Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 V 329



Urteilskopf

133 V 329

  44. Arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause C. contre Caisse de
compensation des banques suisses ainsi que Tribunal des assurances du canton
de Vaud (recours de droit administratif)
  H 31/06 du 4 juillet 2007

Regeste

  Art. 16 und 20 FZA; Art. 6 der Verordnung Nr. 1408/71; Art. 16 Abs. 2 des
französisch-schweizerischen Abkommens über soziale Sicherheit: Anwendung
eines bilateralen Abkommens über soziale Sicherheit, das günstiger ist als
die Verordnung Nr. 1408/71.
  Art. 20 FZA schliesst gemäss Rechtsprechung des Gerichtshofs der
Europäischen Gemeinschaften nicht aus, dass ein Versicherter (französischer
Staatsangehöriger mit Wohnsitz in der Schweiz) von einer günstigeren
Bestimmung eines bilateralen Abkommens über soziale Sicherheit (hier
französisch-schweizerisch) profitiert, wenn er sein Freizügigkeitsrecht
ausgeübt hat, bevor das FZA in Kraft getreten ist (E. 6-8). Anspruch auf
Überweisung eines Differenzausgleichs, wenn eine Invalidenrente der
schweizerischen IV durch zwei betraglich tiefere Altersrenten ersetzt wird,
die eine überwiesen von der Schweiz, die andere von Frankreich.

Sachverhalt

  A.- C., né en 1938, marié, de nationalité française, est entré en Suisse
en 1963 et y a travaillé deux ans. Il a ensuite résidé à l'étranger, avant
de s'établir en Suisse en 1968 où il est depuis lors domicilié. Dès le 1er
novembre 1981, il a été mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité. En
octobre 2003, le montant de la rente s'élevait à 2'110 fr. Elle était
assortie d'une rente complémentaire pour conjoint de 633 fr.

  Par décision du 23 septembre 2003, la Caisse de compensation des banques
suisses a remplacé les prestations de l'assuré en cours par une rente de
vieillesse de 1'439 fr. par mois, assortie d'une rente complémentaire de 432
fr. par mois pour son épouse, dès le 1er novembre 2003. La rente de
vieillesse était calculée en fonction d'une durée de cotisation de 15 années
et 10 mois, entraînant l'application de l'échelle de rente 30 (correspondant
à 68,18 % de la rente complète).

  Parallèlement, la Caisse nationale d'assurance vieillesse en France a
alloué à l'assuré une "retraite personnelle en application de la

convention Accord Communauté européenne - Suisse". Cette rente était
calculée en fonction, notamment, de la durée d'assurance de l'intéressé au
régime général français de sécurité sociale (56 trimestres). Son montant
était de 199,17 euros dès le 1er septembre 2003 (202,55 euros dès le 1er
janvier 2004).

  L'assuré a formé une opposition à la décision de la caisse de
compensation, que celle-ci a rejetée le 6 février 2004.

  B.- C. a recouru contre la décision sur opposition en concluant au
versement d'un complément différentiel conformément à l'art. 16 par. 2 de la
Convention franco-suisse de sécurité sociale.

  Statuant le 16 décembre 2005, le Tribunal des assurances du canton de Vaud
a rejeté le recours.

  C.- C. interjette un recours de droit administratif contre ce jugement.
Principalement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause au
tribunal des assurances pour qu'il se prononce sur l'application à son cas
de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés
européennes. Subsidiairement, il conclut à la réforme du jugement attaqué en
ce sens qu'il a droit à un complément différentiel.

  La caisse de compensation renonce à prendre position. Quant à l'Office
fédéral des assurances sociales (OFAS), Secteur des conventions
internationales, il conclut au rejet du recours.

  D.- Le 25 juin 2007, les deux Cours réunies de droit social du Tribunal
fédéral ont tenu une séance conformément à l'art. 23 al. 2 et 3 LTF.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Considérant en droit:

Erwägung 1

  1.  La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est
entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 p. 1205, 1242). L'acte
attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ
(art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395). Les règles de la LTF
et ses dispositions d'exécution sur l'organisation du Tribunal fédéral
s'appliquent cependant à celui-ci dès leur entrée en vigueur.

Erwägung 2

  2.  A l'appui de sa conclusion principale, le recourant fait valoir que
les premiers juges n'ont pas examiné s'il pouvait se prévaloir du complément
différentiel auquel il prétend en application de la jurisprudence de la Cour
de justice des Communautés européennes

(CJCE). Pour respecter la garantie de la double instance, la cause devrait,
selon lui, être renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle se prononce sur
cette question.

