Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 I 29



Urteilskopf

132 I 29

  5. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause époux
A. contre Kantonales Steueramt Zürich et Administration cantonale des
impôts du canton de Vaud (recours de droit public)
  2P.100/2005 du 17 octobre 2005

Regeste

  Art. 127 Abs. 3 BV; interkantonale Doppelbesteuerung; Verwirkung des
Besteuerungsrechts (Verwirkungsfrist); Steuerdomizil; leitende Stellung.

  Im System der jährlichen Postnumerando-Besteuerung, welches von allen
Kantonen angewandt wird, verwirkt das Besteuerungsrecht am Ende des Jahres,
welches auf die Veranlagungsperiode folgt (Präzisierung der Rechtsprechung;
E. 3).

  Zusammenfassung der Kollisionsregeln betreffend das Steuerdomizil eines
verheirateten Steuerpflichtigen in leitender Stellung. Begriff der leitenden
Stellung. Bedeutung einer eigenen Wohngelegenheit ("pied-à-terre") am
Arbeitsort (E. 4). Besondere Stellung des Generaldirektors einer
Holdinggesellschaft. Kein Steuerdomizil am Arbeitsort, wenn dort kein
"pied-à-terre" vorhanden ist (E. 5).

Sachverhalt

  Les époux A. ont trois enfants et habitent R. dans le canton de Vaud
depuis 1989. A partir de 1995, A.A. a travaillé à S. comme directeur général
de l'assurance C., qui appartenait au groupe D. Il a quitté la fonction de
directeur général de l'assurance C. le 31 décembre 1999. Il a conservé la
fonction de vice-président du conseil d'administration de celle-ci jusqu'en
novembre 2002.

  Au mois de septembre 1999, avec effet au 1er janvier 1999, il a en outre
été nommé directeur de la branche suisse de D. à T. à laquelle sont
rattachées toutes les activités d'assurances en Suisse, soit les activités
de l'assurance C. et de E. Du 1er mars au 5 novembre 2002, il a été
directeur général ("CEO") de la société D. Ces nominations ont été
rapportées par la presse, en particulier par la Neue Zürcher Zeitung et ont
fait l'objet d'inscriptions dans le registre du commerce.

  Par décision du 10 novembre 2000, l'Office d'impôt du Lavaux a taxé
définitivement les époux A. pour la période fiscale 1999/ 2000 sur une
fortune imposable de ... fr. ainsi que sur un revenu d'activité lucrative
dépendante de ... fr. pour 1997 et de ... fr. pour 1998, une valeur locative
de ... fr. pour chaque année et un revenu de titres de ... fr. pour 1997 et
de ... fr. pour 1998.

  Par décision du 18 janvier 2002, le même Office a taxé provisoirement les
époux A. pour la période fiscale 2001/2002 sur un revenu imposable de ...
fr. et une fortune de ... fr.

  Par courrier du 30 mai 2003, l'Office cantonal des impôts du canton de
Zurich a fait savoir à l'Administration cantonale des impôts du canton de
Vaud qu'il considérait que A.A. détenait une fonction dirigeante au sein de
la société D. à T. et faisait valoir sa prétention à l'imposer conformément
aux règles de répartition intercantonale pour les périodes fiscales allant
du 1er septembre 1999 au 31 décembre 2002. Une copie de ce courrier a été
adressée à A.A.

  La situation professionnelle et familiale de A.A. a fait l'objet de
plusieurs correspondances. Le 8 avril 2004, l'Office cantonal des impôts
zurichois a procédé à l'audition de A.A. Par courrier du 12 mai 2004 adressé
à l'Office cantonal des impôts zurichois, A.A. a déposé des attestations
prouvant son emploi du temps durant la période en cause, en particulier ses
retours réguliers à R. durant la semaine et la fréquentation de son bureau
de S. Le 22 juillet 2004, l'Office cantonal des impôts zurichois a inclus
dans la procédure B.A. et a invité les époux à se déterminer sur son
intention de les assujettir à l'impôt dans le canton de Zurich pour la
période du 1er septembre 1999 au 31 décembre 2002.

