Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 IV 1



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Urteilskopf

139 IV 1

1. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre
Ministère public de la République et canton du Jura, Société d'Edition de Canal
Plus, Canal+ Distribution SAS et Nagravision SA (recours en matière pénale)
6B_584/2011 du 11 octobre 2012

Regeste

Art. 150^bis StGB; Herstellen und Inverkehrbringen von Materialien zur
unbefugten Entschlüsselung codierter Angebote.
Der Betrieb eines Kartenfreigabesystems (cardsharing), das seinen Benutzern
ermöglicht, Fernsehprogramme zu entschlüsseln, ohne mit dem Sendeunternehmen
ein Abonnement abgeschlossen zu haben, fällt für sich gesehen nicht unter den
Tatbestand von Art. 150^bis StGB (E. 2).

Regeste

Art. 67 Abs. 1 lit. h und Art. 69 Abs. 1 lit. g URG; Recht, ein Werk oder eine
Sendung weiterzusenden.
Wer ein Kartenfreigabesystem betreibt, sendet die ausgestrahlten Sendungen
nicht weiter im Sinne von Art. 67 Abs. 1 lit. h und Art. 69 Abs. 1 lit. g URG
(E. 4).

Sachverhalt ab Seite 2

BGE 139 IV 1 S. 2

A. Statuant sur les appels déposés contre un jugement rendu le 10 décembre 2010
par le juge pénal du Tribunal de première instance de Porrentruy par X., d'une
part, et par Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS et
Nagravision SA, d'autre part, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura a réformé la décision attaquée par jugement du 14
juin 2011 en libérant X. de l'infraction d'obtention frauduleuse d'une
prestation (art. 150 CP) et d'infraction à la loi fédérale du 19 décembre 1986
contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) et en le déclarant coupable de
fabrication et mise sur le marché d'équipements servant à décoder
frauduleusement des services cryptés (art. 150^bis CP). Elle l'a en outre
reconnu coupable d'infraction par métier aux art. 67 al. 1 let. h et 69 al. 1
let. g de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits
voisins (loi sur le droit d'auteur, LDA; RS 231.1) en considérant qu'il avait
retransmis les programmes de Canal+ et de Canal Satellite (Canal Sat). La Cour
pénale a condamné X. à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à 70 francs,
avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de 3'000 francs et au
paiement aux parties plaignantes et civiles d'une indemnité à titre de remise
de gain de 98'435 francs 80 avec intérêts à 5 % dès le 10 décembre 2010.

B. Cette condamnation se fonde, en substance, sur les éléments de fait
suivants.

B.a Société d'Edition de Canal Plus (anciennement Canal+ SA) et Canal+
Distribtion SAS proposent des abonnements à Canal+ en Suisse depuis 1996 et à
Canal Sat depuis le 1^er octobre 2008. Les chaînes concernées sont cryptées et
payantes. Pour les réceptionner, l'abonné doit disposer d'un décodeur. Lorsque
celui-ci reçoit les données, il envoie un signal à la carte numérique fournie
au client, qui l'identifie techniquement et qui, si elle contient les droits,
va donner accès
BGE 139 IV 1 S. 3
aux chaînes qui pourront être visionnées sur le téléviseur. Les données
envoyées par satellite au décodeur sont cryptées par un système développé et
commercialisé par Nagravision SA.

B.b Depuis le mois de février 2005, X. a exploité sous la raison individuelle
A. un commerce dont le but était la vente de matériel satellite. D'abord
installé à son domicile, il a ouvert un magasin le 4 août 2007. Il a mis en
place un système de partage de carte ("card sharing") qui permettait à ses
clients de visionner les chaînes de Canal+ et Canal Sat contre une rémunération
dont le coût était inférieur à celui d'un abonnement obtenu directement auprès
de Société d'Edition de Canal Plus ou de Canal+ Distribution SAS. Pour ce
faire, il vendait à ses clients un appareil de type Dreambox 500 S qui faisait
office de récepteur. Il programmait celui-ci en ajoutant dans le système un
logiciel téléchargé sur internet. Cette modification permettait à l'appareil de
se connecter automatiquement à un serveur installé chez lui, qui décryptait les
données grâce à la dizaine d'abonnements qu'il avait contractés auprès d'un
distributeur français. Les chaînes de Canal+ et de Canal Sat pouvaient alors
être regardées par ses clients bien qu'ils ne disposassent pas d'un abonnement
officiel.

