Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 IV 215



Urteilskopf

133 IV 215

  32. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause X. SA
et Département fédéral de justice et police contre Direction générale des
douanes ainsi que Tribunal pénal fédéral (recours en matière de droit
public)
  1C_126/2007 / 1C_127/2007 du 11 juillet 2007

Regeste

  Art. 84 und 93 Abs. 2 BGG; Art. 74a und 94 ff. IRSG, Art. 13 GWÜ.

  Beschwerde gegen einen Zwischenentscheid über eine provisorische
Beschlagnahme von Vermögenswerten im Hinblick auf die Herausgabe an den
ersuchenden Staat zur Durchsetzung einer Ersatzforderung im Zusammenhang mit
einem Steuerdelikt; die Voraussetzung von Art. 93 Abs. 1 lit. b BGG ist
erfüllt (E. 1.1), und es handelt sich um eine Grundsatzfrage (E. 1.2).

  Eine Herausgabe nach Art. 13 GWÜ ist nicht möglich, wenn sie nach den Art.
74a und 94 ff. IRSG ausgeschlossen ist (E. 2).

Sachverhalt

  Le 17 mars 2005, la Direction générale des douanes (DGD) est entrée en
matière sur une demande d'entraide formée par le Procureur de Munich et a
ordonné la saisie, à concurrence de 688'933 Euros, de deux comptes bancaires
détenus par la société X. SA. Le montant séquestré correspondait à une
créance compensatrice équivalant à une soustraction fiscale en matière de
droits de douane.

  Par décision de clôture du 8 janvier 2007, la DGD a décidé de transmettre
les fonds à l'autorité requérante, sous réserve de l'entrée en force d'un
jugement de l'autorité pénale allemande portant sur le recouvrement de la
créance compensatrice.

  Par arrêt du 10 mai 2007, la IIe Cour des plaintes du Tribunal pénal
fédéral a partiellement admis le recours formé par X. SA et annulé la
décision de clôture (ch. 1 du dispositif): la demande d'entraide ne tendait
qu'au blocage des fonds, et non à leur remise, de sorte que la DGD avait
statué ultra petita. Les mesures de saisie ont en revanche été maintenues
(ch. 2): une remise des fonds à titre de créance compensatrice était
impossible en vertu de l'art. 74a de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur
l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1), faute
notamment de connexité entre les fonds saisis et l'infraction reprochée.
Elle n'était pas possible non plus sur la base des art. 94 ss EIMP, en
raison du caractère fiscal de l'infraction. Toutefois, elle pouvait être
envisagée en application de la Convention du 8 novembre 1990 relative au
blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du
crime (CBl; RS 0.311.53 [ci-après: Convention ou Convention 141]); selon
l'art. 13 par. 1 let. b CBl, il n'était pas exclu que l'Etat requérant
demande aux autorités suisses de prononcer une confiscation fondée sur
l'art. 71 CP. Conformément à l'obligation de célérité, les autorités
allemandes devaient être invitées à formuler une telle demande dans le délai
d'une année, faute de quoi les séquestres seraient levés.

  X. SA et l'Office fédéral de la justice (OFJ) ont recouru contre cet
arrêt, en concluant à l'annulation du ch. 2 de son dispositif et à la levée
des mesures de séquestre.

  Le Tribunal fédéral a admis les recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 1

  1.  Les recours sont formés contre un même arrêt, pour des motifs
semblables. Il convient de les joindre afin qu'il soit statué par un même
arrêt.

  1.1  Les recours sont dirigés contre un arrêt par lequel la Cour des
plaintes a annulé une décision de clôture et de remise de valeurs et a
maintenu des mesures de saisie. Il ne s'agit donc pas d'une décision qui met
fin à la procédure d'entraide judiciaire, mais d'une décision incidente. Les
recours ne sont donc recevables qu'aux conditions de l'art. 93 al. 2 de la
loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110): il doivent
porter notamment sur une saisie d'objets ou de valeurs (ce qui est le cas en
l'occurrence), et doivent satisfaire aux conditions alternatives posées à
l'art. 93 al. 1 let. a et b LTF.

