Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 II 10



Urteilskopf

132 II 10

  2. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Office
fédéral du développement territorial contre X., Département de la sécurité
et de l'environnement et Département des infrastructures ainsi que
Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de droit administratif)
  1A.279/2004 du 21 septembre 2005

Regeste

  Nautischer Bau an einem Seeufer; Art. 22 und 24 RPG.

  Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde gegen einen
Rückweisungsentscheid, der als ein Teilendentscheid über die Anwendung von
Art. 24 RPG betrachtet wird (E. 1).

  Bejahung der Zonenkonformität - im vorliegenden Fall Konformität mit den
Vorschriften einer Schutzzone (Art. 17 RPG) - einer sich auf öffentlichem
Grund befindenden Steganlage, welche von einer Anliegerliegenschaft aus an
den See zu gelangen gestattet und welche das kantonale Recht nur auf Zusehen
hin bei einem Bedarf erlaubt (E. 2).

Sachverhalt

  X. est propriétaire, sur le territoire de la commune de Vallamand, d'un
bien-fonds riverain du lac de Morat, où se trouve une maison (résidence
d'agrément). Le 8 novembre 1971, le Département des travaux publics du
canton de Vaud a accordé à un précédent propriétaire de la parcelle une
"autorisation pour usage du domaine public", personnelle et à bien plaire
(n° 44/34), lui permettant d'"utiliser le domaine public du lac de Morat
(...) par une passerelle d'embarquement et un glacis". La passerelle a été
construite, sur une longueur de 9.80 m pour une largeur de 1 m. Le 5 mars
2003, le Département cantonal de la sécurité et de l'environnement (DSE) a
pris une nouvelle décision faisant de X. le titulaire de l'autorisation n°
44/34, laquelle lui permet de "maintenir une passerelle d'embarquement et un
radier bétonné". Aux termes de l'art. 2 de cet acte, "cette autorisation est
accordée à bien plaire; le bénéficiaire peut être tenu en tout temps de
modifier, d'enlever et de faire disparaître, sans avoir droit à
dédommagement ni indemnité, les ouvrages qui font l'objet de cette
autorisation".

  Sans requérir préalablement une autorisation, X. a agrandi la passerelle
(ou ponton), en portant sa longueur à 19.40 m et en créant à son extrémité
une plate-forme de 3 m sur 3 m. Ainsi transformé, cet ouvrage traverse sur
toute sa largeur la roselière se trouvant sur la rive du lac à cet endroit,
et son extrémité est en pleine eau (sur une longueur de 2 à 3 m). Le 27 juin
2003, le Service des eaux, sols et assainissement (SESA) du Département de
la sécurité et de l'environnement a écrit à X. en l'invitant soit à démolir
l'aménagement complémentaire réalisé sans autorisation, soit à déposer un
dossier de demande d'autorisation. Le 12 septembre 2003, X. a déposé une
demande d'autorisation avec un plan figurant le ponton prolongé, large de
1.20 m, ainsi qu'une plate-forme de 2.40 m sur 2.40 m à son extrémité
(longueur totale de l'ouvrage, y compris la partie existante: 19.40 m). Dans
sa lettre d'accompagnement, il demandait au service cantonal (SESA)
d'admettre le maintien de la plate-forme de 3 m sur 3 m déjà réalisée. Ce
service lui a répondu, le 24 septembre 2003, que la dimension de la
plate-forme dessinée sur le plan (2.40 m sur 2.40 m) était "conforme à la
pratique administrative du canton de Vaud en matière d'autorisation de
construire, et ceci depuis de nombreuses années"; il n'entendait donc pas
faire d'exception à cette pratique. La demande d'autorisation a été mise à
l'enquête publique du 30 septembre au 20 octobre 2003 et elle n'a pas
suscité d'oppositions.