  Un tel renvoi ne se justifie pas en l'espèce, quand bien même les premiers
juges n'ont pas discuté la question, pourtant soulevée devant eux, de
l'applicabilité de la jurisprudence de la CJCE. En effet, le recourant s'est
exprimé de manière détaillée, de même que l'OFAS. La cause est donc en état
d'être jugée à ce stade de la procédure.

Erwägung 3

  3.  La rente d'invalidité allouée précédemment au recourant tenait compte
des périodes françaises de cotisation, conformément à la Convention de
sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République française du
3 juillet 1975 (ci-après: Convention franco-suisse). Le système de cette
convention, dite de "type A", se caractérise en effet par le principe du
risque, selon lequel l'invalide qui en remplit les conditions reçoit, en
lieu et place de deux rentes partielles versées par les assurances des deux
pays concernés (rentes calculées au prorata des périodes d'assurance
accomplies), une seule rente d'invalidité; celle-ci est versée par
l'assurance à laquelle il était affilié lors de la survenance de
l'invalidité (en l'espèce la Suisse), qui prend en compte la totalité des
périodes de cotisation, y compris celles qui ont été accomplies dans l'autre
pays (voir ATF 130 V 247 consid. 4 p. 250).

Erwägung 4

  4.

  4.1  La rente de vieillesse qui a succédé à la rente d'invalidité a été
calculée sur la base des seules cotisations à l'assurance suisse. La caisse
a procédé à un calcul comparatif prévu par l'art. 33bis al. 1 LAVS. Selon
cette disposition, les rentes de vieillesse ou de survivants sont calculées
sur la base des mêmes éléments que la rente d'invalidité à laquelle elles
succèdent, s'il en résulte un avantage pour l'ayant droit. En l'espèce, la
caisse a appliqué cette disposition, car il en résultait un avantage pour
l'intéressé, même en faisant abstraction des périodes de cotisation en
France. Ce point n'est pas contesté.

  4.2  L'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part,
et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre
circulation des personnes (Accord sur la libre circulation des personnes,
ALCP; RS 0.142.112.681) est entré en vigueur le 1er juin 2002. Selon l'art.
1er al. 1 de l'annexe II "Coordination

des systèmes de sécurité sociale" à l'accord, fondée sur l'art. 8 de
l'accord et faisant partie intégrante de celui-ci (art. 15 de l'accord) en
relation avec la section A de cette annexe, les parties contractantes
appliquent entre elles en particulier le règlement (CEE) n° 1408/71 du
Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité
sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux
membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté,
ainsi que le règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les
modalités d'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs
salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui
se déplacent à l'intérieur de la Communauté, ou des règles équivalentes.
L'art. 153a let. a LAVS, entré en vigueur le 1er juin 2002, renvoie à ces
deux règlements de coordination.

  4.3  Bien que le recourant, ressortissant français, tombe dans le champ
d'application personnel, matériel et temporel de l'ALCP, l'application des
dispositions pertinentes du titre III, chapitre 2 (invalidité) et chapitre 3
(vieillesse et décès [pensions]) du règlement n° 1408/71 relatives au
remplacement d'une rente d'invalidité par une rente de vieillesse ne lui
donne pas un résultat plus favorable.

  En effet, selon les dispositions de ce règlement, à partir du moment où
une rente d'invalidité de l'assurance-invalidité suisse, qui avait été
allouée selon le principe du risque en tenant compte de périodes d'assurance
accomplies à l'étranger conformément à une convention bilatérale de sécurité
sociale, est remplacée par une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse
et survivants suisse, elle-même calculée uniquement en fonction des périodes
suisses, l'Etat, qui avait été jusqu'alors libéré du versement d'une
prestation, verse à son tour une rente de vieillesse ou - si l'âge de la
retraite prévu par cet Etat n'est pas atteint - une rente d'invalidité (ATF
131 V 371 consid. 7.1 p. 382 ss).

  Le calcul de la caisse est conforme à ces principes. A juste titre,
l'intimée n'a pas tenu compte des périodes d'assurance française dans le
calcul comparatif prescrit par l'art. 33bis al. 1 LAVS. En effet, le
principe de la protection de la situation acquise, prévu par cette
disposition de la LAVS, ne s'applique pas au montant d'une rente qui avait
été calculé en tenant compte de périodes d'assurance accomplies à
l'étranger; le calcul comparatif se fait en fonction

des périodes suisses uniquement (ATF 131 V 371 consid. 3 p. 374).

