Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 II 265



Urteilskopf

134 II 265

32. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Station
Service Y. SA contre Service cantonal de l'inspection et des relations du
travail de la République et canton de Genève (recours en matière de droit
public)
2C_212/2008 du 3 septembre 2008

Regeste

Art. 18 und 27 ArG; Art. 26 ArGV 2; Verbot der Sonntagsarbeit; Ausnahme für
Tankstellenshops an Hauptverkehrswegen mit starkem Reiseverkehr; Kanton Genf.
Grundsatz des Verbots der Sonntagsarbeit und Übersicht über die möglichen
Abweichungen hievon (E. 4.1); Streitgegenstand (E. 4.2). Zum Begriff der
"Hauptverkehrswege mit starkem Reiseverkehr": Tragweite und Zielsetzung von
Art. 26 Abs. 4 ArGV 2 (E. 5).

Sachverhalt ab Seite 265

BGE 134 II 265 S. 265
Par décisions des 23/24 janvier 2006 prises à la suite de nouvelles directives
fédérales, le Service cantonal genevois de l'inspection et des relations du
travail (ci-après: le Service cantonal) a interdit à de nombreuses
stations-service du canton d'employer du personnel le dimanche et les jours
fériés assimilés, sous réserve des membres de la famille visés par la loi; ces
décisions retiennent notamment que les
BGE 134 II 265 S. 266
magasins des stations-service concernées ne se situent pas "le long d'axes de
circulation importants à forte fréquentation touristique".
Quarante-neuf stations-service du canton de Genève ont recouru contre les
décisions d'interdiction prises à leur encontre.
Par arrêt du 22 janvier 2008, le Tribunal administratif du canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours à l'égard de 23
stations-service et l'a partiellement admis pour les 26 autres.
La société Y. SA, à Genève, qui exploite un garage et une station-service en
ville de Genève, dépose un recours en matière de droit public contre l'arrêt
précité du Tribunal administratif. Elle se plaint notamment de mauvaise
interprétation et application de la législation fédérale sur le travail et
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

4.

4.1 Le principe de l'interdiction de travailler le dimanche est ancré à l'art.
18 de la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie,
l'artisanat et le commerce (loi sur le travail, LTr; RS 822.11). Les
dérogations à cette interdiction sont en principe soumises à autorisation (cf.
art. 19 al. 1 LTr). Les conditions mises à l'obtention de ces dérogations sont
précisées aux art. 27 et 28 de l'ordonnance 1 du 10 mai 2000 relative à la loi
sur le travail (OLT 1; RS 822.111).
A côté de ce régime dérogatoire soumis à autorisation, l'art. 27 al. 1 LTr
prévoit que certaines catégories d'entreprises ou de travailleurs peuvent, dans
la mesure où leur situation particulière le rend nécessaire, être soumises par
voie d'ordonnance à des dispositions spéciales remplaçant en tout ou en partie
certaines prescriptions légales, comme l'interdiction de travailler le dimanche
prévue à l'art. 18 LTr. De telles dispositions peuvent être édictées pour les
différentes entreprises énumérées de manière exemplative (cf.THOMAS GEISER/
ADRIAN VON KAENEL/RÉMY WYLER, Loi sur le travail, Berne 2005, n. 5 ad art. 27
LTr; ROLAND A. MÜLLER, Arbeitsgesetz, 6^e éd., Zurich 2001, p. 117 ad art. 27
LTr) à l'art. 27 al. 2 LTr. Cette disposition mentionne entre autres les
entreprises qui satisfont aux besoins du tourisme (let. c) ou qui
approvisionnent des véhicules en carburant ou bien les entretiennent et les
réparent (let. h).
Le Conseil fédéral a fait usage de la délégation de compétence prévue à l'art.
27 al. 1 LTr en promulguant l'ordonnance 2 du 10 mai 2000
BGE 134 II 265 S. 267
relative à la loi sur le travail (OLT 2, Dispositions spéciales pour certaines
catégories d'entreprises ou de travailleurs; RS 822.112). Ce texte précise les
possibilités de dérogations aux prescriptions légales en matière de durée du
travail et de repos; il désigne également les catégories d'entreprises ou
groupes de travailleurs auxquels s'appliquent ces dérogations et définit leur
étendue (cf. art. 1^er OLT 2). En vertu des art. 3 et 4 al. 2 OLT 2, les
catégories d'entreprises visées dans la section 3 de l'ordonnance (art. 15 à 52
OLT 2) peuvent, sans autorisation officielle, occuper des travailleurs pendant
la totalité ou une partie du dimanche. Bénéficient notamment d'une telle
dérogation "pour tout le dimanche" les entreprises de la branche automobile
pour les travailleurs qu'elles affectent à l'approvisionnement des véhicules en
carburant (cf. art. 46 OLT 2) ainsi que les kiosques et les entreprises de
services aux voyageurs pour les travailleurs qu'ils affectent aux services aux
voyageurs (cf. art. 26 al. 1 et 2 OLT 2). Aux termes de l'art. 26 al. 4 OLT 2,
"sont réputés entreprises de services aux voyageurs les points de vente et
entreprises de prestation de services situés dans le périmètre de gares,
aéroports, stations de transports publics et dans les localités frontalières,
ainsi que les magasins des stations-service situés sur les aires des autoroutes
ou le long d'axes de circulation importants à forte fréquentation touristique,
dont les marchandises ou les prestations répondent principalement aux besoins
particuliers des voyageurs".

