Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 IV 335



Urteilskopf

133 IV 335

  49. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A. et
Me B. contre Président de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat
de Fribourg (recours en matière pénale)
  1B_84/2007 du 11 septembre 2007

Regeste

  Zulässigkeit der Beschwerde in Strafsachen (Art. 78 Abs. 1, Art. 81 Abs.
1, Art. 93 Abs. 1 lit. a BGG), Anspruch auf rechtliches Gehör (Art. 29 Abs.
2 BV).

  Das Rechtsmittel der Beschwerde in Strafsachen steht offen gegen einen
Entscheid, welcher einen Wechsel des amtlichen Anwalts in einem
Strafverfahren verlangt (E. 2).

  Der Entscheid, welcher den Auftrag des amtlichen Anwalts beendet, ohne
dass die verbeiständete Partei einen Wechsel des Anwalts verlangt hätte,
kann einen nicht wieder gutzumachenden Nachteil im Sinn von Art. 93 Abs. 1
lit. a BGG bewirken (E. 4).

  Der amtliche Anwalt hat ein rechtlich geschütztes Interesse an der
Aufhebung des Entscheids, welcher seinen Auftrag beendet, und er ist daher
gemäss Art. 81 Abs. 1 lit. b BGG beschwerdelegitimiert (E. 5).

  Der amtliche Anwalt und die verbeiständete Partei haben das Recht,
angehört zu werden, bevor die zuständige Behörde den Auftrag des Anwalts
wegen eines Interessenkonflikts beendet (E. 6).

Sachverhalt

  A. a déposé une plainte pénale contre son époux, pour lésions corporelles
notamment. Une enquête a été ouverte dans le canton de Fribourg. A la
requête de la victime, un défenseur d'office lui a été désigné le 15 février
2007 par le Président de la Chambre pénale du Tribunal cantonal, en la
personne de Me B., avocat à Fribourg. Le 23 mars 2007, le Juge d'instruction
en charge de l'enquête a écrit au Président de la Chambre pénale. Il a
expliqué qu'il y avait "manifestement un conflit d'intérêt dans le cadre de
la défense de A. par Me B." Le juge d'instruction se référait à une plainte
pénale déposée le 21 février 2007 par le mari de la victime contre cette
dernière et son avocat d'office, pour diffamation et calomnie.

  Le 26 mars 2007, le Président de la Chambre pénale a rendu un arrêt
déchargeant Me B. de son mandat de défenseur d'office (ch. I) et désignant
désormais Me C., avocate à Fribourg, en qualité de défenseur

d'office de A. pour la procédure pénale l'opposant à son époux (ch. II). Les
motifs de cette décision retiennent l'existence d'un conflit d'intérêts
manifeste.

  A. et Me B. ont déposé ensemble un recours constitutionnel (art. 113 ss
LTF) contre l'arrêt du Président de la Chambre pénale. Ils ont pris des
conclusions tendant principalement à ce que le Tribunal fédéral annule la
décision du Président de la Chambre pénale et rétablisse Me B. dans sa
fonction de défenseur d'office de la lésée.

  Le Tribunal fédéral a traité le recours comme un recours en matière pénale
(art. 78 ss LTF). Il l'a partiellement admis et a annulé le ch. I du
dispositif de l'arrêt attaqué, renvoyant l'affaire au Président de la
Chambre pénale pour nouvelle décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.  La décision attaquée a été rendue dans le cadre d'une procédure
pénale. Elle est fondée sur les dispositions du code de procédure pénale
(CPP/FR) relatives à la désignation d'un défenseur d'office du lésé (art. 35
ss, notamment 40 CPP/FR). La nouvelle loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral (LTF; RS 173.110) institue la voie du recours en matière pénale
"contre les décisions rendues en matière pénale" (art. 78 al. 1 LTF). Selon
le message du Conseil fédéral (Message concernant la révision totale de
l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 p. 4000 ss), la notion de
"décision rendue en matière pénale" comprend toute décision fondée sur le
droit pénal matériel ou sur le droit de procédure pénale; en d'autres
termes, elle vise toute décision relative à la poursuite ou au jugement
d'une infraction, le recours en matière pénale succédant ainsi à la fois au
pourvoi en nullité selon les art. 220 ss et 268 ss PPF et, dans cette
matière, au recours de droit public selon les art. 88 ss OJ (FF 2001 p.
4111).

