Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 I 128



Urteilskopf

133 I 128

  14. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause
Communes de Corsier et de St-Légier-La Chiésaz contre Etat de Vaud et Cour
constitutionnelle du canton de Vaud (recours de droit public)
  2P.10/2006 du 16 novembre 2006

Regeste

  Art. 50 BV, Gemeindeautonomie; Dekret des Grossen Rates des Kantons Waadt
vom 5. April 2005 über den Elektrizitätssektor.

  Mit der Rüge der Verletzung der Gemeindeautonomie können die Gemeinden nur
solche kantonalen Erlasse anfechten, die ihre Autonomie in unzulässiger
Weise insoweit beschränken, als sie ihnen eine Gesetzgebungskompetenz oder
eine sonstige Zuständigkeit entziehen, die ihnen direkt durch die
Kantonsverfassung gewährleistet wird. Besonderheiten bei parallelen
Kompetenzen des Kantons und der Gemeinde (E. 3).

  Kompetenzen der waadtländischen Gemeinden bei der Produktion und
Verteilung elektrischer Energie unter der Geltung der alten
Kantonsverfassung vom 1. März 1885 und der neuen vom 14. April 2003.
Tragweite von Art. 56 und 139 der waadtländischen Kantonsverfassung im
fraglichen Zusammenhang (E. 4, 5 und 6).

  Die Aufhebung des früheren Systems von Rückvergütungsleistungen an die
Gemeinden entspricht Art. 56 der waadtländischen Kantonsverfassung, liegt im
kantonalen öffentlichen Interesse, wahrt das Verhältnismässigkeitsprinzip
(E. 7) und verstösst nicht gegen die Autonomie der waadtländischen
Gemeinden, die in Steuerfragen ohnehin nur sehr beschränkt besteht (E. 8).

Sachverhalt

  Le 5 avril 2005, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté un décret sur
le secteur électrique, qui a été publié par le Conseil d'Etat dans la
Feuille des avis officiels le 22 avril 2005. Il est entré en vigueur le 1er
novembre 2005 (DSecEl; RSV 730.115). Ce décret institue dans le canton de
Vaud un monopole de droit cantonal concernant la distribution et la
fourniture de l'électricité, dans le but d'assurer un service public de
qualité (art. 1 du décret). Il s'applique à l'ensemble du territoire
cantonal et à toutes les entreprises d'approvisionnement en électricité
actives dans le canton (art. 2 du décret). Il fixe le régime des concessions
(art. 10 ss du décret), impose le service universel (art. 15 s. du décret),
règle les questions de tarifs et de financement

(art. 17 ss du décret). En particulier, sous la note marginale "Indemnités
communales", l'art. 23 du décret a la teneur suivante:

    1 L'usage du sol communal donne droit à un émolument tenant compte,
    notamment, de l'emprise au sol. Cet émolument est fixé par un règlement
    du Conseil d'Etat.

    2 Les communes sont également habilitées à prélever des taxes communales
    spécifiques, transparentes et clairement déterminées permettant de
    soutenir les énergies renouvelables, l'éclairage public, l'efficacité
    énergétique et le développement durable.

  Enfin, sous la note marginale "abolition des ristournes" l'art. 25 du
décret a la teneur suivante:

    Simultanément avec la perception des émoluments prévus à l'article 23,
    alinéa 1er, les ristournes communales seront abolies.

  Enfin, l'art. 30 al. 2 du décret prévoit son abrogation lors de l'entrée
en vigueur de la législation fédérale sur l'approvisionnement en
électricité, mais au plus tard après cinq ans. Le Grand Conseil peut décider
de sa prolongation.

  Par arrêt du 7 octobre 2005, notifié le 25 novembre 2005, la Cour
constitutionnelle a rejeté la requête d'annulation du décret déposée par les
communes de Corsier-sur-Vevey et de Saint-Légier-La Chiésaz.

  Agissant par la voie du recours de droit public, les communes de
Corsier-sur-Vevey et de Saint-Légier-La Chiésaz demandent au Tribunal
fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu le 7 octobre
2005 par la Cour constitutionnelle. Elles se plaignent de la violation de
leur autonomie ainsi que de celle des principes de proportionnalité et
d'intérêt public.

