Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 133 III 121



Urteilskopf

133 III 121

  14. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X.
contre Y. (recours en réforme)
  4C.366/2006 du 9 février 2007

Regeste

  Auftrag; Haftung des Arztes.

  Allgemeine Voraussetzungen der Haftung des Arztes in seiner Eigenschaft
als Beauftragter; Verletzung der Regeln der ärztlichen Kunst; Beweislast (E.
3).

  Aufklärungspflicht des Arztes; Einwilligung des aufgeklärten Patienten und
hypothetische Einwilligung (E. 4).

Sachverhalt

  A.- X. (ci-après: la demanderesse), née en 1945, au bénéfice d'une
formation d'employée de commerce, présentait, à fin 1993, une nécrose
aseptique des deux hanches. Une première opération de la hanche gauche,
pratiquée le 2 décembre 1993 par le Dr A., ayant donné un résultat
insatisfaisant, le même médecin a procédé, le 14 juillet 1994, à la mise en
place d'une prothèse totale de la hanche gauche. Cette intervention a
entraîné une nette amélioration de l'état de la patiente.

  Depuis le 1er décembre 1994, la demanderesse perçoit une rente AI entière
en raison d'une dépression chronique.

  En avril 1996, la demanderesse a commencé à ressentir d'intenses douleurs
à la hanche droite. Elle a pris contact avec le Dr A., lequel, ne pouvant
pas intervenir pour des raisons de santé, l'a adressée au Dr Y. (ci-après:
le défendeur), spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Le 3 juin 1996, ce
médecin, assisté de deux confrères, dont le Dr A., a procédé à la pose d'une
prothèse totale de la hanche droite.

  Au cours de cette opération, la demanderesse a subi une lésion du nerf
crural droit. Elle souffre depuis lors d'une faiblesse du membre inférieur
droit qui la contraint à utiliser des béquilles pour se déplacer et
l'empêche de rester en position debout au-delà de 45 minutes.

  Deux expertises extrajudiciaires ont été mises en oeuvre à l'initiative de
la demanderesse: l'une a été effectuée par les Drs B. et C., désignés par la
FMH; l'autre, par deux spécialistes exerçant à Paris, le Dr D. et le Prof.
E. Les rapports y relatifs, établis respectivement le 30 août 1999 et le 29
janvier 2001, contiennent des conclusions opposées sur la question du
respect des règles de l'art médical et sur celle de l'information donnée à
la patiente.

  B.- Le 13 mars 2002, la demanderesse a ouvert action contre le défendeur
en vue d'obtenir le paiement de 623'205 fr., montant ramené ultérieurement à
519'952 fr. 90, intérêts différenciés en sus. Ce faisant, elle a réclamé,
pour l'essentiel, la réparation du dommage consécutif à son invalidité
ménagère et celle du tort moral. La demanderesse soutient que les règles de
l'art médical n'ont pas été respectées en l'espèce et qu'elle n'a pas été
correctement informée des risques de l'opération. Contestant ces reproches,
le défendeur a conclu au rejet intégral de la demande.

  Le Dr F. a été désigné comme expert judiciaire. Il a rendu son rapport le
24 novembre 2003 et en a confirmé les conclusions lors de son audition par
le Tribunal. Entendus en qualité de témoins assermentés, le Dr B. et le Dr
D. ont, eux aussi, confirmé la teneur de leurs rapports d'expertise
respectifs.

  Par jugement du 21 avril 2005, le Tribunal de première instance du canton
de Genève a rejeté la demande.

  La demanderesse a appelé de ce jugement. Augmentant ses conclusions, elle
a réclamé le paiement de divers montants, soit un total de 552'274 fr. 45
sans les intérêts y afférents.

  Par arrêt du 15 septembre 2006, la Chambre civile de la Cour de justice a
confirmé le jugement de première instance.

