Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 III 609



Urteilskopf

132 III 609

  73. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. et Y. contre
Banque Z. SA (recours en réforme)
  4C.86/2006 du 14 juillet 2006

Regeste

  Internationales Privatrecht; Anknüpfung der Anweisung (Art. 117 IPRG).

  Bei der Anweisung ist, vorbehältlich einer Rechtswahl, die Leistung des
Angewiesenen als charakteristisch zu betrachten, und zwar sowohl im
Verhältnis zwischen dem Anweisenden und dem Angewiesenen wie auch im
Verhältnis zwischen dem Angewiesenen und dem Anweisungsempfänger (E. 4).

  Gültigkeit der Stornierung einer Banküberweisung.

  Die Banküberweisung ist als Anweisung im Sinne des Art. 466 OR zu
qualifizieren (Bestätigung der Rechtsprechung; E. 5.1).

  Die Anweisung ist die Verbindung von zwei Willensäusserungen des
Anweisenden (E. 5.2).

  Das von den Banken zur Identifizierung des wirtschaftlich an den von ihren
Klienten hinterlegten Werten Berechtigten verwendete Formular ("Formular A")
entfaltet keinerlei privatrechtliche Wirkung (E. 5.3.1).

  Ist eine Banküberweisung ohne gültigen Rechtsgrund vorgenommen worden (E.
5.3.5), steht der Bank ein Recht auf Stornierung zu, falls sich der von ihr
gutgeschriebene Betrag noch auf dem Konto ihres Klienten befindet (E.
5.3.6).

Sachverhalt

  A.

  A.a Les ressortissants russes X. et Y. (les demandeurs), tous deux
domiciliés à Saint-Pétersbourg (Russie), sont, respectivement, directeur et
secrétaire de la société D. Holding Inc. (ci-après: D.), sise aux Iles
Vierges Britanniques.

  En 1995, D. a ouvert auprès de la Banque Z. SA, (ci-après: la défenderesse
ou la banque) un compte commercial destiné à des opérations d'import-export;
les ayants droit économiques en étaient les demandeurs, qui avaient chacun
un droit de signature individuelle sur ce compte.

  A.b Dès le début 1996, X. et Y. ont entretenu des relations d'affaires
avec B., également de nationalité russe et domicilié en Russie, cela dans le
cadre d'un commerce de denrées alimentaires à destination de la Sibérie.

  Le 23 décembre 1996, X. et B. se sont rendus dans les locaux de la
défenderesse où ils ont été reçus par C., qui travaillait depuis le 1er
février 1995 comme employé de ladite banque. X. a présenté B. comme un
partenaire commercial de lui-même et de Y. B. a ouvert à son nom un compte
nominatif en dollars américains (US $), avec procuration en faveur de son
épouse et de sa fille, géré par C. Le formulaire A que B. a signé le même
jour, exigé en vertu de la Convention de diligence des banques suisses
(CDB), indique que le prénommé est le seul ayant droit économique des
avoirs.

  Le 10 février 1997, X. et Y. ont chacun ouvert un compte nominatif en US $
auprès de la défenderesse, géré par C.

  De décembre 1996 à mars 2000, des ordres de virement, signés par X. ou Y.,
ont été exécutés par le débit du compte de D. en faveur de celui de B., pour
un montant total de plus de 3 millions US $.

  Le 26 mai 1998, B., en présence de X. et de Y., a confié à la défenderesse
un mandat de gestion sur son compte nominatif.

  A.c Le 4 mars 2000, C., qui était devenu depuis le 1er janvier 2000
directeur adjoint de la défenderesse, a rencontré X. et Y. dans un hôtel de
Saint-Pétersbourg. A cette occasion, ceux-ci ont déclaré à C. que le 60 %
des avoirs déposés sur le compte de B. leur appartenait, à raison de 30 %
chacun. C. a alors remis à ses interlocuteurs deux formulaires A, l'un étant
vierge, le second mentionnant les noms de B., X. et Y., que les deux
derniers devaient remettre pour signature au premier afin que la
modification des ayants droit économiques du compte en cause puisse être
opérée. C. a encore transmis aux demandeurs un formulaire modifiant le
profil de gestion du compte de B., à faire parapher par celui-ci.

