Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 82 II 148



82 II 148

21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 13 février 1956 dans la
cause Brandt contre la Fabrique de boîtes "La Centrale" SA Regeste

    Aktiengesellschaft.

    Statutenbestimmung, wonach der Verwaltungsrat für seine Tätigkeit
zu entschädigen ist. Kriterien für die Entscheidung darüber, ob die
zugesprochene Entschädigung eine verschleierte Tantième darstelle.
Überprüfungsbefugnis des Richters. Kann die Generalversammlung
geschenkweise Tantièmen zusprechen, selbst wenn die Ausrichtung solcher
in den Statuten nicht vorgesehen ist? (offen gelassen).

Sachverhalt

                  Résumé de l'état de fait:

    Les statuts de la Fabrique de boîtes "La Centrale" SA

    (ci-après: la société) disposent à leur art. 14 al. 3:

    "Le Conseil d'administration doit être rétribué pour son activité;
l'indemnité sera fixée par l'assemblée générale.

    Pour l'exercice 1953/54, le conseil d'administration proposa
aux actionnaires de fixer à 50 000 fr. la rétribution des quatre
administrateurs et de répartir un dividende de 12%. A l'assemblée générale
du 9 juillet 1954, l'actionnaire Louis César Brandt demanda que la
rétribution des administrateurs fût arrêtée à 10 000 fr. et le dividende à
16%, Mais c'est la proposition du conseil d'administration qui fut adoptée.

    Le 16 novembre 1954, Brandt assigna la société devant la Cour
d'appel du canton de Berne et conclut à ce que la décision par laquelle
l'assemblée générale du 9 juillet 1954 avait alloué 50 000 fr. au conseil
d'administration fût annulée dans la mesure où cette rétribution était
supérieure à 10 000 fr.

    La Cour d'appel du canton de Berne a débouté Brandt des fins de
son action.

    Ce jugement a été confirmé par le Tribunal fédéral.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

    Le recourant maintient que, dans la mesure où elle dépasse 10 000
fr., la somme allouée au conseil d'administration constitue des tantièmes
déguisés; cette attribution - dit-il - viole l'art 627 ch. 2 CO et est
contraire aux moeurs ainsi qu'au principe de l'égalité des actionnaires.

    Les tantièmes sont des parts du bénéfice net attribuées aux
administrateurs (art. 677 CO). Or, ni dans la décision de l'assemblée
générale, ni dans le compte de profits et pertes ou le bilan pour
l'exercice 1953/54, la rétribution du conseil d'administration n'est mise
en relation avec le bénéfice net réalisé durant la période en cause. Le
recourant prétend cependant qu'elle a en fait le caractère de tantièmes. A
l'appui de cette allégation, il relève que, depuis les décisions prises en
1916 et 1918, la rétribution des administrateurs a été fixée, jusqu'en
1953, en pour-cent du bénéfice, qu'à propos de l'exercice 1952/53,
le mandataire de la société a admis expressément qu'il s'agissait de
tantièmes, que, dans le rapport de gestion et le rapport des contrôleurs
pour l'exercice 1953/54, le montant de 50 000 fr. est mentionné sous la
rubrique "répartition du bénéfice"; cette somme - ajoute le recourant -
dépasse arbitrairement une rétribution équitable de l'activité effective
des administrateurs; pour apprécier le montant dû, il faut se fonder sur le
bénéfice net de 95 044 fr. et non, comme l'a fait la juridiction cantonale,
"sur le résultat général, industriel" de l'exercice; enfin, Brandt cite
l'exemple d'importantes sociétés anonymes suisses qui allouent à leurs
administrateurs des montants proportionnellement inférieurs à ceux que
reçoivent les administrateurs de l'intimée.

    Les arguments que le recourant tire de la façon dont on a procédé
pour les exercices antérieurs à 1953 ne sont pas déterminants. Même si,
pendant cette période, le conseil d'administration a été rétribué par
des tantièmes, cela ne signifie nullement qu'il en ait été de même pour
l'exercice 1953/54, qui est seul en cause en l'espèce. Aussi bien la
rétribution a-t-elle été arrêtée, en 1954, à une somme ronde, et non
en pour-cent du bénéfice, et on ne saurait admettre d'emblée, avec le
recourant, que la société ait voulu éluder la loi par ce procédé. Pour la
même raison, on ne peut attribuer une signification décisive au fait que,
dans un écrit relatif à l'exercice 1952/53, le mandataire de la société
a déclaré que les montants alloués aux administrateurs constituaient des
tantièmes, qui ne devaient pas être inscrits dans les frais généraux.