  C.- La demanderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral.
Elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à ce que le défendeur
soit condamné à lui payer les sommes de 261'450 fr., 163'390 fr. 60, 50'000
fr. et 19'963 fr., chacune avec des intérêts courant à partir de dates
différentes, ou, sinon, la somme globale de 595'582 fr. 50 portant intérêts
à partir d'une date unique. A titre subsidiaire, la demanderesse requiert le
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle détermine le montant
du dommage et rende une nouvelle décision.

  Le défendeur conclut au rejet du recours dans la mesure de sa
recevabilité.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.  Dans un premier moyen, la demanderesse fait grief à la cour cantonale
d'avoir violé les art. 8 CC et 97 CO, de même que les principes consacrés
par la jurisprudence fédérale en matière de responsabilité médicale. Elle se
plaint, en particulier, d'une mauvaise répartition du fardeau de la preuve.

  3.1  Il n'est pas contesté, ni contestable du reste, que les parties
étaient liées par un mandat (art. 394 ss CO; ATF 119 II 456 consid. 2 et les
arrêts cités). L'art. 398 al. 2 CO rend le mandataire responsable envers le
mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat. L'alinéa 1 de cette
disposition renvoie aux règles régissant la responsabilité du travailleur
dans les rapports de travail, soit à l'art. 321e CO. Cette disposition
prévoit que le travailleur est responsable du

dommage qu'il cause à l'employeur intentionnellement ou par négligence (al.
1) et elle détermine la mesure de la diligence requise (al. 2).

  En sa qualité de mandataire, le médecin répond de la bonne et fidèle
exécution du mandat. Si le propre de l'art médical consiste, pour le
médecin, à obtenir le résultat escompté grâce à ses connaissances et à ses
capacités, cela n'implique pas pour autant qu'il doive atteindre ce résultat
ou même le garantir, car le résultat en tant que tel ne fait pas partie de
ses obligations. L'étendue du devoir de diligence qui incombe au médecin se
détermine selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être
posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes; elles
dépendent des particularités de chaque cas, telles que la nature de
l'intervention ou du traitement et les risques qu'ils comportent, la marge
d'appréciation, le temps et les moyens disponibles, la formation et les
capacités du médecin. La violation, par celui-ci, de son devoir de diligence
- communément, mais improprement, appelée "faute professionnelle" -
constitue, du point de vue juridique, une inexécution ou une mauvaise
exécution de son obligation de mandataire et correspond ainsi, au plan
contractuel, à la notion d'illicéité propre à la responsabilité délictuelle.
Si elle occasionne un dommage au mandant et qu'elle se double d'une faute du
médecin, le patient pourra obtenir des dommages-intérêts (art. 97 al. 1 CO).
Comme n'importe quel autre mandataire, en particulier l'avocat (ATF 117 II
563 consid. 2a), le médecin répond en principe de toute faute; sa
responsabilité n'est pas limitée aux seules fautes graves (ATF 115 Ib 175
consid. 2b; 113 II 429 consid. 3a et les références). Lorsqu'une violation
des règles de l'art est établie, il appartient au médecin de prouver qu'il
n'a pas commis de faute (art. 97 al. 1 CO).

  Les règles de l'art médical constituent des principes établis par la
science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et
appliqués par les praticiens (ATF 108 II 59 consid. 1; 64 II 200 consid.
4a). Savoir si le médecin a violé son devoir de diligence est une question
de droit; dire s'il existe une règle professionnelle communément admise,
quel était l'état du patient et comment l'acte médical s'est déroulé relève
du fait.

  Il appartient au lésé d'établir la violation des règles de l'art médical
(ATF 120 Ib 411 consid. 4 in fine p. 414; 115 Ib 175 consid. 2b p. 181 et
les références). Sous l'angle du fardeau de la preuve, il a