  Les demandeurs et C. se sont entretenus le 20 mars 2000 dans les bureaux
de la défenderesse à Genève. Les premiers ont restitué au second le
formulaire de profil d'investissement, signé en blanc par B., ainsi qu'un
formulaire A concernant le compte du susnommé, muni de sa signature
authentique. Sur ce document, C. a mentionné de sa main le nom du titulaire,
le numéro de compte, les ayants droit économiques, à savoir B. pour 40 %, X.
et Y. pour 30 % chacun, ainsi que le lieu et la date du 20 mars 2000, avant
d'y apposer son paraphe et son timbre humide. C. a toutefois informé X. et
Y. que le formulaire A remis était insuffisant pour procéder au partage des
avoirs du compte de B. et qu'il fallait que l'intéressé ordonne lui-même
l'opération.

  Au cours du même entretien, X. et Y. ont ouvert auprès de la défenderesse
des comptes numériques en US $ et signé des mandats de gestion en faveur de
la banque.

  Puis, C. a rédigé le texte suivant sur un extrait du compte de B.:

   "Please split my portfolio according to % shares signed on the formulaire
    'A'. 40 % of the portfolio stays under my a/c. The remaining 30 % to Mr
    X., 30 % to Mr Y.".

  C. a enfin invité X. et Y. à apposer leur signature sous ce texte; ces
derniers se sont exécutés sans délai.

  A.d Le 24 mars 2000, C. a fait opérer le transfert selon les instructions
résultant de la pièce signée par les demandeurs. Le compte numérique de
chacun de ces derniers a été crédité de 1'015'000 US $, somme correspondant
aux 60 % des avoirs qui se trouvaient sur le compte de B. Les avis de crédit
adressés aux bénéficiaires spécifiaient, sous la rubrique "donneur d'ordre",
le nom de B. et, à titre de motif du paiement, indiquaient "Split
portefeuille visite 21/03/2000".

  Il a été constaté que C. avait conscience que le document qu'il avait fait
signer aux demandeurs était dénué de portée juridique, mais qu'il pensait
que le titulaire du compte débité approuverait ultérieurement l'ordre de
transfert.

  Le même jour, C. a complété le formulaire de "Profil d'investissement" que
B. avait signé en blanc, puis coché le type de gestion le plus risqué prévu
par cette pièce.

  Les avoirs transférés sur les comptes numériques des demandeurs ont été
immédiatement investis en titres.

  A.e Le 12 septembre 2000, B., après une maladie de six mois, a téléphoné à
C. pour connaître le solde de son compte. Comme celui-là s'étonnait du
montant indiqué, celui-ci a proposé de le rencontrer le lendemain à Moscou.
Lors de cette entrevue, C. a présenté à B. le formulaire A et le "Profil
d'investissement" portant la signature de ce dernier. B. a alors affirmé
n'avoir jamais signé de tels documents.

  Le 15 septembre 2000, X. et Y. ont chacun envoyé à la banque par
télécopies un ordre de transfert - qui se montait à 1'090'214 US $ pour le
premier et à 600'000 US $ pour le second - afin que les fonds déposés sur
leurs comptes numériques soient virés en faveur du compte de D. Ces ordres
de transfert, confirmés par téléphones, puis par télex, n'ont pas été
exécutés par la défenderesse.

  Le 15 septembre 2000, B. a envoyé à C. un courrier dont la teneur est la
suivante:

   "Depuis (janvier 2000) et jusqu'à mon contact avec vous en août 2000 je
    n'ai eu aucune prise de contact avec vous. Je ne vous ai donné aucune
    instruction au sujet de la gestion de mes avoirs. Je n'ai pas donné non
    plus à personne des pouvoirs de disposer de mes actifs et de mes
    comptes.

    (...) je suis l'unique propriétaire des actifs sur le compte n° x
    conformément à notre échange de documents en janvier 2000.

    (...)