  Pour la lésée, partie à la procédure pénale, il est évident que l'arrêt
attaqué est une décision rendue en matière pénale. Cette qualification est
aussi valable en tant que cette décision a pour destinataire le défenseur
d'office. Certes ce dernier, après avoir été désigné en application de
l'art. 40 CPP/FR, se trouve avec l'Etat dans une relation régie par le droit
public cantonal (cf. ATF 132 I 201 consid. 7.1 p. 205; 131 I 217 consid. 2.4
p. 220). L'acte par lequel cette mission lui est confiée ou retirée est
toutefois une décision fondée, d'après la loi cantonale, sur le droit de
procédure pénale, en rapport étroit

avec l'instruction pénale en cours. Aussi la voie du recours en matière
pénale (art. 78 ss LTF) est-elle ouverte en l'espèce. Le présent recours,
nonobstant son intitulé comme "recours constitutionnel" (art. 113 ss LTF),
doit être traité comme un recours en matière pénale.

Erwägung 3

  3.  La décision attaquée a été prise en dernière instance cantonale, le
recours à la Chambre pénale n'étant pas ouvert contre les décisions de son
président (art. 202 al. 1 CPP/FR; cf. également art. 26 de la loi cantonale
sur l'assistance judiciaire, qui prévoit un recours uniquement contre la
décision fixant l'indemnité du défenseur d'office). L'exigence de
l'épuisement des instances cantonales, découlant de l'art. 80 al. 1 LTF, est
donc satisfaite.

Erwägung 4

  4.  Il convient d'examiner séparément et en premier lieu la recevabilité
des conclusions prises par la lésée (la première recourante), qui conteste
le changement d'avocat d'office.

  Pour la partie à la procédure pénale (prévenu ou lésé), la décision
ordonnant un changement d'avocat d'office est une décision incidente contre
laquelle le recours en matière pénale n'est recevable qu'aux conditions de
l'art. 93 al. 1 LTF. Il faut donc que cette décision puisse causer un
préjudice irréparable à la partie recourante (art. 93 al. 1 let. a LTF - la
seconde hypothèse de l'art. 93 al. 1 LTF n'entre manifestement pas en
considération ici). Dans la procédure de recours en matière pénale, la
notion de préjudice irréparable correspond à celle de l'ancien art. 87 al. 2
OJ, qui soumettait à la même condition la recevabilité du recours de droit
public contre de telles décisions incidentes: il doit s'agir d'un dommage de
nature juridique, qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un
jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 133 IV 139
consid. 4 p. 141; cf. aussi ATF 133 IV 137 consid. 2.3 p. 139).

  D'après la jurisprudence, le refus de l'assistance judiciaire dans une
cause pénale, soit le refus de désigner un avocat d'office au prévenu, peut
causer un préjudice irréparable car, si ce refus est annulé par l'autorité
de recours à la fin de la procédure, on conçoit mal qu'après la reprise de
l'instruction le prévenu puisse se trouver dans la même situation que s'il
avait été d'emblée assisté, par exemple pour l'audition de témoins ou
l'administration d'autres preuves (ATF 129 I 281 consid. 1.1 p. 283; 129 I
129 consid. 1.1 p. 131; 126 I 207 consid. 2a p. 210). En l'occurrence, la
décision attaquée ne prive pas la recourante de l'assistance d'un défenseur
d'office, puisqu'une nouvelle avocate a été immédiatement désignée.

  Sous l'angle de l'art. 93 al. 1 LTF (ou de l'ancien art. 87 al. 2 OJ), une
décision relative à une demande de changement d'avocat d'office n'est en
revanche pas toujours susceptible de causer un préjudice irréparable.
Lorsque l'autorité compétente refuse une requête de la partie assistée
tendant à ce qu'il soit mis fin à la mission du défenseur d'office (et
éventuellement à ce qu'un nouveau défenseur soit désigné), cette partie
conserve son avocat. Sauf circonstances spéciales, l'atteinte à la relation
de confiance n'empêche pas dans une telle situation une défense efficace;
c'est pourquoi la partie ne subit pas un dommage de nature juridique (ATF
126 I 207 consid. 2b p. 211). La question se pose différemment lorsque le
changement d'avocat d'office n'est pas requis par la partie assistée mais
qu'il est, comme en l'espèce, ordonné par l'autorité compétente en matière
d'assistance judiciaire contre le gré des intéressés, soit la partie et le
défenseur d'office, et quand cette décision intervient à la suite d'une
démarche de la partie adverse durant la procédure (en l'occurrence une
plainte pénale pour atteinte à l'honneur visant la partie et le défenseur
d'office, qui aurait pour effet de créer un conflit d'intérêts). Il est
nécessaire d'assurer un contrôle judiciaire immédiat de telles décisions
imposant un changement d'avocat d'office car on voit mal comment en
supprimer les conséquences en cas d'annulation de la décision au terme de la
procédure pénale. En outre, une absence de recours immédiat pourrait
favoriser les manoeuvres d'une partie cherchant à créer les conditions d'un
conflit d'intérêts afin de priver la partie adverse de l'assistance d'un
avocat d'office efficace. C'est pourquoi, dans le cas particulier, il faut
admettre le risque d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1
let. a LTF et considérer que le recours contre la décision incidente est
recevable. La première recourante a en outre qualité pour recourir au sens
de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (cf. également à ce propos infra,
consid. 5).