  Par décision formelle du 8 mars 2005, l'Office cantonal des impôts
zurichois a déclaré les époux A. personnellement assujettis dans le canton
de Zurich pour les périodes fiscales du 1er septembre 1999 à la fin de
l'année 2001 (sic).

  Agissant par la voie du recours de droit public contre les cantons de
Zurich et Vaud, les époux A. demandent au Tribunal fédéral, sous suite de
frais et dépens, l'annulation de la décision du 8 mars 2005 de
l'Administration fiscale zurichoise. Subsidiairement, ils demandent
l'annulation de la décision de taxation définitive du 10 novembre 2000 de
l'Administration fiscale vaudoise pour la période fiscale 1999/2000 ainsi
que celle, provisoire, du 18 janvier 2002 de l'Administration fiscale
vaudoise pour l'année 2001, ordre étant donné au canton de Vaud de
restituer, avec intérêt de 5 % l'an, les montants d'impôts payés en
exécution de la décision de taxation du 10 novembre 2000 pour la période
fiscale du 1er septembre 1999 au 31 décembre 2000 ainsi que ceux payés en
exécution de la taxation du 18 janvier 2002 pour l'année 2001. Enfin, ils
demandent au Tribunal fédéral d'inviter les cantons de Zurich et Vaud à
procéder à une répartition intercantonale du salaire uniquement pour la
période fiscale 1999/2000 ainsi que pour l'année 2001.

  Le Tribunal fédéral a admis le recours, dans la mesure où il est
recevable, en tant qu'il est dirigé contre le canton de Zurich. Il l'a
rejeté en tant qu'il est dirigé contre le canton de Vaud.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.

  2.1  Le principe de l'interdiction de la double imposition (art. 127 al.
3, 1re phrase Cst.) s'oppose à ce qu'un contribuable soit concrètement

soumis, par deux ou plusieurs cantons, sur le même objet, pendant la même
période, à des impôts analogues (double imposition effective) ou à ce qu'un
canton excède les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles
de conflit jurisprudentielles, prétende prélever un impôt dont la perception
est de la seule compétence d'un autre canton (double imposition virtuelle).
En outre, le Tribunal fédéral a déduit des art. 46 al. 2 aCst. et 127 al. 3,
1re phrase Cst., le principe selon lequel un canton ne peut pas imposer plus
lourdement un contribuable du fait qu'il est assujetti aux impôts dans un
autre canton (ATF 130 I 205 consid. 4.1 p. 210 et les références citées).

  2.2  En l'espèce, les revenus et la fortune des recourants ont été
assujettis par le canton de Vaud à l'impôt cantonal direct pour les périodes
fiscales 1999/2000 et 2001/2002. Les années fiscales 1999 (à partir du 1er
septembre), 2000 et 2001 font également l'objet de la décision
d'assujettissement du 8 mars 2005 de l'Office cantonal des impôts zurichois.
Les conditions d'une double imposition intercantonale sont réalisées. Il
appartient donc au Tribunal fédéral de déterminer à quel canton revient le
droit d'imposer les recourants pendant la période en cause.

Erwägung 3

  3.  L'Administration cantonale des impôts vaudoise est d'avis que le droit
du canton de Zurich d'imposer les recourants est périmé. Les recourants
invoquent également cette exception.

  3.1  L'exception de la péremption du droit de taxer ne peut être élevée
que par un canton, à l'exclusion du contribuable lui-même (cf. ATF 123 I 264
consid. 2c p. 267 et l'arrêt cité). L'exception soulevée par les recourants
est par conséquent irrecevable.

  3.2  D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, un canton est déchu de
son droit d'imposer lorsque, connaissant ou pouvant connaître les faits
déterminants pour l'imposition, il tarde néanmoins outre mesure à faire
valoir sa prétention fiscale et que, si cette dernière était admise, un
autre canton pourrait être tenu de restituer un impôt perçu dans les formes
voulues, de bonne foi et dans l'ignorance de la prétention fiscale
concurrente. La taxation est considérée comme tardive lorsqu'elle n'est pas
introduite dans un certain délai ou que son achèvement est retardé de façon
excessive sans motifs suffisants (arrêt 2P.216/1999 du 14 février 2000,
consid. 3 et les références citées in KURT LOCHER/PETER LOCHER, Die Praxis
der Bundessteuern, IIIe partie: La double imposition intercantonale, § 2,

