Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 III 224



Urteilskopf

134 III 224

39. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Banque X. SA
contre Commune Y. (recours en matière civile)
4A_317/2007 du 9 janvier 2008

Regeste

Internationales Privatrecht. Übergangsrecht zum IPRG. Anknüpfung des
Aussenverhältnisses bei der Stellvertretung (E. 3).

Regeste

Beweislast (Art. 8 ZGB). In einem der Verhandlungsmaxime unterliegenden
Verfahren kann der für sechsmonatige Anlagen in ECU geltende LIBOR-Zinssatz
nicht als notorische Tatsache betrachtet werden (E. 5).

Regeste

Bestimmung der vertraglichen Zinsen beim Darlehen (Art. 73 Abs. 1 und Art. 314
Abs. 1 OR). Haben die Vertragsparteien den für das Darlehen anwendbaren
Zinssatz bestimmt, ist der vereinbarte Zinssatz anzuwenden und nicht der
gesetzliche Zinssatz von 5 % pro Jahr, der sich aus der subsidiären Bestimmung
von Art. 73 Abs. 1 OR ergibt. Der Kläger hat die Tatsachen zu beweisen, die
eine Berechnung des vertraglichen Zinses im relevanten Zeitpunkt erlauben (E.
7).

Sachverhalt ab Seite 225

BGE 134 III 224 S. 225
A.

A.a Au début 1988, la société en formation A. (ci-après: la société A.) a
projeté de construire sur des parcelles dont elle était propriétaire dans la
Commune Y. (ci-après: la commune), sise en Bretagne (France), un hôtel avec
restaurant pour un coût estimé à 16 millions de francs français (FF). La
société A. a souhaité que la commune garantît l'emprunt bancaire destiné au
financement du projet.
Dans cette optique, le maire a expliqué le 29 janvier 1988 au conseil municipal
de la commune que la garantie de celle-ci était sollicitée pour couvrir le 80 %
d'un emprunt de 16 millions de FF, que la garantie accordée deviendrait
définitive dès la constitution de la société A. et qu'en contrepartie la
commune obtiendrait une hypothèque en premier rang. Après délibération, le
conseil municipal a décidé d'accorder sa garantie à la société A. pour le
remboursement en capital, intérêts et accessoires du 80 % de l'emprunt en ECU,
d'une durée de 15 ans et au taux du marché, d'un montant équivalent à 16
millions de FF, que cette dernière allait solliciter auprès de la banque W. à
Paris.
Le 1 ^er septembre 1988, une convention a ainsi été signée entre la société A.
désignée comme l'"Emprunteur", la commune, représentée par son maire B., en
tant que "Garant", et C. SA, société financière de droit suisse domiciliée à
Genève, dénommée le "Prêteur". Aux termes de cette convention, C. SA
s'engageait à prêter à la société A. un total de 2'287'000 ECU, dont 1'830'000
ECU étaient garantis par la commune. Le contrat était conclu pour une durée de
8 ans, prolongeable de 7 ans, sauf dénonciation émanant de l'une des parties
contractantes. Il était stipulé que le taux d'intérêt serait fixé par le
Prêteur, pour des périodes consécutives de six mois renouvelables, selon le
taux LIBOR applicable aux dépôts en ECU à six mois, majoré de 1 %. Le
remboursement du prêt était garanti
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irrévocablement par la commune en vertu de la délibération du conseil municipal
du 29 janvier 1988. La convention était soumise au droit suisse, une élection
de for étant encore prévue en faveur des tribunaux genevois. Le même jour, le
maire de la commune a également signé au nom de celle-ci un acte par lequel
elle garantissait irrévocablement, à concurrence de 1'830'000 ECU, l'emprunt
contracté par la société A., à charge de celle-ci d'inscrire une hypothèque de
premier rang au profit de la commune. Selon cet acte, en cas de défaut de
paiement de l'emprunteur aux échéances convenues, le garant devait s'acquitter
à la première réquisition du prêteur suivant une mise en demeure; le garant
donnait son accord à ce que l'emprunteur reçoive les fonds empruntés sur un
compte ouvert auprès de la perception de la commune, les situations de paiement
devant être visées par un représentant de cette dernière; la garantie était
cessible, mais conjointement avec le contrat de prêt.
En vertu de la loi française applicable au contrôle administratif des actes des
autorités communales, le contrat de prêt et la déclaration de garantie ont été
transmis à la sous-préfecture de M., qui les a reçus le 1 ^er septembre 1988.
C. SA n'était qu'un intermédiaire, dont la tâche consistait à mettre en place
l'opération financière. Le 20 septembre 1988, C. SA a cédé à la Banque X. SA
(ci-après: X.), société sise à Luxembourg, les droits et les obligations
découlant du prêt garanti à concurrence de 1'830'000 ECU, ce dont la mairie de
la commune a été informée par courrier du 6 octobre 1988.
X. a remis les fonds, par 1'830'000 ECU, à la société A., laquelle a été
immatriculée au registre du commerce de la ville française N. le 12 octobre
1988. Le solde des fonds dont le prêt était prévu par la convention tripartite
du 1 ^er septembre 1988 n'a pas été versé à la société précitée.

