Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 I 110



Urteilskopf

133 I 110

  13. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Slatkine et Pétroz contre Grand Conseil du canton de Genève (recours de
droit public)
  1P.541/2006 du 28 mars 2007

Regeste

  Art. 85 lit. a OG; Gültigkeit der kantonalen Volksinitiative "Fumée
passive et santé", welche das Rauchen in öffentlichen Räumen und Anlagen
verbieten lassen möchte; Art. 10 Abs. 2, 34 Abs. 2, 36 und 49 Abs. 1 BV.

  Die redaktionelle Änderung des Initiativtextes durch den Genfer Grossen
Rat steht im Einklang mit der Kantonsverfassung und entspricht dem Willen
der Initianten (E. 3).

  Die Initiative verletzt die Bundesgesetzgebung über den Arbeitnehmerschutz
nicht (E. 4).

  Es ist fraglich, ob das verfassungsmässige Individualrecht der
persönlichen Freiheit einen Anspruch gewährleistet, in öffentlichen Räumen
und Anlagen zu rauchen. Die Frage kann hier aber offenbleiben (E. 5).

  Die mit der Initiative vorgeschlagene Verfassungsbestimmung erscheint
ausreichend präzise (E. 6); sie verfolgt ein offensichtlich im öffentlichen
Interesse
liegendes Ziel (E. 7.1) und trägt auch dem Verhältnismässigkeitsgebot
ausreichend Rechnung, zumal Ausnahmen vom Rauchverbot in der
Ausführungsgesetzgebung vorgesehen werden können (E. 7.2-7.5).

  Der zugelassene Initiativtext ist nicht irreführend (E. 8).

Sachverhalt

  Le 12 octobre 2005, le Conseil d'Etat genevois a constaté l'aboutissement
de l'initiative populaire intitulée "Fumée passive et santé" (IN 129).
L'initiative porte sur l'introduction, dans la Constitution genevoise, d'un
nouvel art. 178B libellé de la façon suivante:

    Titre XIV  Dispositions diverses

    Art. 178B  Protection de l'hygiène publique et de la santé
               Fumée passive

    1 Vu l'intérêt public que constitue le respect de l'hygiène publique et
    la protection de la santé, le Conseil d'Etat est chargé de prendre des
    mesures contre les atteintes à l'hygiène et à la santé de la population
    résultant de l'exposition à la fumée du tabac, dont il est démontré
    scientifiquement qu'elle entraîne la maladie, l'invalidité et la mort.

    2 Afin de protéger l'ensemble de la population, il est interdit de fumer
    dans les lieux publics intérieurs ou fermés, tout particulièrement dans
    ceux qui sont soumis à une autorisation d'exploitation.

    3 Par lieux publics dont les locaux intérieurs ou fermés sont concernés,
    il faut entendre:

    a) tous les bâtiments ou locaux publics dépendant de l'Etat et des
       communes ainsi que toutes autres institutions de caractère public;

    b) tous les bâtiments ou locaux ouverts au public, notamment ceux
       affectés à des activités médicales, hospitalières,
       para-hospitalières, culturelles, récréatives, sportives ainsi qu'à
       des activités de formation, de loisirs, de rencontres, d'exposition;

    c) tous les établissements publics au sens de la législation sur la
       restauration, le débit de boissons et l'hébergement;

    d) les transports publics et les autres transports professionnels de
       personnes;

    e) les autres lieux ouverts au public tels que définis par la loi.

  L'exposé à l'appui de cette initiative rappelait les risques liés à la
fumée passive et la nécessité de protéger le personnel et les personnes qui
fréquentent les établissements publics. Les initiants relevaient que
plusieurs pays (Italie, Irlande, Malte, Norvège, Suède) ont pris des mesures
identiques.

  Le Conseil d'Etat a déposé son rapport sur l'initiative le 11 janvier
2006. La Confédération n'avait pas encore fait usage des compétences
découlant de l'art. 118 al. 2 let. b Cst., de sorte que les cantons
demeuraient compétents dans le domaine de la protection de la santé. La LTr
(art. 6) et l'OLT 3 (art. 19) ne réglementaient pas exhaustivement la
protection des travailleurs, et l'initiative allait dans le sens de la
législation fédérale. L'initiative était propre à atteindre les buts de
sécurité, de respect d'autrui et de santé publique recherchés, et les autres
mesures envisageables (horaires, espaces fumeurs, ventilation) ne
paraissaient pas aussi efficaces. Un problème de proportionnalité se posait
car l'initiative visait une interdiction absolue: aucune exception n'était
prévue en faveur des personnes hospitalisées, à mobilité réduite ou en fin
de vie, des détenus, des personnes travaillant seules et des établissements
consacrés à la vente de tabac. Une interprétation conforme était certes
envisageable, dans la perspective de la législation d'application. Le
Conseil d'Etat estimait toutefois qu'il y avait lieu de proposer un
contre-projet direct permettant de circonscrire plus précisément, par un
nouvel alinéa 3 ou dans la loi d'application, la portée de l'interdiction de
fumer.