IV D, n° 38). En application de ce principe, le Tribunal fédéral a exigé que
l'imposition du revenu et de la fortune intervienne dans l'année fiscale
correspondante (cf. ATF 123 I 264 consid. 2c p. 266 et les références
citées; BLUMENSTEIN/LOCHER, System des Steuerrechts, Zurich 2002, p. 96). Il
s'agissait cependant de cantons et d'impôts pour lesquels l'année fiscale
(période pour laquelle l'impôt est dû) et l'année de taxation (période au
cours de laquelle l'impôt est fixé et perçu) étaient identiques,
c'est-à-dire - aux termes de la jurisprudence - "où une taxation après la
fin de l'année fiscale est déjà tardive en vertu du droit cantonal" (ATF 74
I 117, p. 119; arrêt 2P.214/1999 du 2 février 2001, consid. 3, publié in
Basellandschaftliche und Baselstädtische Steuerpraxis [BStPra] vol. XV p.
404). S'agissant du canton de Bâle-Ville, le Tribunal fédéral a jugé que
lorsque le canton connaissait le système de taxation postnumerando selon
lequel la taxation intervient après la fin de l'année fiscale pour laquelle
l'impôt est dû, il pouvait faire valoir sa prétention à l'impôt l'année
suivant l'année fiscale (cf. arrêt 2P.182/2002 du 17 mars 2003, consid. 3.2,
publié in Pra 92/2003 n° 172 p. 939; arrêt 2P.214/ 1999, loc. cit.; ATF 74 I
117; BLUMENSTEIN/LOCHER, op. cit., p. 96).

  Pour qu'un canton puisse se prévaloir de son droit d'imposer et de son
ignorance de la prétention concurrente d'un autre canton, il ne suffit pas
que ses autorités fiscales aient effectivement ignoré l'existence de leur
droit, il faut en outre qu'en ayant fait preuve de toute la diligence
requise, elles n'aient ni pu ni dû en connaître l'existence. Le retard d'un
canton à faire valoir sa prétention ne saurait en particulier être excusé
par l'ignorance de ses propres registres publics (registre foncier, registre
du commerce). Les cantons ne sont en revanche pas tenus de connaître les
faits qui ressortent des registres publics des autres cantons ou de la
presse privée (KURT LOCHER/PETER LOCHER, op. cit., § 2, IV D, n° 31 et les
références citées).

  3.3  Depuis le 1er janvier 2001, la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS
642.14) est applicable; tous les cantons ont adopté le système de taxation
postnumerando annuel; les cantons de Vaud, Valais et Tessin l'ont adopté en
dernier lieu dès le 1er janvier 2003. L'ensemble des cantons ayant un régime
de taxation dans le temps identique et des délais de prescription du droit
de taxer harmonisés (art. 47 al. 1 LHID), il s'impose de réexaminer la
jurisprudence relative au délai de péremption du droit de taxer en matière
intercantonale.

  La péremption du droit de taxer est une institution autonome, créée par le
Tribunal fédéral, qui oblige les cantons à faire valoir leurs prétentions
avec diligence dans les rapports intercantonaux. L'objectif de cette
institution est de protéger un canton de l'obligation de rembourser des
impôts déjà perçus dans les formes voulues, de bonne foi et dans l'ignorance
d'une prétention fiscale concurrente, en principe privilégiée mais élevée
tardivement par un autre canton (cf. l'arrêt du 20 mai 1999 en la cause X.
contre les cantons de Bâle-Ville et de Nidwalden, consid. 4b, reproduit in
KURT LOCHER/ PETER LOCHER, op. cit., § 2, IV D, n° 37).