    Pour prouver que entre le 20.03.2000 et du 24.03.2000 je ne vous ai
    donné aucune instruction, je vous communique les informations suivantes:

    1. Du 3 au 27 février 2000, j'ai été en Israël pour une opération
    médicale;

    2. Du 2 mars au 30 avril 2000 j'ai été sans interruption hospitalisé
    pour traitement dans une clinique à Tyumen;

    3. Les personnes qui sont en possession du droit de signature sur mon
    compte, à savoir ma femme et ma fille, ont été (du 3 février 2000 au 30
    avril 2000) en contact permanent avec moi ou ont été disponibles pour
    que vous les contactiez par téléphone (les numéros que vous avez n'ont
    pas changé et sont toujours opérationnels). Malgré ceci nous n'avons
    jamais reçu des appels de votre part".

  Par avis sans signatures datés du 19 septembre 2000, la défenderesse a
informé les demandeurs qu'elle retirait de leurs dossiers un certain nombre
de valeurs. Les titres retirés des comptes numériques des demandeurs,
correspondant à ceux acquis au moyen des fonds virés du compte de B. le 24
mars 2000, étaient évalués le 15 septembre 2000 à 978'770 US $ pour X. et à
898'869 US $ pour Y. Ces valeurs ont été transférées par la banque sur le
compte de B. le 21 septembre 2000.

  Ce même jour, la banque a avisé les demandeurs des transferts de valeurs
effectués. La défenderesse a motivé l'extourne par le fait que B. avait
contesté avoir signé le formulaire A mentionnant que les avoirs de son
compte étaient pour partie propriété de X. et Y.

  Le 27 novembre 2001, la banque a licencié C. pour des motifs liés à la
présente cause et l'a libéré avec effet immédiat de son obligation de
travailler.

  B.

  B.a Le 1er mai 2001, X. et Y. ont ouvert action contre la banque devant le
Tribunal de première instance de Genève. X. a conclu au paiement de
1'778'455 fr. 60 plus intérêts à 5 % dès le 15 septembre 2000 sur 1'727'355
fr. 60 correspondant à la différence entre l'état de fortune de son compte
numérique au 14 septembre 2000 et le solde de ce compte après le "retrait"
opéré par la banque le 21 septembre 2000, la somme de 51'100 fr.
représentant une indemnité destinée à couvrir des frais judiciaires et
d'avocat. Pour sa part, Y. a conclu au paiement de 1'636'187 fr. 05 plus
intérêts à 5 % dès le 15 septembre 2000 sur 1'580'087 fr. 05 correspondant à
la différence entre l'état de fortune de son compte numérique au 14
septembre

2000 et le solde de ce compte après le "retrait" effectué par la banque le
21 septembre 2000, la somme de 56'100 fr. représentant une indemnisation
pour les frais judiciaires et d'avocat encourus.

  La défenderesse a conclu à libération.

  Par jugement du 21 avril 2005, le Tribunal de première instance a condamné
la défenderesse à verser à X. la somme de 1'734'224 fr. avec intérêts à 5 %
dès le 15 septembre 2000 et à Y. le montant de 1'592'652 fr. plus intérêts à
5 % dès le 15 septembre 2000. Le premier juge a admis que le comportement de
C., qui avait procédé aux transferts de fonds litigieux alors que l'absence
d'instruction de B. lui était connue, était opposable à la banque en vertu
de l'art. 55 CC, de sorte que celle-ci ne pouvait invoquer ni l'erreur ni le
dol pour justifier l'extourne de septembre 2000 ou répéter les montants sur
la base des normes afférentes à l'enrichissement illégitime. De plus, ayant
payé volontairement, la défenderesse n'était pas à même de se prévaloir de
l'existence d'un dommage fondant l'action en dommages-intérêts instaurée par
l'art. 402 al. 2 CO. Enfin, aucun abus de droit de la part des demandeurs
n'entrait en ligne de compte.

  B.b Saisie d'un appel de la défenderesse, la Cour de justice du canton de
Genève, par arrêt du 20 janvier 2006, a annulé le jugement précité et,
statuant à nouveau, débouté tant X. que Y. de toutes leurs conclusions.