  Le dossier a ensuite été transmis à différents services de
l'administration cantonale, notamment au Service de l'aménagement du
territoire (SAT). Celui-ci a indiqué que l'autorisation spéciale pour les
constructions hors des zones à bâtir était refusée car les conditions pour
une dérogation selon les art. 24 ss de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (LAT; RS 700) n'étaient pas satisfaites. Par ailleurs, le Centre
de conservation de la faune et de la nature a émis un préavis défavorable.
Le Département de la sécurité et de l'environnement (DSE), par le Service
des eaux, sols et assainissement (SESA), a communiqué le 23 décembre 2003 à
X. la synthèse des prises de position; il lui a signifié qu'il refusait le
maintien du ponton dans son état actuel et qu'il exigeait la démolition de
la totalité de l'aménagement complémentaire réalisé sans autorisation, le
ponton devant être ramené à ses dimensions initiales dans un délai de trois
mois (9.80 m de long, 1 m de large).

  X. a recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud contre la
décision du Département de la sécurité et de l'environnement du 23 décembre
2003, en demandant que l'autorisation d'agrandir son ponton lui soit
délivrée. Le Tribunal administratif a admis le recours par un arrêt rendu le
23 août 2004. Il a annulé "la décision rendue le 23 décembre 2003 par le
Département de la sécurité et de l'environnement, Service des eaux, sols et
assainissement, et par le Département des infrastructures, Service de
l'aménagement du territoire" et dit que le dossier était renvoyé aux deux
départements précités, respectivement aux deux services, pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. En substance, il a considéré que
l'agrandissement du ponton litigieux ne pouvait pas être autorisé comme
transformation partielle au sens de l'art. 24c al. 2 LAT mais qu'en revanche
les conditions pour une autorisation selon l'art. 24 LAT étaient réunies;
cette autorisation spéciale ayant été refusée à tort par le Service de
l'aménagement du territoire, le dossier était renvoyé aux départements
compétents afin que les autorisations requises soient délivrées.

  Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Office fédéral
du développement territorial (ODT) a demandé au Tribunal fédéral d'annuler
l'arrêt du Tribunal administratif. Il a dénoncé une violation de l'art. 24
LAT, l'installation litigieuse ne satisfaisant pas à la première condition
fixée par cette disposition, à savoir une implantation hors de la zone à
bâtir imposée par sa destination (let. a). Le Tribunal fédéral a
partiellement admis le recours de droit administratif

et réformé le dispositif de l'arrêt attaqué dans le sens suivant: "Le
dossier est renvoyé au Département de la sécurité et de l'environnement,
Service des eaux, sols et assainissement, pour nouvelle décision dans le
sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral dans la cause
1A.279/2004".

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 1

  1.  Aux termes de l'art. 34 al. 1 LAT, le recours de droit administratif
au Tribunal fédéral est recevable contre les décisions prises par l'autorité
cantonale de dernière instance sur la reconnaissance de la conformité à
l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises hors de
la zone à bâtir et sur des demandes de dérogation en vertu des art. 24 à 24d
LAT. En l'espèce, les autorités cantonales ont traité la demande
d'autorisation présentée par le propriétaire riverain intimé non seulement
comme une requête fondée sur la loi cantonale sur l'utilisation des lacs et
cours d'eau dépendant du domaine public mais également comme une demande de
dérogation au sens des art. 24 ss LAT; le Tribunal administratif a ensuite
considéré que le projet satisfaisait aux exigences de l'art. 24 LAT. La voie
du recours de droit administratif (art. 97 ss OJ) est donc ouverte.

  Par cet arrêt, qui certes renvoie l'affaire aux départements cantonaux
concernés, le Tribunal administratif a rendu une décision finale partielle,
tranchant définitivement la question de l'application de l'art. 24 LAT. Le
recours de droit administratif est recevable contre une telle décision, qui
n'a dans cette mesure pas un caractère incident (ATF 129 II 286 consid. 4.2
p. 291, 384 consid. 2.3 p. 385). L'Office fédéral du développement
territorial, service compétent de la Confédération en matière d'aménagement
du territoire (art. 32 LAT), a qualité pour recourir selon l'art. 103 let. b
OJ, en relation avec l'art. 48 al. 4 de l'ordonnance sur l'aménagement du
territoire (OAT; RS 700.1). Il y a donc lieu d'entrer en matière.

