Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 II 408



Urteilskopf

132 II 408

  34. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Eole-Res SA et Conseil d'Etat de la République et Canton de Neuchâtel,
chacun contre A. et consorts (recours de droit administratif et recours de
droit public)
  1A.122/2005 / 1A.134/2005 / 1P.288/2005 du 31 août 2006

Regeste

  Raumplanung, Schutzzone, Energiepolitik, kantonaler Nutzungsplan für
Windkraftanlagen.

  Nutzungsänderung eines als Schutzzone im Sinne von Art. 17 Abs. 1 RPG
ausgeschiedenen Gebietes; Anforderungen gemäss Art. 21 Abs. 2 RPG (E. 4.1
und 4.2).

  Abwägung der Interessen zur Feststellung des öffentlichen Interesses und
der Verhältnismässigkeit einer umstrittenen raumplanerischen Massnahme (Art.
36 Abs. 2 und 3 BV i.V.m. Art. 26 Abs. 1 BV); Gegenüberstellung der
Wichtigkeit bzw. des Interesses an der Erhaltung eines Naturschutzgebietes
einerseits und des Interesses an der Umsetzung der vom Bund und von den
Kantonen entwickelten Politik zur Förderung erneuerbarer Energien
andererseits (E. 4.3-4.5).

Sachverhalt

  En 1997, l'administration cantonale neuchâteloise a engagé une étude
préliminaire visant à évaluer les sites potentiels les plus favorables pour
des installations de production d'énergie éolienne. Le site du Crêt-Meuron a
été retenu, avec d'autres, dans le cadre de cette étude. Ce site, au
lieu-dit "Derrière Tête-de-Ran" à environ 1'300 m d'altitude, se trouve à
proximité du col de la Vue-des-Alpes, à quelques kilomètres de la ville de
La Chaux-de-Fonds, sur le territoire des communes de Fontaines et des
Hauts-Geneveys. Il est compris dans le périmètre du "plan des sites naturels
du canton" annexé au décret du 14 février 1966 concernant la protection des
sites naturels du canton (ci-après: le décret de 1966 [RSN 461.303]). Ce
site fait partie des "zones de crêtes et de forêts", en principe non
constructibles. Le plan d'aménagement (plan général d'affectation) de la
commune des Hauts-Geneveys, de 1995, classe le site du Crêt-Meuron - pour la
partie située sur le territoire de cette commune - dans la zone de crêtes et
forêts, qualifiée de "zone à protéger" et de "zone d'affectation cantonale".
Quant au plan d'aménagement de la commune de Fontaines, de 2001, il classe
le reste de ce site à la fois dans la zone de crêtes et forêts (zone
d'affectation cantonale) et dans la zone agricole (zone d'affectation
communale).

  Après l'étude préliminaire précitée, l'administration cantonale a élaboré,
puis mis en consultation en juin 2001, une nouvelle fiche de coordination
9-0-04 du plan directeur cantonal. L'objet de cette fiche est ainsi décrit:
"Planification cantonale pour l'implantation de deux parcs d'éoliennes en
vue de la production d'énergie électrique; le premier parc est planifié sur
le site du Crêt-Meuron; le deuxième parc doit encore être déterminé". Le 29
août 2001, le Conseil d'Etat a complété le plan directeur cantonal en y
insérant la fiche 9-0-04. Cette adjonction a été approuvée par le Conseil
fédéral le 4 décembre 2001.

  Un projet de parc éolien au Crêt-Meuron a été mis au point par le service
cantonal de l'énergie, l'association Suisse-Éole (association pour la
promotion de l'énergie éolienne en Suisse) et la société anonyme française
Eole-Res SA, présentée comme le "développeur" du projet. Le Département
cantonal de la gestion du territoire (DGT - ci-après: le département
cantonal) a élaboré, puis adopté le 20 décembre 2001, un projet de plan
d'affectation cantonal, avec un périmètre général de 111.5 ha et des
"périmètres d'évolution" (cercles d'un diamètre de 50 m) pour sept éoliennes
réparties dans le périmètre général. Le plan figure encore trois autres
périmètres d'évolution (pour un mât de mesures, un bâtiment technique et un
parking), des chemins d'accès, des périmètres de revitalisation des
pâturages boisés ainsi que des emplacements de mares à créer (mesures de
compensation). Il reprend pour le reste les données relatives à
l'affectation des zones selon le plan annexé au décret de 1966 ou selon les
plans communaux. Le règlement du plan d'affectation cantonal (RPAC) prévoit
que ce plan (PAC) définit les règles d'utilisation du sol applicables aux
constructions et installations nécessaires au parc éolien; pour autant que
ce règlement n'en dispose pas autrement, les prescriptions des règlements
sur les constructions des communes de Fontaines et des Hauts-Geneveys
demeurent applicables (art. 2 RPAC). Les dispositions de l'art. 2 du décret
de 1966 sont également applicables, sauf à l'intérieur des périmètres
d'évolution (art. 4 ch. 1 RPAC). L'art. 5 ch. 2 RPAC définit les
caractéristiques des sept éoliennes: chacune est constituée d'un mât de 60 m
de haut sur lequel est fixé un rotor à trois pales de 66 m de diamètre; la
hauteur totale d'une éolienne ne doit pas dépasser 93 m.

  Le projet de plan d'affectation cantonal a été mis à l'enquête publique du
11 au 31 janvier 2002. Le dossier comprenait, outre le plan et le règlement,
un document intitulé "rapport de conformité selon art. 47 OAT/notice
d'impact sur l'environnement", établi par le bureau d'ingénieurs N., à
Neuchâtel. Plusieurs particuliers, surtout des propriétaires de résidences
secondaires dans les environs, ainsi que deux organisations de protection de
la nature ont formé opposition. Le département cantonal a écarté ces
oppositions par trois décisions motivées, rendues le 18 février 2003.

