Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 134 III 102



Urteilskopf

134 III 102

18. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. contre
Swiss International Air Lines SA (recours en matière civile)
4A_48/2007 du 23 octobre 2007

Regeste

Übergang der Arbeitsverhältnisse (Art. 333 OR). Ist Art. 333 OR anwendbar, wenn
die Betriebsübertragung im Rahmen eines Verfahrens des Nachlassvertrages mit
Vermögensabtretung erfolgt- Frage offengelassen (E. 2.2). Wenn die
Arbeitsverhältnisse infolge einer vorzeitigen Pensionierung des Arbeitnehmers
vor dem Betriebsübertrag erlöschen, gehen die daraus fliessenden Rechte und
Pflichten nicht auf den Erwerber über (E. 3).

Sachverhalt ab Seite 103

A.

A.a Swissair, Société Anonyme Suisse pour la Navigation Aérienne (ci-après:
Swissair), a été inscrite en 1931 au Registre du commerce de Zurich; son but
consistait, notamment, dans l'exploitation de services aériens en Suisse et à
l'étranger. En 1949, ladite société a ouvert une succursale à Genève.
Au printemps 1997, Swissair a changé de raison sociale et modifié son but
social. Appelée désormais SAirGroup SA (ci-après: SAirGroup), elle est devenue
une holding. L'une de ses filiales - SAirLines SA, créée la même année -
comptait elle-même, au nombre de ses sociétés filles, une société constituée en
1997 également, sous la raison Swissair, Société Anonyme Suisse pour la
Navigation Aérienne (ci-après: Nouvelle Swissair), et une société existante -
Crossair SA (ci-après: Crossair) -, qui effectuaient toutes deux les activités
aériennes du groupe.
Le
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13 mai 2002, Crossair s'est transformée en Swiss International Air Lines SA
(ci-après: Swiss ou la défenderesse).
Nouvelle Swissair et SAirGroup ont fait l'objet de poursuites ayant abouti,
pour chacune d'elles, à l'homologation d'un concordat par abandon d'actifs en
mai, respectivement juin 2003, après qu'elles avaient obtenu un sursis
concordataire à fin 2001.

A.b Au début des années 1990, Swissair, puis SAirGroup ont progressivement
recentré leurs activités sur la plate-forme de Zurich et diminué le nombre de
leurs vols intercontinentaux. Pour pallier les conséquences des licenciements
devenus indispensables, les deux sociétés ont élaboré, dès 1993, avec les
syndicats des travailleurs concernés, plusieurs plans sociaux successifs,
valables pour l'ensemble du groupe.
L'un de ces plans, dénommé "Option 96", prévoit des retraites anticipées, ou
préretraites, donnant droit à différentes prestations pécuniaires de la part de
l'employeur jusqu'à ce que le travailleur ait atteint l'âge de la retraite AVS.
Dans une lettre du 11 juillet 1997, Swissair/SAirGroup a informé son employée
A. que, conformément à divers entretiens et à un précédent courrier, elle
serait mise à la retraite anticipée pour raisons économiques, selon le plan
"Option 96", avec effet au 31 décembre 1997. Elle lui a également indiqué les
diverses prestations liées à son futur statut de préretraitée.
Le 1^ernovembre 2001, SAirGroup a adressé à A. une lettre l'avisant de la
cessation des versements prévus par le plan "Option 96".

B. Le 13 novembre 2001, A. a ouvert action contre SAirGroup et contre Crossair
en concluant, notamment, à ce que les défenderesses soient condamnées
solidairement à lui payer les indemnités de préretraite, entre autres
prétentions.
Par jugement du 26 août 2002, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a
rectifié la désignation de Crossair pour la remplacer par celle de Swiss,
rejeté la demande en tant qu'elle visait cette défenderesse, faute de
légitimation passive, et condamné SAirGroup à verser une certaine somme à la
demanderesse.
A. a appelé de ce jugement. Ayant passé ultérieurement un accord avec SAirGroup
en liquidation concordataire, elle a retiré sa demande, avec désistement
d'instance, dans la mesure où elle visait ladite société.
Statuant
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par arrêt du 9 février 2007, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes
a rejeté l'appel de la demanderesse.

C. A. exerce un recours en matière civile. Elle invite le Tribunal fédéral à
annuler l'arrêt cantonal et à condamner Swiss à lui payer, d'une part, des
indemnités totalisant 152'690 fr., intérêts en sus, dont à déduire la somme de
91'614 fr., et, d'autre part, le montant de 20'000 fr. à titre de dommage
consécutif à la suppression des facilités de transport. Subsidiairement, la
demanderesse conclut à la constatation de la légitimation passive de la
défenderesse et au renvoi de la cause à la Cour d'appel pour qu'elle statue sur
les prétentions litigieuses.
La défenderesse propose le rejet du recours. La cour cantonale en fait de même.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

1.