  Selon la jurisprudence concernant le système praenumerando, le délai de
péremption courait jusqu'à la fin de la période fiscale (praenumerando
bisannuel) en cause, qui correspondait également à la période de taxation.
Le dépôt des déclarations d'impôt ayant en principe lieu au printemps de la
première année de la période de taxation, l'autorité fiscale disposait en
règle générale d'une durée de l'ordre d'un an et demi pour éclaircir la
situation fiscale d'un contribuable et commencer les opérations de taxation.
Dans le système postnumerando annuel, en règle générale, l'autorité fiscale
ne peut être informée d'une situation donnant lieu à imposition par le dépôt
de la déclaration qu'au printemps de la période de taxation, soit de l'année
qui suit la période fiscale (et la période de calcul). Si le délai de
péremption est fixé à la fin de l'année qui suit la période fiscale,
l'autorité de taxation ne dispose que de quelques mois pour s'informer et
faire valoir sa prétention, et d'un laps de temps encore inférieur si un
délai pour déposer la déclaration d'impôt a été accordé, ce qui est
manifestement insuffisant. Le Tribunal fédéral l'avait déjà laissé entendre
dans un arrêt ancien à propos d'un contribuable qui s'était établi en cours
d'année dans un autre canton: il fallait laisser le temps à l'autorité
fiscale d'être à même d'établir qu'elle avait affaire à un séjour durable et
non pas temporaire (arrêt du Tribunal fédéral du 19 juin 1947 en la cause
Amacker, consid. 3, publié in KURT LOCHER/PETER LOCHER, op. cit., § 2, IV D,
n° 10). Par ailleurs, l'art. 47 al. 1 LHID prévoit un délai de prescription
du droit de taxer harmonisé de cinq ans, de sorte qu'on ne saurait d'emblée
qualifier de tardive une décision de taxation rendue après la fin de la
période fiscale ou de taxation.

  Dans ces conditions, il paraît raisonnable de fixer le délai de péremption
de telle manière que le changement de système d'imposition dans le temps ne
raccourcisse pas de manière inadéquate la

durée dont disposait l'autorité fiscale pour ses investigations et d'en
rester à environ un an et demi. Il s'ensuit que, dans le cadre du système de
taxation postnumerando annuel, les cantons doivent faire valoir leur
prétention dans l'année qui suit la période de taxation - et non plus dans
l'année qui suit la période fiscale - sous peine de déchéance.

  3.4  En l'espèce, dans la mesure où l'Office cantonal des impôts zurichois
fonde son droit d'imposer sur la fonction dirigeante du recourant, il ne
peut se prévaloir d'avoir ignoré le contenu de son propre registre du
commerce. En effet, dès le 14 novembre 1997, date de l'inscription de A.A.
dans son registre du commerce, le canton de Zurich connaissait et du moins
pouvait connaître la fonction de directeur général du recourant au sein de
la société G. Holding SA à T. Certes, si cette inscription ne permettait
pas, à elle seule, de considérer que les conditions posées par la
jurisprudence en matière de fonction dirigeante étaient réalisées,
l'indication de la fonction du recourant dans la société zurichoise devait
néanmoins attirer l'attention de l'Office cantonal des impôts zurichois,
d'autant plus que son domicile y était aussi indiqué. En ne procédant pas à
des investigations et en ne faisant valoir ses prétentions que le 30 mai
2003 (sur la seule foi de coupures de presse ne contenant, de l'avis même de
l'Office cantonal intimé, pas plus d'informations que le registre du
commerce lui-même), le canton de Zurich a agi tardivement s'agissant des
années fiscales 1999 et 2000, taxées en 2000 et 2001 et dont la péremption
du droit de taxer échéait respectivement à fin 2001 et fin 2002. Par
conséquent, il est déchu du droit de taxer les recourants pour les périodes
fiscales du 1er septembre 1999 au 31 décembre 2000.

  Tel n'est en revanche pas le cas de la période fiscale 2001. Le délai de
péremption a été respecté, l'Office cantonal des impôts zurichois ayant fait
valoir son droit par le courrier du 30 mai 2003, soit avant la fin de
l'année suivant la période de taxation (2002). Il est sans importance à cet
égard que la procédure de taxation n'ait pas été terminée du moment qu'elle
a suivi son cours et que le canton de Vaud connaissait les prétentions
zurichoises. L'exception soulevée par l'Administration des impôts vaudoise
doit être rejetée pour l'année fiscale 2001.

Erwägung 4

  4.

