Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 II 469



Urteilskopf

132 II 469

  37. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A.
contre Office fédéral de la justice (recours de droit administratif)
  1A.172/2006 / 1A.206/2006 du 7 novembre 2006

Regeste

  Art. 2 lit. b und c, Art. 55 Abs. 2 IRSG; Art. 3 Ziff. 2 EAUe; Art. 33 des
Abkommens über die Rechtsstellung der Flüchtlinge.

  Ist das Asyl bereits durch einen rechtskräftigen Entscheid abgelehnt
worden, hält sich der Auslieferungsrichter grundsätzlich an die Erwägungen,
die zu dieser Ablehnung geführt haben (E. 2.1-2.5). Im vorliegenden Fall
sind die Behauptungen einer Verfolgung nicht wahrscheinlich (E. 2.6 und
2.7).

Sachverhalt ab Seite 469

  A., ressortissant géorgien né en 1967, a déposé une demande d'asile en
Suisse le 10 août 2003, sous une fausse identité. Il se prétendait d'origine
tchétchène, victime notamment d'un enlèvement et d'agressions en Russie. Par
décision du 14 octobre 2004, l'Office fédéral des réfugiés (ODR) a rejeté la
demande. Le requérant n'avait pas établi son identité; ses déclarations,
vagues, n'étaient étayées par aucune preuve; après plusieurs arrestations
pour vol, le requérant avait été condamné en Suisse à un mois
d'emprisonnement et cinq ans d'expulsion ferme.

  A. a été arrêté le 10 février 2006 sur la base d'un mandat d'arrêt délivré
le 10 janvier 2006 par un Tribunal de Tbilissi (Géorgie), pour l'attaque en
bande et à main armée d'un bus, en août 2001. Les auteurs se seraient servi
d'un minibus volé et auraient emporté l'argent et les objets de valeur des
occupants du bus. Le 5 décembre 2001, A. aurait aussi commis un brigandage
en bande dans une villa et aurait emporté de nombreux bijoux. Entendu le
jour de son arrestation, A. a contesté les faits mis à sa charge, s'estimant
poursuivi pour des motifs politiques.

  La demande formelle d'extradition a été présentée le 6 mars 2006 par le
Parquet général de Géorgie. Il en ressort que A. est poursuivi pour meurtre
aggravé, séquestration, brigandage, vol, dommage à la propriété et port
d'armes illicite. Outre les faits mentionnés dans le mandat d'arrêt, il lui
est également reproché d'avoir, en mai 2001, enlevé et séquestré B.,
exigeant 600'000 USD de rançon. Après avoir réduit leurs exigences à 65'000
USD, les ravisseurs, de peur d'être découverts, avaient tué la victime.

  Entendu à nouveau le 15 mars 2006, A. s'est derechef opposé à son
extradition. Il ajoutait que son frère, journaliste en Géorgie, avait subi
un empoisonnement, puis avait été assassiné à l'hôpital. Son nom était très
connu en Géorgie, et il avait été à l'école avec l'actuel président de ce
pays. Le but de l'autorité requérante était de l'emprisonner et de
l'assassiner. Le jour de l'enlèvement, il se trouvait à une fête de famille.
Il contestait sa participation à l'attaque du bus et de la villa. Il
invoquait le délit politique en raison de l'opposition de sa famille au
pouvoir en place.

  Le 12 avril 2006, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a demandé aux
autorités géorgiennes de fournir diverses garanties quant au respect des
droits de l'homme et de la défense.

  L'Ambassade de Géorgie a transmis, le 5 mai 2006, les garanties fournies
par le Procureur général de Géorgie.

  A la demande de l'OFJ, le Département fédéral des affaires étrangères
(DFAE) a pris position le 18 juillet 2006. L'enlèvement et le meurtre de B.
ainsi que l'attaque du bus étaient des affaires célèbres en Géorgie, et un
refus d'extradition serait incompréhensible tant pour les autorités que pour
l'opinion publique. Rien ne permettait de penser à une affaire politique,
l'intéressé ayant commis des infractions, sous diverses identités, dans
plusieurs pays d'Europe. Toutefois, des garanties supplémentaires
s'imposaient compte tenu de la situation relative aux conditions de
détention.

  Le 21 juillet 2006, l'OFJ a demandé aux autorités géorgiennes de fournir
des garanties complémentaires concernant le choix et la libre communication
avec un avocat, le lieu de détention et le droit de visite de la
représentation suisse. Le 28 juillet 2006, le Parquet général de Géorgie a
donné les garanties requises.