1.1 Comme l'arrêt attaqué a été rendu après l'entrée en vigueur, le 1^erjanvier
2007 (RO 2006 p. 1242), de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le
recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF).
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1
LTF), en tant qu'elles visaient la défenderesse Swiss, et dirigé contre un
jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par
une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), dans une affaire
pécuniaire en matière de droit du travail dont la valeur litigieuse atteint le
seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours est en principe
recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité
par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le
recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut
admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il
peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de
l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4). Eu égard à l'exigence
de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les
griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui.
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1.2 La demanderesse reproche à la Cour d'appel d'avoir méconnu l'art. 333 CO.
Elle dénonce ainsi une prétendue violation du droit fédéral. Son recours est,
dès lors, recevable.

2.

2.1 Il est incontesté, et du reste incontestable, que Swiss ne s'est jamais
engagée envers la demanderesse à lui fournir quelque prestation que ce fût,
soit directement, sur la base d'un contrat de travail ou d'une convention ad
hoc, soit à titre subsidiaire, en cas de défaillance du débiteur (porte-fort,
au sens de l'art. 111 CO; cf. ATF 131 III 606 consid. 4.2.2). Les parties n'ont
pas non plus conclu un contrat en vertu duquel la défenderesse se serait
substituée à un débiteur de la demanderesse (reprise de dette externe, au sens
de l'art. 176 CO) et celle-là ne s'est pas davantage constituée débitrice de
celle-ci aux côtés d'un autre obligé (reprise de dette cumulative; ATF 129 III
702 consid. 2.1 p. 704).
Cela étant, le seul fondement juridique susceptible d'être invoqué, en
l'espèce, par la demanderesse à l'appui de ses prétentions et de conférer à
Swiss la qualité pour défendre (ou légitimation passive), en tant que sujet
passif des créances litigieuses, réside dans un éventuel transfert automatique
des rapports de travail, avec tous les droits et les obligations qui en
découlent, aux conditions de l'art. 333 CO (cf. ATF 132 III 32 consid. 4.2.1).

2.2 L'application de cette disposition soulève un certain nombre de questions
délicates in casu. Il s'agit, en particulier, de déterminer si Swiss
(ex-Crossair) s'est effectivement vu transférer l'entreprise ou une partie de
celle-ci par Swissair/SAirGroup ou par Nouvelle Swissair et, dans
l'affirmative, de décider si l'art. 333 CO est applicable ou non lorsqu'un tel
transfert s'opère dans le cadre d'une procédure de concordat par abandon
d'actifs (art. 317 ss LP) visant son auteur.
Ces questions peuvent toutefois demeurer indécises dès lors que, pour le motif
indiqué ci-après, le présent recours devra être rejeté, quelles que soient les
réponses qui pourraient leur être données.

BGE 134 III 102 S. 106
3.

3.1

3.1.1 Aux termes de l'art. 333 al. 1 CO, si l'employeur transfère l'entreprise
ou une partie de celle-ci à un tiers, les rapports de travail passent à
l'acquéreur avec tous les droits et les obligations qui en découlent, au jour
du transfert, à moins que le travailleur ne s'y oppose. Selon la jurisprudence
et la doctrine, seuls les rapports de travail existant au moment du transfert
de l'entreprise passent à l'acquéreur (ATF 123 III 466 consid. 3b p. 468; arrêt
4C.333/1998 du 7 janvier 1999, consid. 1b/aa; Ullin Streiff/Adrian von Kaenel,
Arbeitsvertrag, 6e éd., n. 8 ad art. 333 CO, p. 554; Gabriel Aubert,
Commentaire romand, n. 4 ad art. 333 CO; Wolfgang Portmann, Commentaire bâlois,
n. 10 in fine ad art. 333 CO; Jean-Louis Duc/ Olivier Subilia, Commentaire du
contrat individuel de travail, n. 8 ad art. 333 CO, p. 335; THOMAS GEISER,
Arbeitsrechtliche Fragen bei Sanierungen, in Sanierung der AG [éd. Vito
Roberto], 2003, p. 119 ss, 141; Endrit Karagjozi, Les transferts d'entreprise
en droit du travail, in Le droit du travail en pratique [éd. Gabriel Aubert],
2003, p. 65). La situation n'est pas différente en droit communautaire (voir
les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes [CJCE] cités par
Karagjozi, op. cit., p. 65, notes de pied 211 et 212). Il suit de là que le
bénéfice de l'art. 333 CO ne peut être invoqué que par les seuls travailleurs
dont la relation de travail est en cours à la date du transfert, mais qu'il
peut l'être même si les rapports de travail ont déjà été résiliés pour une date
postérieure à ce transfert (cf. ATF 132 III 32 ss; ATF 123 III 466 ss).
L'acquéreur de l'entreprise n'a ainsi pas à reprendre des contrats de travail
n'existant plus au moment du transfert (Duc/Subilia, ibid.).
Demeure réservée la question, controversée, mais qui ne se pose pas en
l'espèce, des conséquences de la résiliation d'un contrat de travail notifiée
par l'employeur pour éluder la protection découlant de l'art. 333 al. 1 CO (cf.
l'arrêt 4C.333/1998, précité, consid. 1b/bb et les références; voir aussi
l'exposé - fait par SREIFF/VON KAENEL, op. cit., n. 10 ad art. 333 CO - des
diverses opinions émises à ce sujet).