4.2 La décision du Service cantonal à l'origine du présent litige ne fait pas
suite à une demande de la recourante tendant à obtenir une dérogation à
l'interdiction d'occuper des travailleurs le dimanche au sens de l'art. 19 LTr.
Du reste, seul le Seco serait compétent pour accorder ou refuser une telle
autorisation (cf. art. 19 al. 4 LTr). En fait, il s'agit d'une décision
constatatoire négative prise d'office par l'autorité cantonale compétente en
vertu de son pouvoir d'exécuter la loi fédérale sur le travail et ses
ordonnances (cf. art. 41 al. 1 LTr). Plus précisément, la décision constate que
la recourante peut, comme entreprise de la branche automobile, bénéficier de la
dérogation prévue à l'art. 46 OLT 2 et, à ce titre, employer du personnel le
dimanche sans autorisation officielle pour vendre du carburant ainsi que
certains accessoires pour automobiles, mais qu'elle ne remplit en revanche pas
les conditions pour profiter d'une telle dérogation en qualité d'entreprise de
services aux voyageurs au sens de l'art. 26 al. 2 OLT 2. Le litige porte ainsi
sur le point de savoir si la recourante entre dans cette dernière catégorie
d'entreprises telle que définie à l'al. 4 de la disposition précitée.
BGE 134 II 265 S. 268

5. (...)

5.1 La notion "d'axes de circulation importants à forte fréquentation
touristique" mentionnée à l'art. 26 al. 4 OLT 2 ne vise pas les seuls
touristes, comme le soulignent les directives du Seco (Commentaire de
l'ordonnance 2 relative à la loi sur le travail, état novembre 2006, fiche 226,
p. 1 s.; ci-après cité: les directives du Seco), mais tous les voyageurs. Cette
interprétation correspond aux versions allemande et italienne du texte qui
parlent respectivement d'axes de circulation importants "mit starkem
Reiseverkehr" et "con traffico intenso", sans aucune référence à l'éventuelle
dimension touristique dudit trafic. La possibilité de prévoir une dérogation
pour les entreprises qui satisfont aux besoins du tourisme fait du reste
l'objet d'une disposition spéciale de l'ordonnance 2 (art. 25 OLT 2) édictée
sur la base de la délégation expresse du législateur fédéral prévue à l'art. 27
al. 2 let c LTr (cf. arrêts 2A.704/2005 du 4 avril 2006, consid. 3.3 et 2A.578/
2000 du 24 août 2001, consid. 4). En réalité, l'art. 26 al. 4 OLT 2 fait partie
des dérogations à la loi qui ne sont pas mentionnées explicitement à l'art. 27
al. 2 LTr, mais que le Conseil fédéral peut prévoir en vertu de la délégation
de compétence de l'art. 27 al. 1 LTr (implicitement en ce sens, cf. arrêt
2A.211/2006 du 16 janvier 2007, consid. 3.1, publié in Revue de droit du
travail et d'assurance-chômage [DTA] 2007 p. 110; ROLAND A. MÜLLER, op. cit.,
p. 117 ad art. 27 LTr).