  Les opposants ont recouru auprès du Tribunal administratif cantonal contre
les décisions du département cantonal. Les deux recours - l'un formé par les
deux organisations, l'autre par les particuliers - ont été joints. Le
Tribunal administratif a, par un arrêt rendu le

31 mars 2005, admis les recours et annulé les décisions attaquées. En
substance, il a effectué une pesée des intérêts en présence, retenant
notamment que la planification du parc éolien devait répondre à des
exigences au moins aussi sévères que celles prévues pour l'octroi d'une
dérogation selon l'art. 24 LAT (RS 700). Il a considéré que la zone de
crêtes dans laquelle s'inscrit le périmètre du plan d'affectation cantonal
litigieux bénéficiait d'une protection particulière. Il a qualifié
d'"extrêmement faible, sinon quasi insignifiant" l'intérêt, ou l'utilité
concrète, d'augmenter la production d'énergie par la réalisation d'un parc
éolien; l'intérêt à la préservation des espaces naturels devait donc
l'emporter. A ce propos, il a considéré que les éoliennes seraient bien
visibles depuis de nombreux sites, dans un rayon de plusieurs kilomètres
(sommet de Tête-de-Ran, Vue-des-Alpes, haut de la ville de La
Chaux-de-Fonds, versant nord de la vallée de La Sagne, notamment); l'impact
sur le paysage serait important, aussi dans la région de Tête-de-Ran, site
particulièrement fréquenté en tant que zone de délassement. D'après cet
arrêt, la plus grande partie du périmètre du plan d'affectation cantonal est
située dans une région pratiquement vierge de toute autre construction ou
installation; au nord-est de ce périmètre, il se trouve toutefois un téléski
et une ligne électrique aérienne à haute-tension.

  Agissant par la voie du recours de droit public, la société Eole-Res a
demandé au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif.
Invoquant la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.) ainsi que la
liberté économique (art. 27 Cst.), elle qualifie cette décision
d'arbitraire, notamment à cause d'une pesée incomplète des intérêts en jeu.
Cette société a en outre formé un recours de droit administratif contre
l'arrêt du Tribunal administratif. Le Conseil d'Etat du canton a également
formé un recours de droit administratif.

  Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables les deux recours de droit
administratif. Il est entré en matière sur le recours de droit public formé
par la société Eole-Res (conformément à la règle de l'art. 34 al. 3 LAT, la
contestation portant sur un plan d'affectation), il l'a admis et il a annulé
l'arrêt du Tribunal administratif.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 4

  4.  La recourante qualifie la décision attaquée d'arbitraire, parce
qu'elle serait en contradiction évidente avec la situation de fait. Elle
reproche au Tribunal administratif une appréciation insoutenable des
intérêts en jeu, en particulier de l'intérêt public que représente

la production de l'énergie éolienne. Elle soutient également que ce
Tribunal, s'arrogeant la compétence de statuer en opportunité - contrôle
pour lequel il doit s'imposer une certaine retenue, par rapport aux choix
politiques qu'il n'aurait ni la vocation ni les moyens de contrôler -, n'a
pas pris en considération tous les intérêts en jeu, et a donc exercé de
manière incomplète son pouvoir de cognition. Elle fait grief aux juges
cantonaux, en substance, d'avoir ignoré les aspects favorables au projet
pour n'en retenir que les rares aspects négatifs, notamment en surestimant
l'importance du paysage.

  4.1  En adoptant le plan d'affectation cantonal litigieux, le département
cantonal a pris une décision tendant à modifier (après l'approbation par le
Conseil d'Etat) le régime juridique d'une zone ayant principalement les
caractéristiques d'une zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT, et
accessoirement celles d'une zone agricole au sens de l'art. 16 LAT. Ce
régime juridique a été défini par le plan cantonal annexé au décret de 1966
ainsi que, plus tard, par les plans d'aménagement des communes de Fontaines
et des Hauts-Geneveys.

  Le décret de 1966 définit, dans son périmètre, trois genres de zones: les
zones de crêtes et de forêts, les zones de vignes et de grèves, les zones de
constructions basses (art. 1er al. 2). Les zones de crêtes et de forêts
sont, en vertu de l'art. 2 al. 1 du décret de 1966 - article révisé en 1988
-, "soumises aux dispositions applicables aux zones situées hors de la zone
d'urbanisation telles qu'elles sont prévues par la loi cantonale sur
l'aménagement du territoire (LCAT), du 24 juin 1986". L'art. 8 de ce décret
prévoit en outre qu'il n'a pas pour effet, dans le périmètre général de ces
zones, de "restreindre (...) l'édification de bâtiments servant à des fins
d'utilité publique". Le décret de 1966, dans sa teneur actuelle, ne définit
pas plus précisément le régime applicable au site du Crêt-Meuron. Avant la
révision de 1988, l'art. 2 al. 1 du décret interdisait d'édifier, dans les
zones de crêtes et de forêts, "des bâtiments servant à un but étranger à
l'économie agricole, viticole ou forestière"; il contenait déjà la réserve
de l'art. 8 al. 1 au sujet des bâtiments d'utilité publique (cf. ancien
Recueil de la législation neuchâteloise, tome III, p. 696).

  Actuellement, depuis la révision de 1988 - qui avait pour but d'adapter ce
plan cantonal aux exigences de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire, comme cela est exposé dans l'arrêt attaqué (cf. également arrêt
1A.120/2001 du 18 janvier 2002, à propos

d'une réduction des zones de constructions basses au lieu-dit Chaumont) -,
on peut considérer que la zone de crêtes et de forêts au Crêt-Meuron est une
zone à protéger au sens de l'art. 17 al. 1 let. b LAT ("paysages d'une
beauté particulière, d'un grand intérêt pour les sciences naturelles ou
d'une grande valeur en tant qu'éléments du patrimoine culturel"),
inconstructible sous réserve éventuellement de la possibilité d'y édifier
des constructions agricoles ou forestières. En résumé, le plan annexé au
décret de 1966 est donc actuellement un plan d'affectation au sens des art.
14 ss LAT; c'est du reste ainsi que le Tribunal administratif a interprété
la portée des mesures d'aménagement prévues, à l'endroit litigieux, par le
décret de 1966.

