Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 II 529



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Urteilskopf

139 II 529

37. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. Sàrl
contre Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de
Genève (recours en matière de droit public)
2C_886/2012 du 29 juin 2013

Art. 4 ArG; Begriff des Familienbetriebs.
Nur reine Familienbetriebe sind dem Anwendungsbereich des ArG entzogen. Unter
das Gesetz fällt jegliche Person, die zum Betriebsinhaber nicht in einem der
Familienverhältnisse steht, welche Art. 4 Abs. 1 ArG abschliessend aufzählt (E.
3.3). Juristische Personen gelten nicht als Familienbetriebe. Der Ausschluss
vom Anwendungsbereich des ArG ist restriktiv auszulegen (E. 3.4).

Sachverhalt ab Seite 529

BGE 139 II 529 S. 529

A. X. Sàrl (ci-après: X.), société ayant son siège à Genève, a, selon le
registre du commerce, A. pour associé président avec signature individuelle, et
quatre associés gérants avec signature collective à deux, soit B., C., D. et E.
Le 17 septembre 2009, X. a conclu avec Y. Sàrl un contrat de sous-gérance
concernant deux stations-service M. et N. Aux termes de ce contrat, X.
reprenait à son compte, les dimanches et jours fériés, les obligations
contractées par Y. Sàrl vis-à-vis de Z. Switzerland
BGE 139 II 529 S. 530
dans le contrat de partenariat que celle-ci avait signé, sous réserve de
certaines modalités particulières énoncées dans la convention du 17 septembre
2009.
Le 17 mai 2011, l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail
(ci-après: l'Office cantonal) a adressé à X. deux courriers recommandés, par
lesquels il rappelait qu'à l'occasion d'une précédente procédure (ATA/28/2008),
le Tribunal administratif du canton de Genève avait confirmé que les deux
stations-service susmentionnées ne se trouvaient pas sur un axe de circulation
important. Dès lors, elles n'étaient pas autorisées à employer du personnel le
dimanche et les jours fériés, sauf pour la distribution et la vente de
carburant, de petits accessoires pour l'entretien courant et l'équipement des
automobiles, ainsi que d'accessoires saisonniers pour automobiles, à
l'exclusion de tout autre article. Un inspecteur de l'Office cantonal avait
constaté, lors d'une visite effectuée le 27 mars 2011, la vente de marchandises
ne faisant pas partie des exceptions en question. Par conséquent, l'emploi du
personnel le dimanche pour la vente de l'assortiment proposé était constitutif
d'une infraction à la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans
l'industrie, l'artisanat et le commerce (LTr; RS 822.11), ainsi qu'à
l'ordonnance 2 du 10 mai 2000 relative à la loi sur le travail (Dispositions
spéciales pour certaines catégories d'entreprises ou de travailleurs, OLT 2; RS
822.112). L'art. 4 LTr prévoyait certes que la loi ne s'appliquait pas aux
entreprises familiales, mais l'Office cantonal attirait l'attention de la
société sur le fait qu'une personne morale ne pouvait revêtir la qualité
d'entreprise familiale, si bien que la LTr lui était pleinement applicable.
Lors du contrôle opéré, l'inspecteur avait constaté que travaillaient à la
station-service M. F., fille d'un associé gérant, et à la station-service N.,
G. et H., respectivement l'époux et le fils de l'un des associés. Le lien de
parenté entre les employés et les associés était dénué de pertinence, X.
n'étant pas une entreprise familiale. L'art. 59 LTr était violé. Cette société
était invitée à se conformer immédiatement à la loi et à la jurisprudence
précitée.
Le 9 juin 2011, X. a contesté cette interprétation de la LTr.

B. Le 6 juillet 2011, l'Office cantonal a adressé un courrier recommandé à X.
valant décision d'interdiction d'employer du personnel le dimanche et les jours
fériés dans les deux stations-service et constat d'une infraction à la LTr,
ainsi qu'à l'OLT 2. La société était également enjointe, sous la menace des
peines prévues à l'art. 292 du
BGE 139 II 529 S. 531
Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP; RS 311.0), de cesser d'employer du
personnel les dimanches et jours fériés pour la vente de marchandises non
autorisées.