  La Commission législative du Grand Conseil a déposé son rapport le 6 juin
2006. Elle avait demandé un avis de droit auprès du Professeur Vincent
Martenet. Ce dernier considérait que l'interdiction de fumer pouvait être
disproportionnée lorsqu'elle visait les lieux de séjour à caractère privatif
très marqué, soit les cellules de détention, les chambres d'hôpitaux
psychiatriques, les chambres des lieux de soins et de séjour dépendant de
l'Etat, ainsi que les chambres d'hôtels. Cette inconstitutionnalité pouvait
être levée en modifiant la formule de l'art. 178B al. 3, en remplaçant la
phrase introductive par l'expression "Sont concernés:", ce qui permettait de
respecter la volonté des initiants tout en préservant la plus grande partie
du texte

de l'initiative. La majorité de la commission a suivi cet avis: elle a
considéré que l'initiative ne respectait pas le droit supérieur. La
suppression de l'al. 3 a été refusée, et "l'invalidation partielle" de cette
disposition a été décidée dans le sens préconisé par le Professeur Martenet.

  Le 22 juin 2006, le Grand Conseil genevois a suivi la proposition de la
Commission législative et déclaré partiellement valide l'IN 129. Il a amendé
la première phrase de l'art. 178B al. 3 Cst./GE en la remplaçant par
l'expression "Sont concernés:".

  Deux citoyens et députés genevois ont saisi le Tribunal fédéral d'un
recours de droit public pour violation du droit de vote (art. 85 let. a OJ).
Ils demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Grand Conseil et
de déclarer invalide l'initiative IN 129. Ils reprochent en substance au
Grand Conseil d'avoir d'une part modifié le texte de l'initiative dans un
sens ne correspondant pas à la volonté des initiants et, d'autre part,
adopté un texte qui violerait le droit supérieur et qui manquerait de
clarté.

  Le Grand Conseil conclut au rejet du recours en relevant notamment la
nécessité de concrétiser l'initiative dans une loi d'exécution.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.  Les recourants se plaignent en premier lieu d'une violation du droit
cantonal relatif aux initiatives populaires. Ils estiment que les auteurs
d'une initiative rédigée de toutes pièces, telle l'IN 129, seraient seuls
responsables de sa formulation et assumeraient ainsi le risque d'une
invalidation: le Grand Conseil ne pourrait procéder à aucune modification,
en dehors des retouches purement formelles. L'invalidation partielle
permettrait de retrancher une partie inadmissible de l'initiative pour
autant que la partie restante n'en soit pas dénaturée. En l'occurrence, la
partie retranchée du texte de l'initiative n'était pas en soi contraire au
droit fédéral. Par ailleurs, la volonté des initiants était clairement
d'interdire sans exception la fumée dans les lieux publics; la nouvelle
formulation adoptée par le Grand Conseil modifierait l'initiative sur un
point essentiel, et ne correspondrait donc plus à la volonté de ses auteurs.

  3.1  La Constitution genevoise n'interdit pas au Grand Conseil de modifier
le texte d'une initiative populaire. L'art. 66 al. 3 de la Constitution

genevoise du 24 mai 1847 (Cst./GE; RS 131.234) prévoit au contraire
expressément l'invalidation partielle d'une initiative dont une partie est
manifestement non conforme au droit, si la ou les parties qui subsistent
sont en elles-mêmes valides. Cela autorise le Grand Conseil à supprimer une
partie du texte de l'initiative, afin notamment de rendre le reste conforme
au droit supérieur. Pour autant que la partie restante respecte les
conditions de validité, qu'elle conserve un sens et corresponde à la volonté
des initiants et des signataires, l'invalidation peut, au besoin, porter sur
une partie importante du texte de l'initiative (cf. ATF 130 I 185 consid. 5
p. 202, concernant l'invalidation de cinq des huit articles constitutionnels
proposés par l'initiative; arrêt 1P.238/2000 du 26 janvier 2001, publié in
SJ 2001 I p. 237 et ATF 125 I 227 concernant tous deux l'invalidation de
plusieurs lettres d'un alinéa). Contrairement à ce que soutiennent les
recourants, l'art. 66 al. 2 et 3 Cst./GE ne fait aucune distinction sur ce
point entre l'initiative conçue en termes généraux et l'initiative rédigée
de toutes pièces (les arrêts précités portent d'ailleurs tous sur des
initiatives rédigées). Il est enfin indifférent que la partie retranchée de
l'initiative puisse, en soi et détachée de son contexte, être considérée
comme conforme au droit fédéral: ce qui est déterminant, c'est que le
résultat auquel aboutit l'opération, et l'amélioration qui en découle pour
l'ensemble du texte de l'initiative, conserve un sens qui puisse
raisonnablement être imputé à ses auteurs.

  3.2  En l'espèce, la modification apportée par le Grand Conseil a consisté
en l'ablation d'une douzaine de mots ("Par lieux publics dont les locaux
intérieurs ou fermés [...], il faut entendre:"), le maintien de l'expression
"sont concernés", et l'adaptation de la ponctuation. Il ne s'agit pas à
proprement parler d'une invalidation partielle - la partie supprimée du
texte n'a rien, en soi, de contraire au droit supérieur -, mais bien plutôt
d'une retouche rédactionnelle destinée à tenir compte des réserves
d'interprétation manifestées par le Grand Conseil genevois. Ce dernier
aurait d'ailleurs pu s'abstenir d'une telle modification et se contenter
d'indiquer de quelle manière il envisageait d'interpréter et de concrétiser
la norme constitutionnelle. L'intervention sur le texte de l'initiative
permet toutefois de formaliser cette interprétation conforme, ce qui
présente notamment pour les électeurs l'avantage d'une certaine
transparence. On ne saurait donc voir dans l'intervention du Grand Conseil
un remaniement inadmissible du texte des initiants: l'initiative n'est pas
modifiée dans son sens, mais seulement précisée dans sa portée.