  4.1  Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'interdiction
de la double imposition intercantonale (cf. art. 127 al. 3,

1re phrase Cst. et art. 46 al. 2 aCst.), l'imposition du revenu et de la
fortune mobilière d'une personne revient au canton où cette personne a son
domicile fiscal. Par domicile fiscal, on entend en principe le domicile
civil, c'est-à-dire le lieu où la personne réside avec l'intention de s'y
établir durablement (cf. art. 23 al. 1 CC), ou le lieu où se situe le centre
de ses intérêts. Le domicile politique ne joue, dans ce contexte, aucun rôle
décisif: le dépôt des papiers et l'exercice des droits politiques ne
constituent, au même titre que les autres relations de la personne
assujettie à l'impôt, que des indices propres à déterminer le domicile
fiscal. Le lieu où la personne assujettie a le centre de ses intérêts
personnels se détermine en fonction de l'ensemble des circonstances
objectives, et non en fonction des déclarations de cette personne; dans
cette mesure, il n'est pas possible de choisir librement un domicile fiscal.

  Ces considérations demeurent valables sous l'empire de la loi fédérale sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, qui, à son
art. 3 al. 2, contient une définition analogue du domicile de la personne
physique, laquelle correspond également à celle de la loi fédérale du 14
décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11; cf. art. 3 al.
2).

  4.2  Si une personne séjourne alternativement à deux endroits, ce qui est
notamment le cas lorsque le lieu de travail ne coïncide pas avec le lieu de
résidence habituelle, son domicile fiscal se trouve au lieu avec lequel elle
a les relations les plus étroites (ATF 131 I 145 consid. 4.1 p. 149 s.; 125
I 458 consid. 2b p. 467 et les arrêts cités). Pour le contribuable exerçant
une activité lucrative dépendante, le domicile fiscal se trouve en principe
à son lieu de travail, soit au lieu à partir duquel il exerce
quotidiennement son activité lucrative, pour une longue durée ou pour un
temps indéterminé, en vue de subvenir à ses besoins (cf. ATF 125 I 54
consid. 2b p. 56 et l'arrêt cité). Pour le contribuable marié, les liens
créés par les rapports personnels et familiaux sont tenus pour plus forts
que ceux tissés au lieu de travail; pour cette raison, ces personnes sont
imposables au lieu de résidence de la famille (ATF 125 I 54 consid. 2b/aa p.
56/ 57, 458 consid. 2d p. 467 s.; 121 I 14 consid. 4a p. 16; 111 Ia 41
consid. 3 p. 42).

  Lorsque le contribuable marié qui exerce une activité lucrative dépendante
(sans avoir de fonction dirigeante) revient chaque jour dans sa famille
(pendulaire), son domicile fiscal est au lieu de résidence de la famille
(ATF 104 Ia 264 consid. 2a p. 268). Il en va de

même lorsque ce même contribuable ne rentre dans sa famille que pour les
fins de semaine et son temps libre ("Wochenaufenthalter", ATF 104 Ia 264
consid. 2a p. 268). Ce n'est que lorsque ce même contribuable ne rentre pas
dans sa famille en fin de semaine ou pas avec la régularité nécessaire que
son domicile fiscal principal est au lieu du travail, le lieu de résidence
de la famille représentant alors pour lui un domicile fiscal secondaire (ATF
121 I 14 consid. 4b p. 17; 104 Ia 264 consid. 2b et 4b/bb p. 268, 270; PETER
LOCHER, Einführung in das interkantonale Steuerrecht, 2e éd., Berne 2003, p.
53).

  Il en va différemment en principe lorsque le contribuable exerce une
activité lucrative dépendante dans une fonction dirigeante (KURT
LOCHER/PETER LOCHER, op. cit., § 3, I B, 1b nos 1-19). Lorsqu'il rentre dans
sa famille pour les fins de semaine et son temps libre, le Tribunal fédéral
admet qu'il a son domicile fiscal principal au lieu du travail et un
domicile secondaire au lieu de résidence de la famille (ATF 121 I 14 consid.
4b p. 17; 104 Ia 264 consid. 3e p. 268 s.; PETER LOCHER, op. cit., p. 53).
Toutefois, lorsque ce même contribuable rentre chaque jour dans sa famille,
le Tribunal fédéral considère qu'il a son domicile fiscal au lieu de
résidence de sa famille malgré sa position dirigeante (ATF 121 I 14 consid.
4a p. 16; 104 Ia 264 consid. 3d p. 268; Archives 40 p. 524, consid. 4b p.
531; KURT LOCHER/PETER LOCHER, op. cit., § 3, I B, 1b, n° 14 ainsi que § 3,
I B, 2a, n° 15; PETER LOCHER, op. cit., p. 52 s.).