B.c La vente des appareils Dreambox représentait 70 % du chiffre d'affaires de
X. Selon lui, seuls 70 à 80 % d'entre eux étaient modifiés. Il facturait un
appareil 580 francs ou 380 francs selon qu'il était équipé ou pas du système de
partage de carte. L'abonnement lui-même était à 200 francs la première année,
puis 160 francs les années suivantes. Certains clients ont acheté à X. des
accès à son serveur uniquement, qu'ils ont ensuite revendus à plusieurs
personnes qui modifiaient elles-mêmes leur appareil afin de se connecter au
serveur du précité. X. a vendu des appareils et des abonnements jusqu'en
octobre 2007. Il a encore perçu par la suite plusieurs montants de 160 francs,
correspondant au prix de la prolongation d'abonnement, voire de 180 francs à
titre de "service Dreambox". Il a coupé le serveur auquel ses clients se
connectaient à la fin du mois de janvier 2008. Environ 450 clients ont
bénéficié de son système.

C. X. interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le
jugement du 14 juin 2011. Il conclut à son acquittement des chefs d'accusation
de violation des art. 150^bis CP ainsi que des dispositions pénales de la loi
sur le droit d'auteur.
Invitées à se déterminer sur le recours, Société d'Edition de Canal Plus,
Canal+ Distribution SAS et Nagravision SA ont conclu au
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rejet de celui-ci dans la mesure de sa recevabilité, sous suite de frais et
dépens. La Cour pénale du Tribunal cantonal a conclu au rejet du recours et à
la confirmation de son arrêt. Le Ministère public n'a pas déposé d'observations
dans le délai imparti.
Après communication de ces réponses à X., celui-ci a persisté dans ses
conclusions aux termes de ses déterminations du 1^er mars 2012. Au vu de ces
dernières, Société d'Edition de Canal Plus, Canal+ Distribution SAS et
Nagravision SA ont également persisté aux termes de leur "duplique" du 20 mars
2012.

Erwägungen

Extrait des considérants:

2. Le recourant invoque une violation des art. 98, 109 et 150^bis CP. Il
soutient que la cour cantonale a enfreint le droit fédéral en retenant que
l'infraction de fabrication et mise sur le marché d'équipements servant à
décoder frauduleusement des services cryptés n'était pas prescrite.

2.1 L'art. 150^bis CP réprime, sur plainte, le comportement de celui qui aura
fabriqué, importé, exporté, transporté, mis sur le marché ou installé des
appareils dont les composants ou les programmes de traitement des données
servent à décoder frauduleusement des programmes de télévision ou des services
de télécommunication cryptés ou sont utilisés à cet effet.

2.1.1 Cette disposition vise des actes préparatoires érigés en infraction
distincte, alors que le comportement de celui qui utilise le dispositif pour
obtenir le service crypté sans payer la somme due tombe sous le coup de l'art.
150 CP (BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3^e éd. 2010,
n° 3 ad art. 150^bis CP; JÖRG REHBERG, Änderungen im Strafgesetzbuch durch das
Fernmeldegesetz, PJA 1998 p. 562). L'infraction a pour objet un dispositif,
soit un appareil, quel qu'il soit, qui permet le décryptage de programmes de
télévision sans payer la somme due (CORBOZ, op. cit., n° 2 ad art. 150^bis CP).

2.1.2 Le recourant a commis les actes qui lui sont reprochés entre les mois de
septembre 2005 et janvier 2008 selon la cour cantonale, soit avant et après
l'entrée en vigueur de la nouvelle partie générale du code pénal le 1^er
janvier 2007. Les règles en matière de prescription n'ont cependant pas été
modifiées de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner quelle est la loi la
plus favorable au recourant (lex
BGE 139 IV 1 S. 5
mitior, art. 2 al. 2 CP). Selon l'art. 98 CP (ancien art. 71 CP, en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2006), la prescription court dès le jour où l'auteur a
exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette
activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou dès le jour où les
agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c). La
prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première
instance a été rendu (art. 97 al. 3 CP; ancien art. 70 al. 3 CP).
L'infraction à l'art. 150^bis CP est punie d'une amende. Il s'agit donc d'une
contravention (art. 103 CP; ancien art. 101 CP) pour laquelle l'action pénale
se prescrit par trois ans (art. 109 CP; ancien art. 109 CP).