  C.- X. et Y. exercent un recours en réforme au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal. Ils concluent à ce que la juridiction fédérale annule
cette décision et, cela fait, condamne la défenderesse, d'une part, à verser
à X. la somme de 1'727'355 fr. 60 avec intérêts à 5 % l'an dès le 15
septembre 2000, soit la contre-valeur de 995'594 US $, d'autre part, à payer
à Y. le montant de 1'580'087 fr. 05 plus intérêts à 5 % l'an dès le 15
septembre 2000, soit la contre-valeur de 910'713 US $. Le Tribunal fédéral a
rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 4

  4.  La présente cause comporte des éléments d'extranéité puisque les deux
demandeurs, qui sont des ressortissants russes, sont domiciliés en Russie.
Il faut donc contrôler d'office la question du droit applicable au litige
(ATF 130 III 417 consid. 2 p. 421).

  La qualification des rapports juridiques noués par les plaideurs doit être
opérée selon la loi du for (ATF 129 III 738 consid. 3.4 p. 745; 128 III 295
consid. 2a p. 298).

  La situation d'espèce doit s'analyser comme un cas d'attribution directe
dans le cadre d'une relation triangulaire initiée par un virement bancaire,
où tant le donneur d'ordre apparent que les bénéficiaires étaient clients de
la même banque, i.e. la défenderesse. Une attribution de cette nature
constitue en droit une assignation directe. Dans cette forme d'assignation -
qui relève également de l'application des art. 466 ss CO réglementant le cas
normal de l'assignation dite assignation indirecte - l'assignant (le donneur
d'ordre) ne donne pas personnellement à l'assignataire l'autorisation de
recevoir auprès de l'assigné (la banque) une somme d'argent; c'est la banque
qui donne connaissance à l'assignataire de l'assignation lorsqu'elle opère
le virement au crédit de son compte (cf. WILHELM SCHÖNENBERGER, Commentaire
zurichois, n. 28 ad art. 466 CO; DANIEL GUGGENHEIM, Les contrats de la
pratique bancaire suisse, 4e éd., p. 492, ch. 5 let. a; IMOGEN
BILLOTTE-TONGUE, Aspects juridiques du virement bancaire, thèse Genève 1992,
ch. 62 p. 31; SÉBASTIEN BETTSCHART, Virement en chaîne et assignation
bancaire, thèse Lausanne 2000, p. 137 s.).

  In casu, le litige porte sur le rapport de droit qui lie l'assigné à
l'assignataire dit rapport d'assignation ou de prestation
(Anweisungsverhältnis ou Leistungsverhältnis). Si ce rapport de droit,
lequel sert de cause à la prestation que l'assigné exécute au profit de
l'assignataire, était vicié, comme le soutient l'intimée, on se trouverait
en présence d'un enrichissement sans cause légitime.

  A teneur de l'art. 128 al. 1 LDIP, les prétentions pour cause
d'enrichissement illégitime sont régies par le droit qui régit le rapport
juridique, existant ou supposé, en vertu duquel l'enrichissement s'est
produit.

  Le droit qui gouverne le rapport juridique ayant donné lieu à
l'enrichissement est, comme on vient de le voir, l'assignation (art. 466 ss
CO). En matière d'assignation, à défaut d'élection de droit, la prestation
caractéristique au sens de l'art. 117 LDIP, que ce soit dans la relation
assignant-assigné ou assigné-assignataire, est celle de l'assigné (ATF 127
III 553 consid. 2d; 122 III 237 consid. 1b; MAX KELLER/JOLANTA KREN
KOSTKIEWICZ, Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd., n. 96 ad art. 117 LDIP et
n. 32 ad art. 128 LDIP).

  L'établissement de la défenderesse et assignée se trouve en Suisse (cf.
art. 21 al. 3 LDIP). Il suit de là que le problème litigieux doit être
examiné à la lumière du droit suisse, plus précisément de l'art. 62 CO en
liaison avec les art. 466 ss CO. Du reste, les parties ne contestent pas
l'applicabilité du droit en question à la querelle.

Erwägung 5

  5.

  5.1  Il résulte de l'état de fait déterminant (art. 63 al. 2 OJ) que la
défenderesse, le 24 mars 2000, par le truchement de son directeur adjoint
C., a fait transférer sur le compte numérique que chacun des demandeurs
avait ouvert auprès d'elle le 20 mars 2000, la somme de 1'015'000 US $, cela
en débitant le compte nominatif en dollars américains de son client B. du
total de 2'030'000 US $. Les avis de crédit expédiés à chacun des recourants
spécifiaient que le donneur d'ordre était B.