Erwägung 5

  5.  Pour le second recourant - l'avocat d'office relevé de sa mission -,
la décision attaquée a pour effet de le priver de toute possibilité de
participer à la procédure pénale en cours; elle a dans cette mesure un
caractère final. Il s'agit néanmoins, au sens du code de procédure pénale,
d'une décision incidente (supra, consid. 2) et la personne assistée par
l'avocat n'est elle-même pas écartée de la procédure ni privée de ses droits
de partie (cf. à ce propos ATF 131 I 57 consid. 1.1 p. 60). Cela étant, vu
les effets de cette décision sur la situation juridique du second recourant,
la condition du préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) est
également satisfaite en ce qui le concerne.

  En vertu de l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en
matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité
précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), et a un
intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision, soit
en particulier l'accusé, le représentant légal de l'accusé, l'accusateur
public, l'accusateur privé - si, conformément au droit cantonal, il a
soutenu l'accusation sans l'intervention de l'accusateur public -, la
victime - si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de
ses prétentions civiles -, et le plaignant - pour autant que la contestation
porte sur le droit de porter plainte - (let. b). Le défenseur d'office de
l'accusé ou de la victime n'est pas mentionné dans la liste de l'art. 81 al.
1 let. b LTF. Cette liste n'a toutefois pas été conçue comme exhaustive par
le législateur (cf. Message précité, FF 2001 p. 4116) et il faut examiner,
dans les cas non énumérés, si le recourant peut se prévaloir d'un intérêt
juridique à l'annulation ou à la modification de la décision. Dans la
procédure de recours de droit public, un intérêt juridiquement protégé (au
sens de l'art. 88 OJ) pouvait être reconnu au défenseur d'office qui, en
personne, contestait une décision de l'autorité cantonale concernant
l'exercice du mandat de droit public qui lui avait été confié dans le cadre
d'une procédure pénale (cf. arrêt 1P.285/2004 du 1er mars 2005, consid. 1
non publié à l'ATF 131 I 217; ATF 108 Ia 11; arrêt 1P.713/2005 du 14
février 2006, consid. 1). Comme le recours en matière pénale a été conçu
pour reprendre la fonction du recours de droit public, lorsque la
contestation porte sur l'application du droit cantonal de procédure pénale
(cf. supra, consid. 2), il faut admettre que le défenseur d'office a qualité
pour recourir parce qu'il a un intérêt juridique à l'annulation de la
décision attaquée, conformément à l'art. 81 al. 1 let. b LTF. Il s'ensuit
que, formé par le second recourant, le recours en matière pénale est
recevable, en tant que la contestation porte sur la décharge du mandat de
défenseur d'office (ch. I du dispositif de la décision attaquée); il y a
donc lieu d'entrer en matière dans cette mesure.

Erwägung 6

  6.  Les recourants se plaignent en premier lieu d'une violation du droit
d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Ils font valoir qu'ils n'ont
pas été invités par le Président de la Chambre pénale à s'exprimer au sujet
du conflit d'intérêts allégué, et qu'ils n'ont pas eu connaissance du texte
de la plainte pénale déposée par le mari de la victime. Ce grief est
manifestement fondé. Il ressort en effet du dossier que dès que le juge
d'instruction a signalé ce qui lui paraissait représenter

une situation de conflit d'intérêts, le Président de la Chambre pénale a
statué, sans informer le second recourant du fait qu'il envisageait de
mettre fin au mandat de droit public et sans lui donner l'occasion, ni à la
personne qu'il défendait, de s'exprimer à ce sujet. Cela viole clairement le
droit d'être entendu - ce d'autant plus que, pour garantir le caractère
effectif de la défense d'office prévue à l'art. 29 al. 3 Cst., un changement
de défenseur devrait pouvoir être imposé uniquement dans des circonstances
particulières, que les intéressés devraient donc être autorisés à discuter
(au sujet de la portée du droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst.,
cf. notamment ATF 133 I 100 consid. 4.3 à 4.6 p. 102; 129 II 497 consid. 2.2
p. 504 et les arrêts cités).

  L'admission de ce grief doit entraîner l'annulation du ch. I du dispositif
de la décision attaquée, qui décharge l'avocat recourant de son mandat de
défenseur d'office. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de statuer
lui-même sur le fond, soit sur la manière dont la défense de la lésée sera
assurée dans la procédure pénale pendante; par conséquent, les conclusions
de la première recourante tendant au rétablissement du second recourant dans
sa fonction d'avocat d'office, et à l'annulation de la désignation d'une
nouvelle avocate d'office, doivent être rejetées. L'affaire doit être
renvoyée au Président de la Chambre pénale pour nouvelle décision, à l'issue
d'une procédure respectant les garanties de l'art. 29 al. 2 Cst.