  4.2  En révisant le décret de 1966 après l'entrée en vigueur de la loi
fédérale sur l'aménagement du territoire, le législateur cantonal y a
également introduit un renvoi aux règles de procédure applicables aux plans
d'affectation cantonaux (art. 9 al. 1 du décret, renvoyant aux art. 25 à 30
LCAT). Si, dans le périmètre général du plan des sites naturels (art. 1er du
décret), les autorités cantonales envisagent une modification partielle ou
ponctuelle de la limite des zones, ce projet doit être établi par le service
chargé de l'aménagement du territoire (art. 25 al. 1 LCAT) et il incombe au
département de statuer sur les oppositions (art. 26 al. 2 LCAT). Ces
modifications peuvent intervenir lorsque sont réunies les conditions prévues
par le droit fédéral et le droit cantonal pour l'adaptation des plans
d'affectation.

  L'art. 21 al. 2 LAT dispose que lorsque les circonstances se sont
sensiblement modifiées, les plans d'affectation feront l'objet des
adaptations nécessaires. Le législateur fédéral a ainsi choisi une solution
de compromis entre deux exigences contradictoires: d'une part, l'aménagement
du territoire étant un processus continu, et la détermination des
différentes affectations impliquant des pesées d'intérêts fondées sur des
circonstances changeantes et des pronostics qui ne se confirment jamais
entièrement, l'adaptation périodique des plans d'affectation est
indispensable pour assurer, progressivement, leur conformité aux exigences
légales; d'autre part, il faut tenir compte des intérêts privés et publics
dont la protection nécessite une certaine sécurité juridique (cf. THIERRY
TANQUEREL, Commentaire LAT, Zurich 1999, nos 11 ss ad art. 21 LAT). La
jurisprudence souligne que, pour apprécier l'évolution des circonstances et
la nécessité d'adapter un plan d'affectation, une pesée des intérêts

s'impose (ATF 131 II 728 consid. 2.4 p. 733). L'intérêt à la stabilité du
plan, que les propriétaires fonciers peuvent invoquer dans certaines
circonstances, doit être mis en balance avec l'intérêt à l'adoption d'un
nouveau régime d'affectation, qui peut lui aussi être protégé par la
garantie de la propriété (cf. ATF 120 Ia 227 consid. 2 p. 232-234). Selon
les cas, des intérêts publics pourront également justifier soit la stabilité
du plan, soit son adaptation. Il incombe donc à l'autorité appelée à statuer
sur un projet de modification d'un plan en vigueur d'examiner, en fonction
des circonstances concrètes, une pluralité d'intérêts (cf. ATF 128 I 190
consid. 4.2 p. 198).

  La jurisprudence a eu l'occasion de préciser, à propos de l'élaboration
d'un plan d'affectation spécial en vue de la réalisation d'une installation
non susceptible d'obtenir une autorisation dérogatoire hors de la zone à
bâtir, à cause de ses dimensions voire de ses incidences sur la
planification locale ou sur l'environnement, que la révision partielle du
plan d'affectation - par l'adoption d'un plan d'affectation spécial - ne
devait pas être soumise à des exigences moins strictes que l'octroi d'une
dérogation selon l'art. 24 LAT. Cela signifie que l'autorité qui établit le
plan d'affectation doit vérifier que l'implantation des constructions ou
installations à l'endroit retenu est imposée par leur destination (cf. art.
24 let. a LAT), et qu'elle doit examiner si aucun intérêt prépondérant ne
s'oppose au projet (cf. art. 24 let. b LAT). En d'autres termes, l'autorité
de planification doit procéder à une pesée générale des intérêts et, dans ce
cadre, évaluer d'éventuels emplacements alternatifs (cf. ATF 124 II 391
consid. 2c p. 393; 116 Ib 50 consid. 3b p. 55; 115 Ib 508 consid. 6b p. 514;
arrêt 1A.79/1996 du 9 août 1996, consid. 4d/cc, publié in ZBl 98/1997 p.
231; TANQUEREL, op. cit., n. 50/51 ad art. 21 LAT; PETER HÄNNI, Planungs-,
Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 4e éd., Berne 2002, p. 532). Il n'en
demeure pas moins que si, avec l'évolution des circonstances, une mise en
oeuvre correcte des buts et principes de l'aménagement du territoire (art. 1
et 3 LAT) ainsi qu'une concrétisation des objectifs du plan directeur
cantonal commandent de réviser un plan d'affectation, dans un périmètre
restreint et en vue de la réalisation d'un projet particulier, l'autorité de
planification doit pouvoir prendre les décisions nécessaires sans être
limitée par une interprétation stricte des critères de l'art. 24 LAT. Cette
autorité n'est en effet pas dans la même position que celle qui délivre des
autorisations ou des dérogations en veillant à ne pas mettre en péril la
réalisation du plan d'affectation en vigueur.

  Dans le périmètre du plan des sites naturels du canton, selon l'art. 1er
du décret de 1966, le droit cantonal énonce des prescriptions
complémentaires à celles de l'art. 21 al. 2 LAT. L'art. 9 al. 2 de ce décret
permet à l'autorité cantonale, "pour des raisons esthétiques, économiques ou
financières ou encore pour des raisons liées aux impératifs d'aménagement du
territoire", de "réviser le périmètre des différentes zones et créer ou
supprimer des zones de constructions basses"; la surface totale des zones de
crêtes, de forêts et de constructions basses ne doit cependant pas être
réduite à moins de 370 km² (art. 9 al. 2 let. b). En l'occurrence, le plan
d'affectation cantonal prévoit, dans la plus grande partie de son périmètre,
le maintien du régime applicable dans les zones de crêtes et de forêts, sauf
à l'intérieur des périmètres d'évolution délimités pour sept éoliennes, un
mât de mesures, un bâtiment technique et un parking (art. 4 ch. 1 RPAC). Le
maintien, dans le canton, d'une surface globalement suffisante de zones de
crêtes et de forêts n'est à l'évidence pas compromis. Des "impératifs
d'aménagement du territoire" peuvent par ailleurs être invoqués pour
justifier l'adoption du projet litigieux. En somme, l'art. 9 al. 2 du décret
de 1966 n'impose pas, dans le cas particulier, une pesée des intérêts selon
des critères différents de ceux développés par la jurisprudence au sujet de
l'art. 21 al. 2 LAT.