    La façon dont la rétribution du conseil d'administration est
comptabilisée n'est pas plus déterminante. Car il est facile à une société
anonyme de mentionner une dépense sous une rubrique plutôt que sous une
autre; se fonder exclusivement sur le mode de comptabilisation reviendrait
à permettre toutes les fraudes.

    En réalité, la question décisive est de savoir si le montant de 50
000 fr. ne dépasse pas ce que justifie l'"activité" des administrateurs
(cf. art. 14 des statuts). Or il s'agit là d'un point qui relève
essentiellement de l'expérience commerciale. Les personnes les mieux
placées pour résoudre cette question sont celles qui sont en rapport
étroit avec la société et en connaissent la situation et les besoins,
savoir les administrateurs et les actionnaires. C'est pourquoi le juge ne
doit intervenir dans un tel cas que si la décision de l'assemblée générale
ne peut se justifier par des considérations économiques raisonnables et
est guidée par le désir de faire passer des intérêts particuliers avant
les intérêts généraux de la société et des actionnaires (cf. RO 54 II 29,
69 II 250, arrêt du 24 juin 1941 dans la cause Wild c. Siber & Wehrli
A.-G., consid. 2 b).

    En l'espèce, l'art. 14 al. 2 des statuts de la société ne limite en
rien le pouvoir d'appréciation de l'assemblée générale. Pour juger si elle
en a abusé, il ne faut pas considérer abstraitement le montant de 50 000
fr., mais examiner s'il est proportionné au travail des administrateurs,
aux services qu'ils ont rendus à la société et à la situation de
l'entreprise. Or, d'après les constatations de l'autorité cantonale, la
société appelle dans son conseil d'administration des personnes qui ont
une grande expérience technique et commerciale et qui peuvent, par leurs
relations, lui procurer des débouchés intéressants. Les administrateurs
ne se bornent donc pas à surveiller la direction, mais ils collaborent
activement aux affaires de la société et les font prospérer. De plus,
cette activité paraît couronnée de succès. Sans doute le bénéfice net
versé aux actionnaires n'est-il que de 90 000 fr. Mais il n'en permet pas
moins la distribution d'un dividende de 12%. En outre, pour apprécier la
prospérité de l'entreprise, ce n'est pas sur le rendement net qu'il faut
se fonder, mais sur le bénéfice d'exploitation, comme l'a fait la Cour
d'appel. Or ce bénéfice se monte à 434 586 fr. pour l'exercice 1953/54
et les amortissements opérés ainsi que les versements aux réserves sont
tels que, selon le recourant lui-même, la valeur interne des actions est
cinq fois supérieure à leur valeur nominale.

    Dès lors, le montant de 50 000 fr. alloué aux administrateurs, même
s'il est élevé, peut se justifier par des considérations économiques
raisonnables. On ne saurait donc le considérer comme des tantièmes
déguisés dans la mesure où il dépasse 10 000 fr. La comparaison que le
recourant fait avec d'autres sociétés anonymes n'est pas convaincante;
en effet, on ignore, dans ces cas, quelles sont les tâches exactes du
conseil d'administration; en outre, dans les documents produits par Brandt
n'apparaissent que les montants versés au conseil sous forme de tantièmes,
mais il n'est nullement exclu que les administrateurs aient reçu en outre
une rétribution comprise dans les frais généraux.

    Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de résoudre la question
- controversée en doctrine - de savoir si l'assemblée générale peut,
à titre gracieux, allouer des tantièmes aux administrateurs même si une
telle attribution n'est pas prévue dans les statuts.

    D'autre part, la rétribution de 50 000 fr. pouvant être justifiée
par les intérêts de la société, elle ne saurait violer le principe de
l'égalité des actionnaires. Du même coup, toute atteinte aux bonnes moeurs
est également exclue (RO 69 II 249).