  4.4  On rappellera que, dans le champ d'application de l'art. 46 par. 1 du
règlement n° 1408/71, les rentes de vieillesse de l'AVS et les rentes
d'invalidité de l'AI sont fixées de manière autonome, c'est-à-dire compte
tenu seulement des périodes accomplies sous la législation nationale (ATF
131 V 371 consid. 6 p. 379 et consid. 9.4 p. 388, 390 consid. 7.3.1 p. 403).
Autrement dit, il n'est pas nécessaire de faire application de l'art. 46 du
règlement n° 1408/71, qui prescrit le calcul comparatif suivant: en premier
lieu, le montant de la prestation qui serait dû est calculé en vertu des
seules dispositions de la législation nationale, soit en prenant en compte
uniquement les périodes d'assurance selon le droit interne (art. 46 par. 1
let. a point i du règlement n° 1408/71); en second lieu, le montant de la
prestation qui serait dû est calculé selon l'art. 46 par. 2 du règlement n°
1408/71; en vertu de cette disposition, les prestations sont calculées
conformément à une procédure de totalisation et de proratisation selon
laquelle le montant de la rente d'un Etat est fixé en fonction du rapport
existant entre la durée des périodes d'assurance accomplies dans cet Etat et
la durée totale des périodes accomplies dans des différents pays. Or la
Suisse a pu maintenir le calcul autonome des rentes, dès lors qu'il
n'entrait pas en conflit avec le principe communautaire selon lequel le
montant garanti en appliquant cette méthode ne peut pas être inférieur au
montant résultant de la totalisation des périodes d'assurance et du calcul
prorata, ce qui a nécessité de procéder à un ajustement dans la
revalorisation des périodes d'assurance antérieures à 1973 (ATF 131 V 371
consid. 6 p. 379).

  4.5  Enfin, ni l'ALCP, ni les règlements n° 1408/71 et n° 574/72 ne
prévoient de protection de la situation acquise lors du remplacement d'une
rente d'invalidité par une rente de vieillesse d'un Etat. Il n'y a pas
matière à paiement d'un complément différentiel destiné à compenser un
éventuel découvert (ATF 131 V 371 consid. 7.3 p. 383).

  4.6  En conclusion, le calcul de la caisse est conforme aussi bien au
droit national qu'aux dispositions du titre III du règlement n° 1408/71.

Erwägung 5

  5.  Le recourant soutient qu'il a droit à un complément différentiel en
vertu de l'art. 16 de la Convention franco-suisse de sécurité sociale. Cet
article dispose plus particulièrement ceci:

   "1 La pension d'invalidité est transformée, le cas échéant, en pension de
    vieillesse dès que se trouvent remplies les conditions notamment d'âge,
    requises par la législation du pays en vertu de laquelle elle a été
    attribuée.

    (...)

    2 Si le total des prestations auxquelles un assuré peut prétendre de la
    part de chacun des régimes d'assurance-vieillesse des deux pays est
    inférieur au montant de la pension ou rente d'invalidité, il a droit à
    un complément différentiel à la charge du régime qui était débiteur de
    ladite pension ou rente."

  En l'espèce, il est constant que le total des prestations de l'AVS suisse
et de la sécurité sociale française est inférieur à la rente d'invalidité
précédemment allouée au recourant. Aussi bien celui-ci soutient-il que cette
disposition de la convention bilatérale, plus favorable en l'espèce,
continue à s'appliquer, nonobstant l'entrée en vigueur de l'ALCP. Il se
prévaut de la jurisprudence rendue par la CJCE en matière de conventions de
sécurité sociale plus favorables, dans un cas concret, que le règlement n°
1408/71.

Erwägung 6

  6.  Sous le titre "Conventions de sécurité sociale auxquelles le présent
règlement se substitue", l'art. 6 du règlement n° 1408/71 a la teneur
suivante:

   "Dans le cadre du champ d'application personnel et du champ d'application
    matériel du présent règlement, celui-ci se substitue, sous réserve des
    dispositions des art. 7, 8 et de l'art. 46 par. 4, à toute convention de
    sécurité sociale liant:

    a) soit exclusivement deux ou plusieurs Etats membres;

    b) soit au moins deux Etats membres ou un ou plusieurs autres Etats,
       pour autant qu'il s'agisse de cas dans le règlement desquels aucune
       institution de l'un de ces derniers Etats n'est appelée à
       intervenir."