été jugé qu'une atteinte à la santé causée par un traitement médical diffère
du cas d'un traitement médical qui n'a pas eu l'effet thérapeutique attendu.
Lorsqu'il est prévisible qu'un traitement pourrait avoir des effets
négatifs, le médecin doit tout faire pour y parer. Si ces effets négatifs se
produisent, il y a présomption de fait que les mesures nécessaires n'ont pas
toutes été prises et, dès lors, présomption d'une violation objective du
devoir de diligence. Cette présomption facilite la preuve d'une telle
violation, mais ne renverse pas le fardeau de la preuve. Les conclusions que
le juge en tire relèvent de l'appréciation des preuves et ne peuvent pas
être revues dans un recours en réforme (ATF 120 II 248 consid. 2c p. 250 et
les références citées). Il a cependant été précisé ultérieurement que cette
jurisprudence, en tant qu'elle admettait l'existence d'une telle
présomption, devait être relativisée, en ce sens qu'elle visait
spécifiquement le traitement dont il était question dans l'arrêt précité et
qu'elle ne pouvait, dès lors, pas être transposée à n'importe quel autre
traitement (arrêt 4C.53/2000 du 13 juin 2000, consid. 2b).

  3.2  Selon la cour cantonale, l'expertise judiciaire a permis d'établir
que la lésion du nerf crural droit de la demanderesse, survenue au cours de
l'opération pratiquée le 3 juin 1996 par le défendeur, résulte très
vraisemblablement d'une compression indirecte ou d'un écrasement direct de
ce nerf par un écarteur. Il ressort également de cette expertise que le
défendeur a pris toutes les précautions que commandaient les règles de l'art
médical, s'agissant du positionnement des écarteurs, et que la lésion subie
par la demanderesse ne pouvait pas être évitée. En outre, au dire de
l'expert judiciaire, le suivi postopératoire s'est déroulé conformément
auxdites règles. Les juges cantonaux relèvent, par ailleurs, que le Dr F. a
confirmé sous serment les conclusions de son rapport d'expertise, en
détaillant la technique standard de pose d'un écarteur, et qu'il a précisé
n'avoir recueilli aucun élément permettant de supposer qu'une fausse
manoeuvre - en soi toujours possible - se serait produite durant
l'intervention litigieuse.

  Devant les juges d'appel, la demanderesse avait contesté les conclusions
de l'expert au motif que celui-ci n'avait pu les prendre qu'en excluant
l'hypothèse d'une fausse manoeuvre dans le positionnement ou le maintien des
écarteurs pendant l'opération et en se fondant sur le seul fait que le
défendeur est un praticien expérimenté. Il lui a été répondu que, outre le
fait qu'aucun élément ne venait étayer sa thèse voulant qu'une fausse
manoeuvre ait été à l'origine de la

lésion du nerf, rien, dans la procédure, ne permettait de supposer qu'une
telle manoeuvre ait pu être commise par le défendeur ou les médecins qui
l'assistaient, ni que ces médecins aient été des praticiens inexpérimentés,
le rapport opératoire ne faisant du reste état d'aucune complication durant
l'intervention subie par la demanderesse.

  Les juges d'appel soulignent également que, selon l'expert judiciaire, la
lésion du nerf crural constitue un risque inhérent à ce type d'intervention
chirurgicale, même s'il est exceptionnel (fréquence de 0,5 %), et qu'une
atteinte comme celle dont souffre la demanderesse est susceptible de
survenir même lorsque toutes les précautions ont été prises pour assurer un
positionnement et un maintien corrects des écarteurs. Ils en déduisent que
le premier juge s'est rallié à juste titre aux conclusions de l'expert,
qu'il a eu raison de considérer qu'aucune violation des règles de l'art
médical à l'occasion de l'opération litigieuse n'avait été établie et qu'il
a retenu à bon droit que la lésion neurologique causée à la patiente
n'impliquait pas nécessairement qu'une faute ait été commise durant
l'intervention.

  Dès lors, à l'instar du premier juge, la Chambre civile considère que la
responsabilité du défendeur pour violation des règles de l'art ne saurait
être admise.

  3.3  Dans son recours en réforme, la demanderesse reproche à la cour
cantonale de l'avoir indûment déboutée de ses conclusions au motif qu'elle
n'aurait pas prouvé la faute du défendeur. Il y aurait là un renversement du
fardeau de la preuve et, partant, une violation de l'art. 8 CC.

