Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 III 689



Urteilskopf

132 III 689

  82. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause C. et Commune
de Lausanne contre A. Assurances (recours en réforme)
  5C.10/2005 / 5C.35/2005 du 31 août 2006

Regeste

  Art. 679 ZGB, Passivlegitimation des Bauberechtigten und des Eigentümers
des belasteten Grundstücks im Fall des an einem Nachbargrundstück
verursachten Schadens; Art. 667 Abs. 1 ZGB, Beweislast in Bezug auf die
vertikale Ausdehnung des Grundeigentums.

  Der Inhaber eines beschränkten dinglichen Rechts an einem Grundstück,
welcher durch sein Verhalten sein Recht überschreitet und in Ausübung der
tatsächlichen Herrschaft über das Grundstück einen Schaden an einem
Nachbargrundstück verursacht, haftet aus Art. 679 ZGB (Bestätigung der
Rechtsprechung; E. 2.2). Wird die Haftung des Bauberechtigten bejaht, haftet
der Eigentümer des belasteten Grundstücks nicht, sofern er keinen Einfluss
auf die Art und Weise hat, wie der Bauberechtigte die tatsächliche
Herrschaft ausübt (E. 2.3). Anwendung auf den konkreten Fall (E. 2.4 und
2.5).

  Vertikale Ausdehnung des Grundeigentums (Bestätigung der Rechtsprechung;
E. 4.2). Nicht derjenige, welcher ein schützenswertes Interesse des
Eigentümers des Grundstücks am betroffenen Untergrund bestreitet, hat zu
beweisen, dass dieses Interesse nicht besteht, sondern der Eigentümer des
Grundstücks, dass er ein schützenswertes Interesse hat (E. 4.3). Anwendung
auf den konkreten Fall (E. 4.4).

Sachverhalt

  A.- A. Assurances est propriétaire des parcelles nos a et b du registre
foncier de Lausanne. La Commune de Lausanne (ci-après: la Commune) est quant
à elle propriétaire de la parcelle contiguë n° c, sise à la rue X. à
Lausanne.

  B.- C. (ci-après: la Coopérative) est une société coopérative dont le but
est l'étude et la construction de logements à loyers modestes. Intéressée
par un projet de logements subventionnés à la rue X., elle a entamé des
discussions avec la Commune en mars 1993.

  Par acte authentique du 7 janvier 1997, la Commune et la Coopérative ont
convenu de constituer sur la parcelle n° c un droit de superficie en faveur
de la Coopérative pour les deux immeubles qu'elle projetait d'y édifier avec
l'appui financier des pouvoirs publics. L'art. 14 al. 3 de ce contrat
disposait que la Commune n'assumait aucune garantie quant à la nature du
sol.

  C.- Les travaux d'excavation ont débuté en janvier 1997. Alors que les
travaux de terrassement étaient exécutés sous la direction de l'architecte
H. et de l'ingénieur I., mandatés par la Coopérative, les premiers
mouvements de terrain ont eu lieu. À la mi-mars 1997, un remblayage
d'urgence de 1'500 m3 a été exécuté en raison de mouvements de terrain très
importants.

  Le 8 avril 1997, A. Assurances a établi un rapport photographique dont il
ressort qu'un décollement affecte son terrain et que des ancrages permanents
ont été fixés au sous-sol de ses parcelles nos a et b. Les ancrages ont été
posés par la Coopérative et ses mandataires.

  Après que A. Assurances eut obtenu du Président du Tribunal civil du
district de Lausanne un constat d'urgence ainsi que des mesures
préprovisionnelles et provisionnelles ordonnant à la Coopérative de cesser
tous les travaux autres que ceux de consolidation, les parties ont conclu un
accord sur les mesures provisionnelles et les travaux de construction de la
rue X. ont pu reprendre au début du mois de novembre 1997. Ils ont été
achevés en 1999.

  D.- Le 14 novembre 1997, A. Assurances a ouvert action devant la Cour
civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud contre la Coopérative et la
Commune, en concluant au paiement par celles-ci, solidairement entre elles
ou chacune pour la part que Justice dirait, du montant de 200'000 fr. plus
intérêts. La Coopérative a conclu au rejet de la demande. La Commune a
conclu principalement au rejet de la demande et subsidiairement à ce que la
Coopérative soit tenue de la relever de toute condamnation. La Coopérative a
conclu au rejet des conclusions récursoires de la Commune. En cours
d'instance, la demanderesse a augmenté ses conclusions à 305'000 fr. plus
intérêts.