Erwägung 2

  2.  Le recourant soutient que l'ouvrage litigieux n'est pas une
installation dont l'implantation hors de la zone à bâtir est imposée par sa
destination. Or c'est là une condition nécessaire à l'octroi d'une
dérogation selon l'art. 24 LAT (première condition, art. 24 let. a LAT). Il
est donc reproché au Tribunal administratif d'avoir pris en considération
une "pratique établie" de l'administration cantonale, selon laquelle les
propriétaires riverains sont généralement autorisés à aménager un ponton au
droit de leur propriété si cela n'implique ni

changement d'affectation ni atteinte à l'environnement; avec un tel critère,
formulé en termes généraux et faisant abstraction d'un examen concret de la
situation, on consacrerait pratiquement un droit, pour tout propriétaire
riverain d'un lac, d'obtenir l'autorisation de construire ou d'agrandir un
ponton, ce qui ne serait pas compatible avec l'art. 24 LAT.

  2.1  L'art. 24 LAT dispose qu'en dérogation à l'art. 22 al. 2 let. a LAT -
qui prévoit qu'une autorisation de construire n'est en principe octroyée que
si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone
-, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions
ou installations, ou pour tout changement d'affectation, si l'implantation
de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée
par leur destination (let. a) et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose
(let. b). Il n'est pas contesté que le ponton litigieux, en raison de ses
dimensions, est une construction ou installation dont l'édification est
soumise à autorisation, au sens de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (art. 22 al. 1 LAT; cf. ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259; 114 Ib
81 consid. 3 p. 87).

  En prétendant que la réalisation du projet litigieux nécessite une
dérogation selon l'art. 24 LAT, le recourant ne s'écarte pas des
considérations de l'arrêt attaqué, qui retient d'emblée d'une part que
l'installation en cause n'est "pas conforme à l'affectation de la zone
lacustre", et d'autre part qu'il n'est pas possible d'autoriser a posteriori
les travaux dans le cadre prévu par l'art. 24c al. 2 LAT pour les
transformations partielles (cf. notamment ATF 129 II 396; 127 II 215 consid.
3 p. 218 ss). Il convient cependant d'examiner - ce que le Tribunal
administratif n'a pas fait - si une installation telle que le ponton
litigieux peut être considérée comme conforme à l'affectation de la zone, au
sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT. Saisi d'un recours de droit
administratif, le Tribunal fédéral est lié par les conclusions des parties,
mais pas par les motifs qu'elles invoquent (art. 114 al. 1 OJ); aussi
peut-il se prononcer d'office sur la question de la conformité à
l'affectation de la zone, qui doit en principe être résolue préalablement
puisqu'une réponse positive exclurait l'application des clauses dérogatoires
des art. 24 ss LAT (cf. notamment ATF 118 Ib 335 consid. 1a p. 338).

  2.2  La loi fédérale sur l'aménagement du territoire définit les zones à
bâtir (art. 15 LAT), les zones agricoles (art. 16 LAT) et les zones

à protéger (art. 17 LAT), en précisant que le droit cantonal peut prévoir
d'autres zones d'affectation (art. 18 al. 1 et 2 LAT). Les zones à protéger
comprennent, notamment, "les cours d'eau, les lacs et leurs rives" (art. 17
al. 1 let. a LAT). Pour ces objets, il appartient aux cantons de délimiter
les zones à protéger; l'art. 17 al. 2 LAT prévoit toutefois que le droit
cantonal peut prescrire d'autres mesures adéquates.

  L'art. 54 al. 1 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les
constructions (LATC; RSV 700.11) définit les "zones protégées" comme des
zones "destinées en particulier à la protection des sites, des paysages
d'une beauté particulière, des rives de lacs et de cours d'eau, des réserves
naturelles ou des espaces de verdure; seules peuvent y être autorisées les
constructions et les installations conformes au but assigné à la zone, ne
portant pas préjudice à l'aménagement rationnel du territoire et au site ou
imposées par leur destination, si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose".
De façon plus générale, cette loi prévoit que les plans d'affectation
cantonaux ou communaux peuvent contenir des dispositions relatives aux
paysages, sites, rives de lacs et de cours d'eau, et elle réserve les
mesures prises en application de la loi cantonale sur la protection de la
nature, des monuments et des sites (art. 45 al. 2 let. c, art. 47 al. 2 ch.
2 LATC).