2.2 La cour cantonale a considéré que l'infraction à l'art. 150^bis CP, à
l'instar d'une atteinte à l'honneur sur internet, était un délit continu et que
l'art. 98 let. c CP était applicable à la question de la prescription. Le
recourant avait cessé de vendre des abonnements en octobre 2007, mais il avait
encore reçu par la suite plusieurs paiements à titre de renouvellement
d'abonnements et il n'avait coupé son serveur qu'en janvier 2008. Pour
fonctionner, le dispositif mis en place par le recourant nécessitait un
décodeur, un abonnement ainsi qu'un accès au serveur. Il fallait considérer que
le procédé formait un tout. La prescription n'avait donc commencé à courir
qu'en janvier 2008 et l'infraction à l'art. 150^bis CP n'était pas prescrite au
moment où le jugement de première instance avait été rendu, soit le 10 décembre
2010.

2.3 Les appareils Dreambox vendus par le recourant permettaient à ses clients,
compte tenu des modifications apportées, de décoder sans droit des programmes
cryptés. Un tel équipement tombe ainsi sous le coup de l'art. 150^bis CP. Cette
disposition vise six comportements punissables déterminés (fabrication,
importation, exportation, transport, mise sur le marché et installation).
L'art. 150^bis CP ne sanctionne en revanche pas la fourniture d'un service
permettant la réception des programmes décodés au moyen de l'appareil visé par
cette disposition. La mise à disposition d'un serveur internet auquel les
appareils Dreambox pouvaient se connecter pour décrypter des programmes
constitue un acte distinct et indépendant, qui n'est visé par aucune des
hypothèses prévues par l'art. 150^bis CP. Certains clients n'ont d'ailleurs
acheté que l'accès audit serveur, mais pas l'appareil lui-même pour profiter du
système de partage de carte du recourant.
BGE 139 IV 1 S. 6
Ainsi, contrairement à ce que la cour cantonale a retenu et à ce que les
intimées soutiennent, la mise à disposition des clients d'un serveur internet,
respectivement sa mise hors service en janvier 2008, ou le paiement des
renouvellements des abonnements pour pouvoir continuer à s'y connecter ne sont
pas des éléments pertinents pour déterminer quand le délai de prescription de
l'action pénale a débuté à courir en relation avec l'infraction à l'art. 150^
bis CP.
Le recourant a mis sur le marché, soit vendu, des appareils jusqu'en octobre
2007. Les sommes encaissées après cette date étaient d'un montant de 160
francs, correspondant au prix d'une prolongation d'abonnement, sous réserve de
quelques versements de 180 francs à titre de "service Dreambox". Ces sommes ne
correspondent pas au prix de vente d'un appareil modifié, destiné à décoder
frauduleusement les programmes diffusés par les intimées, qui s'élevait à lui
seul à 380 francs. Il n'est par ailleurs pas constaté par l'autorité cantonale
que le recourant aurait fabriqué, importé, exporté, transporté ou installé chez
ses clients des appareils Dreambox après le mois d'octobre 2007.
Le délai de prescription de l'action pénale a donc commencé à courir au plus
tard en novembre 2007. D'une durée de trois ans, il est venu à échéance en
novembre 2010, soit avant que le jugement de première instance soit rendu le 10
décembre 2010. L'infraction à l'art. 150^bis CP était donc prescrite à cette
date, indépendamment de la question de savoir s'il y a unité juridique ou
naturelle entre les différentes ventes auxquelles le recourant a procédé,
question qu'il n'y a dès lors pas besoin d'examiner ici. La cour cantonale a
violé le droit fédéral en retenant le contraire. Le recours doit être admis à
cet égard.
(...)

