Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 III 565



Urteilskopf

134 III 565

88. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. Ltd
contre Y. et Z. S.p.A. (recours en matière civile)
4A_128/2008 du 19 août 2008

Regeste

Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Zuständigkeit (Art. 190 Abs. 2 lit. b
IPRG); subjektiver Anwendungsbereich der Schiedsvereinbarung; Schuldübernahme
und andere Formen von Sicherheiten. Kognition des Bundesgerichts bei der
Prüfung der Unzuständigkeitsrüge (E. 3.1). Die externe Schuldübernahme, sei sie
befreiend oder kummulativ, bewirkt im Prinzip den Übergang der Schiedsklausel,
die im Vertrag enthalten ist, aus dem die Schuld hervorgeht. Diese Regel ist
auf andere Formen von Sicherheiten nicht anwendbar (E. 3.2).

Sachverhalt ab Seite 565

BGE 134 III 565 S. 565

A. Le 9 novembre 2002, X. Ltd (ci-après: X.), société de droit chypriote, et
Y., société de droit du Qatar, ont conclu un contrat d'entreprise dans le cadre
de la construction d'un complexe
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industriel au Qatar. X. s'y est engagée à effectuer des travaux; Y., à payer le
prix de l'ouvrage et à fournir une garantie de paiement à sa cocontractante.
Une clause arbitrale prévoyait que tous les différends auxquels l'exécution du
contrat pourrait donner lieu seraient soumis à un ou plusieurs arbitres
statuant sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Le siège
de l'arbitrage a été fixé à Genève. Les parties ont soumis le contrat au droit
suisse.
Le 20 décembre 2002, Z. S.p.A. (ci-après: Z.), société de droit italien, a émis
une garantie de paiement dont Y. a envoyé l'original à X.
Au printemps 2003, un différend a surgi entre les parties au sujet de
l'exécution du contrat.
En octobre de la même année, X. a fait appel à la garantie mais Z. a refusé
d'intervenir.

B. Le 18 octobre 2005, X. a saisi la CCI d'une demande d'arbitrage dirigée
contre Y. et Z. Elle a conclu, notamment, à ce que les défenderesses soient
condamnées à lui payer divers montants en rapport avec l'exécution du contrat
d'entreprise.
Dans une lettre du 18 novembre 2005, Z. a indiqué à la CCI qu'elle n'était liée
par aucune clause arbitrale, de sorte que la procédure initiée par X. ne
pouvait pas être poursuivie contre elle.
Considérant qu'une clause arbitrale existait prima facie à l'égard de Z., la
CCI a mis en oeuvre la procédure de constitution d'un tribunal arbitral de
trois membres.
Le Tribunal arbitral a décidé de statuer d'abord sur sa propre compétence. Par
sentence incidente du 31 janvier 2008, rendue à la majorité de ses membres, il
a constaté qu'il n'était pas compétent à l'égard de Z. dans le contexte de la
procédure arbitrale pendante. Il a, en revanche, admis sa compétence ratione
personae à l'endroit de Y.

C. Le 7 mars 2008, X. a déposé un recours en matière civile. Elle y invite le
Tribunal fédéral à annuler ladite sentence et à constater que le Tribunal
arbitral est compétent pour statuer sur les prétentions élevées par elle à
l'encontre de Z.
Par arrêt du 19 août 2008, le Tribunal fédéral a rejeté le recours. Il a
retenu, en substance, que Z. ne pouvait pas être attraite devant le Tribunal
arbitral appelé à statuer dans la cause divisant X. d'avec Y. du seul fait
qu'elle avait garanti l'exécution des obligations d'Y. envers X.
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Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3. Dans un unique moyen, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la recourante
reproche au Tribunal arbitral d'avoir décliné à tort sa compétence à l'égard de
Z.