A.b L'hôtel projeté a été construit à l'aide des fonds prêtés.
Le prêt octroyé à la société A. a été inscrit dans les comptes administratifs
de la commune de 1989 à 1995 sous la section "Emprunts garantis". Il a été
retenu que les comptes mentionnaient la somme en capital garantie, par
1'830'000 ECU, le taux d'intérêt ainsi que le montant des amortissements et des
intérêts dus par exercice.

A.c La société A. a été mise en redressement judiciaire le 10 janvier 1991,
puis en liquidation judiciaire le 17 octobre 1991.
BGE 134 III 224 S. 227
Le 28 mai 1991, X. a produit devant le représentant des créanciers de la
société A. une créance de 13'254'423 FF 52, correspondant à la contre-valeur de
1'830'000 ECU plus les intérêts. Cette créance a été admise par le
Juge-Commissaire de la liquidation judiciaire. En raison de l'insuffisance des
actifs, X. n'a toutefois pas été désintéressée.
Le 5 juillet 2001, le liquidateur judiciaire a fait parvenir à la commune, en
tant que titulaire d'une inscription hypothécaire, un chèque de 4'900'000 FF à
titre d'acompte sur le solde du produit de réalisation des immeubles de la
société A., après déduction des créances privilégiées.

A.d Par courrier du 16 octobre 1991, X. a fait appel à la garantie et a mis en
demeure la commune de lui payer 2'051'782 ECU 66. Par courrier du 4 novembre
1991, son maire B. a contesté que la commune ait été liée par la garantie, au
motif que l'acte signé divergeait de la délibération du conseil municipal. Il a
fait valoir que la délibération du conseil municipal prévoyait un prêt de
16'000'000 FF d'une durée de quinze ans octroyé par la banque française W.,
alors que la convention du 1 ^er septembre 1988 se rapportait à un prêt de
2'287'000 ECU consenti par une société suisse pour une durée de huit ans.

B.

B.a Le 10 juillet 1992, X. a ouvert action contre la commune devant le Tribunal
de première instance de Genève. Dans ses dernières conclusions, elle a requis
paiement de 4'160'827 fr. 53, soit la contre-valeur de 2'250'799 ECU 27 au
cours de 1,8486, avec intérêts au taux LIBOR pour des dépôts en ECU/EURO d'une
durée de six mois, majoré de 1 %, à compter du 1 ^er juillet 1992. La banque a
fondé son action sur les deux actes signés le 1 ^er septembre 1988 par le maire
de la commune.
La commune défenderesse a conclu à sa libération. Se prévalant de normes du
droit administratif français régissant les communes, elle a soutenu qu'elle
n'était pas liée par l'acte de garantie signé par le maire le 1 ^er septembre
1988 dans la mesure où son contenu divergeait notablement de la délibération
qui s'est déroulée le 29 janvier 1988 au sein du conseil municipal.
En cours d'instance, des autorités françaises ont examiné les effets juridiques
déployés par ladite garantie.
BGE 134 III 224 S. 228
Ainsi, par jugement du 5 juillet 1995, le Tribunal administratif de Rennes a
retenu que le maire de la commune, en signant la convention de prêt et l'acte
de garantie du 1 ^er septembre 1988, s'était écarté des conditions qu'avait
fixées le conseil municipal et avait méconnu les dispositions de l'art. L.
122-19 du code des Communes, selon lequel le maire est chargé d'exécuter les
décisions du conseil municipal.
Par arrêt du 20 octobre 2000, le Conseil d'Etat a confirmé le jugement précité.