  Les parties ont admis que les événements de 1997 avaient démontré que
l'ingénieur I. avait sous-estimé la nature du sol, et surtout du sous-sol de
la parcelle litigieuse. Elles ont admis que ce faisant, I. avait agi
contrairement aux règles de l'art et que cet élément était en

rapport de causalité naturelle et adéquate avec les dommages occasionnés aux
immeubles de la demanderesse.

  La Cour civile a ordonné une expertise judiciaire, dont il ressort en
substance que les parcelles nos a et b ont subi ensemble une moins-value de
160'000 fr. en raison de la présence des ancrages permanents et que le coût
de la remise en état des aménagements extérieurs endommagés peut être évalué
à 145'000 fr., TVA incluse.

  E.- Par jugement du 6 octobre 2004, la Cour civile a condamné les
défenderesses, solidairement entre elles, à payer à la demanderesse la somme
de 305'000 fr. avec intérêts. Elle a en outre dit que la Coopérative était
tenue de relever la Commune de tout montant versé en paiement de la somme
ainsi allouée ainsi que des dépens mis à sa charge, et a statué sur les
frais et dépens.

  F.- Tant la Coopérative que la Commune ont recouru en réforme au Tribunal
fédéral contre ce jugement.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.

  2.1  La Commune conteste sa légitimation passive. Elle soutient que la
Cour civile aurait considéré à tort que l'art. 679 CC instituait une
responsabilité solidaire du propriétaire d'un bien-fonds et du titulaire
d'un droit réel restreint lui permettant d'exploiter le bien-fonds. Il
résulterait au contraire de la jurisprudence et de la doctrine que celui qui
exerce la maîtrise de fait sur le fonds répond seul des atteintes aux droits
des propriétaires voisins, si bien qu'en présence d'un droit de superficie,
la qualité pour défendre appartiendrait exclusivement au superficiaire, qui
exerce sur le bien-fonds la maîtrise la plus étendue. Au demeurant, le
dommage ne pourrait en l'espèce être mis en relation avec aucun comportement
causal de la Commune, la simple hypothèse de la Cour civile selon laquelle
la Commune "pourrait avoir contribué à causer les dommages invoqués par la
demanderesse" ne pouvant fonder une condamnation.

  2.2  Sous le titre marginal "Responsabilité du propriétaire", l'art. 679
CC dispose que celui qui est atteint ou menacé d'un dommage parce qu'un
propriétaire excède son droit peut actionner ce propriétaire pour qu'il
remette les choses en l'état ou prenne des mesures en vue d'écarter le
danger, sans préjudice de tous dommages-intérêts.

  2.2.1  Nonobstant le texte de cette disposition, le Tribunal fédéral a
reconnu la qualité pour défendre non seulement au propriétaire du

fonds, mais aussi au titulaire d'un droit réel restreint qui a l'usage du
fonds (ATF 88 II 252 consid. 3 p. 264; 68 II 369 consid. 2, tous deux
concernant un droit de superficie; 68 II 14 consid. 2a, concernant un droit
de source; cf. ATF 91 II 281 consid. 5b p. 287; PAUL-HENRI STEINAUER, Les
droits réels, tome II, 3e éd. 2002, n. 1905). Dans la pratique, le cas le
plus important est celui du titulaire d'un droit de superficie au sens de
l'art. 779 CC (cf. ROBERT HAAB/AUGUST SIMONIUS/WERNER SCHERRER/DIETER ZOBL,
Zürcher Kommentar, Bd. IV/1, 1977, n. 12 ad art. 679 CC; ARTHUR MEIER-HAYOZ,
Berner Kommentar, Bd. IV/1/2, 1964, n. 58 ad art. 679 CC; ALFRED KELLER,
Haftpflicht im Privatrecht, Bd. I, 6e éd. 2002, p. 221).