  4.3  S'agissant de la fonction dirigeante, le Tribunal fédéral n'admet
l'existence de liens prépondérants avec le lieu de travail que si l'exercice
de l'activité professionnelle engage le contribuable si intensément que les
liens familiaux et sociaux passent au second plan; il n'existe de fortes
attaches de ce genre avec le lieu de travail que si le contribuable occupe
un poste dirigeant dans (a) une entreprise économiquement importante, ce qui
suppose qu'il assume (b) une responsabilité particulière et qu'il a (c) sous
ses ordres un nombreux personnel (ATF 125 I 54 consid. 2b/aa p. 56/57; 121 I
14 consid. 4a p. 16; 101 Ia 557 consid. 4a et b p. 559-562; arrêts 2P.2/2003
du 7 janvier 2004, consid. 2.3 et 2P.335/2001 du 29 juillet 2002, consid.
2.2).

  En particulier, le Tribunal fédéral a admis qu'exerçait une fonction
dirigeante le directeur d'une fabrique de machines responsable de son
redressement financier (KURT LOCHER/PETER LOCHER, op. cit., § 3, I B, 1b, n°
3), l'adjoint d'un ingénieur en chef d'une mine de charbon

qui avait sous ses ordres un nombreux personnel (ibid., § 3, I B, 1b, n° 5),
le directeur unique d'une mine qui avait sous ses ordres 400 employés
(ibid., § 3, I B, 1b, n° 8), un directeur technique, même soumis à la
surveillance du conseil d'administration de la société anonyme, qui avait
entre 130 et 140 employés sous ses ordres (ibid., § 3, I B, 1b, n° 10), le
président de la direction générale des CFF, quand bien même il occupait un
poste de fonctionnaire (ibid., § 3, I B, 1b, n° 15). Il a en revanche refusé
d'admettre l'existence d'une telle fonction s'agissant du directeur d'une
société en nom collectif qui avait sous ses ordres 6 à 8 employés (ibid., §
3, I B, 1b, n° 11), d'un juge au Tribunal fédéral des assurances (ibid., §
3, I B, 1b, n° 13), de l'actionnaire principal, président et administrateur
délégué du conseil d'administration d'une société anonyme employant 40
employés (ibid., n° 16), du chef d'une section de l'administration d'un
canton (ibid., § 3, I B, 1b, n° 17) et du directeur d'une institution
publique qui avait sous ses ordres 70 employés (arrêt 2P.2/2003 du 7 janvier
2004).

  Enfin, les contribuables pour lesquels le Tribunal fédéral a admis un
domicile fiscal séparé de celui du lieu de résidence durable de la famille
en raison d'une fonction dirigeante disposaient sur le lieu de travail d'un
logement propre (ZBl 50/1949 p. 442; ZBl 56/ 1955 p. 125; ATF 101 Ia 559;
Die neue Steuerpraxis [NStP] 30/ 1979 p. 50; KURT LOCHER/PETER LOCHER, op.
cit., § 3, I B, 1b, n° 1), ou, pour le moins, d'un logement en pension (ATF
57 I 420; KURT Locher/Peter Locher, op. cit., § 3, I B, 1b, n° 4, 7; ZBl
50/1949 p. 442) ou encore d'un appartement de service à libre disposition
(ZBl 56/1955 p. 125).