  Pour étayer ce grief, la demanderesse rappelle, en premier lieu, la
distinction que la jurisprudence opère entre la violation du contrat, qui
doit être établie par le mandant, et la faute du mandataire, qui est
présumée en cas de violation du contrat. Selon elle, en l'espèce, la lésion
du nerf crural survenue au cours de l'opération litigieuse impliquait ipso
facto une violation du contrat de la part du chirurgien. En effet, une
atteinte non nécessaire et involontaire constituerait à l'évidence une
violation objective du contrat, sauf à vouloir supprimer la responsabilité
contractuelle du chirurgien. Aussi appartenait-il au défendeur de se
disculper en établissant le caractère inévitable de l'atteinte, question
relevant du domaine de la faute.

  La demanderesse s'emploie ensuite à démontrer, en se fondant notamment sur
les différents avis exprimés par les experts médicaux

ayant examiné le cas, que le défendeur n'a pas établi des éléments de fait
suffisants pour renverser la présomption de faute découlant de l'art. 97 al.
1 CO. Au terme de son analyse, elle en tire la conclusion suivante: la
lésion du nerf crural a été causée par les écarteurs, durant l'intervention,
par une manoeuvre malheureuse et donc imprudente à défaut du moindre élément
concret permettant de retenir le contraire et à défaut pour le défendeur
d'avoir apporté ne serait-ce qu'un début d'explication s'agissant
d'hypothétiques mesures de diligence qu'il aurait prises.

  3.4  Quoi qu'en dise la demanderesse, les juges cantonaux n'ont nullement
méconnu les principes régissant le fardeau de la preuve en matière de
responsabilité médicale, tels qu'ils ont été rappelés plus haut.

  Il appartient au créancier d'une obligation de moyens ou de diligence de
prouver le manquement à la diligence due par le débiteur (LUC THÉVENOZ,
Commentaire romand, n. 55 ad art. 97 CO). Le fait que le résultat escompté
n'ait pas été obtenu n'implique pas encore une violation de cette
obligation. Ainsi, de même que la perte d'un procès ne permet pas de
présumer la faute de l'avocat, l'absence de guérison ne permet pas non plus
de présumer la faute du médecin (THÉVENOZ, ibid.). En juger autrement
reviendrait à conclure à une violation du contrat par le débiteur chaque
fois que le créancier subit un dommage. C'est ce que fait la demanderesse.
Cependant, tel n'est pas le sens à donner à l'art. 97 al. 1 CO. Dans le même
ordre d'idées, le Tribunal fédéral a souligné que toute nouvelle atteinte à
la santé ne constituait pas en soi une violation du contrat, car les
traitements et interventions médicaux comportent des risques inévitables
quand bien même toute la diligence requise serait observée (ATF 120 II 248
consid. 2c p. 250 et les auteurs cités). Dans la présente espèce, il
appartenait donc bel et bien à la demanderesse, en sa qualité de mandante,
d'établir que la lésion du nerf crural survenue au cours de l'opération
litigieuse résultait d'une violation par le défendeur, c'est-à-dire le
mandataire, de son obligation de diligence. C'était donc à elle de prouver
que le chirurgien n'avait pas respecté les règles de l'art médical durant
cette opération. Qu'elle ait pu ou non bénéficier, à cette fin, de la
présomption de fait posée dans l'arrêt précité, mais relativisée
ultérieurement (cf. consid. 3.1 in fine), ce qui paraît douteux sur le vu
des conditions posées dans cet arrêt, ne changeait rien à la répartition du
fardeau de la preuve de la violation du contrat.