4. Le recourant invoque une violation des art. 10 al. 2 let. e, 67 al. 1 let. h
et 69 al. 1 LDA ainsi que 69a LDA.

4.1

4.1.1 L'art. 67 al. 1 let. h LDA réprime, à titre de violation du droit
d'auteur, le comportement de celui qui, intentionnellement et sans droit,
diffuse une oeuvre par la radio, la télévision ou des moyens analogues, soit
par voie hertzienne, soit par câble ou autres conducteurs ou la retransmet par
des moyens techniques dont l'exploitation ne relève pas de l'organisme
diffuseur d'origine.
BGE 139 IV 1 S. 7
L'art. 67 al. 1 let. h LDA réprime pénalement la violation du droit accordé à
l'auteur par les art. 10 al. 2 let. d et let. e LDA (cf. BARRELET/EGLOFF, Le
nouveau droit d'auteur, 3^e éd. 2008, n° 4 ad art. 67 LDA; REHBINDER/VIGANÒ,
Urheberrechtsgesetz, Kommentar, 3^e éd. 2008, n° 15 ad art. 67 LDA). Selon ces
dispositions, parmi les différents droits exclusifs d'utilisation d'une oeuvre,
figurent ceux, pour l'auteur, de diffuser celle-ci (let. d) ou de la
retransmettre par des moyens techniques dont l'exploitation ne relève pas de
l'organisme diffuseur d'origine (let. e).
La diffusion est une première transmission, soit une transmission primaire, par
rapport à la retransmission (REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 20 ad art. 10 LDA;
FRANÇOIS DESSEMONTET, Le droit d'auteur, 1999, n. 235 p. 184). Ce droit vise la
transmission simultanée de l'oeuvre par des moyens techniques de
télécommunication à un nombre indéterminé de personnes. Les signaux émis par le
satellite constituent une diffusion lorsque les émissions ont été conçues pour
le public, qu'elles lui sont destinées et qu'elles sont accessibles au public
au moyen d'une installation pouvant être acquise sur le marché sans frais
excessifs (ATF 119 II 51 consid. 2c. p. 60; BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 29 ad
art. 10 LDA). La diffusion d'émissions codées, dans le cadre de la télévision
par abonnement ("pay per channel") ou de la télévision sur demande ("pay per
view"), tombe sous le coup de l'art. 10 let. d LDA lorsqu'un nombre important
de personnes disposent d'un décodeur leur permettant d'assister simultanément
aux émissions (BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 26 ad art. 10 LDA; REHBINDER/
VIGANÒ, op. cit., n° 21 ad art. 10 LDA).
Il y a retransmission lorsqu'un programme diffusé est répercuté simultanément
par un tiers autre que l'organisme responsable de la diffusion originale
(BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 33 ad art. 10 LDA). Il n'est pas nécessaire que
cette personne soit un radiodiffuseur ou une entreprise de télécommunication.
Il peut s'agir d'une personne physique. La retransmission peut notamment
intervenir au moyen d'internet (BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 33 ad art. 10
LDA; REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 21 ad art. 10 LDA). L'hôtelier qui capte
des programmes et les diffuse dans les chambres de ses clients procède à une
retransmission (ATF 119 II 62 consid. 2c; FRANÇOIS DESSEMONTET, Inhalt des
Urheberrechts, in Urheberrecht und verwandte Schutzrechte, SIWR vol. II/1, 2^e
éd. 2006, p. 207).

4.1.2 A la différence de l'art. 67 LDA, l'art. 69 LDA n'assure pas la
protection du droit d'auteur, mais des droits voisins, soit ceux des
BGE 139 IV 1 S. 8
artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes ainsi
que des organismes de diffusion (cf. art. 1 al. 1 let. b LDA; art. 33 ss LDA).
L'art. 37 LDA, qui définit les droits des organismes de diffusion, protège le
travail de production de la création d'un signal de diffusion d'une émission
destinée à être reçue par le public, ce qui inclut la télévision par abonnement
(BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 4 ad art. 37 LDA; REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n°
3 ad art. 37 LDA). La nature de ce qui est diffusé importe peu. Il n'est
notamment pas nécessaire que le contenu soit protégeable par le droit d'auteur
(ROLF AUF DER MAUER, in Urheberrechtsgesetz [URG], Müller/Oertli [éd.], 2006,n°
5 ad art. 37 LDA) .
L'art. 69 al. 1 let. g LDA réprime le comportement de celui qui,
intentionnellement et sans droit, retransmet une émission.
Cette disposition sanctionne une infraction au droit exclusif de l'organisme de
diffusion de retransmettre son émission, consacré par l'art. 37 let. a LDA
(BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 3 ad art. 69 LDA). La notion de retransmission
ne diffère pas de celle de l'art. 10 al. 2 let. e LDA (cf. BARRELET/EGLOFF, op.
cit., n° 5 ad art. 37 LDA; supra consid. 4.1.1). La retransmission au sens de
cette disposition consiste ainsi en la transmission d'une émission au moyen
d'installations techniques par un autre que l'organisme de diffusion d'origine
(AUF DER MAUER, op. cit., n° 10 ad art. 37 LDA). La retransmission est
"technologiquement neutre" en ce sens qu'elle comprend toutes les techniques et
méthodes de retransmission (REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 7 ad art. 37 LDA).