B.b Par jugement du 14 décembre 2006, le Tribunal de première instance a
débouté la demanderesse de toutes ses conclusions. Se basant sur les décisions
du Tribunal administratif de Rennes et du Conseil d'Etat, il a considéré que le
maire de la commune avait outrepassé la délibération du conseil municipal en
signant la convention de prêt et l'acte de garantie du 1 ^er septembre 1988, de
sorte que la représentée (i.e. la commune) n'était pas obligée par les
obligations contractées par son représentant (i.e. son maire). Appliquant le
droit français et, singulièrement, la notion de mandat apparent développée par
la jurisprudence des tribunaux français, il a retenu que C. SA était en mesure
de se rendre compte que le maire avait excédé ses pouvoirs. En outre, la
défenderesse n'avait pas ratifié par actes concluants les actes juridiques
susmentionnés. Le tribunal a déduit de ces considérations que la commune
n'était pas engagée par la déclaration de garantie.

B.c X. a déposé un appel contre ce jugement devant la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève en reprenant ses conclusions de première
instance.
Par arrêt du 22 juin 2007, cette autorité a annulé le jugement du 14 décembre
2006, puis, statuant à nouveau, prononcé que la défenderesse devait payer à la
demanderesse la somme de 3'382'938 fr. Appliquant le droit français, la cour
cantonale a considéré que la défenderesse était engagée envers le cessionnaire
de C. SA selon les termes des actes du 1 ^er septembre 1988, cela en vertu de
la théorie du mandat apparent. La cour cantonale s'est ensuite penchée sur le
montant de la prétention réclamée par la demanderesse. Elle a observé qu'il
était admis que la société A. avait reçu en prêt 1'830'000 ECU et qu'elle
n'avait pas remboursé la somme prêtée. Il était également reconnu que la
demanderesse avait mis en demeure la commune de lui verser le montant que
celle-ci avait
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garanti. Pourtant, le montant réclamé en justice par X., soit 2'250'799 ECU 27,
incluait en plus du capital, selon son propre décompte, des intérêts calculés à
compter du 28 septembre 1990, intérêts dont les parties contractantes étaient
convenues que le taux correspondrait au LIBOR pour les dépôts en ECU à six mois
majoré de 1 %, modifiable semestriellement. Dès l'instant où il fallait retenir
que le taux LIBOR depuis 1990 ne constituait pas un fait notoire en procédure
civile genevoise, il incombait à la demanderesse, en vertu des normes de la
procédure de ce canton, d'établir le taux en question par semestre et de le
justifier par pièces. X. avait échoué dans cette entreprise.

C. X. exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

3.

3.1 La présente cause comporte des aspects internationaux manifestes puisque la
demanderesse a son siège au Luxembourg alors que la défenderesse est une
commune du département français de Z. Il faut donc contrôler d'office la
question du droit applicable au litige, cela sur la base de la loi du for (ATF
133 III 37 consid. 2, ATF 133 III 323 consid. 2.1; ATF 132 III 609 consid. 4).