  Par décision du 25 août 2006, l'OFJ a accordé l'extradition pour les faits
mentionnés dans la demande du 6 mars 2006, à l'exception de ceux relatifs à
la législation sur les armes et munitions pour lesquels la condition de la
double incrimination n'était pas réalisée. Les autres faits étaient
constitutifs, en droit suisse, de séquestration et enlèvement aggravés,
meurtre ou assassinat et brigandage. L'Office fédéral des migrations (ODM)
avait déjà examiné les conditions relatives à la sécurité de l'intéressé en
Géorgie, puisqu'il avait délivré un laisser-passer afin d'exécuter le renvoi
dans ce pays. Un accord de réadmission était en voie de conclusion, et les
garanties données à cet égard par l'autorité requérante étaient suffisantes.
Etait réservée la décision du Tribunal fédéral concernant les éventuels
motifs politiques de la demande. La procédure d'extradition ne permettait
pas d'examiner les arguments à décharge. L'autorité requérante avait
confirmé sa demande après avoir pris connaissance des documents présentés à
l'appui de l'alibi, de sorte qu'il appartiendrait au juge du fond de statuer
à ce sujet. L'OFJ a simultanément rejeté une demande de mise en liberté.

  Par requête formée le même jour, fondée sur l'art. 55 al. 2 EIMP (cause
1A.172/2006), l'OFJ demande au Tribunal fédéral de rejeter le grief relatif
au délit politique.

  A. s'oppose à cette requête en concluant au rejet de la demande
d'extradition et à sa mise en liberté immédiate. Par acte du 27 septembre
2006, il forme par ailleurs un recours de droit administratif contre la
décision d'extradition du 25 août 2006 (cause 1A.206/2006). Il demande
l'annulation de cette décision et le refus de l'extradition. Il requiert sa
mise en liberté immédiate, ainsi que l'assistance judiciaire.

  Le Tribunal fédéral a admis la requête de l'OFJ et rejeté le grief relatif
au délit politique. Il a rejeté le recours de droit administratif.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.

  2.1  Dans la mesure où le recourant reproche à l'OFJ de ne pas avoir
suffisamment examiné l'argument tiré du délit politique, le grief est

manifestement mal fondé. En effet, conformément à l'art. 55 al. 2 EIMP,
c'est au Tribunal fédéral qu'il appartient de statuer sur ce point. L'OFJ se
contente de présenter une proposition, sans avoir à examiner la question de
manière définitive. Il ne peut par conséquent se voir reprocher sur ce point
une violation de son pouvoir d'appréciation.

  2.2  Aux termes des art. 3 par. 1 de la Convention européenne
d'extradition du 13 décembre 1957 (CEExtr; RS 0.353.1) et 3 al. 1 de la loi
fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale
(EIMP; RS 351.1), l'extradition ne sera pas accordée si l'infraction pour
laquelle elle est demandée est considérée par l'Etat requis comme une
infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction.

  Selon la jurisprudence, constitue un délit politique absolu celui qui est
dirigé exclusivement contre l'organisation sociale et politique de l'Etat;
il s'agit typiquement des actes tendant au renversement de l'Etat (sédition,
coup d'Etat, haute trahison). Constitue un délit politique relatif
l'infraction de droit commun qui revêt néanmoins un caractère politique
prépondérant: il doit avoir été commis dans le cadre d'une lutte pour ou
contre le pouvoir. Enfin, par fait connexe à une infraction politique, on
entend l'acte punissable selon le droit commun, mais qui bénéficie aussi
d'une certaine immunité parce qu'il a été accompli parallèlement à un délit
politique, généralement pour préparer, faciliter, assurer ou masquer la
commission de celui-ci, voire en procurer ultérieurement l'immunité (ATF 130
II 337 consid. 3.2 et les arrêts cités).

  2.3  Il ressort clairement du rappel de ces notions que les infractions
décrites dans la demande n'ont aucunement le caractère d'un délit politique.
Le recourant ne prétend d'ailleurs pas que les infractions qui lui sont
reprochées s'inscriraient, directement ou non, dans le cadre d'une lutte
politique. Le grief tiré de l'art. 3 EIMP est par conséquent manifestement
mal fondé. L'argument du recourant relève bien plutôt des art. 3 par. 2
CEExtr et 2 let. b et c EIMP.

  2.4  Selon ces dispositions, la demande est irrecevable s'il y a lieu
d'admettre que la procédure dans l'Etat requérant, apparemment motivée par
des délits de droit commun, tend en réalité à poursuivre une personne en
raison de ses opinions politiques, de son appartenance à un groupe social
déterminé, de sa race, de sa confession ou de sa nationalité, ou lorsque la
procédure risque d'aggraver la situation de la personne poursuivie pour
l'une de ces raisons.