  Il est douteux que la décision attaquée cause à la recourante X. SA un
préjudice irréparable; le Tribunal fédéral l'a nié dans son arrêt
1A.162/2005 concernant la saisie des comptes par la DGD. Par ailleurs, cette
même condition ne saurait s'appliquer au recours formé par l'OFJ. En
revanche, il apparaît que l'admission du recours pourrait conduire à une
décision finale (par hypothèse de refus de l'entraide) et permettrait
d'éviter une procédure longue et coûteuse: l'arrêt attaqué fixe un délai
d'une année aux autorités allemandes pour présenter une demande d'entraide,
après quoi l'autorité suisse devrait ouvrir une procédure interne tendant au
prononcé d'une créance compensatrice. Il n'est pas souhaitable d'attendre la
fin de ce processus pour se prononcer sur l'admissibilité des mesures
provisoires ordonnées dans cette perspective. Il convient donc d'entrer en
matière.

  1.2  Selon l'art. 84 LTF (également applicable aux recours dirigés contre
une décision incidente (arrêt 1C_144/2007 du 8 juin 2007), le recours en
matière de droit public n'est recevable que s'il a pour objet, notamment,
une saisie, le transfert d'objets ou de valeurs ou la transmission de
renseignements concernant le domaine secret. Il doit en outre s'agir d'un
cas particulièrement important. Le cas est particulièrement

important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à
l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices
graves. L'emploi de l'adverbe notamment indique que ces motifs d'entrée en
matière ne sont pas exhaustifs. Le Tribunal fédéral peut en effet être
appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de
principe, ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence
suivie jusque-là (arrêt 1C_152/2007 du 15 juin 2007).

  En l'occurrence, la cause porte sur le maintien de mesures de saisie
provisoire en vue d'une remise des fonds à l'autorité étrangère, à titre de
créance compensatrice en rapport avec une infraction fiscale. La question de
savoir si une telle remise est possible, au regard du droit interne et de la
CBl, constitue une question juridique de principe justifiant l'intervention
du Tribunal fédéral, selon la procédure ordinaire de l'art. 20 LTF.

  1.3  L'OFJ a qualité pour recourir (art. 25 al. 3 et 80h let. a EIMP), en
tant qu'autorité de surveillance en matière d'entraide judiciaire pénale
(art. 3 de l'ordonnance du 24 février 1982 sur l'entraide internationale en
matière pénale [OEIMP; RS 351.11]). La recourante a également qualité pour
agir, en tant que titulaire des comptes soumis aux mesures provisoires (art.
80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP).

Erwägung 2

  2.  La Cour des plaintes a considéré qu'une remise des fonds aux autorités
allemandes en tant que créance compensatrice serait impossible en
application de l'art. 74a EIMP. D'une part, les fonds n'étaient ni le
produit ni l'instrument de l'infraction: il n'y avait aucune connexité entre
les valeurs séquestrées et les infractions reprochées. D'autre part,
contrairement à ce que prévoit l'art. 71 al. 1 CP, une procédure de
recouvrement d'une créance compensatrice fondée sur l'art. 74a EIMP
instituerait un privilège en faveur de l'Etat étranger et ne permettrait pas
aux autres créanciers de faire valoir leurs droits. Les art. 94 ss EIMP,
permettant l'exécution d'un jugement étranger, seraient également
inapplicables, l'art. 3 al. 3 EIMP limitant la coopération en matière
fiscale à la troisième partie de la loi. Ces considérations, remises en
cause par la DGD dans sa réponse aux recours, ne sont pas contestées par les
recourants.