  La défenderesse a ainsi exécuté un virement interne. Dans cette forme de
virement, tant le donneur d'ordre que le bénéficiaire sont titulaires d'un
compte dans le même établissement bancaire, de sorte que le transfert des
fonds est opéré par voie scripturale, la banque effectuant une simple
opération comptable dans ses livres (cf., sur cette notion, BETTSCHART, op.
cit., p. 15; GUGGENHEIM, op. cit., p. 492 s.; BILLOTTE-TONGUE, op. cit., ch.
27 p. 17).

  Comme on l'a vu ci-dessus, la doctrine est d'avis que le virement doit se
qualifier comme une assignation telle que l'entend l'art. 466 CO, par
laquelle la banque assignée remet au bénéficiaire (assignataire) la somme
d'argent que le donneur d'ordre a indiquée préalablement à l'assignée (cf.
également SILVIA TEVINI DU PASQUIER, Commentaire romand, n. 7 ad art. 466
CO; THOMAS KOLLER, Commentaire bâlois, tome I, n. 2 ad Vorbemerkungen zum
18. Titel, p. 2473; GEORG GAUTSCHI, Commentaire bernois, n. 6a ad art. 466
CO; CARLO LOMBARDINI, Droit bancaire suisse, p. 230/231; BETTSCHART, op.
cit., p. 130/131).

  La jurisprudence fédérale, sans approfondir la question, applique au
virement bancaire le régime de l'assignation (ATF 127 III 553 consid. 2c;
126 III 20 consid. 3a/aa p. 22; 121 III 109 consid. 2).

  Il n'y a pas lieu de revenir là-dessus.

  5.2  Il sied maintenant de définir la nature juridique de l'assignation.

  Il est désormais communément admis dans la doctrine, suivie par la
jurisprudence, que l'assignation est une double autorisation unilatérale

émanant de l'assignant. Autrement dit, il s'agit de la combinaison de deux
manifestations de volonté de l'assignant. La première est celle par laquelle
ce dernier autorise l'assigné à effectuer une prestation en faveur de
l'assignataire; la seconde est celle par laquelle l'assignant permet à
l'assignataire de recevoir de l'assigné ladite prestation (ATF 127 III 553
consid. 2c; 122 III 237 consid. 1b; TEVINI DU PASQUIER, op. cit., n. 1 ad
art. 466 CO; KOLLER, op. cit., n. 1 ad Vorbemerkungen zum 18. Titel, p.
2473; SCHÖNENBERGER, op. cit., n. 6 ss ad art. 466 CO; PIERRE ENGEL,
Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 576 in initio; PIERRE TERCIER, Les
contrats spéciaux, 3e éd., ch. 5457, 5471 et 5477; THEO GUHL/ANTON K.
SCHNYDER, Das Schweizerische Obligationenrecht, 9e éd., § 54, ch. 1 p. 603/
604; BETTSCHART, op. cit., p. 131; contra: GAUTSCHI, op. cit., n. 3a ss ad
Vorbemerkungen, Achtzehnter Titel, Die Anweisung). Comme elle n'est pas un
contrat, l'assignation n'oblige pas l'assigné, mais constitue une tentative
de l'assignant de remettre une prestation à l'assignataire par l'entremise
de l'assigné (ENGEL, op. cit., p. 576; GUHL/SCHNYDER, op. cit., ibidem;
TERCIER, op. cit., ch. 5455 p. 788).

  S'agissant d'un ordre de virement, la seconde autorisation (celle donnée à
l'assignataire de recevoir de l'assigné une certaine somme d'argent) n'a pas
de portée propre, du moment que le bénéficiaire d'un ordre n'a qu'une
attitude passive, contrairement au bénéficiaire d'un accréditif qui doit
présenter à la banque émettrice, dans un délai donné, les documents convenus
avec le donneur d'ordre (LOMBARDINI, op. cit., ch. 17 p. 231).

