Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 IV 41



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Urteilskopf

139 IV 41

5. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A. contre
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (recours en matière pénale)
1B_788/2012 du 5 février 2013

Regeste

Art. 3 EMRK, Art. 234 Abs. 1 und Art. 235 Abs. 1 StPO; Vollzug der
Untersuchungshaft.
Nicht jede Unregelmässigkeit bei der Untersuchungshaft (vorliegend ein
14-tägiger Aufenthalt in einer für eine Dauer von höchstens 48 Stunden
ausgerichteten Zelle) rechtfertigt eine Haftentlassung (E. 2). Der Beschuldigte
hat jedoch das Recht auf Prüfung der von ihm geltend gemachten schlechten
Behandlung und gegebenenfalls auf unverzügliche entsprechende Feststellung (E.
3).

Sachverhalt ab Seite 41

BGE 139 IV 41 S. 41

A. A. (...) a été interpelé le 20 octobre 2012 à Lausanne et mis en prévention
de vol et dommages à la propriété notamment (...).
Par ordonnance du 23 octobre 2012, le Tribunal des mesures de contrainte du
canton de Vaud (Tmc) a ordonné sa mise en détention provisoire pour trois mois
(...).
Le prévenu a saisi la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois,
en relevant qu'il était détenu depuis quatorze jours à l'Hôtel de police alors
que les cellules n'étaient prévues que pour des séjours de quarante-huit heures
au plus.

B. Par arrêt du 19 novembre 2012, la Chambre des recours pénale a rejeté le
recours et confirmé l'ordonnance du 23 octobre 2012. Il n'était pas contesté
que les conditions d'une mise en détention provisoire étaient réalisées. (...)
Les prévenus ne pouvaient, selon la loi vaudoise d'introduction du CPP du 19
mai 2009 (LVCPP; RSV 312.01), être
BGE 139 IV 41 S. 42
détenus que 48h dans les cellules des postes de police. En l'occurrence, le
placement dans un établissement pénitentiaire n'avait pu être exécuté qu'après
quatorze jours, vraisemblablement en raison d'un manque de place. Cette durée
excessive ne devait toutefois pas entraîner la libération du prévenu. Il n'y
avait donc pas lieu d'examiner les griefs de violation des art. 3 et 9 CEDH, ni
de donner suite aux requêtes d'expertise et d'inspection locale.

C. Par acte du 27 décembre 2012, A. forme un recours en matière pénale. Il
demande la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que sa libération immédiate
est ordonnée. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et
au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. (...)
(extrait)

Erwägungen

Extrait des considérants:

2. A l'appui de ses conclusions, le recourant se plaint d'établissement inexact
des faits et de violation de son droit d'être entendu, s'agissant des
conditions dans lesquelles il a été détenu à l'Hôtel de police durant quatorze
jours. Sur le fond, il invoque les art. 3 et 9 CEDH, ainsi que la loi vaudoise
du 7 novembre 2006 sur l'exécution de la détention avant jugement (LEDJ; RSV
312.07).

2.1 La cour cantonale a reconnu que les quatorze jours de détention à l'Hôtel
de police constituaient une violation crasse de l'art. 27 al. 1 LVCPP, qui
limitait ce genre de détention à quarante-huit heures. Toutefois, le recourant
était désormais détenu dans un établissement pénitentiaire de détention avant
jugement. La détention était justifiée et le recourant ne prétendait pas qu'en
raison de sa détention à l'Hôtel de police, sa santé serait à ce point altérée
que la détention provisoire devrait être levée.