  Le Tribunal fédéral a également reconnu la qualité pour défendre au
titulaire d'un droit personnel permettant d'utiliser le fonds (ATF 104 II 15
consid. 2-4; 101 II 248 consid. 2, tous deux concernant un bail à ferme; cf.
ATF 109 II 304 consid. 2). Cette question est toutefois controversée en
doctrine (cf. STEINAUER, op. cit., n. 1905 et les références citées;
MEIER-HAYOZ, op. cit., n. 61 s. ad art. 679 CC et les références citées;
HENRI DESCHENAUX/PIERRE TERCIER, La responsabilité civile, 2e éd. 1982, § 13
n. 20; BÉNÉDICT FOËX, A propos de l'action en responsabilité du propriétaire
d'immeuble [art. 679 CC], in JdT 1999 I p. 474 ss, 482-484; URS HESS-ODONI,
Bauhaftpflicht, 1994, n. 837).

  2.2.2  Le critère est celui de la maîtrise de fait que la personne a sur
le fonds (FRANZ WERRO/JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY, Les immissions de la
construction, in Journées du droit de la construction 1997, p. 57 ss, 67;
DESCHENAUX/TERCIER, op. cit., § 13 n. 20; LAURENT L'HUILLIER, La
responsabilité du propriétaire foncier selon l'article 679 du Code civil
suisse, in RDS 71/1952 p. 1a ss, 72a s. et 76a), à l'instar d'un
propriétaire (cf. PIERRE WIDMER, Bodenhaftung, in Aktuelle Aspekte des
Schuld- und Sachenrechts, Festschrift für Heinz Rey zum 60. Geburtstag,
2003, p. 343 ss, 346; PASCAL SIMONIUS/THOMAS SUTTER, Schweizerisches
Immobiliarsachenrecht, Bd. I, 1995, § 13 n. 10 p. 418). Le titulaire d'un
droit réel restreint ou d'un droit personnel répond ainsi du dommage qu'il a
causé par son propre comportement, en excédant son droit dans l'exercice de
sa maîtrise de fait sur le fonds (ATF 104 II 15 consid. 2a et 2b; 91 II 281
consid. 5b; MEIER-HAYOZ, op. cit., n. 58 ad art. 679 CC; PETER LIVER,
Zürcher Kommentar, Bd. IV/2a/1, 1980, n. 107 ad art. 737 CC).

  2.3  Lorsque le titulaire d'un droit de superficie répond, sur la base de
l'art. 679 CC, d'un dommage résultant de l'exercice excessif de

son droit, il se pose la question de savoir si le propriétaire du fonds de
base a également qualité pour défendre.

  2.3.1  Dans un arrêt relativement ancien, le Tribunal fédéral a jugé que
les superficiaires d'un fonds qui entendaient y ériger un parking de
plusieurs étages avaient seuls qualité pour défendre à une action en
prévention du trouble, laquelle ne pouvait pas être dirigée contre la
propriétaire du bien-fonds. En effet, les immissions redoutées ne
proviendraient pas du fonds de base, mais du bâtiment qui devait y être
érigé en exercice du droit de superficie. L'atteinte redoutée ne pouvait dès
lors pas être le fait de la propriétaire dans l'exercice de son droit de
propriété, mais uniquement celui des superficiaires dans l'exercice de leur
droit propre (arrêt du 30 juin 1931, publié in ZR 30/1931 p. 297 et évoqué à
l'ATF 91 II 281 consid. 5b).

  2.3.2  Cette solution est approuvée par de nombreux auteurs. Ainsi, LIVER
souligne que si le dommage résulte de l'utilisation du bien-fonds par le
titulaire d'une servitude, celui-ci doit en répondre seul, à l'exclusion du
propriétaire du bien-fonds; en effet, le propriétaire du fonds et le
titulaire de la servitude ne se trouvent pas dans un rapport contractuel,
mais chacun est titulaire d'un droit réel indépendant sur le bien-fonds et
est soumis, dans l'exercice de son droit, aux règles limitant l'utilisation
du bien-fonds (LIVER, op. cit., n. 107 ad art. 737 CC). MEIER-HAYOZ relève
de même que propriétaires et titulaires de droits réels restreints sont
titulaires indépendants de droits de même nature et ne se trouvent pas dans
un rapport de subordination; selon lui, si le propriétaire foncier était
condamné à couvrir le dommage résultant d'un excès imputable au titulaire de
la servitude, il ne pourrait pas se retourner contre ce dernier, faute d'une
relation contractuelle (MEIER-HAYOZ, op. cit., n. 65 s. ad art. 679 CC).