Erwägung 5

  5.  Dans sa décision d'assujettissement du 8 mars 2005, l'Office cantonal
des impôts zurichois a qualifié de fonction dirigeante le poste de directeur
de la branche suisse de D. occupé par le recourant du 1er septembre 1999 au
31 décembre 2001, sans décrire précisément ni son rôle, ses responsabilités
et sa position exacte au sein des sociétés dans lesquelles il a travaillé,
ni les relations entre ces sociétés. Il convient par conséquent d'examiner,
en se fondant sur les déclarations des parties et les éléments figurant au
dossier, si les conditions posées par la jurisprudence en matière de
fonction dirigeante sont réalisées pour l'année 2001, seule encore en cause
en l'espèce (cf. ci-dessus consid. 3.4).

  5.1  Selon les extraits du registre du commerce du canton de Zurich, le
recourant était inscrit comme membre respectivement président

du conseil d'administration des sociétés "K." et "E. SA", comme directeur
général de la société "G. Holding SA" depuis le 20 novembre 1997 et comme
fondé de procuration de la société "L." depuis le 8 avril 1997.

  S'il ne fait pas de doute que ces quatre sociétés sont des entreprises
importantes dans le domaine de l'assurance en Suisse, il est en revanche
pour le moins douteux que les membres de leurs conseils d'administration et
les fondés de procuration y occupent une fonction dirigeante au sens de la
jurisprudence. En particulier, le recourant était un fondé de procuration
parmi 87 autres dans la société "L.", ce qui ne constituait pas un poste
dirigeant.

  En revanche, le poste de "directeur de la branche suisse de D." laisse
supposer une fonction dirigeante. Les éléments qui ressortent du dossier
semblent toutefois contradictoires, en apparence à tout le moins. D'après le
registre du commerce, le recourant détenait depuis le 20 novembre 1997 déjà
le titre de directeur général de la société "G. Holding SA"; or, selon une
lettre du 19 mars 1999 à lui adressée par la direction du groupe et une
communication interne au groupe du 10 mai 1999, il avait été nommé
"directeur général de D. avec effet rétroactif au 1er janvier 1999" et,
selon les déclarations concordantes des parties sur ce point, il avait
occupé à Zurich la fonction de "directeur de la branche suisse du groupe" et
de membre de la direction du groupe dès le 1er septembre 1999. Dans ces
conditions, force est de constater que le titre de directeur (général)
désignait des fonctions diverses, dont le contenu n'est pas d'emblée
reconnaissable. Les déclarations du recourant à l'Office cantonal des impôts
zurichois à propos du poste de directeur de la branche suisse de D., selon
lesquelles il était chargé des activités d'assurances, à l'exclusion de la
comptabilité, de D. en Suisse, par le truchement de l'assurance C. et de E.,
n'apportent pas plus de précision. Si certes, ces éléments laissent entendre
qu'il s'agissait d'un poste important, ils ne permettent en revanche pas de
définir avec certitude et précision l'ampleur de la fonction, d'autant moins
que le recourant a également affirmé disposer jusqu'au 5 novembre 2002 d'un
bureau à S., en tant que membre du conseil d'administration de l'assurance
C., où il exécutait certaines tâches.

  5.2  S'agissant du nombre de collaborateurs qu'il avait directement et
indirectement sous ses ordres, le recourant a déclaré à l'Office cantonal
des impôts zurichois avoir eu globalement sous ses ordres

1'500 collaborateurs à Zurich, et en dehors du canton de Zurich environ
2'100 à 2'200 collaborateurs, dont la plus grande partie à l'ouest de la
Suisse, en particulier à S. Le nombre important de sociétés dans lesquelles
le recourant occupait des fonctions permet de penser, avec une certaine
vraisemblance, que la société holding du groupe détenait des parts
déterminantes dans de nombreuses sociétés séparées disposant de leur propre
conseil d'administration ainsi que de leur propre direction. Or, si la
responsabilité indirecte des collaborateurs de sociétés dont les
participations sont détenues par la société holding est certainement lourde
et exigeante, elle ne confère pas nécessairement un caractère dirigeant au
sens de la jurisprudence à la fonction exercée au sein d'une holding. Dans
le contexte de la double imposition intercantonale, en effet, il n'y a
aucune raison d'adopter une vision consolidée du groupe, le droit fiscal
suisse ne connaissant pas - sous réserve de dispositions particulières - de
droit des groupes de sociétés (ATF 110 Ib 127 consid. 3b/aa p. 132, 222
consid. 3a p. 226; Archives 65 p. 51, consid. 3b; en matière de double
imposition: arrêt 2P.106/1996 du 16 novembre 1998, consid. 1c).