3.2

3.2.1 La querelle est circonscrite au point de savoir si et pour quels montants
la défenderesse est engagée envers la demanderesse, qui a prêté des fonds à une
société tierce désormais faillie, par le contrat de prêt revêtu de la signature
du maire de la commune en tant que garant le 1 ^er septembre 1988 et par la
déclaration de garantie irrévocable que ce dernier a signée le même jour. Le
point de savoir si la commune est liée en raison des actes juridiques précités
accomplis par son maire a trait à l'effet externe de la représentation, comme
l'a bien vu la cour cantonale.
Le contrat de prêt et l'acte de garantie susmentionnés ont été passés avant le
1 ^er janvier 1989, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 18
décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291). Il faut
conséquemment d'abord examiner le droit transitoire de la LDIP.
Le présent procès a été ouvert le 10 juillet 1992 devant le Tribunal de
première instance. Comme il n'y avait pas d'instance pendante
BGE 134 III 224 S. 230
entre les parties le 1 ^er janvier 1989, l'art. 198 LDIP ne trouve pas
application et l'applicabilité éventuelle de la LDIP se détermine exclusivement
au regard de l'art. 196 LDIP (THOMAS GEISER/MONIQUE JAMETTI GREINER,
Commentaire bâlois, n. 19 ad art. 198 LDIP). L'art. 196 al. 1 LDIP dispose que
les faits ou actes juridiques qui ont pris naissance et produit tous leurs
effets avant l'entrée en vigueur de cette loi sont régis par l'ancien droit.
D'après l'art. 196 al. 2 LDIP, les faits ou actes juridiques qui ont pris
naissance avant l'entrée en vigueur de la LDIP, mais qui continuent de produire
des effets juridiques, sont régis par l'ancien droit pour la période antérieure
à cette date; ils le sont, quant à leurs effets, par le nouveau droit pour la
période postérieure (al. 2).
Le premier alinéa de cette norme a trait aux événements qui sont survenus sous
l'ancien droit et ont déployé tous leurs effets juridiques avant l'entrée en
vigueur de la LDIP. Pour de telles situations, cet alinéa instaure le principe
de non-rétroactivité qui est contenu à l'art. 1 al. 1 Tit. fin. CC, ce qui
signifie qu'elles relèvent par principe de l'ancienne loi (GEISER/JAMETTI
GREINER, op. cit., n. 7 ad art. 196 LDIP).
Le second alinéa de la même disposition concerne des faits qui se sont produits
sous l'ancien droit, mais dont les effets juridiques perdurent sous le nouveau
droit. Dans de pareils cas, les effets juridiques révolus lors de l'entrée en
vigueur de la LDIP sont soumis à l'ancien droit, alors que les effets qui
continuent après ce terme sont gouvernés par la nouvelle loi(FRANÇOIS KNOEPFLER
/PHILIPPE SCHWEIZER/SIMON OTHENIN-GIRARD, Droit international privé suisse, 3 ^
e éd., ch. 204a, p. 110).
En l'espèce, il y a un conflit dans le temps puisque la convention de prêt et
la déclaration de garantie ont été signées sous l'ancien droit, mais que la
condition de la garantie est venue à chef sous l'empire de la LDIP, soit le 16
octobre 1991 lorsque la demanderesse a fait appel à la garantie.
Mais, d'après la jurisprudence, il n'est nul besoin de se focaliser sur l'art.
196 al. 2 LDIP, qui présente des difficultés d'application certaines en matière
contractuelle, lorsque tant les anciennes que les nouvelles règles de conflit
renvoient au même ordre juridique (ATF 118 II 348 consid. 2c in fine). On se
trouve précisément dans cette situation.
BGE 134 III 224 S. 231

3.2.2 En vertu de l'art. 126 al. 2 LDIP, les conditions auxquelles les actes du
représentant lient le représenté sont régies par le droit de l'Etat de
l'établissement du représentant, ou si un tel établissement fait défaut, par le
droit de l'Etat dans lequel le représentant déploie son activité prépondérante
dans le cas d'espèce. L'art. 20 al. 1 let. c LDIP prévoit qu'une personne
physique a son établissement dans l'Etat dans lequel se trouve le centre de ses
activités professionnelles ou commerciales. Le centre des activités
professionnelles d'un maire se trouve à la mairie. L'établissement du
représentant se trouvant in casu à la mairie de la commune bretonne Y., c'est
le droit français qui est applicable pour les rapports externes de
représentation.
Sous le régime de la LRDC, il était de jurisprudence que les effets externes de
la représentation étaient régis par la loi du pays dans lequel le représentant
a exercé son pouvoir (ATF 100 II 200 consid. 4; cf. aussi ATF 131 III 511
consid. 2.2 p. 517). Comme le maire de la commune a signé le contrat de prêt et
émis la déclaration de garantie pour celle-ci en France, le rattachement était
également opéré en faveur du droit français.
(...)