  3.3  S'agissant de la question du respect de la volonté des initiants, on
peut s'interroger sur la qualité des recourants pour soulever un tel grief,
puisqu'ils entendent ainsi obtenir l'invalidation totale de l'initiative,
alors que les initiants eux-mêmes n'ont pas contesté la décision du Grand
Conseil. La question peut demeurer indécise, car le grief apparaît
manifestement mal fondé.

  3.4  En effet, si la volonté des initiants pouvait à l'origine être
interprétée dans le sens d'une interdiction absolue de fumer dans tous les
lieux publics, il est évident que les auteurs et signataires de l'initiative
préféreront un texte assorti de certaines exceptions plutôt que le maintien
du statu quo en raison d'une invalidation totale de l'initiative (ATF 105 Ia
362 consid. 9 p. 368). Il y a lieu d'ailleurs de relever que le sens et le
but de l'initiative est préservé pour l'essentiel, soit l'interdiction de
fumer dans la quasi totalité des lieux publics. Les exceptions envisagées ne
concernent que les lieux dits privatifs, pour lesquels le problème de la
fumée passive ne se pose pas avec la même acuité. On ne saurait donc
prétendre, comme le font les recourants, que l'intervention du Grand Conseil
aurait dénaturé l'initiative.

  Il apparaît en outre que, dans un communiqué de presse du 6 juillet 2006,
les auteurs de l'initiative ont déclaré adhérer aux conclusions du
Professeur Martenet en acceptant "sans réserve la modification de forme
apportée au texte (...) qui permet une interprétation plus précise de la
proposition de loi sans aucune altération de sa substance". Le 12 septembre
2006, le comité d'initiative a déclaré approuver complètement la décision du
Grand Conseil, ce qui permet de lever le doute qui pourrait encore subsister
quant au respect de la volonté des initiants. Ce premier grief doit être
écarté.

Erwägung 4

  4.  Les recourants estiment ensuite qu'en dépit de la modification
apportée par le Grand Conseil, l'IN 129 serait toujours contraire au droit
supérieur. Les cantons disposent certes de compétences générales dans le
domaine de la protection de la santé. Toutefois, s'agissant de la protection
des travailleurs, également visée par la référence aux "lieux publics
intérieurs ou fermés", l'initiative empiéterait sur le champ d'application
de la LTr et de son ordonnance d'application, en particulier de l'art. 19
OLT 3 qui tend à la protection des travailleurs non-fumeurs.

  4.1  De manière générale, une initiative populaire cantonale ne doit rien
contenir qui viole le droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal,

fédéral ou international (cf. ATF 124 I 107 consid. 5b p. 118 s.). L'art. 49
al. 1 Cst. fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles
cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en
contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens
qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le
législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 130 I 82 consid.
2.2 p. 86/87; 128 I 295 consid. 3b p. 299; 127 I 60 consid. 4a p. 68 et les
arrêts cités). L'existence ou l'absence d'une législation fédérale
exhaustive constitue donc le premier critère pour déterminer s'il y a
conflit avec une règle cantonale. Toutefois, même si la législation fédérale
est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale
peut subsister dans le même domaine si elle poursuit un autre but que celui
recherché par le droit fédéral (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit
constitutionnel suisse, vol. I, Berne 2000, n. 1031 p. 364). Le principe de
la force dérogatoire n'est pas non plus violé dans la mesure où la loi
cantonale vient renforcer l'efficacité de la réglementation fédérale (ATF 91
I 17 consid. 5 p. 21 ss). Ce n'est que lorsque la législation fédérale
exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd
la compétence d'adopter des dispositions complétives, quand bien même
celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord
avec celui-ci (cf. ATF 130 I 82 consid. 2.2 p. 86/87; 128 I 295 consid. 3b
p. 299).

  4.2  L'art. 118 Cst. règle les compétences de la Confédération en matière
de protection de la santé. La doctrine parle à ce propos d'une
"fragmentarische Rechtssetzungskompetenz des Bundes" en matière de santé
publique: la Confédération n'aurait la compétence d'édicter des dispositions
pour protéger la santé que dans les domaines exhaustivement cités à l'alinéa
2 de cette disposition constitutionnelle (HÄFELIN/HALLER, Schweizerisches
Bundesstaatsrecht - Die neue Bundesverfassung -, 6e éd., Zurich 2005, n°
1185-1187). A l'intérieur de ces domaines, elle dispose d'une "compétence
globale dotée d'un effet dérogatoire subséquent" (FF 1997 I 338). Elle peut
notamment légiférer sur l'utilisation des denrées alimentaires, des agents
thérapeutiques, des stupéfiants, des organismes, des produits chimiques et
des objets qui peuvent présenter un danger pour la santé (art. 118 al. 2
let. a Cst.), ainsi que sur la lutte contre les maladies très répandues et
particulièrement dangereuses (art. 118 al. 2 let. b Cst.). Ces dispositions
pourraient servir de fondement à une législation fédérale destinée à
protéger contre les effets du tabagisme passif

(JAAG/RÜSSLI, Schutz vor Passivrauchen: verfassungsrechtliche Aspekte, PJA
2006 p. 21 ss). Le législateur fédéral a fait partiellement usage de cette
compétence pour réglementer notamment - mais de manière non exhaustive - la
publicité en matière d'alcool et de tabac (ATF 128 I 295). Les cantons
conservent, en tout cas tant que la Confédération n'aura pas légiféré dans
ce domaine, la faculté d'édicter des règles générales pour la protection de
la population contre les effets du tabagisme passif.