  2.3  En l'espèce, la contestation porte sur une installation riveraine, se
trouvant sur le domaine public du lac de Morat (selon ce qu'indique
l'autorisation n° 44/34 délivrée pour la passerelle initiale). Le secteur
vaudois du lac de Morat fait partie en effet du domaine public (art. 664 al.
3 CC, art. 138a al. 1 de la loi cantonale d'introduction dans le Canton de
Vaud du Code civil suisse) et le droit de disposer des eaux du lac
appartient à l'Etat, en vertu de l'art. 1 de la loi cantonale sur
l'utilisation des lacs et cours d'eau dépendant du domaine public (LLC; RSV
731.01). L'utilisation des eaux du domaine public nécessite une autorisation
du Conseil d'Etat, accordée en principe sous la forme d'une concession,
d'une durée de huitante ans au maximum (art. 2 al. 1 et art. 4 al. 1 LLC).
Toutefois, l'art. 4 al. 2 LLC prévoit que pour des installations provisoires
ou de très faible importance, le Conseil d'Etat peut accorder des
autorisations à bien plaire, révocables en tout temps.

  Cette procédure d'autorisation fait l'objet d'une réglementation plus
détaillée à l'art. 83 al. 2 du règlement d'application de la loi précitée

(RLLC; RSV 731.01.1), dans les termes suivants: "le département
[actuellement: le Département de la sécurité et de l'environnement, qui
comprend le Service des eaux, sols et assainissement] est compétent pour
autoriser les installations temporaires ou peu importantes, entre autres les
pompages pour arrosage, les piscicultures d'élevage, les viviers, les
petites constructions nautiques ainsi que les installations tolérées dans
les zones frappées d'interdiction de bâtir". L'autorisation pour usage du
domaine public n° 44/34, délivrée initialement en 1971 et transférée en 2003
à l'intimé, a été octroyée en application de ces dispositions, la passerelle
ou ponton étant une petite construction nautique au sens de l'art. 83 al. 2
RLLC. Cette disposition permet aussi d'autoriser un agrandissement d'une
construction nautique existante.

  Dans ses déterminations, le Département de la sécurité et de
l'environnement (par le Service des eaux, sols et assainissement) fait
valoir qu'il autorise de tels travaux également sur la base de l'art. 12 de
la loi cantonale sur la police des eaux dépendant du domaine public (LPDP;
RSV 721.01), qui prévoit une "autorisation préalable" pour "tout travail,
construction (...) à effectuer dans les lacs ou sur leurs grèves". Selon une
pratique qu'il affirme constante, il autorise généralement les propriétaires
riverains à aménager un ponton dans le lac, au droit de leur propriété, du
moment que les dimensions de l'ouvrage sont "acceptables" (largeur maximum
de 1.50 m, longueur variant entre 10 et 30 m, plate-forme en extrémité ne
dépassant pas le double de la largeur du ponton); ces dimensions sont liées
à la topographie, notamment à la profondeur du lac (compte tenu du tirant
d'eau des bateaux susceptibles d'accoster), et l'ouvrage doit être
"strictement voué à un usage nautique (navigation et/ou baignade)", les
"terrasses en pergola" n'étant pas admises.

  Ces autorisations fondées sur l'art. 83 al. 2 RLLC ou sur l'art. 12 LPDP
doivent le cas échéant être accompagnées d'autres autorisations cantonales,
fondées sur d'autres législations (en matière de protection de la nature ou
de la faune, par exemple - cf. infra, consid. 2.7). La contestation ne porte
toutefois pas sur ce point car la question soulevée par l'Office fédéral est
celle de savoir s'il faut, pour une installation telle que le ponton
litigieux, une autorisation fondée sur l'art. 24 LAT, requise en cas de non
conformité à l'affectation de la zone.