5.2 L'art. 26 al. 4 OLT 2 a pour objectif de permettre aux voyageurs circulant
sur des autoroutes ou des axes de circulation importants d'obtenir facilement
et rapidement les marchandises et services dont ils peuvent avoir besoin en
chemin. Les prestations ainsi offertes ne visent pas à satisfaire les besoins
quotidiens de la population, mais doivent correspondre à un assortiment limité
de produits et de services répondant spécifiquement aux attentes des voyageurs
(cf. arrêt précité 2A.704/2005 du 4 avril 2006, consid. 5.2), le but étant que
ceux-ci puissent avoir accès aisément à ces prestations de base sur leur trajet
(sur les articles pouvant être proposés à la vente dans le canton de Genève,
cf. art. 2 al. 4 du règlement d'exécution du 21 février 1969 de la loi sur les
heures de fermeture des magasins [RHFM; RSG I 1 05.01] et la directive
administrative n° 2003/1 du 15 septembre 2003 relative à ce règlement édictée
par l'Office cantonal de l'inspection du commerce). En principe, les
stations-service offrant de telles prestations doivent se trouver directement
en bordure des axes en cause, afin d'être facilement accessibles aux voyageurs.
Selon la jurisprudence, il n'est cependant pas exclu qu'une station-service,
bien
BGE 134 II 265 S. 269
que non située directement sur un axe de circulation important, puisse remplir
les exigences de l'art. 26 al. 4 OLT 2, à condition que sa clientèle (plus
précisément celle de son shop) soit effectivement composée, le dimanche, pour
une large part de voyageurs empruntant un axe de circulation important situé à
proximité immédiate (cf. arrêt précité 2A.211/2006 du 16 janvier 2007, consid.
3.3).

5.3 Selon les directives du Seco, la notion d'axes de circulation importants à
forte fréquentation par les voyageurs désigne les voies principales de
circulation qui relient localités importantes, cantons ou Etats, et qui
constituent les principales voies d'accès pour le gros du trafic de voyageurs.
La notion vise donc les trajets d'une certaine distance. Elle ne comprend
toutefois pas seulement les autoroutes, mais aussi les routes cantonales qui
remplissent cette fonction dans les régions ne disposant pas de voies rapides
ou de semi-autoroutes. En revanche, ni le trafic pendulaire quotidien entre
localités voisines ni le trafic local ne sont considérés par les directives du
Seco comme représentant une fraction importante de la circulation des voyageurs
(fiche 226 p. 2).
Le Département fédéral de l'économie souligne, dans ses observations sur le
recours, que les cantons disposent d'un certain pouvoir d'appréciation pour
déterminer les routes qui répondent, sur leur territoire, à la définition
d'axes de circulation importants ("Hauptverkehrswege"; "strade principali") au
sens de l'art. 26 al. 4 OLT 2.

5.4 Sur la base des directives du Seco, le Service cantonal a établi une liste
des routes visées par l'art. 26 al. 4 OLT 2 dans le canton de Genève. Cette
liste comprend les voies suivantes: la route Suisse, la route de Ferney, la
route de Meyrin, la route de Saint-Julien, la route d'Annecy, la route du
Pas-de-l'Echelle, la rue de Genève, la route de Thonon, la route d'Hermance et
la route Blanche.
Le Tribunal administratif a estimé que les axes pris en compte par le Service
cantonal "constituent indubitablement les routes les plus importantes pour
entrer dans le canton et en sortir". Il a néanmoins complété la liste en y
ajoutant l'axe de circulation qui relie la route de Saint-Julien à l'aéroport
international de Genève pour former la "moyenne ceinture" (soit l'avenue des
Communes-Réunies, Pont Butin, l'avenue de l'Ain et la route de Pailly); bien
que doublé d'un tronçon autoroutier, cet axe représente en effet, selon les
premiers juges, l'itinéraire alternatif le plus direct pour les voyageurs qui
souhaitent soit se rendre à l'aéroport, soit simplement traverser Genève
BGE 134 II 265 S. 270
en provenance ou à destination de la France, sans emprunter l'autoroute de
contournement qui implique l'achat d'une vignette autoroutière. Dans la mesure
où la station-service de la recourante ne se trouve le long d'aucune des routes
précitées, le Tribunal administratif a jugé qu'elle n'est pas située le long
d'un axe de circulation important à forte fréquentation par les voyageurs au
sens de l'art. 26 al. 4 OLT 2.