  Le Grand Conseil du canton de Vaud a conclu, sous suite de frais et
dépens, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. La Cour
constitutionnelle se réfère à son arrêt.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.

  3.1  Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans
les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie de la
protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle
pas de manière exhaustive mais laisse en tout ou

en partie dans la sphère communale, lui accordant une liberté de décision
importante. Le domaine d'autonomie protégé peut consister dans la faculté
d'adopter ou d'appliquer des dispositions de droit communal ou encore dans
une certaine liberté dans l'application du droit fédéral ou cantonal. Pour
être protégée, l'autonomie ne doit pas nécessairement concerner toute une
tâche communale, mais uniquement le domaine litigieux. L'existence et
l'étendue de l'autonomie communale dans une matière concrète sont
déterminées essentiellement par la Constitution et la législation cantonales
(ATF 129 I 410 consid. 2.1 p. 412 ss; 129 I 313 consid. 5.2 p. 320; 126 I
133 consid. 2 p. 136).

  3.2  Le décret litigieux a été adopté par le Grand Conseil et soumis au
référendum facultatif (art. 84 al. 1 let. a et 103 al. 1 Cst./VD). Il revêt
la forme du décret parce qu'il comprend des règles générales et abstraites
dont la durée est limitée (cf. l'art. 30, qui prévoit l'abrogation de ce
dernier lors de l'entrée en vigueur de la législation fédérale sur
l'approvisionnement en électricité, mais au plus tard dans les cinq ans)
contrairement aux dispositions de durée illimitée qui prennent la forme
d'une loi (art. 110 al. 1 Cst./VD).

  3.3  Lorsque, comme en l'espèce, il ne s'agit pas d'examiner si l'autorité
cantonale a correctement exercé son pouvoir de contrôle ou de surveillance,
mais que le recours a pour objet un acte législatif cantonal qui fixe
nouvellement en la restreignant l'autonomie des communes dans un domaine
précis, les communes ne peuvent s'en prendre à cet acte qu'en tant qu'il
écarte indûment une compétence législative ou un domaine d'autonomie
garantis par la Constitution cantonale. Elles peuvent se plaindre de ce
qu'en modifiant la loi, le législateur cantonal a restreint les limites de
l'autonomie communale qu'il avait antérieurement posées en violation
d'autres attributions communales directement conférées par la Constitution
(ATF 117 Ia 352 consid. 4b p. 356; 113 Ia 212 consid. 3b p. 213 s.; 103 Ia
191 consid. 3 p. 194 ss; pour deux affaires vaudoises: ATF 94 I 451 consid.
4 p. 457 s. et 541 consid. 4 p. 547 ss; ATF 52 I 353; MARKUS DILL, Die
staatsrechtliche Beschwerde wegen Verletzung der Gemeindeautonomie, thèse
Berne 1996, p. 89 ss, 92 ss et les références citées).

  Dans ce contexte, lorsqu'il y a un conflit de compétence entre le canton
et la commune, qui disposent de compétences parallèles dans un domaine, le
Tribunal fédéral examine d'abord si le canton ou la

commune est ou était compétent pour adopter les dispositions litigieuses. Si
tel est le cas, il examine ensuite si le canton a fait un usage correct de
sa compétence. Dans cette hypothèse, la commune peut se plaindre de ce que
la réglementation cantonale ne repose sur aucun intérêt cantonal ou régional
prépondérant. Elle peut également se plaindre d'une violation du principe de
proportionnalité (ATF 94 I 541 consid. 5a p. 548; MARKUS DILL, op. cit., p.
96 s., 128 ss et les nombreuses références citées).

Erwägung 4

  4.  Le décret litigieux institue dans le canton de Vaud un monopole de
droit cantonal concernant la distribution et la fourniture de l'électricité,
qui s'applique à l'ensemble du territoire cantonal et à toutes les
entreprises d'approvisionnement en électricité actives dans le canton. Il
règle notamment les questions de tarifs et de financements. Il modifie par
conséquent la répartition des compétences en la matière. Les recourantes
considèrent que cette nouvelle répartition viole leur autonomie.