  Pour définir le cadre de la contestation, le Tribunal administratif a
exposé que la question de la compatibilité entre le projet de parc éolien et
les dispositions du décret de 1966 ne se posait pas en tant que telle; la
force normative du plan d'affectation cantonal contenu dans le décret de
1966, adopté par le législateur et le peuple (référendum du 20 mars 1966),
n'était formellement pas supérieure à celle du plan d'affectation cantonal
spécial pour le parc éolien. Ces considérations sont correctes, au regard de
la règle de l'art. 21 al. 2 LAT. On ne saurait en effet, sur la base du
droit fédéral, poser comme principe l'intérêt à la stabilité du plan des
sites naturels annexé au décret de 1966.

  4.3  Quand la contestation porte sur la modification d'un plan
d'affectation, les parties admises à se prévaloir de la garantie de la
propriété (art. 26 al. 1 Cst.) peuvent se plaindre du fait que les nouvelles
restrictions qui leur sont imposées ne sont pas justifiées par un intérêt
public (cf. art. 36 al. 2 Cst.) ni conformes au principe de la
proportionnalité (cf. art. 36 al. 3 Cst.). Elles peuvent en d'autres termes
critiquer sous cet angle l'application des règles d'aménagement

du territoire et le résultat de la pesée des intérêts. Ces questions
relèvent en principe du contrôle de la légalité, les intérêts à prendre en
compte étant protégés par des normes du droit fédéral ou cantonal, dans le
domaine de l'aménagement du territoire proprement dit (art. 1, 3, 14 ss LAT
notamment) ou dans d'autres domaines juridiques (cf. ATF 121 II 378 consid.
1e/bb p. 384; 117 Ia 430 consid. 4b p. 432; 115 Ia 350 consid. 3d p. 353;
114 Ia 371 consid. 4b p. 373). Dans le cadre de la juridiction
constitutionnelle, le Tribunal fédéral examine en principe librement si les
mesures d'aménagement du territoire répondent à un intérêt public et
respectent le principe de la proportionnalité; il s'impose toutefois une
certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales
ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 129 I 337 consid. 4.1
p. 344; 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les arrêts cités). Les constatations
de fait, dans la procédure de recours de droit public, ne sont revues que
sous l'angle de l'arbitraire et le grief de violation de l'art. 9 Cst. n'a
dans cette mesure, en cas de contestation du résultat de la pesée des
intérêts, pas de portée indépendante (cf. ATF 122 I 168 consid. 2c p. 173;
119 Ia 362 consid. 3a p. 366).

  Ces mêmes règles s'appliquent lorsqu'un projet de révision du plan est
adopté par l'autorité de planification puis finalement annulé par l'autorité
cantonale de recours. Les intéressés peuvent alors faire valoir devant le
Tribunal fédéral que le maintien du régime d'affectation en vigueur -
conséquence de l'annulation du nouveau plan - n'est plus justifié, vu
l'évolution des circonstances (cf. art. 21 al. 2 LAT), et que le refus du
nouveau plan porte atteinte à la garantie de la propriété, la révision
envisagée permettant de lever des restrictions dépourvues d'intérêt public
ou disproportionnées (cf. ATF 120 Ia 227 consid. 2c p. 233).

  4.4  Dans la pesée des intérêts qu'il a effectuée, en appliquant par
analogie les critères de l'art. 24 LAT, le Tribunal administratif a en
premier lieu considéré que l'implantation du projet du parc éolien sur le
site du Crêt-Meuron était imposée par sa destination (cf. art. 24 let. a
LAT). Il a notamment retenu à ce propos qu'il n'était pas nécessaire que
l'emplacement proposé constituât l'unique possibilité car il suffisait de
pouvoir se fonder sur des motifs importants et objectifs justifiant la
réalisation de la construction à l'endroit prévu. Cette conclusion n'est pas
contestée par la recourante; quant aux opposants intimés, ils ne discutent
pas cet aspect. Il convient néanmoins

de mentionner, dans ce contexte, quelques éléments complémentaires.

  Avant l'adoption (par le département cantonal) du plan d'affectation
cantonal litigieux, le Conseil d'Etat s'était déjà prononcé sur le choix du
site du Crêt-Meuron, dans le cadre d'une adaptation du plan directeur
cantonal (nouvelle fiche de coordination 9-0-04). Le Tribunal administratif
a renoncé, dans l'arrêt attaqué, à examiner la validité de cette fiche. D'un
point de vue formel, on ne voit cependant pas en quoi cette fiche serait
critiquable: elle a été approuvée par le Conseil fédéral conformément à
l'art. 11 LAT et elle contient des indications susceptibles de figurer dans
le plan directeur cantonal, en vertu de l'art. 8 LAT (cf. également art. 5
de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire [OAT; RS 700.1]). Cela
étant, le Tribunal administratif ne s'est pas considéré comme lié par cette
"planification cantonale pour l'implantation de deux parcs d'éoliennes"
(selon le libellé de la fiche), de sorte qu'il n'y a pas lieu de contrôler,
dans la présente procédure, le contenu du plan directeur cantonal (cf. ATF
113 Ib 299). L'arrêt attaqué rappelle toutefois certaines données, qui sont
à la base de cette fiche de coordination: l'arc jurassien se prête bien à
l'installation d'éoliennes et le canton de Neuchâtel présente des
caractéristiques particulièrement favorables pour la production d'énergie
éolienne, d'après des études effectuées sur le plan national. Il ressort par
ailleurs des décisions du département cantonal du 18 février 2003 écartant
les oppositions au projet de plan d'affectation que, dans ce canton, les
secteurs favorables à l'installation d'éoliennes se trouvent en zone de
crêtes et de forêts (à une altitude supérieure à 800 m), et que le site de
Crêt-Meuron a en outre les qualités topographiques nécessaires (pente et
surface notamment).