  A supposer donc que la cour cantonale ait estimé ne pas être en mesure de
constater si la violation des règles de l'art médical imputée au défendeur
était avérée ou non, les règles régissant le fardeau de la preuve auraient
dû la conduire à trancher en défaveur de la demanderesse. Toutefois, comme
le défendeur le souligne à juste titre dans sa réponse au recours, les juges
précédents n'ont pas fondé leur arrêt sur ces règles-là. Ils ont bien plutôt
admis, après avoir apprécié l'ensemble des moyens de preuve administrés et
en se basant essentiellement sur l'avis de l'expert judiciaire, que la
lésion du nerf crural est un risque exceptionnel, mais inhérent à la
chirurgie prothétique de la hanche, qu'une telle atteinte peut survenir même
lorsque toutes les précautions ont été prises pour assurer un positionnement
et un maintien corrects des écarteurs et que, dans le cas particulier, aucun
élément ne permet de retenir que le défendeur (ou l'un de ses assistants)
ait commis une erreur dans le maniement de ces instruments chirurgicaux
durant l'opération litigieuse. Pareille conclusion, tirée de l'appréciation
des preuves, lie la juridiction fédérale de réforme.

  Il suit de là que le premier moyen soulevé par la demanderesse est dénué
de fondement.

Erwägung 4

  4.  La demanderesse se plaint, en second lieu, de n'avoir pas été
suffisamment renseignée par le défendeur avant de subir l'opération en
cause.

  4.1
  4.1.1  L'exigence d'un consentement éclairé se déduit directement du droit
du patient à la liberté personnelle et à l'intégrité corporelle, qui est un
bien protégé par un droit absolu (ATF 117 Ib 197 consid. 2a; 113 Ib 420
consid. 2; 112 II 118 consid. 5e). Le médecin qui fait une opération sans
informer son patient ni en obtenir l'accord commet un acte contraire au
droit et répond du dommage causé, que l'on voie dans son attitude la
violation de ses obligations de mandataire ou une atteinte à des droits
absolus et, partant, un délit civil. L'illicéité d'un tel comportement
affecte l'ensemble de l'intervention et rejaillit de la sorte sur chacun des
gestes qu'elle comporte, même s'ils ont été exécutés conformément aux règles
de l'art (arrêt 4P.265/2002 du 28 avril 2003, consid. 4.1, publié
partiellement in RDAF 2003 I p. 635 ss; ATF 108 II 59 consid. 3 et les
références).

  Une atteinte à l'intégrité corporelle, à l'exemple d'une intervention
chirurgicale, est illicite à moins qu'il n'existe un fait justificatif (ATF

117 Ib 197 consid. 2 avec les références). Dans le domaine médical, la
justification de l'atteinte réside le plus souvent dans le consentement du
patient; pour être efficace, le consentement doit être éclairé, ce qui
suppose de la part du praticien de renseigner suffisamment le malade pour
que celui-ci donne son accord en connaissance de cause (ATF 113 Ib 420
consid. 4 et 6; 108 II 59 consid. 2; 105 II 284 consid. 6b).

  4.1.2  Le devoir d'information du médecin résulte également de ses
obligations contractuelles, comme le confirment la doctrine et une
jurisprudence constante (ATF 117 Ib 197 consid. 2a p. 200; 116 II 519
consid. 3b; 108 II 59 consid. 2; 105 II 284 consid. 6b et les références).

  Le médecin doit donner au patient, en termes clairs, intelligibles et
aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie,
le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de
l'opération, les chances de guérison, éventuellement sur l'évolution
spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à
l'assurance (arrêt 4P.265/2002 précité, ibid.; sur les risques opératoires,
cf. not. ATF 113 Ib 420 consid. 4-6; 108 II 59 consid. 2; 105 II 284 consid.
6c). Des limitations voire des exceptions au devoir d'information du médecin
ne sont admises que dans des cas très précis, par exemple lorsqu'il s'agit
d'actes courants sans danger particulier et n'entraînant pas d'atteinte
définitive ou durable à l'intégrité corporelle (ATF 119 II 456 consid. 2a et
les arrêts cités), s'il y a une urgence confinant à l'état de nécessité ou
si, dans le cadre d'une opération en cours, il y a une nécessité évidente
d'en effectuer une autre (arrêt 4P.265/2002 déjà cité, consid. 4.2 et les
références; ATF 108 II 59 consid. 2). On ne saurait non plus exiger que le
médecin renseigne minutieusement un patient qui a subi une ou plusieurs
opérations du même genre; toutefois, s'il s'agit d'une intervention
particulièrement délicate quant à son exécution ou à ses conséquences, le
patient a droit à une information claire et complète à ce sujet (arrêt
4C.348/1994 du 31 mai 1995, consid. 5a, publié partiellement in SJ 1995 p.
708; ATF 117 Ib 197 consid. 3b).