4.1.3 Amené à se prononcer sur le cas d'un prévenu qui avait vendu des
appareils permettant de décoder des programmes de télévision par abonnement, le
Tribunal fédéral a retenu que le vendeur qui connaissait l'usage auquel était
destiné l'appareil qu'il vendait se rendait coupable de complicité de tentative
d'infraction à l'art. 151 CP (ATF 114 IV 112, lequel est antérieur à l'adoption
de l'art. 150^bis CP). Une éventuelle infraction à la loi sur le droit d'auteur
n'a en revanche été ni envisagée ni retenue.

4.2 La cour cantonale a considéré que l'intéressé agissait comme un
retransmetteur au sens de l'art. 10 al. 2 let. e LDA puisque la réception des
programmes cryptés par les clients du recourant nécessitait une installation
particulière mise en oeuvre par ce dernier, à savoir un serveur internet.
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4.3 Le recourant ne conteste pas que Société d'Edition de Canal Plus et Canal+
Distribution SAS doivent être qualifiées d'organismes de diffusion au sens de
l'art. 37 LDA et que leur travail bénéficie de la protection des droits
voisins. Il ne conteste pas davantage que les programmes diffusés par les
précitées, à tout le moins certains d'entre eux, constituent des oeuvres au
sens de l'art. 2 LDA et que Société d'Edition de Canal Plus et Canal+
Distribution SAS sont titulaires des droits qui y sont attachés. La cour
cantonale l'a implicitement retenu en considérant que leurs droits exclusifs
protégés par les art. 10 et 67 LDA avaient été violés, alors même qu'en
principe seule la personne physique qui a créé l'oeuvre peut être auteur (cf.
art. 6 LDA), sous réserve d'un transfert ultérieur des droits (cf. art. 16 LDA;
FRANÇOIS DESSEMONTET, Le droit d'auteur, n. 308 p. 233). Le recourant invoque
en revanche que le procédé de partage de carte ne génère pas une diffusion
d'image ou de donnée. La cour cantonale n'a pas retenu qu'il procédait à un
acte de diffusion, mais de retransmission. Or, il s'agit de deux notions
distinctes (cf supra consid. 4.1.1). Il convient ainsi d'examiner si le
recourant a retransmis des oeuvres protégées à ses clients en violation des
droits des intimées.
Les images étaient réceptionnées directement par les clients du recourant,
grâce à l'appareil de type Dreambox installé chez eux, ainsi que cela ressort
de l'avis de droit produit par les intimées elles-mêmes. Cet appareil
communiquait ensuite avec le serveur internet mis en place par le recourant
pour décrypter les données. Le recourant ne transmettait pas à ses clients, par
câble, par internet ou par d'autres conducteurs, le signal diffusé par les
intimées qu'il aurait préalablement capté. Le recourant n'a ainsi pas répercuté
les émissions diffusées par les intimées auprès de tiers. Le procédé utilisé
permettait uniquement un partage de code. Il consistait à déchiffrer les mots
de contrôle au moyen de l'abonnement régulièrement acquis par le recourant,
mais pas à réceptionner le signal satellite diffusé par les intimées, à le
décoder puis à l'envoyer chez ses clients. Le système du recourant permettait
de contourner des mesures techniques destinées à limiter l'accès aux programmes
des intimées à leurs seuls abonnés, mais pas à communiquer à ses clients les
images diffusées par les intimées. Le recourant n'a ainsi pas procédé à une
retransmission des émissions produites ou diffusées par les intimées au sens
des art. 67 al. 1 let. h et 69 al. 1 let. g LDA, contrairement à ce que la cour
cantonale a retenu. Les intimées ne soutiennent d'ailleurs pas aux termes de
leur réponse au recours que les films ou émissions qui
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étaient diffusés étaient retransmis par le recourant, mais uniquement des
messages de contrôle des droits (Entitlement Control Message, ECM) contenus
dans le flux diffusé. Elles définissent ceux-ci comme des paquets de données
cryptés diffusés sur le support de transmission, contenant les mots de
contrôle. L'état de fait cantonal, qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1
LTF), ne contient toutefois aucune constatation relative à de tels messages de
contrôle et les intimées ne sont pas recevables à alléguer des faits nouveaux
qui ne résultent pas de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1
LTF). Au surplus, il a été reproché au recourant, à titre de violation de la
loi sur le droit d'auteur, d'avoir retransmis les émissions diffusées par les
intimées et la cour cantonale a examiné cette seule question. L'argumentation
des intimées selon laquelle le recourant aurait violé la loi précitée en
retransmettant des ECM outrepasse l'objet du litige tel qu'il est circonscrit
par la décision attaquée. Elle est donc irrecevable, faute d'épuisement des
voies de droit cantonales (cf. art. 80 al. 1 LTF; voir également ATF 135 I 91
consid. 2.1 p. 93).