  4.5  C'est dans le cadre de la pesée générale des intérêts - ou de
l'application par analogie de l'art. 24 let. b LAT - que le Tribunal
administratif a accordé une importance prépondérante à la protection de
l'environnement naturel ou, en d'autres termes, à la conservation des sites
naturels et des territoires servant au délassement, conformément au principe
énoncé à l'art. 3 al. 2 let. d LAT. Cette pesée des intérêts est critiquée
par la recourante, qui fait valoir que l'adoption du plan d'affectation
cantonal s'inscrit dans une politique publique (ensemble d'activités
normatives et administratives) fédérale et cantonale en faveur du
développement des énergies renouvelables. Elle reproche d'une part au
Tribunal administratif une

compréhension objectivement insoutenable de l'intérêt public que représente
la production d'énergie éolienne. D'autre part, elle prétend que
l'appréciation de la valeur du paysage est arbitraire.

  4.5.1  La politique énergétique en Suisse est une politique publique dont
les bases constitutionnelles et légales figurent dans des normes fédérales
et cantonales. Au niveau fédéral, l'art. 89 Cst. dispose que dans les
limites de leurs compétences respectives, la Confédération et les cantons
s'emploient à promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant,
diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l'environnement,
ainsi qu'une consommation économe et rationnelle de l'énergie (al. 1). La
Confédération fixe les principes applicables à l'utilisation des énergies
indigènes et des énergies renouvelables et à la consommation économe et
rationnelle de l'énergie (al. 2); elle favorise le développement des
techniques énergétiques, en particulier dans les domaines des économies
d'énergie et des énergies renouvelables (al. 3). La loi fédérale du 26 juin
1998 sur l'énergie (LEne; RS 730.0), reprend dans l'énoncé de ses buts les
principes de l'art. 89 al. 1 Cst. (art. 1 al. 1 LEne) en précisant notamment
qu'elle vise à encourager le recours aux énergies indigènes et renouvelables
(art. 1 al. 2 let. c LEne). D'après cette loi, la politique énergétique fait
l'objet d'une coordination et d'une collaboration entre Confédération,
cantons, milieux économiques et autres organisations (art. 2 LEne).
L'approvisionnement en énergie (la production, la transformation, le
stockage notamment), qui relève des entreprises de la branche énergétique
(art. 4 LEne), doit selon les principes directeurs de l'art. 5 LEne être
sûr, économique et compatible avec les impératifs de l'environnement; sur ce
dernier point, cela implique une utilisation mesurée des ressources
naturelles, le recours aux énergies renouvelables et la prévention des
effets gênants ou nuisibles pour l'homme et l'environnement (art. 5 al. 3
LEne). La notion d'énergie renouvelable est définie à l'art. 1 let. f de
l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur l'énergie (OEne; RS 730.01): on entend
par là la force hydraulique, l'énergie solaire, la géothermie, la chaleur
ambiante, l'énergie éolienne et la biomasse (en particulier le bois, mais
sans les ordures dans les usines d'incinération et dans les décharges).

  En droit cantonal, l'art. 5 de la Constitution cantonale (Cst./NE; RS
131.233) énumère les tâches de l'Etat et des communes; cette liste mentionne
l'approvisionnement en eau et en énergie, la gestion parcimonieuse des
ressources non renouvelables, ainsi que

l'encouragement à l'utilisation des ressources renouvelables (art. 5 al. 1
let. l Cst./NE). La loi cantonale sur l'énergie (LCEn; RSN 740.1) énonce,
dans la définition de ses buts et des principes de l'approvisionnement
énergétique, des normes analogues à celles de la loi fédérale (cf. art. 1er
et 30 LCEn). A propos des "énergies indigènes" (note marginale), l'art. 31
LCEn dispose que le canton et les communes mènent une politique active en
vue de la mise en valeur des ressources énergétiques indigènes, notamment la
force hydraulique, l'énergie solaire, la géothermie, la chaleur et le froid
de l'environnement, la biomasse, dont le bois, l'énergie éolienne et les
ordures.

  L'arrêt attaqué, qui cite ces différentes normes, relève à juste titre que
ni le constituant ni le législateur - au niveau fédéral ou cantonal - n'ont
fixé de "hiérarchie des valeurs" parmi les tâches de l'Etat, dont font
également partie la sauvegarde du paysage et la protection de
l'environnement en général. Le Tribunal administratif retient également que
si ces normes prônent une utilisation accrue des énergies renouvelables,
aucune priorité n'est donnée à l'une ou l'autre des sources de production.

  L'arrêt attaqué mentionne un autre instrument de la politique énergétique
en Suisse, le programme "SuisseEnergie", lancé en janvier 2001 à la suite
d'un précédent programme "Energie 2000". Ce programme est un instrument de
coordination pour l'administration fédérale et qui sert notamment à mettre
en oeuvre la collaboration avec les cantons et d'autres organisations (cf.
RICCARDO JAGMETTI, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, tome VII,
Energierecht, Bâle 2005, n° 1329 p. 44). Dans un document publié en 2001,
l'Office fédéral de l'énergie a défini le cadre et les objectifs de
"SuisseEnergie". Ces objectifs sont qualifiés de "valeurs indicatives
politiques"; ils prévoient une augmentation de la part des "autres énergies
renouvelables" (à distinguer de la production hydroélectrique) dans la
production de courant électrique et de chaleur. "SuisseEnergie" préconise de
soutenir les sources d'énergie renouvelables, les cantons étant chargés de
développer et financer leurs propres programmes pour lesquels ils devraient
recevoir des contributions globales fédérales (cf. art. 15 LEne). Le
programme fédéral fixe encore des principes pour la collaboration avec des
organisations privées (Agences), notamment l'Agence suisse des énergies
renouvelables et de l'efficacité énergétique (ASER), qui regroupe différents
réseaux existants, dont Suisse-Éole.