5.5 Pour contester le point de vue du Tribunal administratif, la recourante
développe une motivation qui trahit une mauvaise compréhension de l'art. 26 al.
4 OLT 2, son argumentation s'épuisant dans la démonstration que son entreprise
se trouve dans une rue à fort trafic. Or, la disposition précitée subordonne
explicitement son application aux magasins des stations-service situées le long
d'un axe de circulation à deux conditions distinctes, à savoir que cet axe soit
"important" et - au surplus - "à forte fréquentation (de voyageurs)". Autrement
dit, un axe de circulation au sens de la norme litigieuse ne se définit pas,
contrairement à l'opinion de la recourante, par la seule densité du trafic
absorbé. Il faut qu'indépendamment de sa fréquentation, l'axe entrant en ligne
de compte soit objectivement important pour le trafic des voyageurs. A cet
égard, la symétrie établie par l'art. 26 al. 4 OLT 2 entre de tels axes et les
autoroutes confirme que, conformément aux directives du Seco, ne sont visées
que les routes utilisées pour effectuer des trajets d'une certaine distance,
mais non celles qui prennent en charge un trafic essentiellement local voire
régional. Cette interprétation relativement étroite de la notion d'axes de
circulation importants à forte fréquentation par les voyageurs est du reste la
seule qui soit véritablement compatible avec la ratio legis de l'art. 26 al. 4
OLT 2. En effet, les "besoins particuliers des voyageurs" en marchandises et
prestations (de base) au sens de cette disposition se font surtout sentir sur
de longs trajets, mais ne sauraient, à proprement parler, se manifester sur de
courtes distances.
En outre, dans la mesure où la disposition litigieuse consacre une dérogation
au principe général de l'interdiction du travail dominical, elle doit en toute
hypothèse être interprétée restrictivement et non pas extensivement (cf. ATF
126 II 106 consid. 5a p. 109 s.; arrêt 2A.26/2005 du 14 juin 2005, consid.
3.2.2, partiellement reproduit in SJ 2006 I p. 13), quand bien même les
habitudes des consommateurs auraient, le cas échéant, subi une certaine
évolution depuis l'adoption de la règle (cf. arrêt précité 2A.704/2005 du 4
avril 2006, consid. 3.1). Cette conception correspond à la volonté du
législateur (cf. HANS
BGE 134 II 265 S. 271
PETER TSCHUDI, La protection des travailleurs en droit suisse, Berne 1987, p.
82) et à l'objectif de protection des travailleurs que poursuit en premier lieu
l'art. 18 LTr (cf. arrêt 2A.542/2001 du 1^er octobre 2002, consid. 4.1). Il est
vrai, comme le souligne la recourante, qu'une certaine tendance à l'extension
du travail dominical semble se dessiner (cf. GEISER/VON KAENEL/WYLER, op. cit.,
n. 2 ad art. 18 LTr). Toutefois, si un assouplissement des dérogations
existantes ou de nouvelles dérogations expriment une évolution récente
intervenue dans la société, il revient au législateur de modifier dans la
mesure utile la loi fédérale sur le travail et/ou ses ordonnances
d'application. C'est par exemple ce qui a été fait lors de l'introduction de
l'art. 27 al. 1^ter LTr concrétisé à l'art. 26a OLT 2 (novelle du 8 octobre
2004 entrée en vigueur le 1^er avril 2006; RO 2006 p. 961, 963), qui a
soustrait au régime ordinaire - restrictif - de l'art. 26 OLT 2 les magasins et
les entreprises de service situés dans les aéroports et dans les gares à forte
fréquentation considérées comme des centres de transports publics (cf. Rapport
du 17 février 2004 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil
national concernant l'initiative parlementaire sur les heures d'ouverture des
commerces dans les centres de transports publics [FF 2004 p. 1485] et Avis du
Conseil fédéral du 5 mars 2004 sur l'initiative et le rapport précités [FF 2004
p. 1493]). De même, plus récemment, le législateur a adopté l'art. 19 al. 6 LTr
(novelle du 21 décembre 2007 en vigueur depuis le 1^er juillet 2008; RO 2008 p.
2903), qui donne aux cantons la compétence de fixer au plus quatre dimanches
par an pendant lesquels le personnel peut être employé dans les commerces sans
qu'une autorisation soit nécessaire (sur l'exposé des motifs de cette révision,
cf. FF 2007 p. 4051, 4059). En revanche, il n'appartient pas au juge
d'interpréter de manière large et contraire à l'esprit de la loi les exceptions
au travail dominical, car cela reviendrait à vider de sa substance le principe
de l'interdiction de travailler le dimanche expressément inscrit à l'art. 18
LTr.