  4.1.3  C'est au médecin qu'il appartient d'établir qu'il a suffisamment
renseigné le patient et obtenu le consentement éclairé de ce dernier
préalablement à l'intervention (arrêt 4P.265/2002 précité, consid. 4.2 et
les références; cf. aussi ATF 117 Ib 197 consid. 5a; 113 Ib 420 consid. 4;
108 II 59 consid. 3).

  En l'absence de consentement éclairé, la jurisprudence reconnaît au
médecin la faculté de soulever le moyen du consentement hypothétique du
patient. Le praticien doit alors établir que le patient aurait accepté
l'opération même s'il avait été dûment informé. Le fardeau de la preuve
incombe là aussi au médecin, le patient devant toutefois collaborer à cette
preuve en rendant vraisemblable ou au moins en alléguant les motifs
personnels qui l'auraient incité à refuser l'opération s'il en avait
notamment connu les risques. En principe, le consentement hypothétique ne
doit pas être admis lorsque le genre et la gravité du risque encouru
auraient nécessité un besoin accru d'information, que le médecin n'a pas
satisfait. Dans un tel cas, il est en effet plausible que le patient, s'il
avait reçu une information complète, se serait trouvé dans un réel conflit
quant à la décision à prendre et qu'il aurait sollicité un temps de
réflexion.

  Selon la jurisprudence, il ne faut pas se baser sur le modèle abstrait
d'un "patient raisonnable", mais sur la situation personnelle et concrète du
patient dont il s'agit (ATF 117 Ib 197 consid. 5a et les références;
Jurisprudence administrative bernoise [JAB] 1994 p. 324 ss, consid. 3c p.
328). Ce n'est que dans l'hypothèse où le patient ne fait pas état de motifs
personnels qui l'auraient conduit à refuser l'intervention proposée qu'il
convient de considérer objectivement s'il serait compréhensible, pour un
patient sensé, de s'opposer à l'opération (ATF 117 Ib 197 consid. 5c p.
209).

  4.2  Se fondant sur les explications de l'expert judiciaire, la cour
cantonale retient qu'en juin 1996, soit à l'époque de l'opération, les
règles reconnues et admises dans la profession médicale n'imposaient pas
d'informer le patient de l'existence d'un risque de lésion du nerf crural
avant la pose d'une prothèse totale de la hanche, en raison du caractère
exceptionnel de ce risque. En effet, les membres de la société suisse
d'orthopédie avaient alors pour pratique de ne pas signaler les risques qui
pouvaient se présenter avec une probabilité inférieure à 1 %, ce qui était
le cas du risque précité.

  Toutefois, au dire de l'expert, à l'époque déjà, le chirurgien était tenu
de signaler de manière générale les risques de lésions nerveuses ou
vasculaires. Les juges cantonaux, confrontés à des allégations opposées des
parties sur ce point, constatent que l'instruction de la cause n'a pas
permis d'établir que l'information tenant en particulier au risque
neurologique avait bien été donnée en l'espèce. Selon eux, cet état de
choses pourrait conduire à considérer que le défendeur,

qui en avait la charge, n'avait pas réussi à apporter la preuve d'une
information suffisante donnée à la patiente, laquelle n'aurait dès lors pas
consenti à l'intervention en toute connaissance de cause.