  4.3  Selon l'art. 110 al. 1 let. a Cst., la Confédération peut légiférer
sur la protection des travailleurs. Elle a fait usage de cette compétence en
adoptant la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie,
l'artisanat et le commerce (LTr; RS 822.11), dont les dispositions sur la
protection de la santé (notamment l'art. 6), s'appliquent de manière élargie
(art. 3a). Les recourants relèvent que la réglementation fédérale serait par
exemple exhaustive en ce qui concerne les heures d'ouverture des magasins
(ATF 130 I 279 consid. 2.3.1 p. 284 et les arrêts cités). Cela ne signifie
toutefois pas que la LTr régirait de manière exclusive tous les aspects de
la protection des travailleurs.

  Conformément à l'art. 6 al. 4 LTr, l'ordonnance 3 du 18 août 1993 relative
à la loi sur le travail (OLT 3; RS 822.113) détermine les mesures d'hygiène
qui doivent être prises dans toutes les entreprises soumises à la loi. Elle
prévoit notamment que l'employeur doit veiller, dans le cadre des
possibilités de l'exploitation, à ce que les travailleurs non-fumeurs ne
soient pas incommodés par la fumée d'autres personnes (art. 19 OLT 3). Cette
disposition tend à la protection non seulement de la santé mais aussi du
bien-être des travailleurs (ATF 132 III 257 consid. 5.4.1, aussi publié in
SJ 2007 I p. 173). Les mesures de protection ne sont toutefois pas
spécifiées; elles doivent être économiquement supportables pour l'entreprise
et proportionnées au besoin de protection (même arrêt, consid. 5.4.4).

  4.4  Le droit privé du travail contient également des dispositions
protectrices; l'art. 342 al. 2 CO permet d'exiger le respect des
dispositions de la LTr, et l'art. 328 al. 2 CO impose à l'employeur des
mesures appropriées pour protéger la vie, la santé et l'intégrité corporelle
du travailleur.

  4.5  Au contraire de la législation de droit public et privé sur le
travail, l'initiative IN 129 tend à la protection du public dans son
ensemble. Elle poursuit un but de santé et d'hygiène publiques pour

lequel, les recourants n'en disconviennent pas, le canton dispose de
compétences propres (ATF 128 I 295 consid. 3d p. 301 et les références), en
tout cas tant que la Confédération n'a pas légiféré de manière générale en
se fondant sur l'art. 118 al. 2 let. b Cst. (cf. le rapport du Conseil
fédéral sur la protection contre le tabagisme passif, FF 2006 p. 3547,
3565). L'interdiction de fumer dans les lieux publics a certes des
incidences sur la protection des travailleurs, mais il s'agit d'effets
indirects, le but des deux réglementations étant clairement distinct. En
outre, si l'interdiction de fumer peut incidemment, suivant les lieux où
elle s'applique, recouper la protection des travailleurs prévue par le droit
fédéral, cela n'a pas pour effet d'entraver la réalisation des objectifs
poursuivis par la LTr, mais bien plutôt de la renforcer (même arrêt, consid.
3f p. 303). Le grief doit par conséquent être écarté.

Erwägung 5

  5.  Les recourants considèrent également que l'initiative porterait une
atteinte à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.). Selon eux, le choix
de fumer ou non serait couvert par la liberté personnelle, au même titre par
exemple que le fait de se réunir dans une gare en consommant de l'alcool
(ATF 132 I 49). Les art. 13 Cst. et 8 CEDH seraient aussi applicables, de
même que la liberté économique, dans la mesure où l'interdiction de fumer
pourrait conduire à une baisse du chiffre d'affaires des établissements
concernés.

  5.1  Pour le Grand Conseil, le tabagisme ne serait pas une manifestation
élémentaire du développement de la personnalité et ne devrait pas bénéficier
de la protection de l'art. 10 al. 2 Cst. Pour les mêmes raisons, l'art. 13
Cst. ne serait pas applicable, hormis dans les cas particuliers de détention
ou de séjour durable dans une institution de soins ou un hôtel. La liberté
économique ne pourrait elle aussi être invoquée que dans des cas très
spécifiques (établissements consacrés à la fumée), dont la loi d'exécution
pourrait tenir compte. Faute d'un droit fondamental, les exigences relatives
à la base légale et à la proportionnalité seraient inapplicables.
Subsidiairement, le Grand Conseil estime que la version modifiée de
l'initiative serait suffisamment claire quant au principe et à la portée de
l'interdiction de fumer, les exceptions nécessaires pouvant être prévues
dans la législation d'application. L'intérêt public serait incontestable,
s'agissant de mesures de sauvegarde de la santé publique, et aucune autre
mesure ne serait aussi efficace. L'interdiction correspondrait au postulat
de la Convention-cadre de l'OMS du 21 mars 2003 pour la lutte anti-tabac.

  5.2  Droit constitutionnel codifié aux art. 10 al. 2 et 7 Cst., la liberté
personnelle ne tend pas seulement à assurer le droit d'aller et venir, voire
à protéger l'intégrité corporelle et psychique, mais elle garantit, de
manière générale, toutes les libertés élémentaires dont l'exercice est
indispensable à l'épanouissement de la personne humaine et que devrait
posséder tout être humain, afin que la dignité humaine ne soit pas atteinte
par le biais de mesures étatiques (ATF 130 I 369 consid. 2 p. 373; 124 I 170
consid. 2a p. 171/172 et les arrêts cités). Elle se conçoit comme une
garantie générale et subsidiaire à laquelle le citoyen peut se référer pour
la protection de sa personnalité ou de sa dignité, en l'absence d'un droit
fondamental plus spécifique (ATF 123 I 112 consid. 4 p. 118).