  2.4  La loi fédérale sur l'aménagement du territoire dispose que les zones
à protéger comprennent les lacs et leurs rives (art. 17 al. 1

let. a LAT; cf. supra consid. 2.3). Par ailleurs, dans l'énumération des
principes régissant l'aménagement (art. 3 LAT), elle prévoit, à propos de la
préservation du paysage, qu'il convient notamment de tenir libres les bords
des lacs et des cours d'eau et de faciliter au public l'accès aux rives et
le passage le long de celles-ci (art. 3 al. 2 let. c LAT). Cela ne signifie
pas que les lacs et leurs rives doivent, en vertu du droit fédéral, rester
libres de constructions ou d'installations. D'après la doctrine, celles-ci
peuvent être admises - sur la base d'une autorisation ordinaire au sens de
l'art. 22 al. 2 let. a LAT, le cas échéant après l'adoption d'un plan
d'affectation spécial (par exemple pour un port ou des installations
nautiques importantes), ou au contraire sur la base d'une dérogation selon
les art. 24 ss LAT - si leur implantation sur le lac ou sur la rive est
justifiée par des intérêts prépondérants ou si elle est imposée par leur
destination (cf. PIERRE TSCHANNEN, Commentaire LAT, Zurich 1999, n. 51 ad
art. 3 LAT; PIERRE MOOR, Commentaire LAT, n. 4 ad art. 17 LAT; DFJP/OFAT,
Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Berne
1981, n. 34 ad art. 3 LAT; cf. également HANSJÖRG SEILER, Sport nautique et
droit de l'environnement: les restrictions à la navigation en droit suisse,
in Droit et sport, Berne 1997, p. 217).

  Même sans plan d'affectation spécial établi pour un projet précis (cf. par
exemple arrêt 1P.507/1997 du 13 janvier 1998, publié in RDAT 1998 I n. 55 p.
209), le droit fédéral n'exclut pas que certaines constructions ou
installations sur un lac ou sur ses rives soient conformes à l'affectation
de la zone à protéger (cf. MOOR, Commentaire LAT, n. 40 ad art. 17 LAT;
CHRISTOPH BANDLI, Bauen ausserhalb der Bauzonen, Zurich 1989, p. 65). Hors
de la zone à bâtir, de façon générale, la conformité est toutefois liée à la
nécessité: la construction doit être adaptée, par ses dimensions et son
implantation, aux besoins objectifs du propriétaire ou de l'exploitant (cf.
PETER HEER, Die raumplanungsrechtliche Erfassung von Bauten und Anlagen im
Nichtbaugebiet, thèse Zurich 1996, p. 32). Cette clause du besoin est
clairement exprimée, pour les zones agricoles, à l'art. 16a al. 1 LAT, en
vigueur depuis le 1er septembre 2000; auparavant, elle résultait de la
jurisprudence (cf. notamment ATF 114 Ib 131 consid. 3 p. 133). Des exigences
analogues doivent être posées pour les constructions conformes à
l'affectation des zones à protéger au sens de l'art. 17 LAT.

  2.5  Le ponton litigieux se trouve sur le domaine public (partie riveraine
du lac, jouxtant des fonds privés). Le Tribunal administratif

évoque, à propos de l'affectation de ce secteur, le régime d'une "zone
lacustre". Il semble cependant, d'après le dossier, que cette partie de la
rive du lac de Morat n'est pas comprise dans le périmètre d'un plan
d'affectation cantonal ou communal; il n'y a donc pas à proprement parler de
zone lacustre, ou de zone de protection du lac ou des rives. Il ressort
clairement de l'arrêt attaqué que le canton n'a pas non plus pris, à cet
endroit, des mesures spécifiques de protection des biotopes riverains,
fondées sur la législation sur la protection de la nature et du paysage.