  Cependant, la Chambre civile déclare faire sienne l'argumentation du
premier juge relative au consentement hypothétique de la demanderesse. Elle
estime, comme lui, que celle-ci aurait en tout état de cause décidé de se
soumettre à l'intervention litigieuse. Sa conviction à ce sujet repose sur
les éléments de fait suivants: d'abord, le défendeur n'a pas exercé la
moindre pression sur la patiente pour l'inciter à se faire opérer; au
contraire, il lui a suggéré de renoncer à l'opération en raison de l'état
dépressif dans lequel elle se trouvait alors. Ensuite, deux ans et demi
auparavant, la demanderesse avait subi avec succès une opération identique à
la hanche gauche, ce qui avait permis une nette amélioration de sa mobilité,
et ce précédent a joué un rôle déterminant dans sa décision de subir une
nouvelle intervention. Enfin, la demanderesse savait que la seule
alternative à une intervention chirurgicale était d'ordre médicamenteux et
qu'un tel traitement, outre les risques majeurs qu'il comportait pour la
santé de la patiente, n'était pas à même d'empêcher l'aggravation de la
maladie dont elle souffrait.

  4.3  Tout en concédant que la réponse à donner à la question du
consentement hypothétique est certainement délicate dans la présente espèce,
la demanderesse soutient que, selon toute vraisemblance, si elle avait été
correctement informée des risques non négligeables d'atteinte grave et
permanente que comportait l'opération envisagée, elle n'aurait pas consenti
à celle-ci ou aurait, à tout le moins, tenté de suivre un traitement
conservateur en repoussant une éventuelle intervention sine die afin qu'elle
puisse recueillir d'autres avis et étudier sérieusement des alternatives au
traitement chirurgical.

  Cette argumentation n'est pas propre à démontrer la violation du droit
fédéral imputée à la cour cantonale. Force est d'admettre, en effet, que les
circonstances mises en évidence par les juges genevois permettaient à
ceux-ci de conclure à l'existence d'un consentement hypothétique de la
patiente sans méconnaître ce droit ni les principes qui en ont été déduits
par la jurisprudence rappelée plus haut. Que la connaissance des risques
neurologiques liés à l'intervention prévue n'eût pas dissuadé la
demanderesse de s'y soumettre, eu égard aux circonstances relevées par la
cour cantonale, paraît effectivement

plus que vraisemblable, en dépit des affirmations contraires formulées a
posteriori par l'intéressée. Pareilles circonstances ne plaident, au
demeurant, pas en faveur de la thèse de la demanderesse voulant qu'elle se
serait accordé une période de réflexion avant de prendre une décision au
sujet de l'intervention envisagée. Aussi bien, il est conforme à
l'expérience de la vie qu'une personne qui s'est fait opérer avec succès
d'une hanche deux ans et demi plus tôt et qui ressent d'intenses douleurs à
l'autre hanche n'hésitera guère à subir sans délai une intervention à
celle-ci, sans s'arrêter aux risques neurologiques inhérents à ce type
d'opération, à plus forte raison si elle sait que la seule alternative au
traitement chirurgical réside dans un traitement médicamenteux comportant
des risques majeurs pour sa santé et ne permettant pas d'empêcher
l'aggravation de la maladie dont elle souffre. L'état dépressif dans lequel
se trouvait alors la demanderesse n'infirme en rien cette conclusion. Il
était bien plutôt de nature à affaiblir la résistance de la patiente aux
douleurs physiques que lui occasionnait sa hanche droite et, partant, à
conforter la demanderesse dans l'idée qu'il convenait de faire cesser ces
douleurs le plus rapidement possible en mettant en place une prothèse totale
de ladite hanche. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en l'espèce sur le vu
des constatations de la cour cantonale. En effet, il ne ressort pas de ces
constatations que la patiente aurait hésité à subir l'intervention prévue,
en raison de son état dépressif, contrairement à ce que la demanderesse
écrit dans son recours en réforme. Il en appert bien plutôt que c'est cette
dernière qui a réussi à vaincre les réticences du chirurgien après que
celui-ci lui avait suggéré de renoncer à l'intervention si elle ne se
sentait pas suffisamment bien pour cela.

  Cela étant, il y a lieu de réserver à ce second grief le même sort qu'au
premier.