  L'HUILLIER souligne que le titulaire d'une servitude exerce un droit qui
lui appartient en propre, bien qu'il ait pour objet le fonds d'autrui, et il
estime qu'il n'y a aucun motif pour rendre le propriétaire du fonds grevé
responsable selon l'art. 679 CC du dommage causé par le tiers qui excède les
prérogatives que la servitude lui confère; selon lui, il serait injuste de
rendre le propriétaire responsable à raison de l'usage des facultés dont il
s'est démuni en constituant la servitude (L'HUILLIER, op. cit., p. 62a et
76a). HESS-ODONI relève quant à lui que l'utilisation d'un bien-fonds par le
titulaire d'un droit réel restreint échappe à la maîtrise juridique et de
fait du propriétaire,

si bien que celui-ci doit être libéré de toute responsabilité selon l'art.
679 CC pour le dommage résultant d'une telle utilisation (HESS-ODONI, op.
cit., n. 835).

  KELLER estime lui aussi que la qualité pour défendre du superficiaire -
lequel est soumis aux règles du droit de voisinage tout comme un
propriétaire - exclut de s'en prendre au propriétaire du fonds de base, à
plus forte raison encore lorsque le droit de superficie est immatriculé
comme immeuble au registre foncier selon l'art. 779 al. 3 CC (KELLER, op.
cit., p. 221). SIMONIUS/SUTTER sont également d'avis que le titulaire du
droit réel restreint a seul qualité pour défendre, en tout cas lorsqu'il
s'agit de la prévention d'une immission actuelle ou de l'indemnisation pour
une telle immission (SIMONIUS/SUTTER, op. cit., § 13 n. 10 p. 418).

  Selon STARK, il convient de voir quelle est la personne dont la maîtrise
de fait sur l'immeuble a déterminé l'atteinte: si cette dernière provient
par exemple de l'exploitation normale par un fermier d'une installation
construite par le propriétaire du fonds, ce dernier en répond seul; en
revanche, si l'atteinte provient d'une utilisation particulière du
bien-fonds par le titulaire d'un droit personnel ou d'un droit réel
restreint, le propriétaire n'en répond pas (EMIL W. STARK, Das Wesen der
Haftpflicht des Grundeigentümers nach Art. 679 ZGB, 1952, p. 208 s.).

  2.3.3  HAAB/SIMONIUS/SCHERRER/ZOBL doutent que la responsabilité du
superficiaire exclue celle du propriétaire et estiment que ce dernier
devrait également pouvoir être recherché pour le dommage causé par le
superficiaire (HAAB/SIMONIUS/SCHERRER/ZOBL, op. cit., n. 12 ad art. 679 CC).
Se référant à l'ATF 104 II 15 consid. 4, STEINAUER affirme que selon le
Tribunal fédéral, il faut examiner d'après les circonstances concrètes si,
lorsqu'un titulaire de droit réel limité ou de droit personnel peut être
recherché, le demandeur peut aussi diriger son action contre le
propriétaire; il faut pour cela déterminer si le propriétaire a contribué à
causer le dommage (STEINAUER, op. cit., n. 1905c; dans le même sens PETER
HÄNNI/JÖRG SCHMID, Bauimmissionen: ein Problem des öffentlichen und privaten
Rechts, in Baurechtstagung 1997, p. 52 ss, 78). Pour cet auteur, on devrait
l'admettre de façon large dès que le fonds a été mis à disposition en vue
d'un certain usage, dont est ensuite résultée l'atteinte (STEINAUER, op.
cit., n. 1905c).

  2.3.4  L'opinion de la doctrine majoritaire (cf. consid. 2.3.2 supra),
selon laquelle le propriétaire d'un fonds ne répond pas, sur la base

de l'art. 679 CC, du dommage résultant de son utilisation par le titulaire
d'un droit de superficie sur ce fonds, est solidement étayée et paraît
convaincante du point de vue dogmatique. Il est en effet incontestable que
le superficiaire, en tant qu'il construit ou exploite les ouvrages dont le
droit de superficie lui permet de devenir propriétaire, exerce seul, en
vertu d'un droit réel indépendant, la maîtrise juridique et de fait sur le
bien-fonds. Si le superficiaire cause un dommage parce qu'il excède son
droit, il apparaît logique qu'il en réponde seul et que la responsabilité du
propriétaire du fonds de base ne soit pas engagée à raison de l'usage d'un
droit sur lequel il n'a aucune maîtrise.

