Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 I 20



Urteilskopf

134 I 20

  4. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause Ulrich
contre Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud (recours
en matière civile)
  5A_324/2007 du 29 novembre 2007

Regeste

  Art. 30 Abs. 1 BV; Anspruch auf einen unparteilichen Richter.

  Ein Richter, der Strafanzeige wegen Ehrverletzung eingereicht und
Zivilklage auf Genugtuung erhoben hat, ist gehalten, in einem späteren
Verfahren, an dem der Urheber der Verletzung beteiligt ist, von sich aus in
Ausstand zu treten (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 20

  Par acte du 21 mai 2007, Gerhard Ulrich a demandé la récusation d'Anne
Röthenbacher, Présidente du Tribunal d'arrondissement de La Côte. La requête
a été transmise le lendemain par Pierre Bruttin, autre président de ce
tribunal, à la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois. Statuant le
29 mai 2007, cette juridiction a rejeté la demande de récusation et mis les
frais (500 fr.) à la charge du requérant.

  Le Tribunal fédéral a admis le recours formé par Gerhard Ulrich à
l'encontre de cette décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extraits des considérants:

Erwägung 4

  4.  Le recourant fait valoir, en substance, que le Juge cantonal Dominique
Creux ne pouvait siéger au sein de la Cour administrative du Tribunal
cantonal, dès lors qu'il est "[son] ennemi personnel, puisqu'il [l'a] fait
condamner pour une prétendue atteinte à son honneur non existante"; il
soutient que la participation du magistrat concerné est dictée par un
sentiment de "vengeance" et son obstination n'est "rien d'autre qu'un
règlement de comptes".

  4.1  Il ressort du dossier que le Juge cantonal Dominique Creux, lequel
préside la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois, a déposé
plainte pénale, le 13 juin 2003, contre Gerhard Ulrich et

Marc-Etienne Burdet en raison du contenu de deux tracts diffusés par
l'association "Appel au Peuple", dont les prénommés sont respectivement
président et membre du comité. Par jugement du 25 février 2005, le Tribunal
de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, condamné
Gerhard Ulrich et Marc-Etienne Burdet pour diffamation et les a condamnés
solidairement à verser au plaignant une indemnité de 1'000 fr. à titre de
"réparation morale". Statuant le 25 juillet 2006, le Tribunal Neutre du
canton de Vaud a confirmé ce jugement. Le Tribunal fédéral a déclaré
irrecevable le 12 décembre 2006 le pourvoi en nullité formé à l'encontre de
cette décision.

  4.2  La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les
art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH - qui ont, de ce point de vue, la même
portée - permet, indépendamment du droit de procédure cantonal, de demander
la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à
susciter des doutes quant à son impartialité; elle vise à éviter que des
circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en
faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation
seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition
interne de la part du juge ne peut guère être prouvée; il suffit que les
circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une
activité partiale du magistrat; cependant, seules les circonstances
objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions
purement individuelles n'étant pas décisives (ATF 133 I 1 consid. 5.2 p.
3/4; 131 I 24 consid. 1.1 p. 25 et les arrêts cités).

  4.3
  4.3.1  D'après la jurisprudence, le motif de récusation doit être invoqué
aussitôt que l'intéressé en a eu connaissance, sous peine d'être déchu du
droit de s'en prévaloir ultérieurement (cf. parmi plusieurs: ATF 132 II 485
consid. 4.3 p. 496/497; 119 Ia 221 consid. 5a p. 228/229 et les arrêts
cités).

  Le recourant ne fait pas valoir, en l'espèce, qu'il ignorait que la Cour
administrative était compétente pour se prononcer sur sa demande de
récusation (art. 7 let. a du règlement organique du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 7 juillet 1992 [ROTC; RSV 173.31.1]), comme le confirment
d'ailleurs plusieurs décisions rendues à son sujet (cf. arrêts 1P.390/2006
du 17 juillet 2006; 1P.620/2006 du 29 septembre 2006). Hormis une
publication dans la Feuille des

avis officiels du canton de Vaud (FAO n° 100, du 15 décembre 2006, p. 7), la
composition de ladite juridiction n'est actuellement accessible qu'au moyen
du site Internet officiel de l'Etat de Vaud (cf.
www.vd.ch/fr/organisation/ordre-judiciaire/direction/cour-administrative).
La question de savoir si, dans l'optique de la récusation, cette dernière
source est ou non opposable au justiciable peut demeurer indécise pour les
motifs suivants (cf. infra, consid. 4.3.2).

  4.3.2  Le fait qu'une partie s'en prenne violemment à un juge trahit
certainement l'inimitié que celle-là nourrit à l'endroit de celui-ci, mais
cela ne permet pas de présumer qu'un tel sentiment soit réciproque. Ces
attaques n'ont pas, d'un point de vue objectif, pour effet de faire naître
une apparence de prévention du magistrat en cause envers l'auteur de
l'atteinte; en décider autrement reviendrait à ouvrir aux quérulents la
possibilité d'influencer la composition du tribunal en tenant des propos
insultants vis-à-vis du juge dont ils récusent la participation.

  En revanche, la situation se présente différemment lorsque, comme en
l'espèce, le magistrat atteint dans sa personnalité réagit en déposant une
plainte pénale (cf. art. 173 CP), assortie de conclusions civiles en
réparation du tort moral (cf. art. 28a al. 3 CC et art. 49 CO). Le conflit
assume alors une tournure personnelle et, en raison de son épilogue
judiciaire, est objectivement de nature à entacher l'impartialité du juge
lors d'une autre procédure impliquant son adversaire. L'apparence de
prévention était si évidente en l'occurrence - compte tenu notamment du
temps relativement court qui s'est écoulé depuis le terme du procès pénal
(cf. supra, consid. 4.1) - que le Juge Creux aurait dû se récuser
spontanément; ce vice doit être apprécié avec plus de rigueur qu'une
éventuelle tardiveté de la demande de récusation (supra, consid. 4.3.1; cf.
KIENER, Richterliche Unabhängigkeit, Berne 2001, p. 361 let. c et les
auteurs cités en note 155), d'autant que la distinction entre récusation
facultative et obligatoire fait l'objet de critiques en doctrine (cf.
KIENER, op. cit., p. 350 et les références citées en note 90) et qu'elle
n'est plus consacrée par la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral (LTF) du 17
juin 2005 (ATAF 2007/4 consid. 2.2 p. 29 et les citations).