  L'art. 7 du règlement énumère des dispositions internationales auxquelles
le présent règlement ne porte pas atteinte, notamment les conventions
adoptées par la Conférence internationale du travail, ainsi que les
dispositions des conventions de sécurité sociale mentionnées à l'annexe III.

  Au point 22 de l'arrêt du 7 février 1991, Rönfeldt, C-227/89, Rec. 1991,
p. I-323, qui portait sur les modalités de calcul d'une pension de retraite,
la CJCE a d'abord rappelé que, comme elle l'avait déjà jugé dans l'arrêt du
7 juin 1973, Walder, 82/72, Rec. 1973, p. 559, les art. 6 et 7 du règlement
n° 1408/71 laissent clairement apparaître que la substitution de celui-ci
aux stipulations des conventions

de sécurité sociale intervenues entre Etats membres a une portée impérative
et n'admet aucune exception, en dehors des cas expressément mentionnés par
le règlement. Elle a cependant statué que l'art. 39 par. 2 et l'art. 42
(ex-art. 48 et 51) du Traité instituant la Communauté européenne (Traité CE)
s'opposent à la perte des avantages de sécurité sociale qui découlerait de
l'inapplicabilité, par suite de l'entrée en vigueur du règlement, des
conventions en vigueur entre deux ou plusieurs Etats membres et intégrées à
leur droit national. Dans un arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93,
Rec. 1995, p. I-3813, la Cour a limité la portée de ce principe en ce sens
qu'il ne saurait s'appliquer aux travailleurs qui n'ont exercé leur droit à
la libre circulation qu'après l'entrée en vigueur du règlement. Dans un tel
cas, le travailleur ne peut prétendre avoir subi une perte des avantages de
sécurité sociale qui aurait résulté pour lui d'une convention bilatérale
(points 25 et 26). Cette jurisprudence a été confirmée dans un arrêt du 9
novembre 2000, Thelen, C-75/99, Rec. 2000, p. I-9399. Ultérieurement, dans
un arrêt du 5 février 2002, Kaske, C-277/99, Rec. 2002, p. I-1261, la Cour a
encore précisé que les principes dégagés dans l'arrêt Rönfeldt qui
permettent d'écarter l'application du règlement n° 1408/71 pour continuer à
appliquer au travailleur ressortissant d'un Etat membre une convention
bilatérale à laquelle ce règlement s'est normalement substitué valent
également dans le cas où ce travailleur a exercé un droit à la libre
circulation avant l'entrée en vigueur dudit règlement et avant que le Traité
soit applicable dans son pays d'origine (point 28). Ce qui est donc
déterminant pour l'application des dispositions d'une convention bilatérale
plus favorable au regard de la jurisprudence de la CJCE, c'est que le
travailleur ait fait usage de son droit à la libre circulation avant
l'entrée en vigueur du règlement n° 1408/71.

Erwägung 7

  7.  Aux termes de l'art. 16 al. 2 ALCP, dans la mesure où l'application du
présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu
compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés
européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence
postérieure à la date de la signature de l'accord sera communiquée à la
Suisse. En vue d'assurer le bon fonctionnement de l'Accord, à la demande
d'une partie contractante, le comité mixte déterminera les applications de
cette jurisprudence. Indépendamment de cette procédure, les arrêts rendus
postérieurement à la date fixée peuvent au besoin être utilisés en vue

d'interpréter l'ALCP, surtout s'ils ne font que préciser une jurisprudence
antérieure (ATF 132 V 53 consid. 2 p. 56; 130 II 113 consid. 5.2 p. 119).

  La question est donc de savoir si la jurisprudence précitée de la CJCE
peut être appliquée par le juge suisse avec l'entrée en vigueur de l'ALCP.
Le Tribunal fédéral des assurances a laissé indécise cette question (ATF 132
V 53 consid. 7.2 p. 62; 130 V 150 consid. 7.3 et 7.4 p. 155; arrêt du
Tribunal fédéral des assurances H 23/04 du 15 juin 2005, consid. 2.6 et 10.1
non publiés à l'ATF 131 V 371; voir aussi SILVIA BUCHER, Die Rechtsprechung
des Eidgenössischen Versicherungsgerichts zum Freizügigkeitsabkommen [FZA]:
ein Überblick über einige Urteile mit weiterführenden Bemerkungen, RSAS 2004
p. 420 ss). Dans une autre affaire que celles jugées dans ces arrêts, qui
portait comme ici sur le remplacement d'une rente de l'assurance-invalidité
par une rente de vieillesse, le Tribunal fédéral des assurances n'a pas eu à
se prononcer sur le versement d'un complément différentiel selon la
Convention franco-suisse, attendu que le cumul des rentes suisse et
française n'entraînait pas un découvert susceptible d'être compensé par ce
complément (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 281/03 du 27 février
2004, consid. 5.2, VSI 2004 p. 208, plus spécialement p. 213). En l'espèce,
la situation est différente, puisque le montant des rentes suisse et
française est inférieur au montant de la rente d'invalidité dont bénéficiait
précédemment le recourant. Le problème de l'applicabilité d'une convention
bilatérale de sécurité sociale plus favorable doit ainsi être résolu.