  Dans la mesure où le propriétaire n'a aucune influence sur la manière dont
s'exerce la maîtrise de fait du superficiaire sur le bien-fonds, on ne peut
arguer qu'il a contribué à causer le dommage, ce qui distingue ce cas de
celui jugé à l'ATF 104 II 15: en effet, dans cet arrêt, si les propriétaires
de plusieurs parcelles ont été tenus pour coresponsables du dommage
résultant de la pollution d'une nappe phréatique par les eaux usées
provenant de l'exploitation d'une entreprise, que celle-ci filtrait dans des
bassins qu'elle avait installés sur les parcelles en cause, l'élément
déterminant était que ces propriétaires avaient mis leurs parcelles à
disposition spécialement à cette fin et qu'ils avaient ainsi déterminé la
manière dont devait s'exercer la maîtrise de fait sur leurs fonds (ATF 104
II 15 consid. 4).

  2.4  Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher ici la question de
savoir si la responsabilité selon l'art. 679 CC du titulaire d'un droit de
superficie, en cas de dommage résultant de l'exercice excessif de son droit,
exclut dans tous les cas celle du propriétaire du fonds, comme pourrait le
laisser penser l'arrêt du Tribunal fédéral du 30 juin 1931 précité (cf.
consid. 2.3.1 supra), ou si l'on peut envisager des cas où le propriétaire
devrait également se voir reconnaître la qualité pour défendre pour le motif
qu'il a conservé une certaine maîtrise de fait sur l'immeuble et qu'il a
contribué à causer le dommage.

  2.4.1  En effet, il est constant que dans la présente espèce, où la
Commune a constitué sur sa parcelle n° c un droit de superficie en faveur de
la Coopérative pour les deux immeubles que celle-ci projetait d'y édifier,
le dommage invoqué par la demanderesse est imputable au comportement de la
Coopérative, qui a excédé ses droits dans l'exercice de la maîtrise de fait
qu'elle exerce seule sur l'immeuble en vertu de son droit de superficie. On
ne voit pas en quoi la

Commune, qui par la constitution du droit de superficie s'est démunie de la
maîtrise de fait sur l'immeuble pour n'en garder que la nue-propriété,
aurait contribué à causer le dommage.

  2.4.2  La demanderesse soutient que la Commune devrait également pouvoir
être recherchée dès lors que, comme superficiante, elle est intervenue de
manière décisive dans l'élaboration du projet (la convention de superficie
du 7 janvier 1997 déterminant de manière précise le nombre d'appartements et
leur typologie) et son financement (la Commune ayant remis gratuitement les
cédules hypothécaires libres de tout engagement à la Coopérative), et
qu'elle s'est réservé dans la convention de superficie des droits de regard
quant à l'exploitation des immeubles, quant à la cessibilité du droit de
superficie et quant à la fixation des loyers. La Commune et la Coopérative
auraient donc des intérêts économiques conjoints liés à l'exploitation du
fonds, qui procure d'ailleurs à la Commune un rendement non négligeable sous
la forme d'une redevance annuelle égale à 4 % de la valeur du terrain fixée
à la date de la passation du contrat, pouvant être augmentée progressivement
à 5 % au cours des seize premières années.

  2.4.3  Ces arguments ne sont toutefois pas pertinents. Quand bien même la
Commune tire un profit économique de l'exploitation des bâtiments construits
en vertu du droit de superficie et qu'elle s'est réservé un certain nombre
de droits de nature contractuelle, il n'en demeure pas moins que dès
l'inscription au registre foncier du droit de superficie (cf. art. 971 al. 1
CC), la Coopérative a exercé seule la maîtrise sur le bien-fonds en vertu de
ce droit réel. La Commune n'a aucune maîtrise de fait sur l'immeuble ni sur
la manière dont la Coopérative exerce son droit, si bien qu'elle ne saurait
être recherchée pour le dommage résultant d'un excès de ce droit.

  2.5  Au regard de ce qui vient d'être exposé, c'est ainsi à tort que la
Cour civile a reconnu à la Commune la qualité pour défendre à l'action de la
demanderesse aux côtés de la Coopérative. Le recours en réforme de la
Commune doit par conséquent être admis et le jugement attaqué réformé en ce
sens que les conclusions prises par la demanderesse contre la Commune sont
rejetées, ce qui rend sans objet les conclusions récursoires prises par la
Commune contre la Coopérative.
  (...)