  Il apparaît ainsi que, dans le cadre fixé par le droit fédéral, les
cantons ont une grande latitude pour choisir les mesures de politique
énergétique qu'ils entendent mettre en oeuvre dans le domaine des nouvelles
énergies renouvelables (cf. JAGMETTI, op. cit., n° 7105 p. 851). Il
appartient ainsi au seul droit cantonal de régler les conditions
d'autorisation pour une installation de production d'énergie éolienne,
l'utilisation du vent n'étant au demeurant pas soumise à l'exigence d'une
concession (cf. JAGMETTI, op. cit., nos 7301 ss p. 865). Des mesures
d'aménagement du territoire prises à cet effet ne sont pas contraires aux
buts et principes des art. 1 et 3 LAT. D'après ces dispositions, il incombe
aux autorités de soutenir par des mesures d'aménagement les efforts en vue
de garantir des sources d'approvisionnement suffisantes dans le pays (art. 1
al. 2 let. d LAT), cette norme visant notamment l'approvisionnement en
énergie (cf. PIERRE TSCHANNEN, Commentaire LAT, n. 40 ad art. 1 LAT).

  4.5.2  Dans le canton de Neuchâtel, le Conseil d'Etat et l'administration
cantonale ont décidé, dans le cadre de la politique énergétique cantonale,
de prendre des mesures d'aménagement du territoire permettant l'implantation
de deux parcs d'éoliennes en vue de la production d'énergie électrique. Un
processus complet de planification a été engagé - adaptation du plan
directeur cantonal puis adoption d'un plan d'affectation spécial -,
conformément à la règle de l'art. 2 al. 1 LAT (obligation d'établir des
plans d'aménagement pour les tâches dont l'accomplissement a des effets sur
l'organisation du territoire). Les régions supérieures du canton, dans l'arc
jurassien, se prêtent bien à la production d'énergie éolienne (ou mieux que
plusieurs autres régions du pays), à cause du régime des vents. Le projet
litigieux, sur le site du Crêt-Meuron, a été développé avec l'appui de
l'administration cantonale et d'une organisation privée (Suisse-Éole)
participant à l'Agence suisse des énergies renouvelables et de l'efficacité
énergétique (ASER), qui est un partenaire reconnu pour la mise en oeuvre de
la politique énergétique nationale, selon le programme "SuisseEnergie".

  Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a apprécié l'intérêt à la
réalisation du parc éolien du Crêt-Meuron en évaluant l'importance de la
production d'électricité dans le marché global. Cette production nette
serait de 14.35 GWh/an, soit 1,43 % de la consommation d'électricité du
canton. Avec l'autre parc éolien mentionné dans la fiche de coordination du
plan directeur cantonal, la production globale atteindrait 25 GWh/an, soit
2,5 % de la consommation

cantonale. Le parc éolien du Crêt-Meuron ne serait en outre voué qu'à la
production d'énergie et non pas à la recherche ou au développement. Sur la
base de ces chiffres, en affirmant apprécier l'utilité concrète de
l'installation litigieuse, le Tribunal administratif a qualifié l'intérêt
poursuivi par la recourante d'extrêmement faible, voire de quasi
insignifiant.

  Cette appréciation est critiquable. En Suisse, les nouvelles énergies
renouvelables - l'énergie éolienne, l'énergie solaire, la géothermie, la
chaleur ambiante et la biomasse - ont nécessairement un rôle secondaire, par
rapport à l'énergie renouvelable actuellement la plus utilisée pour la
production de courant électrique, à savoir la force hydraulique. Dans le
domaine des énergies renouvelables, il est clair que la politique
énergétique doit tendre non seulement à exploiter pleinement le potentiel
hydraulique mais également à augmenter la part des nouvelles énergies
renouvelables; celle-ci, en l'état, est destinée à demeurer
proportionnellement faible, quelle que soit l'efficacité des mesures
promotionnelles, à cause de l'importance prépondérante de la force
hydraulique (à propos de l'importance respective des différentes sources
d'énergie dans la consommation en Suisse, cf. JAGMETTI, op. cit., n° 7103 p.
850). Ce critère quantitatif retenu par le Tribunal administratif, en
fonction du marché global de l'électricité dans le canton ou dans le pays,
n'est pas déterminant.

  En outre, le Tribunal administratif est certes fondé à considérer que la
non-réalisation du parc éolien litigieux ne compromettrait pas directement
l'approvisionnement en électricité en Suisse ou dans le canton, et qu'il n'y
a pas de nécessité de disposer dans un proche avenir de nombreuses nouvelles
sources de courant. Néanmoins, les objectifs de la politique énergétique,
dans le domaine des énergies renouvelables, ne consistent pas uniquement à
garantir le maintien du statu quo, dans l'hypothèse - retenue par le
Tribunal administratif - d'une offre de courant surabondante en Suisse et en
Europe; ces objectifs tendent plutôt à favoriser les diverses sources
d'énergies renouvelables, à plus long terme (voir notamment le document déjà
cité de l'Office fédéral de l'énergie de 2001, sur le programme
"SuisseEnergie"). Un récent message du Conseil fédéral relatif à la
modification de la loi sur les installations électriques et à la loi
fédérale sur l'approvisionnement en électricité, cité par la recourante
(message du 3 décembre 2004, FF 2005 p. 1493), mentionne, comme motifs
justifiant d'accorder une importance plus

grande au développement des énergies renouvelables, l'existence de
ressources fossiles limitées, la problématique du CO2 et la forte dépendance
à l'égard de l'étranger; il en déduit qu'un passage à des systèmes
énergétiques nouveaux est inexorable à long terme et qu'afin d'éviter un
changement radical d'ici à quelques dizaines d'années, il faut introduire
dès aujourd'hui de nouvelles technologies sur le marché, notamment pour
produire de l'électricité à partir d'énergies renouvelables (FF 2005 p.
1506). Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant, dans le présent arrêt, la
politique énergétique de la Confédération ou du canton de Neuchâtel; il
suffit en effet d'exposer dans quel cadre s'inscrivent les mesures
d'encouragement de l'énergie éolienne. Le développement de cette énergie est
clairement conforme aux programmes des autorités, là où la géographie le
permet, soit spécialement dans l'arc jurassien et notamment dans le canton
de Neuchâtel.