C. Le recours interjeté contre cette décision auprès de la Chambre
administrative de la Cour de justice a été rejeté par arrêt du 18 septembre
2012.

D. Par arrêt du 29 juin 2013, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de X.
dans la mesure de sa recevabilité.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

3.

3.1 Le principe de l'interdiction de travailler le dimanche est ancré à l'art.
18 LTr. Les dérogations à cette interdiction sont en principe soumises à
autorisation (cf. art. 19 al. 1 LTr). Les conditions mises à l'obtention de ces
dérogations sont précisées aux art. 27 et 28 de l'ordonnance 1 du 10 mai 2000
relative à la loi sur le travail (OLT 1; RS 822.111). A côté de ce régime
dérogatoire soumis à autorisation, l'art. 27 al. 1 LTr prévoit que certaines
catégories d'entreprises ou de travailleurs peuvent, dans la mesure où leur
situation particulière le rend nécessaire, être soumises par voie d'ordonnance
à des dispositions spéciales remplaçant en tout ou en partie certaines
prescriptions légales, comme l'interdiction de travailler le dimanche prévue à
l'art. 18 LTr. De telles dispositions peuvent être édictées pour les
différentes entreprises énumérées de manière exemplative à l'art. 27 al. 2 LTr.
Cette disposition mentionne entre autres les entreprises qui satisfont aux
besoins du tourisme (let. c) ou qui approvisionnent des véhicules en carburant
ou bien les entretiennent et les réparent (let. h). Le Conseil fédéral a fait
usage de la délégation de compétence prévue à l'art. 27 al. 1 LTr en
promulguant l'OLT 2. Il n'est pas contesté, en la cause, que la recourante ne
bénéficie pas de tels régimes spéciaux (cf. ATF 134 II 265).

3.2 La question principale à trancher est celle de savoir si la recourante peut
bénéficier de l'exception à l'application de la loi, prévue par l'art. 4 LTr
dont la note marginale est "Entreprises familiales". Les deux premiers alinéas
de cette disposition ont la teneur suivante:
" ^1 La loi ne s'applique pas aux entreprises dans lesquelles sont seuls
occupés le conjoint ou le partenaire enregistré du chef de l'entreprise, ses
parents en ligne ascendante et descendante et leurs conjoints ou leurs
BGE 139 II 529 S. 532
partenaires enregistrés, ainsi que les enfants du conjoint ou du partenaire
enregistré du chef de l'entreprise.
^2 Lorsque d'autres personnes que celles qui sont mentionnées à l'al. 1
travaillent aussi dans l'entreprise, la loi s'applique uniquement à elles."
L'art. 1 de la loi, auquel l'art. 4 fait exception, fixe le champ d'application
quant aux entreprises et aux personnes. Pour ce qui nous intéresse ici, il a la
teneur suivante:
" ^1 La loi s'applique, sous réserve des art. 2 à 4, à toutes les entreprises
publiques et privées.
^2 Il y a entreprise selon la loi lorsqu'un employeur occupe un ou plusieurs
travailleurs de façon durable ou temporaire, même sans faire usage
d'installations ou de locaux particuliers. Lorsque les conditions d'application
de la loi ne sont remplies que pour certaines parties d'une entreprise,
celles-ci sont seules soumises à la loi.
(...)."
Les autorités cantonales excluent l'application de l'art. 4 LTr aux personnes
morales, ce que conteste la recourante.