  Selon la définition jurisprudentielle, la liberté personnelle, alors droit
constitutionnel non écrit, protégeait le citoyen de manière très large dans
sa liberté de décision quant à son mode de vie, spécialement sa liberté
d'organiser ses loisirs, de nouer des relations avec d'autres personnes et
de se procurer des informations sur ce qui se passe autour de lui et loin de
lui (ATF 97 I 839 consid. 3 p. 842). La jurisprudence a ensuite précisé que
la liberté personnelle ne garantit pas une liberté générale de choix et
d'action (ATF 101 Ia 306 consid. 7 p. 345; 132 I 49 consid. 5.2 p. 56; 124 I
85 consid. 2a p. 86/87) et ne saurait s'analyser comme une protection contre
n'importe quel type d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique (ATF 127
I 6 consid. 5a p. 11 et les arrêts cités).

  5.2.1  En dehors des cas relatifs aux privations de liberté et aux autres
restrictions à la liberté de mouvement (cf. par exemple ATF 130 I 369), la
jurisprudence a consacré, au titre de la liberté personnelle, le droit au
libre choix du médecin en cas d'interruption de grossesse (ATF 101 Ia 575),
le droit à certaines formes de procréation assistée (ATF 119 Ia 460), le
droit de connaître son ascendance (ATF 128 I 63), le droit aux relations
personnelles (ATF 118 Ia 473 consid. 6c p. 483), le droit de déterminer le
sort de son corps après son décès (ATF 123 I 112 ). La jurisprudence a
récemment considéré que le fait de pouvoir habituellement se regrouper et
consommer de l'alcool était couvert par la liberté personnelle, quand bien
même la liberté de mouvement n'était pas en soi touchée (ATF 132 I 49
consid. 5.2 p. 56). La jurisprudence traite également des cas spécifiques de
la fumée dans les établissements de détention (ATF 118 Ia 64 consid. 3i p.
81), sans que l'on puisse toutefois en déduire un droit plus général.

  Le Tribunal fédéral a en revanche nié que les prérogatives suivantes
constituent une manifestation élémentaire de la personnalité humaine: le
droit de jouer avec des appareils automatiques (ATF 101 Ia 336; cf.
toutefois l'arrêt 1P.780/2006 du 22 janvier 2007, concernant l'utilisation
d'une console de jeux en détention), le droit pour un détenu de choisir son
médecin (ATF 102 Ia 302), le droit de détenir des animaux (laissée indécise
in ATF 132 I 7 consid. 3.2 p. 9-10; arrêt 5C.198/2000 du 18 janvier 2001,
publié in RDAT 2001 II n° 73 p. 289; arrêt P.23/1977 du 5 octobre 1977,
publié in ZBl 79/1978 p. 34, consid. 4), et le droit de naviguer sur un plan
d'eau déterminé (ATF 108 Ia 59). Le Tribunal fédéral a aussi considéré que
le droit au travail et à la formation ne se déduisait pas de la liberté
personnelle (ATF 100 Ia 189), et que la clause du besoin, qui pouvait
empêcher des médecins d'exercer leur profession de manière indépendante, ne
portait pas non plus atteinte à cette liberté (ATF 130 I 26 consid. 9 p.
62). Récemment, le Tribunal fédéral a considéré que l'on pouvait
difficilement voir dans la consommation de drogues - notamment de cannabis -
une condition élémentaire d'épanouissement de la personnalité (arrêt
6P.25/2006 du 27 avril 2006, publié in EuGRZ 2006 p. 682).

  5.2.2  Le caractère disparate de cette casuistique fait ressortir que la
portée de la liberté personnelle ne peut pas être définie de manière
générale, mais doit bien plutôt être précisée de cas en cas, en tenant
compte non seulement des buts de la liberté et de l'intensité de l'atteinte
qui y est portée, mais également de la personnalité de ses destinataires
(ATF 108 Ia 59 consid. 4a p. 61). Ainsi, la question de savoir si le fait de
fumer relève de la liberté personnelle, c'est-à-dire s'il constitue une
manifestation élémentaire de la personne humaine nécessaire à son
épanouissement, ne peut être résolue in abstracto: alors que pour certains,
il s'agit d'un comportement occasionnel, qui, à l'instar de certaines
habitudes, n'est nullement nécessaire à l'épanouissement personnel et auquel
il peut facilement être renoncé, il en va certainement différemment,
notamment, des gros fumeurs pour qui il peut s'agir d'un véritable besoin.

  5.2.3  Le fait de fumer - plus spécifiquement dans un lieu public - met en
jeu différents aspects contradictoires de la liberté personnelle: du point
de vue du fumeur, il en va certes de l'exercice d'un choix personnel,
éventuellement même d'un mode de vie, mais celui-ci se trouve immédiatement
en contradiction avec, d'une part, l'atteinte à sa propre santé et à sa vie
qui résulte de l'activité de fumer et, d'autre

part, la restriction à la liberté que s'inflige le fumeur lui-même par son
accoutumance à la fumée. Du point de vue des personnes confrontées à la
fumée passive, il en va naturellement du respect du droit à la santé et à la
vie (art. 10 al. 1 Cst.). Or, plus les différents aspects de la liberté
personnelle entrent en conflit, plus il appartient au droit ordinaire de les
concrétiser par une pesée et une coordination appropriées: la question ne
peut être résolue par la simple définition du champ d'application de la
liberté fondamentale (cf. AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, op. cit., vol. II, p.
142).