2.2 Le recourant ne conteste pas cette appréciation. Celle-ci est au demeurant
conforme à la jurisprudence selon laquelle des irrégularités entachant la
procédure de détention provisoire (défaut de titre de détention durant une
certaine période - cf. SJ 2004 I p. 138 -, irrégularité durant la procédure de
placement ou de prolongation de la détention - ATF 137 IV 118) n'entraînent pas
la mise en liberté immédiate du prévenu, dans la mesure où les conditions de
mise en détention provisoire sont par ailleurs réunies. Or, le recourant admet
expressément que les conditions d'une mise en détention provisoire au sens de
l'art. 221 CPP, en particulier l'existence de forts soupçons (al. 1) et
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d'un risque de fuite (let. a), sont réalisées. Le placement contesté ayant pris
fin, le recourant se trouvant depuis le 2 novembre 2012 dans un établissement
adapté à la détention provisoire, il n'apparaît pas que l'admission de ses
griefs devrait conduire à sa mise en liberté.

3. En revanche, c'est à tort que la cour cantonale a estimé qu'il n'y avait pas
lieu d'examiner si les conditions de détention subies durant quatorze jours
constituaient une violation des art. 3 et 9 CEDH, de la législation fédérale et
de la réglementation cantonale relatives aux conditions de détention.

3.1 La jurisprudence considère en effet que lorsqu'une irrégularité
constitutive d'une violation d'une garantie constitutionnelle a entaché la
procédure relative à la détention provisoire, celle-ci doit en principe être
réparée par une décision de constatation (ATF 138 IV 81 consid. 2.4 p. 85; ATF
137 IV 92 consid. 3 p. 96; ATF 136 I 274 consid. 2.3 p. 278). Il doit en aller
de même lorsque le prévenu estime avoir subi, du fait de la mise en détention
provisoire, un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH. Dans un tel cas,
l'intéressé dispose d'un droit propre à ce que les agissements dénoncés fassent
l'objet d'une enquête prompte et impartiale (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 .p.
88; ATF 131 I 455 consid. 1.2.5 p. 462). Ainsi, même si les violations
alléguées par le recourant se rapportaient au régime carcéral auquel il a été
soumis, et non au principe même de la mise en détention qui était l'objet de la
décision du Tmc, c'est à cette juridiction, investie du contrôle de la
détention, qu'il appartenait d'intervenir en cas d'allégations crédibles de
traitement prohibés.

3.2 L'art. 3 CEDH, qui interdit (à l'instar d'autres dispositions
constitutionnelles et conventionnelles) la torture et les peines ou traitements
inhumains ou dégradants, impose notamment des standards minimaux en matière de
détention (ATF 124 I 231 consid. 2 p. 235), concrétisés par les Règles
pénitentiaires européennes adoptées le 11 janvier 2006 par le Comité des
Ministres du Conseil de l'Europe (Recommandation Rec [2006]2; voir https://
wcd.coe.int/ViewDoc.jsp). En matière de procédure pénale, l'art. 3 CPP pose
également le principe du respect de la dignité. L'art. 234 al. 1 CPP prévoit
qu'en règle générale, la détention provisoire et pour des motifs de sûreté est
exécutée dans des établissements réservés à cet usage et qui ne servent qu'à
l'exécution de courtes peines privatives de liberté. L'art. 235 CPP régit
l'exécution de la détention; il pose le principe général de proportionnalité
(al. 1) et précise (al. 5) que les cantons règlent les droits et les
obligations des prévenus en détention. L'art. 27 LVCPP prévoit que
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la personne qui a fait l'objet d'une arrestation provisoire peut être retenue
dans les cellules des locaux de gendarmerie ou de police durant quarante-huit
heures au maximum (al. 1). S'il requiert la mise en détention provisoire auprès
du Tmc, le procureur rend une ordonnance en vue du transfert dans un
établissement de détention avant jugement. Les art. 10 ss LEDJ fixent de
manière précise les conditions de détention avant jugement, notamment les
relations avec le monde extérieur (art. 14), les activités hors de la cellule
(art. 15) et l'assistance (art. 17). Le règlement du 16 janvier 2008 applicable
au statut des détenus avant jugement (...) (RSDAJ; RSV 340.02.5) s'applique à
toutes les personnes adultes qui sont placées dans un établissement
pénitentiaire de détention avant jugement du canton de Vaud. Il apporte de
nombreuses précisions sur le régime carcéral applicable à ces personnes.