  4.1  Selon l'art. 80 aCst./VD, l'existence des communes était reconnue et
garantie (al. 1). Les communes étaient subordonnées à l'Etat, avec lequel
elles concouraient au bien de la société (al. 2). Elles jouissaient de toute
l'indépendance compatible avec le bien de l'Etat, son unité et la bonne
administration des communes elles-mêmes (al. 3).

  L'ancienne Constitution du 1er mars 1885 étant muette sur les questions de
production d'énergie électrique, celles-ci étaient réglées par la loi du 5
septembre 1944 sur l'utilisation des lacs et cours d'eau dépendant du
domaine public (LLC; RSV 731.01) et son règlement d'application du 17
juillet 1953 (RLLC; RSV 731.01.1). D'après les art. 1 à 4 LLC, c'était au
canton qu'appartenait le droit de disposer des eaux dépendant du domaine
public, de les détourner ou de les utiliser, en particulier comme force
motrice à des fins de productions hydroélectriques. Ce droit devait faire
l'objet d'une autorisation préalable du Conseil d'Etat délivrée sous la
forme de concession soumise au paiement d'une taxe de concession due au
canton (art. 13 LLC). Comme le canton était le seul à pouvoir concéder
l'usage des eaux du domaine public, les communes n'ont jamais disposé d'une
quelconque compétence en la matière et n'ont par conséquent jamais joui
d'autonomie sur ce point.

  L'ancienne Constitution du 1er mars 1885 étant également muette sur les
questions relatives à la distribution d'énergie électrique, celles-ci

étaient réglées par les art. 2 ainsi que 42 de la loi vaudoise du 28 février
1956 sur les communes (LC; RSV 175.11). Ces articles précisaient que les
autorités communales exerçaient les attributions et exécutaient les tâches
qui leur étaient propres dans le cadre de la Constitution et de la
législation cantonales; parmi ces tâches figuraient l'administration du
domaine public (art. 2 let. c), les services industriels (art. 2 let. f)
ainsi que la fixation des contributions et taxes communales (art. 2 let. h).
Classiquement, les services industriels désignaient principalement la
fourniture d'eau et de diverses formes d'énergie et leur livraison au
domicile du consommateur (PIERRE-F. PANCHAUD, Nature et contenu des rapports
de distribution des services industriels dans le canton de Vaud, RDAF 1988
p. 233 ss, 234), de sorte que c'était aux communes vaudoises qu'il revenait
de gérer la distribution de l'énergie électrique sur leur territoire sous
réserve des dispositions spéciales applicables aux entreprises de production
d'énergie du chapitre VII du règlement d'application du 17 juillet 1953 de
la loi sur l'utilisation des eaux dépendant du domaine public (art. 54 à 76
RLLC). D'après l'art. 72 RLLC, en sus d'une participation annuelle au
bénéfice (art. 63 RLLC), qui pouvait prendre la forme d'un versement au
canton proportionnel à la production (art. 66 RLLC), le législateur cantonal
contraignait le concessionnaire à verser aux communes vaudoises dont il
desservait directement les abonnés, une ristourne annuelle proportionnelle
aux recettes brutes de la vente du courant sur leur territoire (ci-après:
ristourne communale). Les modalités de ces ristournes communales devaient
être contenues dans les conventions de distribution conclues avec les
communes (art. 72 al. 2 RLLC), qui prenaient la forme de concessions
délivrées par les communes. Leur montant faisait en revanche l'objet du
règlement du 20 août 1975 sur le versement de ristournes aux communes par
les entreprises bénéficiant de concessions d'eau de l'Etat (RRECE; RSV
731.01.1.1), dont les art. 5 et 6 ne fixaient que le montant minimum,
correspondant au produit de la recette brute procurée par la vente de
l'énergie multipliée par un taux fixé par le Conseil d'Etat.