  Ceux-ci estiment en revanche que la CBl ne permettrait pas d'instituer une
procédure sui generis en faveur d'un Etat étranger afin de recouvrer une
créance d'ordre fiscal. La Convention ne serait pas d'application immédiate.
Son art. 13 par. 1 imposerait aux Etats parties

d'adopter une réglementation permettant l'exécution des décisions de
confiscation. Or, les art. 74a et 94 ss EIMP satisferaient à cette exigence,
sauf dans le domaine fiscal, expressément exclu par le législateur en vertu
de l'art. 3 al. 3 EIMP. La DGD pourrait certes entreprendre une procédure
fondée sur l'art. 71 CP, mais il faudrait pour cela qu'il existe une
compétence répressive en vertu des art. 3 à 7 CP. Or, l'OFJ indique avoir
rejeté, le 17 mars 2006, une demande des autorités allemandes tendant à
déléguer à la Suisse la poursuite pénale; ce refus était fondé sur l'art. 3
al. 3 EIMP. De toute manière, l'autorité ne pourrait, dans ce cadre, faire
usage des mesures provisoires prévues par l'EIMP. X. SA soutient en outre
que ses représentants n'auraient pas commis d'escroquerie fiscale en
participant eux-mêmes à la falsification de documents. Le maintien du
séquestre serait disproportionné. Les droits des tiers, soit les
établissements bancaires disposant de prétentions sur les fonds, ne seraient
pas pris en compte.

  2.1  La Convention, entrée en vigueur le 1er septembre 1993 pour la
Suisse, vient compléter la Convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale du 20 avril 1959 (CEEJ; RS 0.351.1) en améliorant la
coopération internationale en matière d'investigations (art. 8 à 10), de
séquestre (art. 11 et 12) et de confiscation de valeurs patrimoniales
d'origine délictueuse (art. 14 à 17). Elle fixe un standard minimum de
mesures à prendre au niveau national (chapitre II) et pose le principe d'une
coopération la plus large possible à tous les stades de la procédure pénale
(chapitre III). Ces différentes mesures sont ordonnées conformément au droit
interne (art. 9 s'agissant des mesures d'investigation, 12 par. 1 s'agissant
des mesures provisoires et 14 par. 1 s'agissant de la confiscation), ce
dernier étant également applicable lorsqu'il pose des conditions plus
favorables à l'entraide (ATF 123 II 268 consid. 2, 134 consid. 5).

  Au sens de la Convention, le terme confiscation désigne une peine ou une
mesure ordonnée par un tribunal à la suite d'une procédure portant sur une
ou des infractions pénales, peine ou mesure aboutissant à la privation
permanente du bien (art. 1 let. d). Selon l'art. 13 CBl, l'Etat saisi d'une
demande de confiscation de la part de l'Etat requérant peut ou bien exécuter
la décision de confiscation émanant d'un tribunal de cet Etat (par. 1 let.
a), ou bien engager une procédure indépendante de confiscation selon son
droit interne, en vue de la remise à l'Etat requérant (par. 1 let. b et par.
2). Les procédures permettant d'obtenir et d'exécuter la confiscation au
sens de cette

disposition, sont régies par le droit de l'Etat requis (art. 2 par. 1, 14
par. 1; cf. aussi l'art. 15). La partie requise a ainsi le libre choix entre
les deux possibilités prévues par la Convention (Message du 19 août 1992, FF
1992 VI 8 ss, p. 13), mais celle-ci ne contient aucune disposition qui
serait d'application directe et qui serait destinée à se substituer au droit
national ou à le compléter (idem, p. 32).

  2.2  Le droit suisse répond aux exigences de la Convention en prévoyant,
d'une part, la remise des instruments ou du produit du crime (art. 74a al. 2
EIMP) et, d'autre part, l'exécution des décisions rendues à l'étranger (art.
94 ss EIMP).