3.3 En l'occurrence, la cour cantonale a reconnu que l'art. 27 LVCPP avait été
violé de manière évidente, le délai de quarante-huit heures pour une détention
dans "d'autres locaux" ayant été largement dépassé. Une ordonnance de transfert
dans un établissement de détention avant jugement avait bien été rendue par le
Ministère public conformément à l'art. 27 al. 2 LVCPP, mais celle-ci n'avait pu
être exécutée, "selon toute vraisemblance en raison d'un manque de place dans
les établissements de détention avant jugement". Le recourant allègue pour sa
part que sa cellule à l'Hôtel de police faisait moins de 4,5 m^2, qu'elle était
dépourvue de fenêtre, la lumière étant allumée en permanence, que les toilettes
étaient situées à la tête du lit et qu'il n'y avait pas d'eau courante; il
n'aurait pu se doucher que deux fois par semaine, ne pouvait lire l'heure (ce
qui l'aurait empêché de pratiquer son culte) et n'aurait eu que quinze minutes
de promenade en plein air par jour. Il n'aurait pas pu changer de vêtements et
de sous-vêtements durant quatorze jours (à l'exception de son T-shirt). Il
n'aurait eu aucun accès aux médias, aucun livre à disposition ni aucune
possibilité de téléphoner. Il aurait requis en vain l'assistance d'un
psychologue. Le recourant mentionne diverses dispositions de la LEDJ et du
RSDAJ, ainsi que les principes déduits de l'art. 3 CEDH. Il estime également
avoir été privé de son droit à l'exercice de sa religion.
L'ensemble de ces affirmations - en l'état non contestées - rend à tout le
moins crédible l'existence d'une violation des dispositions conventionnelles,
légales et réglementaires précitées. Le délai maximum de quarante-huit heures
fixé dans la loi laisse au demeurant supposer que les cellules des locaux de
gendarmerie ou de police ne sont pas appropriés pour une détention de plus
longue durée.
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3.4 Dans ces conditions, il appartenait à l'autorité saisie de la demande de
mise en détention de vérifier que celle-ci avait lieu dans des conditions
acceptables, au regard notamment des art. 234 et 235 al. 1 CPP qui imposent une
exécution de la détention provisoire dans des établissements appropriés, et
conforme au principe de la proportionnalité. Saisies d'allégations de mauvais
traitements subis dans ce cadre, il lui appartenait d'élucider les faits et de
constater, le cas échéant, les irrégularités dénoncées. Comme cela est relevé
ci-dessus, une telle constatation ne saurait avoir pour conséquence la remise
en liberté du prévenu. Par ailleurs, ce n'est qu'à l'issue de la procédure
qu'il y aurait lieu de tirer les conséquences d'une telle constatation (cf. les
art. 429 ss CPP s'agissant de l'indemnisation). Toutefois, l'intéressé a droit
à une enquête prompte et sérieuse, de sorte que ses griefs doivent être
examinés immédiatement.

4. Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement.
L'arrêt attaqué est maintenu en tant qu'il confirme la prolongation de la
détention provisoire, et la demande de mise en liberté est rejetée. Il est
annulé pour le surplus et la cause est renvoyée à la cour cantonale afin que
les allégations du recourant soient examinées. Il appartiendra à la Chambre des
recours pénale de décider si elle entend elle-même procéder à cet examen, ou si
elle renvoie la cause au Tmc.
Le recourant, qui obtient gain de cause sur ce point, a droit à des dépens, à
la charge du canton de Vaud. Cela rend sans objet sa demande d'assistance
judiciaire. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais
judiciaires. Les frais et dépens de la procédure cantonale peuvent également
être fixés dans le présent arrêt (art. 67 et 68 al. 5 LTF). Les dépens sont
ainsi arrêtés de manière globale pour les procédures cantonale et fédérale, et
les frais judiciaires de l'instance cantonale sont laissés à la charge du
canton de Vaud.