3.3 Historiquement, la disposition d'exception que constitue l'art. 4 LTr
s'explique par le désir du législateur de droit public de ne pas s'immiscer
dans les relations de famille, relations qui influencent nécessairement la
gestion et les conditions de travail des entreprises où des proches parents
travaillent ensemble, dans un esprit d'entraide et selon d'autres modalités que
s'ils étaient étrangers les uns aux autres (HENRI ZWAHLEN, in Commentaire de la
loi fédérale sur le travail, Walther Hug [éd.], 1971, n° 1 ad art. 4 LTr). Dans
la mesure où les modifications ultérieures de la loi sont purement
rédactionnelles - p. ex.la mise sur pied d'égalité du partenaire enregistré
avec le conjoint marié du 18 juin 2004, entrée en vigueur le 1^er juillet 2007
-, il est possible de se référer aux avis de doctrine énoncés en relation avec
la mouture originelle de la loi.
L'alinéa 1 concerne les entreprises purement familiales, c'est-à-dire où ne
travaillent que des proches parents, tels que ce texte les énumère
exhaustivement (ROLAND A. MÜLLER, ArG, 7^e éd. 2009, n° 1 ad art. 4 LTr). Ces
entreprises sont complètement soustraites à la loi (ZWAHLEN, op. cit., n° 2 ad
art. 4 LTr).
L'alinéa 2 règle le cas des entreprises familiales mixtes, où travaillent, à
côté des proches parents, selon l'alinéa 1, des parents plus éloignés ou des
personnes étrangères à la famille. La loi s'applique entièrement à ces tiers,
mais à eux seuls, les membres de la famille
BGE 139 II 529 S. 533
selon l'alinéa 1 y étant soustraits, sous réserve d'exceptions prévues par
l'alinéa 3 qui demeure sans pertinence en la cause. L'exclusion totale n'est
ainsi prévue que pour les entreprises "purement" familiales (EDOUARD
EICHHOLZER, Travail: Loi du 13 mars 1964. Généralités - Champ d'application -
Modification de prescriptions fédérales, FJS n° 152, état: 1964, p. 6). Dans la
seconde hypothèse, prévue par l'alinéa 2, le législateur a entendu éviter que
la présence de tiers non liés au chef d'entreprise par les liens familiaux
énoncés à l'alinéa 1 aboutisse à soumettre à la loi lesdits autres membres de
la famille (cf. également KARL WEGMANN, Der Geltungsbereich des
Arbeitsgesetzes, in Einführung in das Arbeitsgesetz, Eduard Naegeli [éd.],
1966, p. 82).
La loi ne définit pas le concept de "chef d'entreprise". La notion n'apparaît
que dans l'art. 4 LTr. En partant de la définition de l'entreprise, comme
l'entreprise qui organise le pouvoir de direction sur le travailleur, le chef
d'entreprise est la personne qui est propriétaire de l'entreprise et qui la
dirige (GEISER/LÜTHI, in Commentaire de la loi sur le travail, Geiser/von
Kaenel/Wyler [éd.], 2005, n° 7 ad art. 4 LTr).

3.4 L'exception du champ d'application de la loi n'est ainsi prévue qu'en
fonction des relations de familles exhaustivement énoncées par l'art. 4 al. 1
LTr, telles qu'elles lient l'employeur et d'autres personnes. Comme la loi a
pour objectif la protection des travailleurs, cette exception doit être
interprétée de façon restrictive, ce d'autant que les liens familiaux
comportent en eux-mêmes un risque important d'exploitation (MÜLLER, op. cit.,
n° 1 ad art. 4 LTr; GEISER/LÜTHI, op. cit., n° 3 ad art. 4 LTr).
La recourante se réfère très largement à l'avis récemment exprimé par ROLAND
MÜLLER et ANDRÉ BOMATTER (Die juristische Person als Familienbetrieb im Sinne
von Art. 4 ArG, AJP 2012 p. 975 ss). Certains cas de figure imaginés par ces
auteurs ne concernent manifestement pas l'état de fait de la présente cause et
il n'y a pas à se prononcer à leur égard. Il suffit de constater que le
législateur a voulu limiter l'exclusion au champ d'application de la loi de
manière stricte, à certains membres de la famille du chef d'entreprise. Seules
des personnes physiques sont susceptibles d'avoir des liens familiaux. En
outre, le cas d'espèce démontre qu'accepter l'extension de l'exclusion aux
personnes morales est susceptible de déboucher sur tous les abus et, en
définitive, de vider la loi de son sens. En effet, si l'existence d'un lien
entre un des associés gérants et sa famille permettait de
BGE 139 II 529 S. 534
soustraire tous les membres de chaque famille à la protection des travailleurs,
il suffirait de multiplier le nombre d'associés gérants - comme c'est
d'ailleurs le cas en l'espèce - pour à chaque fois soustraire à la loi une
nouvelle famille. Tel ne peut être le sens à donner à la loi. Le grief de
violation de l'art. 4 LTr est donc rejeté.