  Par conséquent, en s'arrêtant à la seule dénomination de "directeur de la
branche suisse pour les activités d'assurances de D.", sans produire de
cahier des charges ni d'organigramme de la société holding dans laquelle le
recourant était formellement inscrit comme directeur général depuis 1997
déjà, et en l'absence d'autres éléments probants ressortant du dossier, le
canton de Zurich n'a pas établi de manière certaine en procédure que ce
dernier menait une activité répondant aux conditions d'une fonction
dirigeante dans le canton de Zurich durant l'année 2001. Cette question peut
au demeurant rester indécise.

  5.3  Dans la jurisprudence rendue jusqu'à aujourd'hui en matière de
fonction dirigeante (cf. consid. 4.3 ci-dessus), tous les contribuables pour
lesquels le Tribunal fédéral a admis un domicile fiscal principal distinct
du lieu de résidence de la famille disposaient d'un logement propre à libre
disposition sur le lieu du travail en raison des contraintes de la fonction.
La situation du recourant est différente à cet égard.

  Il ressort en effet des déclarations de ce dernier que, durant la période
pendant laquelle il avait été directeur de la branche suisse du groupe, y
compris en 2001, en dehors des jours où il était en voyage

d'affaires, il dormait occasionnellement à T. dans l'appartement réservé aux
hôtes du groupe, qui ne lui demandait aucun dédommagement à cet effet.
L'Office cantonal des impôts zurichois a d'ailleurs constaté qu'il n'avait
jamais figuré sur les registres des hôtels zurichois ni disposé d'un autre
logement. Il ne conservait dans l'appartement en cause aucun effet
personnel. Cet appartement ne lui était pas exclusivement réservé. Il
servait à accueillir les directeurs de l'étranger. Lorsqu'il dormait en
semaine à R., il retournait à T. très tôt le matin pour éviter les problèmes
de circulation, ce que confirme une attestation écrite de son chauffeur.
Enfin, il ne fréquentait ni les cinémas ni l'opéra ni le théâtre à T. En
revanche, il a déclaré de façon constante avoir toujours voulu conserver du
temps pour sa famille et sa vie privée. A R., il était membre d'un club de
tennis et de l'association pour l'achat de l'orgue de l'église et disposait
d'un petit bateau à moteur sur le lac Léman. Il passait à R. tous les
mercredis soirs et y retournait le plus souvent possible les autres soirs de
la semaine. Il passait également les fins de semaines et son temps libre à
R. auprès de son épouse et de ses trois enfants, nés en 1983, 1984 et 1988.
Quoi qu'en pense l'Administration cantonale des impôts zurichoise, ces
éléments sont dûment établis et ne sauraient voir leur valeur probante mise
en doute sur la seule foi du cours ordinaire des choses.

  Le partage des impôts d'un même contribuable entre deux cantons
n'intervient en principe qu'à titre exceptionnel (ATF 125 I 458 consid. 2d
p. 468 et les références citées). Dans ces conditions, comme le recourant
partageait son temps entre ses voyages d'affaires, ses séjours réguliers en
semaine ainsi qu'en fin de semaine auprès de sa famille et sa fonction de
directeur à T., il convient de considérer que l'absence d'un logement propre
à T. est une circonstance importante qui rapproche la situation du recourant
de celle d'un pendulaire dont le centre des intérêts personnels et familiaux
se trouve au lieu de séjour durable de la famille. En effet, le poids de ses
responsabilités professionnelles en tant qu'il les exerçait à T. ne
l'emportait ni sur l'importance des activités qu'il menait ailleurs depuis
S. et son domicile familial ni sur sa vie de famille. Par conséquent, quelle
qu'ait été l'importance de la fonction du recourant, force est de constater
qu'il manque certains éléments - propres à la fonction dirigeante au sens
fiscal - pour qu'il puisse être considéré comme domicilié dans le canton de
Zurich à cette époque.