  5.2.4  Telle qu'elle est posée par l'initiative, la question est limitée à
la fumée dans les lieux publics. Or, s'il est douteux que le fait de fumer
ressortisse de la liberté personnelle, il est plus douteux encore que le
droit constitutionnel protège la seule faculté de fumer en tous lieux et à
tout moment, en particulier dans les lieux publics (cf. le rapport précité
du Conseil fédéral, FF 2006 p. 3565-3566).

  La question peut toutefois demeurer indécise, de même que celle de la
protection de la sphère privée (art. 13 al. 1 Cst. et art. 8 CEDH). En
effet, à supposer que l'un de ces droits fondamentaux puisse être invoqué,
les conditions de restrictions posées à l'art. 36 Cst. seraient de toute
façon respectées par l'initiative, dans l'interprétation que se propose d'en
faire le Grand Conseil.

Erwägung 6

  6.  Les recourants estiment que le texte de l'initiative IN 129 manquerait
de précision normative. La substitution de formules opérée par le Grand
Conseil ne ferait nullement ressortir la notion, pourtant essentielle, de
"lieux à caractère privatif" pour lesquels des exceptions devraient être
consenties. En l'absence d'une délégation législative explicite dans ce
sens, rien ne permettrait de garantir que la loi d'application palliera ce
manque de précision.

  6.1  L'exigence de précision normative découle du principe de la base
légale, applicable en cas de restriction aux libertés fondamentales (art. 36
al. 1 Cst.). Une norme restrictive doit en particulier être suffisamment
précise pour permettre aux administrés d'en apprécier la portée et d'adapter
leur comportement en connaissance de cause (ATF 124 I 40 consid. 3b p. 43 et
les arrêts cités).

  6.2  En l'occurrence, la disposition contestée est de rang
constitutionnel. Elle ne pose donc pas de problème de légitimité
démocratique puisqu'elle ne peut être adoptée qu'avec l'accord explicite du
peuple. Par ailleurs, on ne saurait se montrer aussi exigeant en matière de
précision que pour une norme de niveau législatif: en tant que

norme fondamentale, la constitution a pour fonction notamment de définir
l'organisation et la structure de l'Etat, de répartir des compétences et de
poser des principes; elle n'a pas à réglementer toute matière de manière
exhaustive (AUBERT, Notion et fonction de la Constitution, in
Thürer/Aubert/Müller, Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, p. 4), y
compris dans les domaines où les droits fondamentaux sont susceptibles
d'être touchés.

  Au demeurant, l'IN 129 est claire dans son principe: l'interdiction de
fumer s'étend, selon l'art. 178B al. 2 Cst./GE, à tous les "lieux publics
intérieurs ou fermés". Même si elle n'est pas très explicite sur ce point,
l'initiative évoque à l'art. 178B al. 3 let. e Cst./GE l'adoption d'une
législation d'exécution. Celle-ci est d'ailleurs inhérente à ce genre de
réglementation, qui ne comporte aucun détail sur sa mise en oeuvre. Or, il
paraît évident qu'une mesure aussi générale que l'interdiction de fumer dans
les lieux publics fermés n'est pas directement applicable: elle devra être
assortie par exemple d'un éventuel délai d'introduction, de mesures de
contrôle et de sanctions; en outre, conformément à la volonté manifestée par
le Grand Conseil, un certain nombre de dérogations et d'exceptions devront
accompagner l'interdiction. Il y a lieu toutefois de relever que,
contrairement à ce qui semble ressortir de l'al. 1 de l'art. 178B Cst./GE,
ces différents aménagements ne pourront être adoptés directement par le
Conseil d'Etat. Le principe de la base légale autorise en effet une
délégation à l'exécutif, pour autant toutefois que le contenu essentiel de
la réglementation figure déjà dans une loi formelle, notamment lorsque les
particuliers sont gravement touchés dans leur situation juridique (ATF 118
Ia 245 consid. 3 p. 246). En l'occurrence, les points essentiels tels que
les exceptions à l'interdiction de fumer ne figurent pas dans la norme
constitutionnelle; ils devront donc faire l'objet d'une loi au sens formel.

  Il n'en demeure pas moins que le simple fait que la norme
constitutionnelle doive faire l'objet d'une législation d'exécution ne
saurait justifier une invalidation totale en raison de sa prétendue
imprécision (ATF 128 I 295 consid. 5b/aa p. 309).

Erwägung 7

  7.  Selon les recourants, le principal problème posé par l'initiative
tiendrait au respect du principe de la proportionnalité. Faute de prévoir
clairement les exceptions à l'interdiction de fumer, l'initiative serait
disproportionnée. Couverte par une telle norme constitutionnelle, une loi
d'application renonçant à prévoir des exceptions suffisantes

ne pourrait plus être attaquée. Même interprétée dans le sens voulu par le
Grand Conseil, l'initiative condamnerait des lieux publics tels les bars à
cigares, à pipes ou à narguilés. Les recourants contestent également la
nécessité d'une interdiction générale de fumer dans les lieux publics; ils
estiment que la fumée est aujourd'hui proscrite en suffisamment d'endroits
(écoles, hôpitaux, universités, transports publics, administrations,
entreprises et de nombreux restaurants), et que la réprobation sociale à
l'égard des fumeurs constituerait une limitation suffisante; l'initiative
n'apporterait pas de changement significatif dans les faits, alors qu'en
droit elle porterait une grave atteinte à la liberté.

  7.1  Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive
soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que
ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la
nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but
visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts
publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit,
impliquant une pesée des intérêts - ATF 130 II 425 consid. 5.2 p. 438 s.;
126 I 219 consid. 2c p. 221 ss et les arrêts cités).