3.1 Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les
questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la
compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 133 III 139 consid. 5 p.
141 et les arrêts cités). Il n'en devient pas pour autant une cour d'appel.
Aussi ne lui incombe-t-il pas de rechercher lui-même, dans la sentence
attaquée, les arguments juridiques qui pourraient justifier l'admission du
grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. C'est bien plutôt au recourant
qu'il appartient d'attirer son attention sur eux, pour se conformer aux
exigences de l'art. 42 al. 2 LTF (arrêts 4A_160/2007 du 28 août 2007, consid.
3.1; 4P.67/2003 du 8 juillet 2003, consid. 1.5 non publié à l' ATF 129 III 675
).

3.2 Avant d'entrer en matière sur le moyen soulevé par la recourante, il sied
de rappeler, en les complétant au besoin, les principes qui ont été posés par
le Tribunal fédéral en rapport avec le problème litigieux.
Lorsqu'il examine s'il est compétent pour trancher le différend qui lui est
soumis, le tribunal arbitral doit résoudre, entre autres questions, celle de la
portée subjective de la convention d'arbitrage. Il lui appartient de déterminer
quelles sont les parties liées par cette convention et de rechercher, le cas
échéant, si un ou des tiers qui n'y sont pas désignés entrent néanmoins dans
son champ d'application. Cette question de compétence ratione personae, qui
relève du fond, doit être résolue à la lumière de l'art. 178 al. 2 LDIP (ATF
129 III 727 consid. 5.3.1 p. 736). La disposition citée consacre trois
rattachements alternatifs in favorem validitatis, sans aucune hiérarchie entre
eux, à savoir le droit choisi par les parties, le droit régissant l'objet du
litige (lex causae) et le droit suisse (ATF 129 III 727 consid. 5.3.2 p. 736).
En vertu du principe de la relativité des obligations contractuelles, la
convention d'arbitrage incluse dans un contrat ne lie que les cocontractants.
Cependant, dans un certain nombre d'hypothèses, comme la cession de créance, la
reprise (simple ou cumulative) de dette ou le transfert d'une relation
contractuelle, le Tribunal fédéral admet de longue date qu'une convention
d'arbitrage peut obliger même des
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personnes qui ne l'ont pas signée et qui n'y sont pas mentionnées (ATF 129 III
727 consid. 5.3.1 p. 735 et les arrêts cités). En outre, le tiers qui s'immisce
dans l'exécution du contrat contenant la convention d'arbitrage est réputé
avoir adhéré, par actes concluants, à celle-ci si l'on peut inférer de cette
immixtion sa volonté d'être partie à la convention d'arbitrage (ATF 129 III 727
consid. 5.3.2 p. 737; arrêt 4P.48/2005 du 20 septembre 2005, consid. 3.4.1).
La reprise de dette externe entraîne le transfert des droits accessoires, au
sens de l'art. 178 al. 1 CO, du débiteur au reprenant. La convention
d'arbitrage constitue un tel accessoire (EUGEN SPIRIG, Commentaire zurichois, 3
^e éd., n. 50 ad art. 178 CO; THOMAS PROBST, Commentaire romand, n. 3 ad art.
178 CO; RUDOLF TSCHÄNI, Commentaire bâlois, Obligationenrecht I, 4^e éd., n. 1
ad art. 178 CO; WERNER WENGER/CHRISTOPH MÜLLER, Commentaire bâlois,
Internationales Privatrecht, 2^e éd., n. 77 ad art. 178 LDIP; PIERRE ENGEL,
Traité des obligations en droit suisse, 2^e éd., p. 900). Il s'ensuit qu'elle
lie le reprenant, sauf exceptions. Cela va de soi dans le cas d'une reprise
privative, puisque celle-ci implique une succession à titre particulier dans la
qualité de sujet passif de l'obligation, un nouveau débiteur prenant la place
de l'ancien. La jurisprudence a aussi reconnu semblable effet à la reprise
cumulative de dette (arrêt 4P.126/ 2001 du 18 décembre 2001, consid. 2e/bb),
même si, dans ce cas de figure, il n'y a pas un changement de débiteur, mais
l'intervention d'un second débiteur qui devient débiteur solidaire aux côtés du