  Même si le secteur litigieux n'est pas inclus dans le périmètre d'un plan
d'affectation, le droit cantonal a néanmoins prévu, avec les règles
générales mentionnées plus haut qui réglementent l'utilisation des eaux
publiques (cf. supra, consid. 2.3), des "mesures de protection adéquates" du
lac, au sens de l'art. 17 al. 2 LAT, qui limitent les possibilités de
construction de la même manière que le ferait un classement en zone à
protéger. S'agissant plus précisément des pontons, considérés comme de
petites constructions nautiques, le droit cantonal (art. 83 al. 2 RLLC), tel
qu'il est interprété par le département compétent, fait dépendre les
autorisations de l'existence d'un besoin objectif. Les dimensions des
pontons sont limitées (longueur de 30 m et largeur de 1.50 m au maximum),
afin qu'ils servent uniquement de voie d'accès du fonds riverain au lac pour
les nageurs ou les personnes voulant rejoindre une embarcation accostée
temporairement. Les pontons sont nécessairement des installations peu
importantes, généralement constituées d'une structure légère et de planches
de bois, dont l'impact sur le paysage est limité. C'est le cas du ponton
litigieux, qui a la fonction exclusive de voie d'accès pour les piétons, le
Tribunal administratif ayant constaté qu'il n'était pas utilisé pour
l'amarrage d'embarcations. La configuration des lieux requiert une telle
installation pour accéder au lac depuis la parcelle de l'intimé, compte tenu
de l'existence d'une roselière qu'il faut traverser et de l'absence d'autres
aménagements artificiels sur la rive (qui permettraient aux nageurs d'entrer
directement dans l'eau et aux bateaux d'accoster). Certes, un propriétaire
riverain n'a généralement pas un droit au maintien d'un accès direct au
domaine public du lac, cette possibilité ne représentant juridiquement qu'un
avantage de fait (cf. ATF 105 Ia 219 consid. 2 p. 220; PIERRE MOOR, Droit
administratif, vol. III, Berne 1992 p. 316; PETER HÄNNI, Planungs-, Bau- und
besonderes Umweltschutzrecht, 4e éd., Berne 2002, p. 181); il faut néanmoins
considérer que cet accès, là où il

est possible et juridiquement admissible - selon le droit cantonal sur
l'utilisation du domaine public et conformément aux prescriptions spéciales
sur la protection de la nature -, fait partie de l'utilisation normale de la
rive du lac par le propriétaire du fonds riverain. En d'autres termes, dans
une situation correspondant à celle de la présente espèce, les ouvrages
nécessaires à cet accès sont en principe conformes à l'affectation de la
zone à protéger, au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT en relation avec
l'art. 17 LAT.

  Admettre la construction d'un ponton en tant que construction ou
installation conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT)
ne signifie pas que l'autorisation de l'autorité compétente, prescrite par
l'art. 22 al. 1 LAT, est à l'instar d'un permis de construire ordinaire une
autorisation de police à laquelle le propriétaire du fonds riverain aurait
droit. L'application de ces normes de la loi sur l'aménagement du territoire
ne modifie ni la nature ni la portée de l'autorisation prévue, en pareil
cas, par le droit cantonal, qui est une permission précaire d'utiliser le
domaine public naturel (cf. supra, consid. 2.3). Autrement dit, cette
autorisation d'utilisation du domaine public inclut formellement
l'autorisation prévue à l'art. 22 al. 1 LAT. Les autorités peuvent ainsi
refuser d'autoriser un nouveau ponton pour tout motif d'intérêt public
pertinent, notamment si elles estiment que le besoin de créer un nouvel
accès sur le lac n'est pas établi. En outre, les autorisations à bien plaire
pour les "petites constructions nautiques" sont révocables en cas de
disparition du besoin objectif ou lorsque des intérêts prépondérants le
justifient; les autorités cantonales conservent donc la possibilité de faire
prévaloir, a posteriori en cas de changement de circonstances ou sur la base
d'une nouvelle appréciation, les intérêts à la protection de la rive sur
l'intérêt du propriétaire riverain à jouir d'un accès direct au lac.