5. La demanderesse soutient que la Cour de justice aurait dû retenir qu'elle
avait établi le taux LIBOR. Elle expose qu'elle n'a certes pas invoqué dans ses
conclusions que le taux LIBOR avait une quotité précise à une période
déterminée, mais qu'elle a produit un graphique afférent à ce taux. De toute
manière, la quotité du taux LIBOR n'avait pas à être prouvée puisqu'il
s'agissait d'un fait notoire. Elle en conclut qu'en ayant refusé de lui allouer
tout intérêt sur la somme octroyée, l'autorité cantonale a enfreint l'art. 8 CC
et appliqué arbitrairement les art. 186 et 196 de la loi de procédure civile
genevoise du 10 avril 1987 (LPC/GE).
Ces critiques sont toutes dirigées contre la motivation principale par laquelle
l'autorité cantonale a refusé d'assortir d'intérêts le montant en capital que
la défenderesse a été condamnée à verser à la demanderesse, pour la raison que
celle-ci n'avait pas prouvé les différents taux d'intérêts qui devaient être
pris en considération.

5.1 L'art. 8 CC, en tant que norme de droit privé fédéral, ne s'applique qu'aux
rapports juridiques qui relèvent de ce droit (ATF 124 III 134 consid. 2b/bb p.
143 et l'arrêt cité). Il y a ainsi lieu tout d'abord de contrôler si le montant
de la créance que la
BGE 134 III 224 S. 232
demanderesse peut faire valoir contre la commune relève de l'application du
droit suisse.
La commune défenderesse n'a pas recouru au Tribunal fédéral contre l'arrêt du
22 juin 2007. Il est donc désormais acquis au débat que la commune est engagée
par le contrat de prêt assorti de la déclaration de garantie signés par son
maire le 1 ^er septembre 1988. Cette problématique, qui concernait les effets
externes de la représentation, ressortissait, comme on l'a vu, au droit
français.
Il suit de là que la défenderesse, en tant que représentée, est partie audit
contrat de prêt signé par son maire, laquelle convention est soumise au droit
suisse, en raison de l'élection de droit que les parties contractantes y ont
faites. Partant, déterminer le montant de la créance que la demanderesse,
cessionnaire des droits découlant du prêt, peut invoquer contre le garant du
remboursement de la somme empruntée, est une question relevant du régime du
contrat de prêt de consommation, que les cocontractants ont choisi de soumettre
au droit suisse.
A supposer que l'on veuille faire de l'acte de garantie un contrat distinct, il
faut relever que cet acte se réfère, pour le montant garanti irrévocablement, à
celui qui est indiqué dans la convention de prêt au même titre, soit 1'830'000
ECU. On doit en déduire que c'est bien le contrat de prêt, régi par le droit
suisse à la suite d'une élection de droit, qui définit le capital et les
intérêts qui sont dus au cessionnaire du prêteur.
Le quantum de la créance de la demanderesse se détermine ainsi d'après les
règles du droit suisse.