  Il résulte de ces dispositions que les communes vaudoises avaient, sous
l'empire de l'ancienne Constitution et avant l'entrée en vigueur du décret
litigieux, la compétence non seulement de gérer les questions d'aménagement
local et d'usage du domaine public communal provoquées par les réseaux de
distribution et d'approvisionnement en électricité, mais également celle
d'organiser le marché de la distribution

de l'électricité sur leur territoire. Dans la plus grande majorité, les
communes vaudoises, comme les recourantes en l'espèce, ont délégué la
distribution et l'approvisionnement de l'électricité à une entreprise
tierce, à laquelle elles délivraient une concession d'utilisation du domaine
public et dont elles percevaient une redevance pour l'usage accru de ce
domaine (cf. PIERRE-F. PANCHAUD, op. cit., p. 233 ss, 236 s.). En l'absence
de dispositions légales cantonales sur ces questions, c'était la concession
de distribution qui déterminait l'étendue de l'obligation de fournir de
l'énergie électrique à la commune concédante et aux particuliers installés
sur son territoire, ainsi que le montant des redevances dues qui semblaient
comprendre les ristournes communales (art. 72 al. 2 RLLC; cf. aussi,
PIERRE-F. PANCHAUD, op. cit., p. 243).

  4.2  La nouvelle Constitution du canton de Vaud est entrée en vigueur le
14 avril 2003 (art. 175 Cst./VD). Selon l'art. 139 Cst./VD, les communes
vaudoises disposent d'autonomie en particulier dans la gestion du domaine
public (let. a), dans la fixation, le prélèvement et l'affectation des taxes
et impôts communaux (let. c) ainsi que dans l'aménagement local du
territoire (let. d). Tout en reconnaissant une certaine autonomie aux
communes, cette disposition n'en délimite pas l'étendue. En effet, elle
aurait pour but d'éviter au Tribunal fédéral de rechercher dans l'ensemble
du droit cantonal si les communes disposent, dans un certain domaine, de
pouvoirs de décisions importants (HALDY, L'organisation territoriale et les
communes, in La Constitution vaudoise du 14 avril 2003, Berne 2004, p.
291-310, spéc. p. 295; cf. en outre ATF 108 Ia 74 consid. 2b p. 74). Les
communes sont en outre soumises à la surveillance de l'Etat, qui veille à ce
que leurs activités soient conformes à la loi (art. 140 Cst./VD).
Contrairement à l'ancien régime, la Constitution contient maintenant l'art.
56 Cst. relatif aux ressources naturelles et à l'énergie selon lequel l'Etat
et les communes incitent la population à l'utilisation rationnelle et
économe des ressources naturelles, notamment de l'énergie (al. 1) et
veillent à ce que l'approvisionnement en eau et en énergie soit suffisant,
diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l'environnement
(al. 2).

  En revanche, les dispositions légales qui régissaient la production et la
distribution de l'énergie électrique dans le canton de Vaud n'ont pas été
modifiées avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, de sorte que
les compétences du canton et des communes en la matière n'ont pas subi de
modification.

Erwägung 5

  5.

  5.1  Invoquant l'art. 56 Cst./VD, les recourantes sont d'avis qu'en se
bornant à fixer un but commun à l'Etat et aux communes et en introduisant
les termes "économiques" et "optimal" dans la Constitution, le constituant
vaudois ne voulait pas priver les communes de toute autonomie dans la
fixation des conditions économiques de la fourniture d'électricité. Selon
elles, cette tâche revient d'abord aux communes.

  5.2  Comme l'affirment les recourantes, le mandat de l'art. 56 al. 2
Cst./VD peut être exercé tant par le canton que par les communes. Si, selon
la lettre de cet article, le canton détient bien une compétence en matière
d'approvisionnement en énergie, il n'en demeure pas moins qu'il doit
l'exercer dans le respect des compétences qui reviennent également aux
communes. Or, en instituant un monopole cantonal et en abolissant le droit
des communes vaudoises de percevoir la ristourne annuelle proportionnelle
aux recettes brutes de la vente de courant sur leur territoire, ce dernier
limite les compétences de gestion du domaine public et supprime certaines
compétences financières précédemment laissées aux communes sur ce point (cf.
consid. 4 ci-dessus). Dans ces conditions, il convient d'examiner,
conformément à la jurisprudence, si le canton a fait un usage correct de sa
compétence, ou en d'autres termes, si, fort de sa compétence
constitutionnelle, il pouvait par le décret litigieux restreindre ces
compétences communales. Tel n'est le cas que si la réglementation litigieuse
repose sur un intérêt cantonal ou régional prépondérant (cf. consid. 3.3).