Erwägung 8

  8.

  8.1  L'ALCP renferme trois dispositions spécifiques qui règlent les
relations de l'ALCP avec les accords existants, en s'inspirant des diverses
solutions prévues par la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit
des traités (Convention de Vienne; RS 0.111). Les accords de double
imposition ne sont pas affectés par l'accord sectoriel (art. 21). Les autres
accords existants, qui concernent par exemple la coopération
transfrontalière ou le petit trafic frontalier, ne sont pas non plus
affectés par le nouvel accord; toutefois, en cas de conflit entre celui-ci
et les accords existants, le nouvel accord prévaut (art. 22; voir à ce
sujet, DANIEL FELDER, Appréciation juridique et politique du cadre
institutionnel et des dispositions générales des accords sectoriels, in
Felder/Kaddous [éd.], Accords bilatéraux Suisse-UE [Commentaires], Bâle
2001, p. 137 s.).

  En matière de sécurité sociale, sous le titre "Relation avec les accords
bilatéraux en matière de sécurité sociale", l'art. 20 ALCP dispose ce qui
suit:

   "Sauf disposition contraire découlant de l'annexe II, les accords de
    sécurité sociale bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la
    Communauté européenne sont suspendus dès l'entrée en vigueur du présent
    accord, dans la mesure où la même matière est régie par le présent
    accord."

  Le principe de la suspension des conventions bilatérales souffre des
exceptions. Tout d'abord, comme cela ressort du texte de l'art. 20 précité,
la suspension ne vaut que pour les personnes qui entrent dans le champ
d'application matériel et personnel des règles communautaires. En outre,
certaines des dispositions des conventions mentionnées à l'annexe II à
l'ALCP restent pertinentes, conformément à l'art. 7 par. 2 let. c du
règlement n° 1408/71 et à son annexe III. Il s'agit pour l'essentiel des
règles conventionnelles qui exigent l'exportation des prestations en espèces
vers un Etat tiers (voir à ce sujet BETTINA KAHIL-WOLFF, La Suisse face au
droit social de l'Union européenne, in Kahil-Wolff/Greber [éd.], Sécurité
sociale: aspects de droit national, international et européen,
Genève/Munich/Bruxelles/Paris 2006, p. 367, note 785; voir aussi ATF 130 V
57; cf. également l'art. 46 par. 4 du règlement n° 1408/71). Ces exceptions
n'entrent pas en considération en l'espèce.

  8.2  Dans son préavis, l'OFAS indique que lors des négociations sur
l'ALCP, la Suisse tenait absolument à écarter le risque de devoir
déterminer, en tenant compte de la jurisprudence Rönfeldt, dans tous les cas
tombant à la fois dans le champ d'application du règlement n° 1408/71 et
d'une convention bi- ou multilatérale, lequel des deux instruments contient
les dispositions les plus favorables à l'intéressé. Elle estimait, comme la
majorité des experts des Etats membres de l'Union européenne en matière de
sécurité sociale, que ce double examen ne correspondrait pas à une
coordination multilatérale optimale et poserait des problèmes
d'interprétation considérables. Par exemple, il serait impossible de
déterminer dans certains cas (ainsi le versement d'une indemnité forfaitaire
ou le versement d'une rente) quelle est la réglementation la plus favorable
pour l'intéressé. Afin de créer une situation juridique claire et dans un
souci d'assurer une application efficace de l'accord, il a été prévu à
l'art. 20 de l'ALCP que les accords bilatéraux de sécurité sociale entre la
Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne

seraient suspendus dès l'entrée en vigueur de l'ALCP, dans la mesure où la
même matière est réglée. En précisant, au début de l'art. 20 ALCP, que les
dispositions contraires découlant de l'annexe II sont réservées, l'objectif
était de garantir que les dispositions des conventions bi- ou multilatérales
auxquelles le règlement ne porte pas atteinte demeurent néanmoins
applicables, conformément à l'art. 7 de ce règlement.