5.2 A teneur de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le
contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Ce
principe fondamental de la répartition du fardeau de la preuve est énoncé de la
même manière à l'art. 186 LPC/GE. Quant à l'art. 196 LPC/GE, il consacre le
principe de la libre appréciation des preuves par le juge.
Le LIBOR ou London Interbank Offerd Rate est le taux de référence du marché
monétaire de différentes devises, qui est publié chaque jour ouvrable à Londres
par British Bankers Association. Il correspond à la moyenne arithmétique des
taux offerts par plusieurs banques d'affaires internationales de la place de
Londres à d'autres banques d'affaires pour des prêts dans une devise considérée
à une échéance donnée (cf. p. ex. ROLF BEIKE/JOHANNES SCHLÜTZ,
BGE 134 III 224 S. 233
Finanznachrichten, lesen-verstehen-nutzen, 2 ^e éd., Stuttgart 1999, p. 254).
La détermination du taux LIBOR qui est applicable à des dépôts en devises à des
époques déterminées relève du fait, du moment que le taux en question n'est pas
fixé par une règle de droit.
La procédure civile ordinaire genevoise est soumise - comme c'est le cas dans
tous les cantons - à la maxime des débats (cf. Fabienne Hohl, Procédure civile,
tome I, ch. 751, p. 146). Dans cette maxime, il incombe aux parties de réunir
les éléments du procès. Toutefois, les faits notoires n'ont pas à être prouvés.
Par faits notoires, il faut entendre, selon le droit de procédure genevois,
ceux qui peuvent être connus de tous et contrôlés par des moyens accessibles à
chacun (Bernard Bertossa/Louis Gaillard/Jacques Guyet/André SCHMIDT,
Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 3 ad art. 186 LPC/GE).
In casu, il faut constater que le taux LIBOR pour un dépôt à six mois en ECU
(aujourd'hui en Euros) ne fait pas partie des données connues de tous. Cette
information n'est pas non plus immédiatement accessible en consultant un
document dont chacun dispose, comme le calendrier ou un dictionnaire courant.
Que le taux ne soit pas secret et qu'il soit possible de l'obtenir en se
renseignant ou en consultant un journal spécialisé ne suffit pas pour conclure
qu'il est notoire.
Dans ce contexte, on ne voit pas que la cour cantonale ait enfreint l'art. 8 CC
ou consacré une application insoutenable des art. 186 et 196 LPC/GE en
admettant que le taux LIBOR n'était pas un fait notoire et qu'il appartenait à
la demanderesse de l'établir pour en déduire son droit.
Le moyen est infondé.
(...)

7. La recourante reproche à la cour cantonale de ne pas lui avoir accordé au
moins des intérêts calculés au taux légal de 5 % sur la somme dont elle a été
reconnue créancière. Elle y voit une violation des art. 73 al. 1 et 314 al. 1
CO.

7.1 D'après l'art. 73 al. 1 CO, celui qui doit des intérêts dont le taux n'est
fixé ni par la convention, ni par la loi ou l'usage, les acquitte au taux
annuel de 5 %. Quant à l'art. 314 al. 1 CO, qui concerne le prêt de
consommation, il dispose que si le contrat n'a pas fixé le taux
BGE 134 III 224 S. 234
de l'intérêt, le prêt est censé fait au taux usuel pour les prêts de même
nature, à l'époque et dans le lieu où l'objet du prêt a été délivré.

7.2 Dans le cas présent, il est constant que les parties sont convenues d'un
taux d'intérêt qui devait être fixé, pour chaque semestre, selon le taux LIBOR
applicable aux dépôts en ECU à six mois, majoré de 1 %. Dès lors que les
parties contractantes ont déterminé le taux d'intérêt applicable au prêt, il
faut appliquer le taux convenu et non le taux légal de 5 %. Ce taux ne peut
entrer en ligne de compte, comme cela ressort du libellé des normes précitées,
que si aucun taux n'a été convenu.
En cherchant à déterminer la somme due selon le taux d'intérêt convenu, la cour
cantonale a constaté qu'elle n'était pas en mesure de faire ce calcul, parce
que la recourante n'avait pas établi le taux LIBOR aux moments déterminants. A
la différence du précédent jugé à l' ATF 126 III 189 consid. 2c p. 192, on ne
se trouve pas dans une situation où seul un taux supérieur à 5 % donne matière
au litige. En l'espèce, on ne sait même pas si le taux conventionnel atteignait
ou non 5 %. Or, la demanderesse ne saurait tirer un avantage du fait qu'elle
n'a pas apporté les preuves qui lui incombaient. Dans une telle occurrence, où
l'intérêt dû selon la convention des parties est totalement incertain, la cour
cantonale n'a violé ni l'art. 8 CC, ni l'art. 73 al. 1 CO, en écartant les
intérêts, dès lors que la demanderesse n'a pas fourni la preuve des faits
permettant de les déterminer.