  La personne visée par une demande d'extradition et qui soulève le grief de
violation de l'art. 2 let. b EIMP ne peut se borner à dénoncer une situation
politico-juridique particulière; il lui appartient de rendre vraisemblable
l'existence d'un risque sérieux et objectif d'un traitement discriminatoire
prohibé (ATF 123 II 161 consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p. 517; 122 II 373
consid. 2a p. 377, et les arrêts cités). Il ne suffit pas non plus de
prétendre que la procédure pénale ouverte à l'étranger s'inscrirait dans le
cadre d'un règlement de comptes, tendant à l'éliminer de la scène politique
(ATF 115 Ib 68 consid. 5a p. 85; 109 Ib 317 consid. 16c p. 338/339). La
personne recherchée doit au contraire apporter des éléments concrets
permettant de supposer qu'elle serait poursuivie pour des motifs cachés,
ayant trait notamment à ses opinions politiques (ATF 129 II 268 consid. 6.3
p. 272).

  2.5  Lorsque la personne visée par une demande d'extradition a déposé une
demande d'asile en Suisse, l'autorité qui accorde l'extradition doit éviter
que les obligations conventionnelles en matière d'extradition n'entrent en
conflit avec les obligations de la Suisse découlant de la Convention
relative au statut des réfugiés (RS 0.142.30). Elle doit ainsi statuer sous
réserve du cas où l'asile serait accordé (ATF 122 II 373 consid. 2d p. 380).
Lorsque l'asile a déjà été accordé, l'autorité d'extradition est liée par
cette décision et il n'y a plus de possibilité pour une extradition
(principe du non-refoulement, art. 33 de la Convention; arrêt 1A.267/2005 du
14 décembre 2005). Lorsqu'en revanche l'asile a été préalablement refusé par
une décision entrée en force, le Tribunal fédéral, saisi d'une objection
relative au délit politique, ne peut faire abstraction de cette décision,
dans la mesure où les conditions de reconnaissance du statut de réfugié
dépendent de critères analogues à ceux qui sont posés à l'art. 3 par. 2
CEExtr (ATF 122 II 373 consid. 2d p. 380/381). Le Tribunal fédéral statue
certes librement dans le cadre de l'art. 55 EIMP. Toutefois, dans le souci
d'éviter des décisions contradictoires, il ne s'écarte en principe pas des
faits constatés dans le cadre de la procédure d'asile - sous réserve
notamment de faits nouveaux - et ne s'écarte pas non plus sans raison des
considérations ayant conduit au refus de l'asile.

  Le recourant relève que sa demande d'asile a été déposée sous un faux nom
et une autre nationalité, de sorte que l'examen de l'ODR aurait eu lieu sur
la base de faits ne correspondant pas à la réalité. Cela justifierait un
réexamen complet de la question. Il n'en demeure pas moins que les
affirmations du recourant, considérées comme trop

vagues par l'ODR, sont reprises par le recourant (sous réserve de son
identité et de sa nationalité), sans davantage de précisions.

  2.6  Le recourant prétend en effet qu'il serait persécuté par le pouvoir
en place, à l'instar d'autres membres de sa famille. En particulier, son
frère, journaliste célèbre, serait décédé après une tentative
d'empoisonnement alors qu'il enquêtait sur le décès du premier ministre; un
"autre parent et proche du recourant", ministre des sports en Géorgie,
aurait été démis de ses fonctions après l'arrivée de l'actuel président,
puis assassiné près de son domicile. Le recourant prétend qu'il connaît
l'actuel président pour s'être trouvé durant dix ans dans la même classe à
l'école; l'animosité entre étudiants se serait transformée en opposition sur
le plan politique.

  Outre que le recourant n'apporte pas la moindre preuve des faits qu'il
allègue, ceux-ci ne sont pas suffisamment précis pour rendre vraisemblables
les intentions que le recourant prête aux autorités géorgiennes. Il ne
suffit en effet pas de prétendre, comme le fait le recourant, que l'ensemble
de sa famille serait opposée au pouvoir en place. On ignore en quoi
consisterait cette opposition, et de quelle manière elle se serait
manifestée, au point de provoquer une réaction de la part des dirigeants de
l'Etat. Le père du recourant est décrit comme "une personne influente,
directeur d'une grande salle de cinéma à Tbilissi"; le recourant ne dit rien
sur l'influence réelle de cette personne dans le cadre de la vie politique
en Géorgie. Il ne dit rien non plus à propos de son frère, dont il affirme
pourtant qu'il aurait été un écrivain et journaliste très connu. Il affirme
être membre du "Labor Party", opposé au président, sans toutefois prétendre
qu'il serait particulièrement actif dans ce cadre, ni même que les membres
de ce parti feraient l'objet d'une répression systématique. Rien ne permet
non plus d'affirmer que les différentes agressions dont le recourant prétend
avoir été victime seraient motivées par le rôle politique du recourant ou de
sa famille. Enfin, s'il prétend être menacé dans son pays d'origine en
raison de ses activités ou opinions politiques, on ne comprend pas que le
recourant ait jugé opportun de demander l'asile en Suisse sous un faux nom
et une fausse nationalité, ce qui rendait d'emblée plus incertain le sort de
sa demande d'asile.

  2.7  (...) L'argument tiré du caractère politique de la demande doit par
conséquent être écarté.