  8.3  Pour la doctrine quasi unanime, il semble aller de soi que les
conventions bilatérales de sécurité sociale plus favorables continuent à
s'appliquer après l'entrée en vigueur de l'ALCP (KAHIL-WOLFF, op. cit., p.
368 n. 801; EDGARD IMHOF, Eine Anleitung zum Gebrauch des
Personenfreizügigkeitsabkommens und der VO 1408/71 über die einzelnen
Leistungszweige, in Mosimann [éd.], Aktuelles im Sozialversicherungsrecht,
Zurich 2001, p. 108, note 291; BREITENMOSER/ISLER, Der Rechtsschutz gemäss
dem Personenfreizügigkeitsabkommen vom 21. Juni 1999 im Bereich der sozialen
Sicherheit, in Schaffhauser/Schürer [éd.], Die Durchführung des Abkommens
EU/CH über die Personenfreizügigkeit [Teil Soziale Sicherheit] in der
Schweiz, St-Gall 2001, p. 210; SUSANNE LEUZINGER-NAEF,
Sozialversicherungsgerichtsbarkeit und Personenfreizügigkeitsabkommen
Schweiz-EG, RSJ 99/2003 p. 196, note 7; RAYMOND SPIRA, La procédure selon
l'accord dans des cas interétatiques, in Erwin Murer [éd.], L'accord sur la
libre circulation des personnes avec l'UE et ses effets à l'égard de la
sécurité sociale en Suisse, Berne 2001, p. 89; contra, mais sans référence à
la jurisprudence européenne: MARIA VERENA BROMBACHER STEINER, Die soziale
Sicherheit im Abkommen über die Freizügigkeit der Personen, in Accords
bilatéraux Suisse-UE [Commentaires] p. 368 ad let. d; JOSEF DOLESCHAL, Die
Regelung der Sozialen Sicherheit im Personenverkehrsabkommen mit der
Europäischen Union, in Soziale Sicherheit 1999 p. 124 [passage traduit à
contresens dans la version française de l'article: Réglementation en matière
de sécurité sociale dans l'accord avec l'Union européenne sur la libre
circulation des personnes, in Sécurité sociale 1999 p. 124]). Ces avis
majoritaires sont en général motivés par un renvoi pur et simple à la
jurisprudence Rönfeldt et Thévenon.

  8.4  Pour l'interprétation de cet accord, il y a lieu de se conformer aux
règles d'interprétation habituelles déduites de la Convention de Vienne. En
particulier, l'art. 31 par. 1 de cette convention prescrit que les traités
doivent s'interpréter de bonne foi suivant le sens

ordinaire attribué aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière
de son objet et de son but (ATF 132 V 53 consid. 6.3 p. 60; 130 II 113
consid. 6.1 p. 121).

  D'autre part, pour apprécier pleinement la portée que revêtent pour la
Suisse les arrêts pertinents de la CJCE, il y a lieu de considérer que
l'ALCP s'insère dans une série de sept accords qui, non seulement sont
sectoriels, mais encore ne portent que sur des champs d'application partiels
des quatre libertés que sont la libre circulation des personnes, des
marchandises, des capitaux et des services; il ne s'agit donc pas d'une
participation pleine et entière au marché intérieur de la Communauté
européenne (cf. Message du 23 juin 1999 relatif à l'approbation des accords
sectoriels entre la Suisse et la CE, FF 1999 p. 5473). Les arrêts de la CJCE
fondés sur des notions ou des considérations dépassant ce cadre relativement
étroit ne sauraient donc, sans autre examen, être transposés dans l'ordre
juridique suisse. Il en va ainsi, par exemple, de la notion de citoyenneté
européenne, qui est absente de l'ALCP et qui ne saurait donc trouver à
s'appliquer à la Suisse (ATF 130 II 113 consid. 6.2 p. 121).

  8.5  Ces principes d'interprétation étant posés, on notera tout d'abord
qu'il n'est pas possible de tirer une conclusion définitive du texte même de
l'art. 20 ALCP. La suspension des conventions bilatérales visait à garantir
que la réglementation applicable puisse être réactivée en cas de
dénonciation de l'accord prévu à l'art. 25 al. 2 ALCP (message précité, p.
5624). Il s'agissait de clarifier la situation pour le cas où cette
éventualité se produirait, tout en voulant démontrer clairement que pendant
la durée de validité de l'accord la coordination prévue par celui-ci
s'appliquait (DOLESCHAL, loc. cit., p. 124). On ne peut cependant pas en
déduire une volonté d'exclure la possibilité de recourir à des dispositions
divergentes d'une convention bilatérale en présence d'un cas concret où elle
se révélerait plus favorable.