  2.2.1  Toutefois, le premier mode de coopération est exclu lorsqu'il
s'agit d'assurer le paiement d'une créance compensatrice, puisqu'il ne
s'agit pas à proprement parler du produit de l'infraction et qu'il n'y a
aucune connexité entre les valeurs saisies et l'infraction elle-même (ATF
129 II 453 consid. 4.1 p. 461). Selon certains auteurs, il s'agirait d'une
lacune qu'il y aurait lieu de combler par voie jurisprudentielle
(ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale,
Berne 2004, n. 188; MOREILLON [éd.], Entraide internationale en matière
pénale, Commentaire romand, n. 20 ss ad art. 74a EIMP). La Cour des
plaintes, suivant l'avis d'autres auteurs (HARARI, Remise internationale
d'objets et de valeurs: réflexions à l'occasion de la modification de
l'EIMP, Etudes en l'honneur de Dominique Poncet, Genève 1997 p. 180 s. et
note 64; LOMBARDINI, Banques et blanchiment d'argent, Convention de
diligence, ordonnance de la CFB, code pénal et LBA, Zurich 2006, n. 230), a
considéré que la remise des fonds pour le paiement d'une créance
compensatrice conférerait à l'Etat étranger un privilège injustifié du point
de vue du droit des poursuites, dans la mesure où un tel droit de préférence
n'existe pas en droit interne (art. 71 al. 3 CP). Cette opinion n'est pas
critiquable dans le cas d'une société active en Suisse et susceptible d'y
avoir des créanciers: alors que les tiers font l'objet d'une protection
spécifique détaillée en ce qui concerne la remise en vue de confiscation ou
de restitution (art. 74a al. 4 et 5 EIMP), une remise en vue du paiement
d'une créance compensatrice ne permettrait pas d'assurer une protection et
une égalité suffisantes des créanciers, comme cela est le cas pour la
procédure prévue à l'art. 71 CP.

  2.2.2  Quant à l'exécution en Suisse d'un jugement étranger, elle n'est
pas non plus envisageable lorsque la procédure étrangère vise

comme en l'espèce un acte qui paraît tendre à diminuer les recettes fiscales
(art. 3 al. 3 EIMP). L'exception à cette règle - limitée à l'escroquerie
fiscale - ne vise que l'entraide au sens de la troisième partie de la loi
(art. 3 al. 3 in fine EIMP).

  L'art. 18 de la Convention 141 énumère, de façon détaillée et exhaustive,
les motifs possibles de refus de la coopération, liés notamment à l'ordre
public, à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts prépondérants de
l'Etat requis; cette disposition prévoit aussi les exceptions tirées
notamment du caractère politique ou fiscal de l'infraction (par. 1 let. d).
Ce catalogue recouvre les motifs de refus de l'entraide prévus par l'EIMP
(Message précité, p. 26). Il apparaît ainsi clairement que la clause
d'exclusion liée à la nature fiscale de l'infraction doit être interprétée
de la même manière que pour les autres conventions du Conseil de l'Europe
dans le domaine pénal, en particulier la CEEJ (Message, p. 27; cf aussi le
rapport explicatif sur la Convention 141, § 63). Il n'était donc pas
nécessaire que les réserves formulées par la Suisse à propos de la
Convention (RO 1993 p. 2384) portent également sur les délits fiscaux,
puisque la faculté de refuser la coopération est déjà réservée dans la
Convention elle-même. L'art. 18 CBl ne fait d'ailleurs pas partie des
dispositions de la Convention susceptibles de faire l'objet d'une réserve
(art. 40 CBl).

  2.3  Il en résulte que la Convention 141 ne permet pas d'instituer des
modes de coopération qui ne seraient pas expressément prévus par le droit
national (cf. ATF 130 II 329 consid. 5.2 p. 335/336 concernant également les
mesures provisoires), ni de déroger au principe, ancré à l'art. 3 al. 3
EIMP, selon lequel l'entraide judiciaire n'est pas accordée pour les
infractions à caractère fiscal. L'entraide judiciaire apparaît donc exclue
dans le cas particulier, de sorte que les mesures provisoires fondées sur
l'art. 18 EIMP doivent être levées.