3.1.2 Le contrat de travail, au sens de l'art. 319 CO, est celui par lequel une
personne (le
BGE 134 III 102 S. 107
travailleur) s'oblige envers une autre (l'employeur) à fournir, dans un état de
subordination, des services contre le paiement d'un salaire, pendant une
période déterminée ou indéterminée (Pierre Engel, Contrats de droit suisse, 2e
éd., p. 290 s.). Le travailleur a deux obligations essentielles (cf. PIERRE
TERCIER, Les contrats spéciaux, 3^e éd., n. 3044 ss): la première est
d'exécuter personnellement et avec soin les services que l'employeur attend de
lui (art. 321 CO); la seconde, de sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes
de l'employeur (art. 321a al. 1 CO), ce qui implique l'interdiction de
travailler au noir (art. 321a al. 3 CO) et de divulguer des secrets (art. 321a
al. 4 CO). Quant aux obligations de l'employeur (cf. TERCIER, op. cit., n. 3098
ss), elles consistent principalement à payer le salaire (art. 322 al. 1 CO) et
à protéger la personnalité du travailleur (art. 328 CO), ce dernier devoir
comprenant la protection de la personnalité au sens étroit, l'octroi de congés
et de vacances ainsi que le paiement des cotisations aux assurances sociales
(TERCIER, op. cit., n. 3100).
Normalement le contrat de travail prévoit que les rapports de travail prennent
fin lorsque le travailleur atteint l'âge de la retraite et la rente de
vieillesse n'est plus versée par l'employeur, mais par un tiers, à savoir
l'institution de prévoyance (ATF 132 III 32 consid. 6.2.2 p. 46). Mais il se
peut aussi que, pour telle ou telle raison, les rapports de travail s'éteignent
avant que le travailleur ait atteint cet âge-là et que l'intéressé acquière le
statut de préretraité. Suivant les circonstances, il bénéficiera alors de
prestations que l'employeur se sera engagé à effectuer lui-même dans le but de
favoriser un départ anticipé. Cependant, la situation de ce préretraité ne sera
en rien comparable à celle du travailleur, car les éléments caractéristiques du
contrat de travail et les obligations respectives des parties à ce contrat,
tels qu'ils ont été rappelés plus haut, feront défaut dans cette hypothèse,
quand bien même il subsistera une relation juridique entre le créancier et le
débiteur de la prestation de préretraite. En particulier, le crédirentier sera
libéré définitivement de son obligation de fournir un travail, sa situation se
distinguant à cet égard de celle des personnes empêchées temporairement
d'exécuter cette obligation pour différentes causes (maladie, accident,
accouchement, etc.). De surcroît, il n'aura plus de devoir de fidélité à
respecter envers son employeur, contrairement au travailleur qui a simplement
été libéré de l'obligation de travailler par l'employeur (ATF 128 III 271
consid. 4a/bb p. 281; ALFRED BLESI, Die Freistellung des Arbeitnehmers, thèse
St-Gall 2000, p. 205 ss).
BGE 134 III 102 S. 108
Point n'est besoin d'examiner ici, étant donné que les circonstances de la
présente cause y sont étrangères, le cas de figure, évoqué dans la doctrine, où
la mise à la retraite anticipée du travailleur ne consisterait qu'en une
libération de l'obligation de travailler jusqu'à l'âge de la retraite,
moyennant versement d'une prestation transitoire généralement inférieure au
salaire, sans qu'il soit mis fin aux rapports de travail (au sujet de cette
hypothèse, cf. ALFRED BLESI, Art. 333 OR und Haftung des Betriebsnachfolgers
für Versprechen betreffend Frühpensionierung, in Jusletter du 8 mai 2006, n.
16).

3.2 En l'espèce, la demanderesse a été mise à la retraite anticipée bien avant
l'éventuel transfert de l'entreprise à Swiss. Il est manifeste que cette mise à
la retraite a entraîné l'extinction des rapports de travail existants. Telle
est du reste la conclusion à laquelle le Tribunal fédéral avait abouti en
interprétant une lettre dont le contenu était comparable à celle que Swissair/
SAirGroup a adressée le 11 juillet 1997 à la demanderesse pour l'informer de sa
prochaine mise à la retraite anticipée (ATF 131 III 606 consid. 5 p. 614; dans
ce sens, cf. BLESI, dernier op. cit., ibid.).
Ainsi, comme Swiss n'a pas repris les rapports de travail liant la demanderesse
à son précédent employeur, les obligations y relatives, en particulier les
dettes découlant du plan social (cf. ATF 132 III 32 consid. 6.2.2 p. 47), ne
lui ont pas été transférées. La défenderesse n'est donc pas le sujet passif des
créances litigieuses. Par conséquent, c'est à bon droit que l'autorité
précédente lui a dénié la légitimation passive pour résister à l'action en
paiement introduite par la demanderesse.
Cela étant, le présent recours ne peut qu'être rejeté.