  D'autre part, il n'y a pas de véritable hiérarchie entre le règlement et
les dispositions de l'ALCP ou de ses annexes (voir JEAN MÉTRAL, L'accord sur
la libre circulation des personnes: coordination des systèmes de sécurité
sociale et jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, in HAVE/REAS
2004 p. 187, note 15). Or, sous réserve des termes utilisés - l'utilisation
du mot "suspension" étant dictée par la nécessité de faire renaître au
besoin les conventions antérieures -, l'art. 20 ALCP correspond en substance
à l'art. 6 du

règlement n° 1408/71 (KAHIL-WOLFF, op. cit., p. 368 n. 801), que le juge
suisse est tenu d'appliquer en tenant compte des interprétations données par
la Cour avant la date de la signature des dispositions du règlement.

  Dans ces conditions, il convient bien plutôt, d'interpréter l'art. 20 ALCP
et les dispositions du règlement à la lumière de leur finalité, de sorte que
ces textes puissent recevoir une application conforme à leurs objectifs (cf.
FABRICE FILLIEZ, Application des accords sectoriels par les juridictions
suisses: quelques repères, in Accords bilatéraux Suisse-UE [Commentaires],
Bâle 2001, p. 202).

  8.6
  8.6.1  La jurisprudence ici en discussion de la CJCE repose sur l'idée que
l'application du règlement n° 1408/71 ne doit pas conduire à la perte
d'avantages de sécurité sociale résultant de conventions de sécurité sociale
en vigueur entre deux ou plusieurs Etats membres et intégrés à leur droit
national; le travailleur qui a exercé son droit à la libre circulation ne
doit pas être pénalisé du fait des règlements communautaires par rapport à
la situation qui aurait été la sienne s'il avait été régi par la seule
législation nationale. Cette jurisprudence repose aussi sur l'idée que
l'intéressé était en droit, au moment où il a exercé son droit à la libre
circulation, d'avoir une confiance légitime dans le fait qu'il pourrait
bénéficier des dispositions de la convention bilatérale (arrêt Kaske,
précité, point 27). Cette confiance se trouve placée généralement dans des
droits en cours d'acquisition qui s'étendent souvent sur une longue période,
notamment - comme ici - les assurances-pensions.

  8.6.2  Cette jurisprudence trouve sa source dans l'art. 39 par. 2 et
l'art. 42 (ex-art. 48 et 51) du Traité instituant la Communauté européenne
(Traité CE). L'art. 39 par. 2 du Traité pose le principe selon lequel la
libre circulation des personnes implique l'interdiction de toute
discrimination fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats
membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et leurs autres
conditions de travail. Quant à l'art. 42, il charge le Conseil d'adopter,
dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour
l'établissement de la libre circulation des travailleurs, de manière à
permettre aux travailleurs migrants et à leurs ayant droits:
a) la totalisation, pour l'ouverture et le maintien du droit aux
prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes les périodes
prises en considération par les différentes législations nationales;

b) le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires
des Etats membres.

  C'est au titre de cette compétence que le Conseil a adopté le règlement n°
1408/71.

  8.6.3  La Suisse n'est évidemment pas partie au Traité CE. Mais les
objectifs de l'ALCP - qui, selon son préambule, vise la réalisation de la
libre circulation des personnes entre la Suisse et la Communauté européenne
"en s'appuyant sur les dispositions en application dans la Communauté
européenne" - sont énoncés à l'art. 1 ALCP. Sur la base de ces objectifs,
l'ALCP garantit pour tous les travailleurs salariés et indépendants la
reconnaissance par étapes d'un droit de libre circulation quasi identique à
celui existant en droit communautaire (voir MOSTERS/EPINEY, L'Accord sur la
libre circulation des personnes: un aperçu, in Kahil-Wolff [éd.],
Assujettissement, cotisations et questions connexes selon l'Accord sur la
libre circulation des personnes CH-CE, Berne 2004, p. 23). Quant aux
principes de coordination mentionnés à l'art. 42 du traité et rappelés
ci-dessus, ils sont repris pratiquement mot pour mot à l'art. 8 let. c et d
de l'ALCP et concrétisés dans le règlement n° 1408/71, qui fait partie de
l'acquis communautaire repris par la Suisse. En matière de sécurité sociale,
il s'agit donc d'éliminer les obstacles à la libre circulation qui
pourraient résulter de l'absence de coordination des régimes nationaux. Sur
ce point, les objectifs du traité et de l'ALCP se confondent pratiquement.