  La recourante relève en outre qu'un marché existe pour l'énergie éolienne,
en dépit de coûts de production actuellement plus élevés. Cela n'est pas
contesté. Il ressort du "rapport de conformité/notice d'impact" que les
éoliennes projetées sont, de ce point de vue, plus compétitives que des
éoliennes de la génération précédente (notamment à cause de la hauteur du
rotor). La recourante relève encore que le projet litigieux constitue
l'essentiel des possibilités de production de nouvelles énergies
renouvelables à court terme (d'ici à 2010) dans le canton de Neuchâtel, ce
qui n'est pas non plus contesté. La politique énergétique d'un canton peut
au demeurant privilégier une ou plusieurs sources d'énergies renouvelables.

  En résumé, si l'on fait abstraction de la part proportionnellement faible
de l'énergie éolienne dans la production et la consommation globales
d'électricité, ce qui n'est pas un élément déterminant, on doit admettre que
le projet litigieux a une importance certaine. Compte tenu des objectifs de
la politique énergétique fédérale et cantonale, il existe un intérêt public
certain à réaliser une installation de production d'énergie éolienne telle
que celle pour laquelle le plan d'affectation cantonal a été élaboré. Au
surplus, avant toute expérience de production d'énergie éolienne dans le
canton de Neuchâtel, et compte tenu de l'existence actuellement d'un seul
autre parc éolien aux caractéristiques comparables dans l'arc jurassien, il
n'est pas soutenable de retenir d'emblée le caractère prétendument
insignifiant de cette nouvelle énergie renouvelable dans le marché global

de l'électricité. Cet intérêt public doit donc être admis en l'état, étant
précisé que le résultat de ces expériences, ou l'évolution d'autres
circonstances comme la consommation globale d'électricité - la politique
énergétique tendant également à favoriser les économies -, pourraient à
l'avenir justifier une appréciation différente de l'importance de l'énergie
éolienne en Suisse.

  4.5.3  Face à l'intérêt public que représente la réalisation d'un parc
éolien, comme élément de la politique énergétique cantonale, le Tribunal
administratif a pris en considération l'intérêt public à la sauvegarde des
sites protégés du canton ou à la préservation des espaces naturels; il a
accordé une importance prépondérante à ce dernier intérêt.

  A ce propos, le Tribunal administratif a rappelé que les autorités
cantonales, nonobstant quelques révisions du texte du décret de 1966,
avaient conservé la volonté de maintenir la protection des crêtes. Les zones
de crêtes et de forêts couvrent toutefois une part importante du territoire
cantonal. Le site du Crêt-Meuron est du reste inclus dans un périmètre
(teinté en jaune sur le plan annexé au décret de 1966) qui s'étend d'une
extrémité du canton à l'autre (de la région de Chasseral à La
Côte-aux-Fées), et la ville voisine de la Chaux-de-Fonds est elle-même
entourée de zones de crêtes et de forêts. Tous les terrains classés dans ces
zones n'ont évidemment pas les mêmes caractéristiques naturelles ou
paysagères. La stabilité du régime d'affectation prévu par cet ancien acte
législatif ne doit pas être garantie de la même manière dans chaque secteur
des crêtes jurassiennes; l'évolution des circonstances depuis 1966, voire
depuis 1988 (date de l'adaptation du décret aux exigences de la LAT), peut
justifier l'adoption d'autres mesures de planification à certains endroits
(art. 21 al. 2 LAT; cf. supra, consid. 4.2), sans mettre en péril la
cohérence des mesures de protection décidées il y a quarante ans.

  Concrètement, le plan d'affectation cantonal litigieux n'implique pas la
constructibilité de l'ensemble des terrains concernés. A l'extérieur des
"périmètres d'évolution" délimités pour sept éoliennes et trois
installations annexes, le régime de la zone de crêtes et de forêts demeure
applicable (cf. supra, consid. 4.2 in fine). En d'autres termes, ce plan
d'affectation cantonal n'a pas des effets comparables à ceux d'un classement
en zone de constructions basses, au sens des art. 3 ss du décret de 1966, ou
d'une affectation dans une zone

à bâtir ordinaire; en définissant de façon restrictive les possibilités de
construction dans ces pâturages, il ne permet pas une modification
fondamentale de l'utilisation du sol. L'autorité cantonale de planification
a en outre prévu, selon la fiche de coordination 9-0-04 du plan directeur
cantonal, de limiter à deux le nombre de parcs éoliens sur le territoire du
canton; cela signifie que les cas de déclassement de terrains en zone de
crêtes et de forêts pour réaliser des objectifs de politique énergétique
devraient demeurer très rares. En adoptant des mesures de planification pour
le projet litigieux - et pour un second parc éolien, à un endroit non encore
déterminé et au sujet duquel le dossier ne donne du reste aucune indication
concrète -, ni le Conseil d'Etat ni le département cantonal n'ont décidé un
démantèlement progressif du régime de protection des sites naturels du
canton.

  Cela étant, le Tribunal administratif relève à juste titre certaines
caractéristiques du projet litigieux, qui le distinguent d'autres projets
d'urbanisation: la dimension des éoliennes (hauteur du moyeu à l'axe du
rotor: 60 m; diamètre des pales: 66 m; hauteur totale: 93 m);
l'infrastructure nécessaire (un mât de mesure de 60 m, des nouveaux chemins
carrossables sur une longueur de 1,8 km); la probabilité que le parc éolien
devienne une attraction touristique (il pourrait attirer 20'000 visiteurs
par an). La dimension des éoliennes et du mât de mesure, à savoir leur
impact visuel, est sans conteste l'élément le plus important. En effet,
l'extension du réseau de voies d'accès ne représente pas une atteinte
sensible au site du Crêt-Meuron, étant donné qu'il existe déjà de nombreux
chemins, carrossables ou non, dans les pâturages et forêts de la région de
Tête-de-Ran/La Vue-des-Alpes, où se trouvent plusieurs installations
touristiques (remontées mécaniques pour skieurs, restaurants, notamment). En
outre, les autorités conservent la possibilité d'empêcher la plupart des
effets négatifs d'un afflux de touristes ou de promeneurs dans un site
naturel déjà largement ouvert au public - le Tribunal administratif qualifie
la région de Tête-de-Ran de "site particulièrement fréquenté en tant que
zone de délassement" -, en réglementant l'accès en véhicule et le
stationnement, en balisant les chemins de randonnée, en protégeant
spécialement des biotopes, etc. Ainsi, c'est bien l'impact visuel des
éoliennes qui représente l'atteinte la plus sensible au site, qui
manifestement mérite d'être protégé. L'arrêt attaqué mentionne les endroits
où cet impact visuel serait important. Il s'agit de lieux d'une part
relativement proches du parc éolien (le sommet de Tête-de-Ran,