4.4 Les intimées font par ailleurs valoir que le recourant a fait voir ou
entendre au sens de l'art. 10 al. 2 let. f LDA les films ou émissions diffusés.
Une violation du droit accordé à l'auteur par cette disposition est sanctionnée
pénalement par l'art. 67 al. 1 let. i LDA (cf. BARRELET/EGLOFF, op. cit., n° 4
ad art. 67 LDA). En considérant que le recourant avait retransmis sans droit
les programmes diffusés par les intimées, la cour cantonale s'est fondée sur
l'art. 67 al. 1 let. h et 69 al. 1 let. g LDA pour le condamner. Les intimées
soutiennent ainsi qu'une infraction supplémentaire doit être retenue à la
charge du recourant. Elles ne réclament donc pas uniquement un rejet du recours
par une substitution des motifs, à laquelle le Tribunal fédéral pourrait
procéder (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254; ATF 130 III 136 consid. 1.4
in fine p. 140, ATF 130 III 297 consid. 3.1 p. 298 s.). Dans la mesure où les
intimées n'ont pris aucune conclusion tendant à la condamnation du recourant
pour infraction à l'art. 67 al. 1 let. i LDA - elles ne pouvaient d'ailleurs
pas demander, après l'échéance du délai de recours, que la décision soit
modifiée à leur avantage (cf. CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 33 ad
art. 102 LTF) - et où le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions
des parties (art. 107 al. 1 LTF), leur argumentation est irrecevable.

4.5 Le recourant indique que la cour cantonale aurait violé l'art. 69a LDA.
Cette disposition réprime pénalement le comportement de celui qui propose au
public un dispositif qui est principalement conçu,
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fabriqué, adapté ou réalisé dans le but de permettre ou de faciliter le
contournement de mesures techniques efficaces (art. 69a al. 1 let. b ch. 3
LDA). Selon l'art. 39a al. 2 LDA, le cryptage constitue, notamment, une telle
mesure, ce qui comprend le codage permettant le contrôle d'accès en matière de
télévision par abonnement (cf. DOMINIK P. RUBLI, Das Verbot der Umgehung
technischer Massnahmen zum Schutz digitaler Datenangebote, 2009, n. 16 p. 12).
Le recourant n'a toutefois pas été reconnu coupable d'une infraction à cette
disposition, entrée en vigueur le 1^er juillet 2008 (RO 2008 2497, 2502), soit
après les faits qui lui sont reprochés. Le grief est sans objet.
Il peut néanmoins être relevé que l'adoption de dispositions spécifiques dans
la loi sur le droit d'auteur n'aurait pas été nécessaire si le comportement
visant à contourner une mesure de cryptage mise en place par celui qui diffuse
des émissions de télévision par abonnement était déjà réprimé, ce qui tend à
confirmer qu'avant l'entrée en vigueur des art. 39a et 69a LDA, un tel
comportement ne constituait pas une violation des dispositions de la loi sur le
droit d'auteur.

4.6 Au vu de ce qui précède, il doit être considéré que le système de partage
de carte mis en place par le recourant ne constitue pas un acte de
retransmission au sens de la loi sur le droit d'auteur, contrairement à ce que
la cour cantonale a retenu en violation du droit fédéral.