débiteur primitif (PROBST, op. cit., n. 13 ad Intro. art. 175-183 CO). La
solution retenue pour ce type de reprise de dette externe peut paraître moins
évidente, étant donné qu'il n'y a pas ici de substitution de débiteur; elle se
justifie, toutefois, à l'instar de celle qui a été adoptée pour l'autre forme
de reprise de dette, par le motif que la clause compromissoire, en tant
qu'accessoire de la dette reprise et, comme tel, indissociable de celle-ci,
passe au reprenant, sauf stipulation contraire, lorsque ce dernier acquiert la
qualité de codébiteur solidaire de ladite dette, quand bien même elle continue
à lier le débiteur primitif. Il ne serait d'ailleurs guère expédient, du point
de vue de l'économie de la procédure, de contraindre le créancier à faire
valoir simultanément la même créance devant un tribunal arbitral à l'encontre
du débiteur primitif et devant le juge ordinaire à l'encontre du reprenant,
sans compter le risque de décisions contradictoires que comporterait la mise en
oeuvre de deux instances. Au demeurant, la solution adoptée n'aggrave pas la
position du nouveau codébiteur, puisque celui-ci sait, en reprenant
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cumulativement la dette, qu'il pourra être assigné par le créancier devant une
juridiction arbitrale et qu'il peut ainsi, soit refuser la reprise de dette,
soit convenir avec le créancier de ne pas appliquer la clause arbitrale pour
trancher les différends qui pourraient les diviser.
Du point de vue fonctionnel, la reprise cumulative de dette est un moyen de
sûretés servant à garantir une créance (PROBST, op. cit., n. 7 ad Intro. art.
175-183 CO). Cela ne signifie pas pour autant que les autres formes de sûretés
(cautionnement, porte-fort, garantie bancaire, etc.) doivent être traitées de
la même manière qu'elle sous le rapport de la convention d'arbitrage. En effet,
la situation des autres garants se distingue fondamentalement de celle du
reprenant en ce sens que les premiers, à l'inverse du second, ne deviennent pas
les sujets passifs de la dette garantie, mais contractent une autre obligation,
indépendante (porte-fort) ou accessoire (cautionnement), en vue de garantir le
paiement de cette dette. Aussi n'est-il pas possible de considérer la
convention d'arbitrage contenue dans le contrat principal comme un accessoire
de la dette découlant du contrat de garantie lato sensu. Par conséquent, un
tribunal arbitral ne saurait admettre sa compétence pour statuer sur les droits
du créancier à l'égard du garant du seul fait que le contrat liant le créancier
et le débiteur contient une convention d'arbitrage (cf., de manière implicite,
l'arrêt 4P.126/2001, précité, consid. 2e/bb, 4^e §; voir aussi: PIERRE JOLIDON,
Commentaire du Concordat suisse sur l'arbitrage, n. 822, p. 141; GABRIELLE
KAUFMANN-KOHLER/ANTONIO RIGOZZI, Arbitrage international - Droit et pratique à
la lumière de la LDIP, n. 272; PHILIPPE FOUCHARD/EMMANUEL GAILLARD/BERTHOLD
GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, n. 498, p. 298;
JENS-PETER LACHMANN, Handbuch für die Schiedsgerichtspraxis, 3^e éd., n. 527;
KARL HEINZ SCHWAB/GERHARD WALTER, Schiedsgerichtsbarkeit, 7^e éd., n. 34 ad
chap. 7, p. 64; JÜRGEN DOHM, Bankgarantie und Schiedsgerichtsbarkeit, in
Bulletin de l'Association suisse de l'arbitrage [ASA] 1987 p. 92 ss, 102 let.
b). Pour que sa compétence puisse être reconnue, il faut que le contrat de
garantie inclue une clause arbitrale la prévoyant spécifiquement, resp. qu'il
contienne un renvoi suffisant à la clause compromissoire figurant dans le
contrat principal (convention d'arbitrage par référence), voire, à ce défaut,
que le garant ait manifesté, de manière expresse ou par une attitude
concluante, une volonté que le créancier pouvait interpréter de bonne foi,
selon le principe de la confiance, comme étant celle de se soumettre à la
convention d'arbitrage insérée dans le contrat principal.