la question au fisc genevois. Au
cours de la procédure, elle n'a jamais fait mention d'un créancier
étranger, ni d'intérêts payés; les bilans et comptes de pertes et profits
n'ont pas été produits. En l'espèce, les droits du fisc sont menacés, au
sens de l'art. 118 AIN, directement et indirectement. La recourante, tout
d'abord, s'est soustraite à l'impôt. En outre, son inscription au registre
du commerce n'étant pas nécessaire, elle peut disparaître immédiatement;
une simple décision du conseil peut entraîner la disparition de tous les
actifs. Or, précisément, son attitude semble insolite. Elle n'a jamais
mentionné sa créance étrangère dans ses déclarations, ni dans les relevés
bancaires qui lui ont été demandés sur le vu de ses déclarations. Elle n'a
produit ses bilans et ses comptes de pertes et profits qu'à l'occasion
du recours qu'elle a formé, devant la Commission genevoise, contre les
taxations et amendes prononcées par l'administration.

    L'Administration fédérale des contributions conclut au rejet du
recours et argumente dans le même sens:

    On peut admettre que ce sont des préoccupations d'ordre fiscal qui
ont déterminé la forme juridique et le domicile, à première vue insolite,
d'une institution qui ne semble pas avoir de liens particuliers avec la
Suisse. Du fait que la Fondation peut disparaître sans éveiller l'attention
du fisc, on se trouve pratiquement dans une situation identique à celle du
contribuable qui n'a pas de domicile en Suisse. En outre, les agissements
de la recourante paraissent menacer les droits du fisc, comme l'a montré
l'administration cantonale: la Fondation a refusé d'indiquer le nom d'un
créancier; elle ne peut y suppléer en produisant une attestation d'une
société fiduciaire; en outre elle a négligé sciemment de déposer les
déclarations, comme elle aurait dû le faire, et s'est rendue coupable de
soustraction d'impôt.

    D.- Dans sa réplique, la recourante persiste à conclure à l'admission
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1. - Selon l'art. 118 AIN, l'administration cantonale de l'impôt
pour la défense nationale peut exiger des sûretés en tout temps, même
avant la fixation définitive du montant de l'impôt, si le contribuable
n'a pas de domicile en Suisse ou si ses agissements paraissent menacer
les droits du fisc.

    Pour que des sûretés puissent être exigées, il faut tout d'abord que
celui auquel on les réclame soit personnellement contribuable et que la
dette fiscale alléguée par l'administration existe effectivement. Dans
la présente espèce, les montants réclamés par le fisc ne sont pas
encore fixés définitivement; la taxation a eu lieu, mais un recours est
encore pendant. Toutefois, la loi permettant de réclamer les sûretés
"même avant la fixation définitive du montant de l'impôt", le Tribunal
doit examiner néanmoins si la dette fiscale existe, mais il ne peut
le faire que préjudiciellement, c'est-à-dire sans préjuger la décision
que l'autorité compétente prendra ultérieurement; son examen, en outre,
ne sera que prima facie (RO 81 I 152, consid. 2).

    La Fondation, tout d'abord, est assujettie à l'impôt en tant que
personne morale (art. 51 al. 1 lit. a AIN). Mais elle conteste devoir un
impôt, sa fortune propre, abstraction faite de ses dettes, et son revenu
brut, après déduction des frais et des intérêts de ses dettes, n'atteignant
pas les montants imposables. Dans la procédure de taxation, toutefois,
elle a refusé d'indiquer le nom de son créancier, se contentant de dire
qu'il s'agissait d'un étranger domicilié à l'étranger. Elle a sans doute
proposé de produire, à titre de preuve sur ce point, un certificat d'une
société fiduciaire, mais, comme l'objecte à bon droit l'Administration
fédérale des contributions, un tel certificat n'a aucune valeur probante
légale; de plus, le Tribunal fédéral a dit que le contribuable qui fait
état de dettes et d'intérêts passifs dans sa déclaration doit fournir au
fisc tous documents propres à en établir l'existence et en particulier
indiquer le nom de ses créanciers (Archives de droit fiscal suisse, t. 23,
p. 176). Dans la procédure devant le Tribunal fédéral, la recourante n'a
pas non plus nommé les titulaires des créances inscrites au passif de
son bilan. Il s'agit donc là de créances anonymes, dont le principal ne
peut, à la vérité, être pris en considération dans le calcul du capital
imposable, ni dans celui du taux de l'imposition (art. 57 AIN), mais
dont les intérêts ne peuvent pas non plus être déduits dans le calcul
du bénéfice imposable (v. l'arrêt précité). En conséquence l'autorité
fiscale apparaît fondée, dans l'état actuel de la cause et sous réserve
de la procédure pendante devant la Commission de recours, à reprendre les
intérêts passifs des dettes de la recourante pour les ajouter au bénéfice.
L'argumentation de la recourante n'est pas admissible et l'existence de
la dette fiscale sur laquelle se fonde la demande de sûretés est établie
avec une vraisemblance suffisante.