Erwägung 4

  4.

  4.1  La Coopérative fait grief aux juges cantonaux d'avoir violé les art.
679 CC, 667 al. 1 CC et 42 al. 1 CO pour s'être bornés à reprendre l'avis de
l'expert, selon lequel les parcelles de la demanderesse ont subi ensemble
une moins-value de 160'000 fr. en raison de la présence des ancrages
permanents, sans examiner si la présence desdits ancrages constituait une
atteinte à la propriété de la demanderesse et donc un dommage. Or selon
l'art. 667 al. 1 CC, la propriété du sol n'emporte celle du dessous que dans
la profondeur utile à son exercice. Il faut donc que le propriétaire ait un
intérêt digne de protection quant à l'exercice, même éventuel, de son droit
dans le sous-sol. La Coopérative fait valoir qu'en l'espèce, le jugement
attaqué ne contient aucune constatation permettant de conclure à l'existence
d'un intérêt de la demanderesse à dominer l'espace souterrain de son
bien-fonds et à exercer des possibilités d'utilisation de celui-ci. Or il
incombait à la demanderesse d'alléguer et de prouver qu'elle était
propriétaire du sous-sol où se trouvent les ancrages, en alléguant et
prouvant qu'elle avait les possibilités techniques, économiques et
réglementaires d'exploiter l'espace en question.

  4.2  En vertu de l'art. 667 al. 1 CC, la propriété du sol n'emporte celle
du dessous que dans la profondeur utile à son exercice. Cela suppose, selon
la jurisprudence et la doctrine, que le propriétaire ait un intérêt digne de
protection quant à l'exercice, même éventuel, de son droit dans le sous-sol;
un tel intérêt n'existe, quant à un certain espace au-dessous du sol, que si
le propriétaire peut dominer cet espace et exercer les possibilités
d'utilisation qui découlent de la propriété (intérêt positif), ou si des
agissements de tiers dans cet espace porteraient atteinte à l'utilisation du
fonds (intérêt négatif), ce qu'il faut juger d'après les circonstances du
cas particulier (ATF 93 II 170 consid. 5; 97 II 333 consid. 2; 119 Ia 390
consid. 5c/bb; 100 IV 155 consid. 2; FRANZ WEBER, Das Grundeigentum im
Wandel, in RNRF 79/1998 p. 353 ss, 369; JUSTIN THORENS, L'étendue en
profondeur de la propriété foncière, in RDS 89/1970 I p. 255 ss, 269-272;
STEINAUER, op. cit., n. 1616 ss; HEINZ REY, Basler Kommentar,
Schweizerisches Zivilgesetzbuch II, 2003, n. 3-8 ad art. 667 CC;
HAAB/SIMONIUS/SCHERRER/ZOBL, op. cit., n. 5 ad art. 667 CC; MEIER-HAYOZ, op.
cit., n. 7 et 10 ad art. 667 CC; BLAISE KNAPP, L'urbanisme du sous-sol, in
DC 1987 p. 27 ss, 28 s.). Un intérêt futur suffit, pour autant que sa
réalisation dans un avenir prévisible apparaisse vraisemblable d'après le
cours ordinaire des choses; à cet égard, il faut tenir

compte de la situation et de la nature de l'immeuble, de l'utilisation
envisagée, ainsi que des obstacles de nature technique ou juridique (ATF 132
III 353 consid. 2.1 et les auteurs cités; 100 IV 155 consid. 2). Le simple
intérêt à se voir allouer une indemnité ne constitue en revanche pas un
intérêt digne de protection aux fins de l'art. 667 al. 1 CC (ATF 132 III 353
consid. 4.2 et les arrêts cités).

  4.3  La doctrine est divisée sur la question de savoir s'il incombe au
propriétaire foncier de prouver qu'il a un intérêt digne de protection à
l'exercice du droit de propriété sur le sous-sol considéré, ou s'il
appartient au contraire à celui qui conteste l'intérêt du propriétaire de
prouver que cet intérêt n'existe pas (cf. THORENS, op. cit., p. 278 s.;
KNAPP, op. cit., p. 29; cf. ATF 132 III 353 consid. 3, dans lequel le
Tribunal fédéral a pu laisser la question indécise).