Erwägung 6

  6.  De l'avis des recourantes, le monopole de droit cantonal institué par
le décret litigieux les prive de toute autonomie et pouvoir de décision dans
l'octroi des concessions électriques sur leur territoire, de sorte qu'elles
perdraient le pouvoir de décision sur l'usage du domaine public communal
qu'elles détenaient auparavant.

  6.1  Dans l'arrêt attaqué, la Cour constitutionnelle a considéré que
l'institution par le décret du 5 avril 2005 d'un monopole cantonal dans le
secteur de l'électricité pouvait limiter l'autonomie des communes en matière
de gestion de leur domaine public, puisque l'installation de lignes ou
canalisations électriques impliquait un usage accru du domaine communal.
Elle a néanmoins jugé qu'il n'en résultait pas pour autant une violation de
leur autonomie en la matière, les installations de distribution étant pour
l'essentiel déjà en

place. Se fondant sur les travaux de l'Assemblée constituante, elle a en
outre constaté que l'art. 139 Cst./VD ne garantissait nullement aux communes
une autonomie générale, normative et décisionnelle dans la gestion du
domaine public. Elle en a déduit que la gestion du domaine public par les
communes pouvait être limitée par le mandat de l'art. 56 al. 2 Cst./VD et
par une modification de la législation en découlant. Elle a finalement jugé
que le décret litigieux reposait sur un intérêt public prépondérant et
respectait le principe de proportionnalité.

  6.2  Il convient d'abord de souligner à cet égard, comme l'a relevé à bon
droit la Cour constitutionnelle, qu'en tant que détentrices de la puissance
publique, les communes recourantes ne peuvent se prévaloir du droit
individuel à la liberté économique pour se plaindre de l'institution d'un
monopole cantonal en matière de distribution de l'énergie électrique. Dans
ces conditions, le Tribunal fédéral n'a pas à en examiner sa compatibilité
avec l'art. 27 Cst.
  Sur le fond, les recourantes ne tentent pas de démontrer que l'art. 139
Cst./VD protégerait l'autonomie des communes dans le domaine de la gestion
du domaine public contre toute intervention cantonale ou qu'une autre
disposition constitutionnelle empêcherait le canton d'instituer un monopole
cantonal en matière de distribution d'électricité. En l'absence d'une telle
garantie, la Cour constitutionnelle pouvait considérer que l'institution du
monopole cantonal en matière de distribution d'électricité en exécution du
mandat de l'art. 56 al. 2 Cst./VD ne violait pas l'autonomie des communes
vaudoises en matière de gestion de leur domaine public. Au demeurant, les
recourantes n'exposent pas en quoi leur autonomie serait supprimée
s'agissant de leur pouvoir de décider concrètement des modalités de
l'emprise au sol communal des installations de distribution et
d'approvisionnement d'électricité, telles que notamment la localisation des
lignes et des transformateurs électriques, qui sont, ce qu'elles ne
contestent pas, déjà largement en place. Par conséquent, ce grief doit être
rejeté.

Erwägung 7

  7.  Les recourantes se plaignent également de ce que l'art. 25 du décret
litigieux prononce l'abolition des ristournes communales. Il s'agirait d'une
atteinte grave à leur autonomie qui ne serait pas justifiée par un intérêt
public prépondérant et dont les conséquences seraient disproportionnées par
rapport à l'intérêt visé.