  7.1.1  Les recourants ne contestent pas que l'initiative "Fumée passive et
santé" est motivée par un but d'intérêt public. Comme cela ressort de son
intitulé, il s'agit de protéger l'ensemble de la population contre
l'exposition à la fumée du tabac dans les lieux publics intérieurs ou
fermés. L'art. 178B al. 1 Cst./GE reprend en substance le texte de l'art. 8
de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, du 21 mai 2003,
dont la teneur est la suivante:

    Protection contre l'exposition à la fumée du tabac

    1. Les parties reconnaissent qu'il est clairement établi, sur des bases
       scientifiques, que l'exposition à la fumée du tabac entraîne la
       maladie, l'incapacité et la mort.

    2. Chaque partie adopte et applique, dans le domaine relevant de la
       compétence de l'Etat en vertu de la législation nationale, et
       encourage activement, dans les domaines où une autre compétence
       s'exerce, l'adoption et l'application des mesures législatives,
       exécutives, administratives et/ou autres mesures efficaces prévoyant
       une protection contre l'exposition à la fumée du tabac dans les lieux
       de travail intérieurs, les transports publics, les lieux publics
       intérieurs et, le cas échéant, d'autres lieux publics.

  Cette convention a été signée le 25 juin 2004 par la Suisse; le Conseil
fédéral entendait par là manifester sa volonté de mettre en oeuvre

le projet de l'OMS, dans l'optique de l'élaboration d'un message de
ratification avant la fin de la législature 2007. Dès la ratification de ce
traité multilatéral - le premier de l'OMS qui soit doté d'effets
obligatoires - la reconnaissance des effets nocifs de la fumée du tabac
constituera une obligation internationale de la Suisse. Celle-ci est au
demeurant indéniable; il est en effet largement reconnu que la fumée passive
peut provoquer cancer du poumon, maladies cardio-vasculaires, asthme et
infections des voies respiratoires. Selon une estimation prudente, plusieurs
centaines de non-fumeurs mourraient en Suisse chaque année à cause du
tabagisme passif; les enfants à naître et en bas-âge sont particulièrement
exposés (Office fédéral de la santé publique [OFSP], Informations de base
sur le tabagisme passif, mai 2006, et les nombreuses références; cf. aussi
le rapport du Conseil fédéral sur la protection contre le tabagisme passif,
FF 2006 p. 3547, et les références citées). La nocivité de la fumée passive
est attestée par suffisamment d'études scientifiques pour pouvoir être
considérée comme correspondant à l'état actuel de la science, et non
seulement, comme semblent le prétendre les recourants, comme une mode
passagère ou la simple expression du "politiquement correct". En Suisse, un
quart des non-fumeurs serait exposé au moins une heure par jour à la fumée
ambiante. Parmi les non-fumeurs entre 14 et 65 ans, 86 % seraient exposés à
la fumée d'autrui dans les lieux publics et leur majorité s'en trouverait
fortement incommodée. C'est la raison pour laquelle 26 % de la population
éviterait de fréquenter ces lieux (idem). L'initiative poursuit donc un but
incontestable de santé publique.

  7.2  Les recourants ne contestent pas qu'une interdiction de fumer est
effectivement propre à obtenir l'effet recherché. Ils se prévalent en
revanche du principe d'adéquation en soutenant qu'il y aurait lieu de tenir
compte d'une part des interdictions de fumer qui se généralisent dans les
bâtiments publics, et d'autre part de la pression sociale croissante sur les
fumeurs, qui aurait des effets indéniables sur le comportement de ceux-ci.

  On ne saurait toutefois en déduire qu'une réglementation contraignante
serait inutile: il apparaît en effet que l'exposition dans les restaurants,
cafés et bars notamment a peu varié depuis 2001/2002, la proportion de
personnes incommodées par la fumée ayant quant à elle augmenté (OFSP, op.
cit., p. 4). La réprobation sociale que les recourants invoquent ne paraît
donc pas constituer un facteur de diminution significatif; elle n'a en tout
cas pas le même effet, général

et immédiat, qu'une interdiction formelle de fumer dans les lieux publics.
Pour le surplus, les recourants ne prétendent pas que d'autres solutions,
tels la création d'espaces ou de coins fumeurs, l'aménagement d'horaires, ou
la ventilation des locaux, permettraient d'aboutir à un résultat identique;
outre les difficultés liées au coût, à la mise en oeuvre et au contrôle de
ces mesures, l'interdiction de fumer présente des avantages déterminants du
point de vue du résultat recherché: seule une règle claire et sans ambiguïté
est à même d'engendrer un réel changement dans les habitudes, tout en
évitant de nombreuses difficultés d'interprétation et d'application.

  7.3  Les parties s'accordent sur le fait que, pour être conforme au
principe de la proportionnalité au sens étroit, l'interdiction générale de
fumer dans les lieux publics doit être assortie d'exceptions. Il s'agit en
effet de tenir compte des situations particulières dans lesquelles la
personne désireuse de fumer est appelée à demeurer un certain temps dans un
espace fermé dont elle ne peut pas ou pas aisément sortir, ce qui
équivaudrait pour elle à une interdiction permanente de fumer; tel est le
cas en particulier des détenus ou des pensionnaires d'établissements
médicaux. Le cas des lieux publics à usage privatif devrait également être
réservé, car, d'une part, le problème de la fumée passive se pose avec moins
d'acuité, et, d'autre part, les occupants de tels lieux (chambres d'hôtel et
lieux d'hébergement) peuvent se prévaloir, dans de tels cas, d'un droit à la
protection de leur sphère privée.