  4.3.1  La doctrine dominante, ou considérée telle par MEIER-HAYOZ (op.
cit., n. 11 ad art. 667 CC) et par THORENS (op. cit., p. 278), soutient la
première solution. Elle fait valoir qu'aux termes de l'art. 667 al. 1 CC, la
propriété du sol n'emporte celle du dessus et du dessous que dans la hauteur
et la profondeur utiles à son exercice. Or la règle générale veut que
lorsque l'exercice d'un droit est lié à un intérêt, il incombe à celui qui
invoque le droit en question de prouver cet intérêt (HANS LEEMANN, Berner
Kommentar, Bd. IV/1, 2e éd. 1920, n. 13 ad art. 667 CC, étant précisé que
dans la première édition de 1911, cet auteur soutenait au contraire que la
limitation du droit de propriété à l'intérêt du propriétaire constituait
l'exception, qui en tant que telle devait être prouvée par celui qui se
prévalait de l'absence d'intérêt; HANS KUHN, Die Beweislast, thèse Berne
1912, p. 87 s.; HAAB/SIMONIUS/SCHERRER/ZOBL, op. cit., n. 4 ad art. 667 CC;
WEBER, op. cit., p. 369 note 80). En d'autres termes, comme l'art. 667 al. 1
CC reconnaît au propriétaire foncier un droit limité verticalement à son
utilité, c'est au propriétaire de prouver cette utilité (EDMOND PITTARD,
Principes d'une législation fédérale sur la Circulation aérienne, in RDS
38/1919 p. 489 ss, 506).

  4.3.2  Pour une autre partie de la doctrine, on ne saurait déduire de la
seule formulation de l'art. 667 al. 1 CC - qui peut certes paraître imposer
au propriétaire d'établir, s'agissant de l'extension verticale de sa
propriété, qu'il a un intérêt à repousser une atteinte - que la loi
entendrait privilégier ainsi les intérêts de celui qui s'immisce dans la
sphère de propriété d'autrui au détriment des intérêts du propriétaire
foncier. Il conviendrait bien plutôt, au regard des intérêts

en présence, d'imposer à celui qui s'immisce dans la sphère de propriété
d'autrui de prouver l'absence d'intérêt du propriétaire foncier. En effet,
de la même manière qu'en cas d'exercice abusif du droit de propriété, le
fardeau de la preuve incombe à celui qui invoque l'art. 2 CC, l'absence
exceptionnelle d'intérêt du propriétaire à l'exercice de son droit dans le
sous-sol doit être prouvée par celui qui invoque ce fait destructeur (MAX
KUMMER, Berner Kommentar, Einleitung, 1966, n. 182 ad art. 8 CC;
MEIER-HAYOZ, op. cit., n. 11 ad art. 667 CC, avec référence à la solution du
droit allemand; LEEMANN, Berner Kommentar, Bd. IV/1, 1re éd. 1911, n. 13 ad
art. 667 CC, étant précisé que, comme on l'a vu, cet auteur a changé
d'opinion dans la deuxième édition de 1920; dans le même sens, mais sans
motivation, STEINAUER, op. cit., n. 1616a).

  4.4  Entre ces deux opinions inconciliables, la préférence doit être
donnée à celle de la doctrine dominante (cf. consid. 4.3.1 supra), et cela
pour des raisons aussi bien dogmatiques que pratiques.

  4.4.1  Sur le plan dogmatique d'abord, il résulte de l'art. 667 al. 1 CC
qu'un immeuble constitue à l'instar d'une chose mobilière un corps
tridimensionnel, dont l'extension verticale est définie par l'intérêt que
présente l'exercice du droit de propriété (ATF 132 III 353 consid. 2.1; 122
II 349 consid. 4a/aa; 119 Ia 390 consid. 5c/bb et les références citées). En
effet, le Code civil suisse n'a pas adopté la définition traditionnelle de
l'étendue matérielle d'un immeuble, qui y fait rentrer le dessus et le
dessous sans délimitation plus précise; s'inspirant du Code civil des
Grisons, il s'en est au contraire rapporté à l'intérêt du propriétaire pour
fixer l'étendue et les limites de son droit (EUGEN HUBER, Exposé des motifs
de l'avant-projet du Département fédéral de Justice et Police, Berne 1902,
p. 470 [traduction de Virgile Rossel]; cf. le Message du Conseil fédéral [p.
64], dont le projet reprenant les propositions d'EUGEN HUBER n'a sur ce
point donné lieu à aucune discussion devant les Chambres fédérales). Le
droit suisse se distingue ainsi notamment du droit allemand, qui se rattache
à la conception du droit commun selon laquelle "qui dominus est soli dominus
est coeli et inferorum" (MEIER-HAYOZ, op. cit., n. 2 ad art. 667 CC; ATF 119
Ia 390 consid. 5c/bb). Il est donc vain de se référer à la solution du droit
allemand, comme le fait MEIER-HAYOZ (op. cit., n. 11 ad art. 667 CC; cf.
Entscheidungen des Reichsgerichts in Zivilsachen 59/1905 p. 116 ss, 120;
Juristische Wochenschrift 1928 p. 502 ss, 503), pour considérer l'absence
d'intérêt du propriétaire comme un fait destructeur (rechtshindernde
Tatsache) qu'il incomberait à la partie adverse de prouver.