  8.6.4  Par conséquent, lorsque les principes de l'ALCP en matière de
sécurité sociale recouvrent des notions de droit communautaire, avec une
même finalité, l'interprétation par la CJCE qui en découle doit, en règle
ordinaire, être considérée comme faisant partie de l'acquis communautaire
que la Suisse s'est engagée à reprendre, sous réserve que la jurisprudence
en cause soit antérieure à la date de la signature de l'accord (cf. ATF 130
II 113 consid. 6.5 p. 124). On doit ainsi conclure à l'applicabilité de
conventions de sécurité sociale plus favorables dans un cas concret, pour
autant - conformément aux conditions posées par la CJCE (supra consid. 6) -
que l'intéressé ait exercé son droit à la libre circulation avant l'entrée
en vigueur pour la Suisse de l'ALCP et du règlement n° 1408/71 auquel
renvoie l'accord.

  8.7  Les objections soulevées par l'OFAS dans ses déterminations ne
justifient pas une autre solution.

  On ne dispose pas d'éléments qui permettraient de tenir pour établi que
l'intention de toutes les parties contractantes était de déclarer
inapplicables les dispositions de conventions bilatérales éventuellement
plus favorables (cf. art. 31 par. 4 de la Convention de Vienne; sur
l'admissibilité limitée de l'interprétation tirée de l'intention des
parties, voir: OLIVIER JACOT-GUILLARMOD, Strasbourg, Luxembourg, Lausanne et
Lucerne: méthodes d'interprétation comparées de la règle internationale
conventionnelle, in Les règles d'interprétation, Principes communément admis
par les juridictions, Fribourg 1989, p. 113; KNUT IPSEN, Völkerrecht, 5e
éd., Munich 2004, p. 143, ch. 15). On peut au contraire supposer que les
Etats membres de la Communauté ou du moins certains d'entre eux, partaient
de l'idée que le régime applicable, par rapport aux conventions bilatérales
serait le même que pour les Etats membres de la Communauté.

  Quant aux difficultés d'ordre pratique invoquées par l'OFAS, si elles ne
sauraient être minimisées (cf. KAHIL-WOLFF/MOSTERS, Struktur und Anwendung
des Freizügigkeitsabkommens Schweiz/EG, in Durchführung des Abkommens EU/CH
über die Personenfreizügigkeit [Teil Soziale Sicherheit] in der Schweiz,
Saint-Gall 2001, p. 14) elles n'apparaissent pas considérables et encore
moins insurmontables. D'une part, les règles de base de coordination des
conventions bilatérales et du règlement n° 1408/71 s'inspirent largement des
mêmes principes: les cas où une convention est plus favorable sont a priori
peu nombreux. D'autre part, ces difficultés ne sont pas spécifiques à la
Suisse mais concernent aussi d'autres Etats de la Communauté. On ajoutera à
ce propos que dans l'affaire Thévenon, le Conseil, la Commission et les
gouvernements intéressés avaient invité la Cour à revenir sur sa
jurisprudence Rönfeldt. L'argument principal était précisément que
l'application parallèle des conventions bilatérales et du règlement
aboutirait à une insécurité juridique et causerait des problèmes
administratifs (voir à ce propos, PRODROMOS MAVRIDIS, La sécurité sociale à
l'épreuve de l'intégration européenne, Etude d'une confrontation entre
libertés du marché et droits fondamentaux, Athènes/Bruxelles 2003, p. 353
s.). Or, dans ce même arrêt Thévenon, la Cour, même si elle a limité la
portée de l'arrêt Rönfeldt, n'en a pas moins réaffirmé le principe -
confirmé par la suite - selon lequel l'application des règlements
communautaires ne doit pas conduire à un résultat moins favorable pour
l'assuré que celui qui résulte de l'application d'une convention bilatérale
de sécurité sociale.

  Quant au cas particulier mentionné par l'OFAS (indemnité forfaitaire ou
rente) il vise une situation tout à fait spéciale, qui peut donner lieu à
interprétation, mais qui a été réglée par la jurisprudence (voir ATF 130 V
156).

Erwägung 9

  9.  En conclusion, il convient, conformément à la jurisprudence précitée
de la CJCE, d'appliquer l'art. 16 par. 2 de la Convention franco-suisse de
sécurité sociale. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer la cause à la caisse
intimée pour qu'elle calcule et verse le complément différentiel au
recourant prévu par cette disposition. Le recours est ainsi bien fondé.