  Selon la théorie générale du droit des obligations, pour qu'il y ait
manifestation de volonté, c'est-à-dire communication de la volonté de créer,
modifier ou éteindre un droit ou un rapport de droit, l'acte (ou
l'abstention) doit émaner de la personne à laquelle la manifestation est
attribuée (ANDREAS VON TUHR/HANS PETER, Allgemeiner Teil des Schweizerischen
Obligationenrechts, vol. I, p. 157 s.; ENGEL, Traité des obligations en
droit suisse, 2e éd., p. 124; FRANÇOIS DESSEMONTET, Commentaire romand, n.
36 in principio ad art. 1 CO).

  C'est au regard de ces principes qu'il convient d'analyser l'enchaînement
des événements résultant de l'état de fait posé souverainement par les
magistrats genevois.

  5.3
  5.3.1  L'arrêt déféré retient qu'à titre d'ordre de virement établi par le
titulaire du compte à débiter, les demandeurs ont remis au représentant

de l'intimée un formulaire A afférent audit compte, muni de la signature
authentique de B., sur lequel le directeur adjoint de la banque avait
indiqué de sa main les ayants droit économiques, soit le susnommé et les
recourants.

  La loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le
blanchiment d'argent dans le secteur financier (LBA; RS 955.0) prescrit en
particulier aux banques (art. 2 al. 2 let. a LBA) d'identifier, dans les cas
définis à l'art. 4, l'ayant droit économique des valeurs déposées par leurs
clients. L'identification de l'ayant droit économique doit impérativement se
faire pour les banques au moyen de ce qui est appelé le "formulaire A". Sur
ce formulaire, le client déclare qu'il est lui-même l'ayant droit économique
ou qu'une autre personne l'est, dont il doit alors indiquer les nom et
prénom, date de naissance, nationalité, adresse et pays de domicile (cf.
PHILIPP ABEGG et al., Manuel du Droit Bancaire Suisse, traduction française
Caroline Jenny-Arnold et al., Zurich 2005, p. 310/311).

  L'identification de l'ayant droit économique intervenant dans la lutte
contre la criminalité économique, elle ne déploie aucun effet de droit privé
(LOMBARDINI, op. cit., p. 137). C'est d'ailleurs uniquement dans le cadre de
cette mission d'intérêt public que la banque doit se préoccuper de
l'existence d'un éventuel ayant droit économique distinct du client (SYLVAIN
MATTHEY, La notion d'ayant droit économique en droit bancaire suisse, in
Freiheit und Ordnung im Kapitalmarktrecht, Festgabe für Jean-Paul Chapuis,
Zurich 1998, p. 74).

  Il suit de là que le "formulaire A" n'est utilisé en particulier que dans
la procédure d'identification de l'ayant droit économique des avoirs déposés
sur un compte bancaire. Il ne saurait valoir comme ordre de virement d'une
somme déterminée émis par le titulaire du compte. Le formulaire A signé par
B., qui a été remis le 20 mars 2000 par les recourants à la défenderesse, ne
pouvait en conséquence être assimilé à une déclaration de volonté d'un
assignant. Le directeur adjoint de l'intimée l'avait du reste bien compris
puisqu'il a expressément averti les recourants que ce document était
insuffisant pour procéder au partage de l'argent se trouvant sur le compte
de B.

  5.3.2  Il n'a pas été constaté que l'extrait du compte de B., sur lequel
C. a mentionné que les fonds déposés devaient être répartis

entre les demandeurs et le premier cité, portât la signature du titulaire du
compte ou de ses fondés de procuration, à savoir l'épouse et la fille de ce
dernier.

  Partant, il est totalement exclu d'y voir un ordre de paiement au profit
des recourants.

  5.3.3  Les demandeurs soutiennent qu'il y avait bien un ordre de paiement
valide en leur faveur puisque les avis de crédit que la banque leur a
envoyés précisaient que le donneur d'ordre était B.

  L'inscription par la banque au crédit du compte du bénéficiaire est
l'achèvement de l'assignation directe. Elle est le résultat de la chaîne
d'opérations déclenchée par l'ordre de virement (BETTSCHART, op. cit., p.
189).