  4.4.2  Nonobstant l'opinion de la doctrine minoritaire (cf. consid. 4.3.2
supra) selon laquelle sa solution correspondrait mieux à la situation des
intérêts en présence (KUMMER, op. cit., n. 182 ad art. 8 CC), des
considérations pratiques militent également en faveur de la solution
soutenue par la doctrine dominante. Il faut en effet admettre que le
propriétaire est davantage à même d'établir l'existence d'un intérêt à
exercer son droit de propriété dans le sous-sol de son immeuble que la
partie adverse ne l'est de prouver l'absence d'un tel intérêt; il est en
effet mieux placé que quiconque pour connaître la nature et les
caractéristiques de son bien-fonds, et surtout l'utilisation qui en est
envisagée dans un avenir prévisible (cf. ATF 132 III 353 consid. 2.1). Au
surplus, lorsque le propriétaire réclame une indemnité en raison d'une
atteinte à sa propriété, c'est de toute manière à lui qu'incombe la preuve
de l'existence et du montant du préjudice subi (MEIER-HAYOz, op. cit., n.
142 ad art. 679 CC; idem, Berner Kommentar, Bd. IV/1/3, 1975, n. 27 ad art.
701 CC).

  4.4.3  En définitive, il apparaît adéquat du point de vue des intérêts en
présence, aussi bien que convaincant d'un point de vue dogmatique, de
décider qu'il incombe au propriétaire foncier de prouver qu'il a un intérêt
digne de protection à l'exercice du droit de propriété sur le sous-sol
considéré, et non à celui qui conteste l'intérêt du propriétaire de prouver
que cet intérêt n'existe pas.

  4.5  En l'espèce, force est de constater que la demanderesse n'a pas
établi avoir un intérêt à un exercice de son droit de propriété sur le
volume du sous-sol de ses parcelles nos a et b dans lequel pénètrent les
quatre ancrages permanents litigieux. Elle n'a en particulier pas allégué ni
prouvé en quoi la présence desdits ancrages affecterait les possibilités
d'utilisation future de ses parcelles et entraînerait de ce fait une
moins-value (cf. ATF 122 II 246 pour la moins-value subie par une parcelle
en raison de la perte de possibilités de construction en sous-sol liée à la
construction d'un tunnel). La seule constatation, ressortant de l'expertise
judiciaire, que les parcelles nos a et b ont subi ensemble une moins-value
de 160'000 fr. en raison de la présence des ancrages permanents n'est à cet
égard d'aucun secours à la demanderesse; en effet, elle ne se fonde
nullement sur une possible utilisation concrète du volume du sous-sol
considéré, mais procède d'un calcul abstrait indépendant de tout exercice du
droit de propriété sur le sous-sol en question.

  L'absence de preuve d'un intérêt de la demanderesse à exercer son droit de
propriété sur le volume du sous-sol dans lequel pénètrent

les ancrages litigieux conduit ainsi à trancher en sa défaveur, conformément
à l'art. 8 CC, lequel répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur
cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de
la preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6 et la jurisprudence citée). Le recours
en réforme de la Coopérative doit par conséquent être partiellement admis et
le jugement attaqué réformé en ce sens que la Coopérative ne doit payer à la
demanderesse que la somme de 145'000 fr. avec intérêts, correspondant aux
frais de remise en état des aménagements extérieurs des parcelles de la
demanderesse, dont les conclusions en versement d'une indemnité de 160'000
fr. en raison de la présence des ancrages litigieux dans le sous-sol de ses
parcelles doivent être rejetées.