  2.6  Une installation telle que le ponton litigieux - qui, par ses
dimensions (selon la demande d'autorisation présentée le 12 septembre 2003),
correspond aux critères de la pratique cantonale pour l'octroi
d'autorisations selon l'art. 83 al. 2 RLLC - peut donc, en principe, être
considérée conforme à l'affectation de la "zone lacustre" (selon la
terminologie de l'arrêt attaqué, qui entend par là la partie riveraine du
domaine public lacustre, soumise à une réglementation spéciale du droit
cantonal - cf. supra, consid. 2.5).

  Dans le cadre du recours de droit administratif selon l'art. 34 al. 1 LAT,
la contestation peut porter, selon cette disposition, d'une part

sur la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de
constructions et d'installations sises hors de la zone à bâtir, et d'autre
part sur des demandes de dérogation en vertu des art. 24 à 24d LAT. Il
résulte des considérants ci-dessus que la première condition - la conformité
à l'affectation de la zone - est réalisée; il s'ensuit que la question de
l'octroi de dérogations selon les art. 24 ss LAT ne se pose plus.

  En l'occurrence, il est fait grief au Tribunal administratif d'avoir mal
appliqué l'art. 24 LAT. L'Office fédéral soulève la question de principe de
la justification d'une dérogation, dans le cadre strict des art. 24 ss LAT,
pour une installation telle que le ponton litigieux. Ce grief est mal fondé,
non pas parce que les conditions d'une dérogation seraient remplies, mais
bien parce que l'octroi d'une telle dérogation, jugée nécessaire par le
Tribunal administratif, n'entre en réalité pas en considération.

  2.7  Cela étant, pour une installation telle que le ponton litigieux, la
reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone est une simple
condition préalable à l'octroi d'une autorisation (cf. art. 22 al. 2 let. a
LAT). Encore faut-il que le besoin soit établi (cf. supra, consid. 2.4) et
que les autres conditions prévues par le droit fédéral et le droit cantonal
soient satisfaites (cf. art. 22 al. 3 LAT). Doivent en particulier être
prises en compte les exigences de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la
protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451), qui tend à la
protection des biotopes (art. 18 ss LPN) et notamment de la végétation des
rives (art. 21 LPN), ou encore celles de la loi fédérale du 21 juin 1991 sur
la pêche (LFSP; RS 923.0), qui visent à la préservation des rives naturelles
et de la végétation aquatique servant de frayères aux poissons ou d'habitat
à leur progéniture (art. 7 ss LFSP). Ces différentes réglementations doivent
être appliquées de manière coordonnée et il est probable que la procédure
d'autorisation pour les installations sur le domaine public lacustre
(concession ou, comme en l'espèce, autorisation à bien plaire) soit la
procédure "directrice" (cf. art. 25a al. 1 et 2 LAT), à défaut de procédure
d'autorisation spéciale selon les art. 24 ss LAT.

  Dans le cas particulier, l'intimé, propriétaire de la parcelle riveraine,
ne dispose actuellement d'aucune autorisation pour agrandir le ponton
litigieux, sa demande ayant été rejetée le 23 décembre 2003. Par l'arrêt
attaqué, le Tribunal administratif a annulé ce refus d'autorisation prononcé
par les deux départements cantonaux concernés

(ch. II du dispositif); cela a pour effet de rendre caduc l'ordre de
démolition. Pour le reste, le renvoi du dossier à ces départements "pour
nouvelle décision dans le sens des considérants" (ch. III du dispositif)
comporte des instructions catégoriques à l'intention de l'administration
cantonale, plus précisément de deux services de cette administration, le
Service de l'aménagement du territoire (SAT) et le Service des eaux, sols et
assainissement (SESA): ils doivent délivrer les autorisations requises
(consid. 2b/dd in fine). Or l'administration cantonale doit encore se
prononcer sur le respect des règles fédérales précitées, ce que le Tribunal
administratif n'a pas clairement imposé dans sa décision de renvoi. Il
s'ensuit que le recours de droit administratif doit être partiellement admis
et que le ch. III du dispositif de l'arrêt doit être réformé dans le sens du
présent considérant.