    2. - Lorsque, comme en l'espèce, ce point est acquis, la loi autorise
l'administration à requérir des sûretés tout d'abord dans le cas où le
contribuable n'a point de domicile en Suisse.

    La recourante a son siège à Genève, de sorte que cette condition n'est
apparemment pas réalisée. Mais l'Administration fédérale des contributions
objecte que le cas est néanmoins assimilable à celui où le contribuable
n'a pas de domicile en Suisse, car, dit-elle, la Fondation a été créée
par des étrangers et en faveur d'étrangers, tous domiciliés hors de
Suisse; les fondateurs ont agi pour des motifs d'ordre fiscal et dans
des conditions qui permettent de faire disparaître très rapidement la
Fondation sans formalités et à l'insu du fisc.

    Alors même que la forme juridique adoptée servirait, en l'espèce, à des
fins économiques pour lesquelles elle n'a pas été créée, il n'en resterait
pas moins que la recourante a son domicile en Suisse. On ne peut en même
temps affirmer ce domicile pour créer l'assujettissement et le nier pour
exiger des sûretés, ni même refuser d'en tenir compte par une fiction. Ce
domicile, du reste, se traduit dans la réalité en ce sens que les biens
de la recourante se trouvent à Genève. Peu importe, du point de vue du
domicile, qu'ils puissent ou non être rapidement transférés à l'étranger.

    3. - L'autre cas où la loi autorise la réquisition de sûretés est
celui où les agissements du contribuable paraissent menacer les droits
du fisc. Il faut donc, tout d'abord, pour que l'on se trouve dans ce cas,
une menace sur les droits du fisc; il n'est pas nécessaire qu'ils soient
d'ores et déjà compromis. Il suffit, du reste, que cette menace soit rendue
vraisemblable. Mais il faut qu'elle soit une conséquence d'"agissements"
de la part du contribuable, c'est-à-dire d'actes précis qui risquent de le
soustraire luimême ou de soustraire ses biens à l'atteinte du fisc. Des
sûretés ne sauraient lui être réclamées par exemple du simple fait de
son impécuniosité. Peu importe, cependant, le mobile qui détermine le
contribuable dans ses agissements. Même si le contribuable n'a pas eu
l'intention de menacer les droits du fisc, dès lors que ses agissements
paraissent avoir cet effet, des sûretés pourront être requises (RO 64
I 286).

    L'administration voit des agissements qui paraissent menacer les droits
du fisc dans le fait que la recourante n'a pas déposé de déclarations
d'impôt (art. 82 AIN), et a entravé les enquêtes dans les procédures
relatives à sa taxation et à la soustraction d'impôt en refusant de nommer
son créancier et en ne produisant ni ses bilans ni ses comptes de pertes
et profits (art. 89 AIN). C'est à tort. L'omission ou même le refus de
déposer une déclaration et de fournir les renseignements requis complique
la procédure de taxation, mais ne compromet pas, en général, les droits
du fisc eux-mêmes. Aussi bien, le législateur a-t-il, dans ces cas, prévu
la sanction de l'amende (arrêt Stauffer, du 20 décembre 1946, Rev. dr.
adm. et fisc. 1947, p. 154 s.). Il arrivera sans doute que le contribuable
qui cherche à entraver la taxation tentera en même temps et par avance
d'éluder la perception de l'impôt. Les sûretés seront exigibles dans ce
cas, mais uniquement en raison de la menace qui pèse sur le recouvrement
de la créance. De ce qu'un contribuable cherche à entraver la taxation,
on ne saurait déduire, à défaut d'autres indices, qu'il s'efforce ou
s'efforcera, le cas échéant, de rendre la créance du fisc irrecouvrable.

    L'administration allègue aussi comme menaçant les droits du fisc
le fait que la Fondation pourrait disparaître immédiatement et sans
formalités, à l'insu du fisc. S'agissant d'une fondation de famille qui
est dispensée de l'inscription au registre du commerce (art. 52 al. 2 CC)
et n'est soumise au contrôle d'aucune autorité de surveillance (art. 87
CC), il est clair que la personne et son patrimoine peuvent disparaître
avec rapidité et sans que l'attention d'aucune autorité soit éveillée
(EGGER, Comm. ad art. 88 et 89 CC, n. 2). Une telle opération serait
d'autant plus praticable, dans la présente espèce, que l'actif se compose
de créances bancaires, de titres et d'un dépôt d'or, tous biens rapidement
réalisables. Mais il s'agit là de circonstances inhérentes à l'institution
elle-même ou qui, du moins, sont communes à un grand nombre de fondations
de famille. On ne saurait dire en particulier que la composition de
l'actif soit le résultat d'agissements qui mettent en danger la créance
du fisc. Le risque d'un transfert subit des biens à l'étranger existe
dans tous les cas où un patrimoine est constitué de la même façon. Cela
ne suffit pas à justifier une demande de sûretés selon l'art. 118 AIN.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours, annule la décision attaquée.