  Les recourants perdent de vue que les modifications apportées au texte de
l'initiative ont précisément pour but de tenir compte de ces situations
particulières et de permettre de tels assouplissements, dictés par le
principe de proportionnalité. Il est vrai que le changement rédactionnel
adopté par le Parlement genevois n'apporte, à première vue, pas
d'amélioration sensible au texte des initiants: tout comme le texte
original, l'art. 178B al. 3 indique que les lieux mentionnés sont
"concernés" par l'interdiction de fumer proclamée à l'alinéa précédent.
Toutefois, selon l'idée exprimée par l'auteur de l'avis de droit, suivi par
la majorité de la Commission législative puis du Parlement genevois, il
s'agissait, par cette modification, d'affirmer que les lieux mentionnés à
l'alinéa 3 de l'art. 178B sont concernés, mais seulement dans la mesure où
ceux-ci doivent être considérés comme publics. Cela permettrait d'exclure
les parties des bâtiments à caractère exclusivement ou essentiellement
privatif. Bien qu'un tel assouplissement ne ressorte pas clairement de la
seule lecture du

texte adopté, le Parlement a ainsi d'ores et déjà manifesté son intention
dans la perspective de l'interprétation du texte constitutionnel et de
l'élaboration de sa législation d'exécution. En effet, l'interprétation de
la disposition constitutionnelle devra se fonder sur les travaux
préparatoires et les intentions qui ont été clairement exprimées à cette
occasion (ATF 121 I 334 consid. 2c p. 338). La modification apportée par le
Grand Conseil introduit donc la possibilité d'une interprétation et d'une
application conformes, le cas échéant, au droit supérieur.

  7.4  Le Grand Conseil n'a pas non plus méconnu les atteintes possibles à
la liberté économique, laquelle comprend notamment le libre exercice d'une
activité lucrative (art. 27 al. 2 Cst.).

  L'interdiction de fumer dans les établissements publics tels que les
restaurants, les bars et les hôtels n'affecte pas directement les
exploitants dans le libre exercice de leur profession. Il n'est au demeurant
pas démontré que l'interdiction de fumer entraînera une diminution du
chiffre d'affaires (cf. FF 2006 p. 3553, note 9). Il est vrai qu'elle rendra
a priori impossible l'exploitation d'établissements qui seraient
exclusivement consacrés à la consommation de tabac (bars à cigares ou à
narguilés). Dans ces endroits, fréquentés exclusivement par des fumeurs
(sous réserve des employés dont la protection relève, on l'a vu, de la LTr),
le problème de la fumée passive ne se pose pas dans les mêmes termes, ce qui
pourrait également justifier une dérogation dans la loi; la possibilité
existe en outre de faire de ces établissements des clubs privés. Ces
aménagements pourront, eux aussi, être prévus dans la législation
d'application.

  7.5  Sur le vu de ce qui précède, le législateur disposera d'un large
pouvoir d'appréciation pour adapter l'interdiction de fumer aux différentes
situations qui l'exigent. Les craintes des recourants que le caractère
disproportionné de la norme constitutionnelle se retrouve dans la loi et que
celle-ci ne puisse, de ce fait, pas faire l'objet d'un nouveau recours,
apparaissent dès lors infondées. Le grief doit par conséquent être écarté.

Erwägung 8

  8.  Les recourants estiment enfin que le texte de l'initiative, tel que
modifié par le Grand Conseil, ne serait pas suffisamment clair pour
permettre aux électeurs de saisir la portée du projet qui leur sera soumis.
En effet, l'IN 129 ne pourrait se comprendre que comme une interdiction
absolue; la possibilité de prévoir des exceptions ne serait qu'une
supposition sur la manière dont l'initiative sera mise en oeuvre dans la
loi.

  8.1  Selon l'art. 34 al. 2 Cst., la garantie des droits politiques protège
la libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et
l'expression fidèle et sûre de leur volonté. Les votations et élections
doivent être organisées de telle manière que la volonté des électeurs puisse
s'exercer librement, notamment sans pression ni influence extérieure (ATF
129 I 185 consid. 5 p. 192; 121 I 138 consid. 3 p. 141 avec les références).
Cela implique en particulier une formulation adéquate des questions soumises
au vote. Celles-ci ne doivent pas induire en erreur, ni être rédigées dans
des termes propres à influer sur la décision du citoyen (ATF 106 Ia 20; 131
I 126 consid. 5.1 p. 132).

  8.2  En l'occurrence, l'objet soumis aux citoyens genevois n'a rien de
trompeur: le texte de l'initiative est clair quant au principe; il l'est
certes moins quant à la possibilité de prévoir des exceptions par voie
législative, mais cela pourra être, le cas échéant, rappelé aux électeurs
dans le message explicatif. Les recourants craignent que l'initiative soit
approuvée tant par les citoyens favorables à une interdiction totale que par
ceux qui pourraient désirer des assouplissements. Il est évident que le
texte de l'initiative, tel que modifié et interprété par le Grand Conseil,
est susceptible de recueillir une plus grande approbation dans la
population. Cela n'est toutefois pas la conséquence d'une manipulation ou
d'une atteinte à la liberté de choix des citoyens: le Grand Conseil est
intervenu par souci de respecter le droit supérieur et dans le but d'éviter
une invalidation totale, ce qui correspond à la mission qui lui revient en
vertu de l'art. 66 Cst./GE. Ce dernier grief doit par conséquent lui aussi
être rejeté.