  Le nom du donneur d'ordre qui figure sur l'avis de crédit bancaire -
lequel est usuellement une formule sans signature - signifie seulement que
les avoirs transférés proviennent du compte de l'intéressé. Cela n'établit
pas qu'il existât précédemment un ordre de virement valable. L'opinion des
demandeurs est sans fondement.

  5.3.4  D'après l'arrêt cantonal, B. n'a su que le 12 septembre 2000, après
une maladie de six mois, que son compte avait été débité le 24 mars 2000. Il
a alors fait valoir sans délai qu'il n'avait donné en mars 2000 aucune
instruction de virements à la banque, tout d'abord oralement le 13 septembre
2000, puis par écrit le 15 septembre 2000.

  Il appert clairement de ces données factuelles que le titulaire du compte
n'a pas ratifié les transferts de fonds opérés par C.

  5.3.5  Au terme de cet examen, il apparaît que B. n'a jamais donné l'ordre
de virer le 24 mars 2000 des montants en US $ aux recourants. Dans ces
conditions, à défaut d'autorisation du prétendu assignant adressée à
l'assigné, i.e. à l'intimée, de payer aux assignataires (les recourants) les
sommes en cause, les prestations que la banque avait effectuées au profit de
ceux-ci le 24 mars 2000 étaient dénuées de cause juridique, l'assignation
faisant totalement défaut.

  Les virements en faveur des demandeurs ayant en conséquence été opérés
sans cause valable, la défenderesse, qui avait retransféré à B. le 21
septembre 2000 l'équivalent en valeur desdits virements, s'est trouvée
appauvrie d'autant, de sorte qu'elle disposait, à l'encontre des demandeurs,
directement enrichis par les opérations du 24 mars 2000, d'une prétention en
enrichissement illégitime fondée sur l'art. 62 al. 1 CO (GILLES PETITPIERRE,
Commentaire romand, n. 22 et 23 in fine ad

art. 62 CO; HERMANN SCHULIN, Commentaire bâlois, n. 33, 1er §, ad art. 62
CO; INGEBORG SCHWENZER, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil,
3e éd., ch. 56.23, p. 357; BILLOTTE-TONGUE, op. cit., ch. 471 p. 217; THOMAS
KOLLER/CHRISTA KISSLING, Anweisung und Dokumentenakkreditiv im
Zahlungsverkehr, Berner Bankrechtstag 2000, p. 48; cf. sur les conditions de
l'action en enrichissement illégitime, p. ex. ENGEL, Traité des obligations
en droit suisse, op. cit., p. 584; THEO GUHL/ALFRED KOLLER, Das
Schweizerische Obligationenrecht, 9e éd., § 27, ch. 2 ss, p. 219 ss).

  5.3.6  Lorsque la somme créditée sans cause valable par la banque se
trouve encore sur le compte de son client, celle-ci peut, pour des raisons
pratiques, contre-passer unilatéralement l'écriture, cela sans devoir
intenter une action en enrichissement illégitime. Autrement dit, elle
dispose d'un droit d'extourne, car le client, en raison de la relation
contractuelle qu'il a nouée avec cet établissement bancaire, a consenti
tacitement à lui accorder un tel droit si cette hypothèse devait se réaliser
(arrêt 4C.480/1994 du 18 avril 1995, consid. 4, publié in SJ 1995 p. 727;
BILLOTTE-TONGUE, op. cit., ch. 469 p. 217; GUGGENHEIM, op. cit., p. 507/508;
LOMBARDINI, op. cit., ch. 75/76 p. 247/248).

  Il ressort de l'arrêt critiqué que la défenderesse a retiré le 19
septembre 2000 des comptes numériques des recourants les titres qu'ils
avaient acquis au moyen des fonds transférés du compte de B. le 24 mars
2000. Il n'est pas contesté que ces titres correspondaient en valeur aux
fonds débités du compte du susnommé le jour précité.

  Partant, l'extourne à laquelle la défenderesse a procédé le 19 septembre
2000 respectait les principes du droit fédéral, si bien que les demandeurs
devaient être entièrement déboutés de leurs conclusions, ainsi que l'a jugé
l'autorité cantonale.