à environ 300 m, le col de la Vue-des-Alpes, à 2,5 km) et de lieux plus
éloignés (le versant nord de la vallée de La Sagne, à 4 km, et un quartier
supérieur de la ville de La Chaux-de-Fonds, à 5 km). Or, sur le site
lui-même (le long de la combe menant du col de la Vue-des-Alpes à
Tête-de-Ran), les éoliennes s'ajouteraient à d'autres installations
techniques - ligne à haute tension, remontées mécaniques (à savoir un
téléski dans le périmètre du plan d'affectation cantonal et quatre autres à
proximité directe), notamment -, ce qui relativiserait dans une certaine
mesure leur impact visuel. Par ailleurs, le fait que les éoliennes seraient
visibles depuis un quartier de La Chaux-de-Fonds n'est pas un élément
décisif car la présence d'installations techniques ou d'ouvrages imposants à
proximité d'une grande ville n'est pas singulière; c'est un inconvénient, ou
une caractéristique, dont les citadins s'accommodent généralement, pour
autant que d'autres parties du paysage conservent leur aspect naturel, ce
qui est le cas à La Chaux-de-Fonds. Cela étant, les éoliennes ne seraient
pas visibles de la plupart des quartiers de cette ville, ni depuis le
Val-de-Ruz (au sud et à l'est du Crêt-Meuron), ni de nombreux autres
endroits de la région. C'est pourquoi il n'y a pas lieu de surestimer leur
impact visuel - indépendamment de la question de savoir si la vue
d'éoliennes dans un paysage jurassien peut être appréciée de manière
positive par des habitants ou des promeneurs. Dans le cas particulier, comme
il se trouve déjà sur le site du Crêt-Meuron ou dans les environs immédiats
plusieurs constructions ou installations (l'auberge de Gümmenen, l'hôtel de
Tête-de-Ran, une ligne électrique, une installation de télécommunications
sur le sommet de Tête-de-Ran, des remontées mécaniques pour skieurs), et que
ce site, proche d'une grande ville, est déjà très fréquenté par des
promeneurs et des skieurs, l'intérêt à en assurer une protection renforcée
est moindre que pour d'autres sites naturels, moins accessibles et plus
préservés. Par ailleurs, les éoliennes, relativement dispersées dans le
périmètre du plan d'affectation cantonal, ne seraient visibles que depuis
quelques lieux des environs, de sorte que l'atteinte au paysage serait moins
sensible que dans d'autres emplacements.

  4.5.4  En décidant d'annuler le plan d'affectation cantonal pour des
motifs de protection du site, le Tribunal administratif n'a en réalité pas
évalué concrètement les atteintes supplémentaires qui seraient causées au
Crêt-Meuron et dans les environs par les éoliennes, compte tenu des
atteintes déjà existantes. Comme cela est retenu

dans l'arrêt attaqué sur la base de constatations faites au parc éolien du
Mont-Soleil (dans le canton de Berne), il est certain que de grandes
éoliennes, toujours implantées à l'écart des agglomérations, ont un impact
important sur le paysage, mais cela ne permet pas d'exclure, en quelque
sorte par principe, de tels projets dans des sites non construits méritant
protection. Il n'est pas rare que d'autres ouvrages servant à la production
d'énergie - des lacs d'accumulation avec barrages, des ouvrages
hydroélectriques le long des rivières, etc. - doivent eux aussi être
réalisés dans des sites naturels méritant d'être préservés, sans pour autant
qu'une protection absolue soit prescrite, et l'intérêt public à la
conservation du site ne l'emporte pas (cf. par exemple ATF 119 Ib 254
consid. 8e p. 279). Il convient d'ailleurs de relever à ce propos que la
région de Tête-de-Ran ne fait pas partie des objets portés à l'inventaire
fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale
(inventaire IFP, annexé à l'ordonnance concernant l'inventaire fédéral des
paysages, sites et monuments naturels [OIFP; RS 451.11]), contrairement à
d'autres sites naturels caractéristiques du Jura ou du Haut-Jura dans le
canton de Neuchâtel (cf. objets IFP n° 1002, Le Chasseral; n° 1003,
Tourbière des Ponts-de-Martel; n° 1004, Creux-du-Van; n° 1005, Vallée de la
Brévine; n° 1006, Vallée du Doubs). Il en résulte que le Tribunal
administratif a accordé, dans le cas particulier, une importance excessive à
l'atteinte au paysage et, corollairement, qu'il n'a pas suffisamment pris en
considération l'intérêt public à réaliser une installation de production
d'énergie éolienne, conformément aux objectifs de la politique énergétique
fédérale et cantonale (cf. supra, consid. 4.5.2). En d'autres termes, une
pesée correcte des intérêts en jeu imposait au Tribunal administratif de ne
pas empêcher, par principe, la réalisation d'un parc éolien au Crêt-Meuron.

  4.5.5  Les griefs de la recourante à propos de la pesée des intérêts
effectuée par le Tribunal administratif sont donc fondés. Comme cela a été
exposé plus haut (consid. 4.3), le contrôle de la pesée des intérêts relève
de l'examen de la légalité, et non pas de l'opportunité. Dans l'arrêt
attaqué, l'annulation des décisions relatives à l'adoption du plan
d'affectation cantonal n'est du reste pas justifiée par des motifs
d'opportunité, mais elle est fondée sur l'application de normes du droit de
l'aménagement du territoire. C'est l'application déficiente de ces règles de
droit que le Tribunal fédéral doit sanctionner dans le présent arrêt, en
admettant le recours de droit

public. Ce recours a une nature par principe exclusivement cassatoire et la
recourante a, précisément, conclu à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ces
conclusions doivent être admises, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur
le contenu de la nouvelle décision que le Tribunal administratif sera amené
à rendre dans la présente contestation.