  7.1  Dans l'arrêt attaqué, la Cour constitutionnelle a considéré que
l'atteinte portée à l'autonomie des communes se justifiait par la volonté

de rationaliser les coûts de l'énergie. Le canton avait agi manifestement
dans un but d'intérêt public prépondérant et visait à remplir le mandat
constitutionnel d'assurer un approvisionnement économiquement optimal. Comme
le précédent système d'approbation par le Conseil d'Etat des tarifs de vente
et des barèmes de ristournes communales de l'art. 67 RLLC avait démontré son
inefficacité, le principe de proportionnalité était respecté.

  7.2  Pour faire reconnaître une violation de leur autonomie en la matière,
les recourantes devraient démontrer que les ristournes communales reposent
sur une disposition constitutionnelle qui empêcherait le législateur
cantonal de les supprimer, ce qu'elles n'ont pas fait. A supposer qu'elles
tentent de déduire un tel droit des art. 56 al. 2 et 139 Cst./VD, force
serait de constater que ces dispositions constitutionnelles ne contiennent
aucune garantie relative au maintien de telles ristournes. Ces dernières
n'ayant pour fondement que l'art. 72 RLLC, le législateur cantonal pouvait
en décider la suppression sans violer l'autonomie des recourantes.

  En outre, quoi qu'en disent les recourantes, qui se bornent à opposer une
opinion contraire, la suppression des ristournes dues par les
concessionnaires aux communes en application de l'art. 72 RLLC répond bien
au mandat constitutionnel de l'art. 56 al. 2 Cst./VD, puisqu'elle vise d'une
part à diminuer les prix de l'approvisionnement en énergie électrique et,
d'autre part, à supprimer les disparités de prix entre les communes qui
résultent précisément - en partie tout au moins - de l'existence de ces
ristournes. D'après l'exposé des motifs en effet, le décret du 5 avril 2005
a pour but d'harmoniser le marché de l'électricité dans le canton de Vaud.
Il s'agit "d'éviter les écueils d'une libéralisation sauvage par la force du
marché ainsi que l'interprétation détournée des règles sur les cartels, dans
l'attente d'une nouvelle loi fédérale sur l'approvisionnement en électricité
annoncée pour 2007" (Exposé des motifs et projet de décret sur le secteur
électrique, p. 4). L'exposé des motifs constate également que, dans la
situation actuelle, les prix vaudois de fourniture et de distribution de
courant sont parmi les plus élevés de Suisse (Exposé des motifs, p. 10) et
attribue cette situation à l'existence des importantes et disparates
ristournes liées notamment aux concessions hydrauliques que les communes ont
le droit de percevoir (Exposé des motifs, p. 22).

  Enfin, on ne saurait suivre l'avis des recourantes selon lequel la
nouvelle réglementation aurait pu se limiter à instaurer une surveillance

cantonale et non à priver les communes de toute autonomie par l'instauration
d'un monopole cantonal. Sur ce point, elles ignorent qu'en vertu de l'art.
67 RLLC, une telle surveillance existait déjà, mais n'a pas permis une
réduction des prix de l'électricité dans le canton. Or, force est de
constater que les communes vaudoises se sont également trouvées dans
l'incapacité de le réaliser jusqu'à aujourd'hui. Les recourantes ne
proposent au demeurant pas d'autres mesures moins incisives, ce qui conduit
au rejet de leur grief sur ce point.

  Dans ces conditions, comme la suppression des ristournes communales et de
leur disparité entre communes exige une réglementation supra-communale, la
Cour constitutionnelle pouvait juger, sans tomber dans l'arbitraire ni
violer l'art. 56 Cst./VD, que le décret du 5 avril 2005 poursuit un intérêt
public cantonal qui l'emporte sur l'intérêt des recourantes de percevoir les
ristournes qui leur étaient jusqu'alors accordées par la loi cantonale. Leur
autonomie n'est par conséquent pas violée.

Erwägung 8

  8.

  8.1  Les recourantes font également valoir que l'abolition immédiate de
ces redevances entraînera des conséquences majeures dans l'équilibre de
leurs finances, auxquelles il serait impossible de remédier à temps, à
défaut de régime transitoire. Ce faisant, elles se plaignent, implicitement
au moins, de la violation de leur autonomie en matière fiscale.

  Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que l'autonomie
fiscale des communes vaudoises était restreinte par la loi vaudoise du 5
décembre 1956 sur les impôts communaux (LICom; RSV 650.11). L'art. 1er LICom
énumère les impôts que les communes peuvent, dans des limites très étroites,
percevoir avec l'autorisation du Conseil d'Etat, tandis que l'art. 4 LICom
prévoit qu'elles peuvent également percevoir des taxes spéciales en
contrepartie de prestations ou avantages déterminés. Ces taxes doivent faire
l'objet de règlements soumis à l'approbation du Conseil d'Etat et sont
soumises à conditions (art. 4 al. 2, 3 et art. 4a LICom). La nouvelle
Constitution vaudoise ne modifie en rien la situation sur ce point. Au
contraire, l'art. 168 al. 1 Cst./VD consacre désormais expressément la règle
selon laquelle la loi (cantonale) détermine le pouvoir fiscal des communes
et précise que la charge fiscale ne doit pas présenter des écarts excessifs
entre les communes (cf. arrêts 2P.293/2004 du 1er décembre 2005, consid.
5.3; 2P.134/1997 du 30 mars 1998, consid. 3b/bb et 3b/cc).

  Dans ces conditions, le législateur cantonal pouvait abolir les ristournes
annuelles sans violer l'autonomie des communes vaudoises en matière fiscale
telle qu'elle est aménagée de manière très restreinte par l'art. 168 al. 1
Cst./VD et par la loi sur les impôts communaux. Pour le surplus, les
recourantes n'allèguent pas à bon droit que les conséquences financières du
décret litigieux auraient pour effet de déséquilibrer leurs finances, au
point de compromettre leur existence même (ATF 115 Ia 42 consid. 5d/aa p.
54; cf. aussi ATF 131 I 91 consid. 1 p. 93 sur le droit à l'existence).
Selon leurs propres dires, leur montant (de 387'998 fr.) représentait 3,56 %
des recettes communales en 2003.

  8.2  Les recourantes se plaignent aussi des conséquences financières qui
résultent de l'abolition, sans régime transitoire, des ristournes communales
(art. 25 du décret), les privant ainsi d'importantes recettes et de toutes
possibilités d'anticiper et d'équilibrer leur budget. L'absence de régime
transitoire serait disproportionnée par rapport à l'intérêt public visé.

  Sur ce point, les recourantes perdent de vue que l'art. 23 al. 1 du décret
maintient le droit des communes de percevoir un émolument pour usage du sol
communal en fonction notamment de l'emprise au sol et les autorise à
percevoir des taxes spécifiques afin de soutenir les énergies renouvelables,
l'éclairage public, l'efficacité énergétique et le développement durable
(art. 23 al. 2 du décret). En ne tenant pas compte dans leur motivation de
ces recettes fiscales de remplacement, les recourantes n'exposent pas d'une
façon conforme à l'art. 90 OJ en quoi leur situation financière serait à ce
point aggravée par l'absence de régime transitoire ni en quoi cela porterait
effectivement atteinte au principe de proportionnalité. A cela s'ajoute que
le décret litigieux est entré en vigueur depuis le 1er novembre 2005 et que
l'abolition des ristournes communales n'aura lieu qu'au moment où la
perception des émoluments de l'art. 23 al. 1 du décret sera possible (art.
25 du décret), ce qui implique l'adoption par le Conseil d'Etat du règlement
qui en fixe le montant. Tel ne sera pas le cas avant le 1er janvier 2007.
Les communes ont par conséquent bénéficié d'un régime transitoire de fait,
leur permettant d'anticiper les difficultés dont elles font état, en
particulier les questions relatives aux contrats passés avec la société
électrique Vevey-Montreux. Sur ce dernier point, elles ne démontrent pas non
plus en quoi un régime transitoire plus long faciliterait la rupture des

contrats d'approvisionnement. Dans ces conditions, le grief de violation du
principe de proportionnalité doit être rejeté.