Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 III 603



Urteilskopf

132 III 603

  72. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause A. contre Cour
d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (recours de droit
administratif)
  5A.27/2005 du 17 juillet 2006

Regeste

  Art. 970 und 970a ZGB, Art. 106a GBV; Einsichtsrecht ins Grundbuch.

  Anspruch auf Mitteilung des Kaufpreises eines Grundstücks (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 603

  X. est décédé en 1996, laissant comme héritiers les enfants de son fils
B., prédécédé en 1982, ainsi que deux filles, dont A.

  Le 19 mai 1972, X. avait transféré à son fils, à titre d'avancement
d'hoirie, la propriété des parcelles 244 et 488. Selon l'art. 3 de l'acte
notarié, les immeubles concernés étaient estimés à 836'890 fr.; le
bénéficiaire devait en rapporter la contre-valeur dans le cadre des
conventions successorales à passer ultérieurement par X. avec ses enfants ou
au partage de la future succession paternelle, sous déduction de la valeur
au 1er janvier 1972, soit 160'000 fr., des dettes hypothécaires reprises par
le bénéficiaire.

  Par contrat d'apports du 28 juillet 1983, la veuve de B. et ses trois
enfants ont transféré les immeubles précités à une société anonyme en
formation.

  Le 7 juillet 1988, la société anonyme a vendu l'art. 488 à Y. Le 18
juillet 2002, elle a cédé l'art. 244 à Z.

  Le 20 février 2004, A., qui se prévalait de son intérêt à connaître la
valeur des biens immobiliers transférés dans le cadre de la succession de
feu X. en vue d'une éventuelle action en rapport, s'est vu refuser la
consultation du registre foncier et la délivrance des actes de transfert.

  Statuant le 3 février 2005, l'Autorité de surveillance du Registre foncier
du canton de Fribourg a écarté le recours interjeté par A. Sollicitées en
qualité de personnes dont les intérêts pouvaient être touchés par
l'admission du recours, Y. avait déclaré s'en remettre à justice, Z. avait
autorisé la consultation de l'acte de vente en ce qui concerne le prix
d'achat et la société anonyme avait conclu au rejet du recours.

  Le 7 juillet 2005, la Ire Cour d'appel du Tribunal cantonal fribourgeois a
rejeté le recours de A. contre cette décision, mettant les frais de la
procédure et les dépens en faveur de la société anonyme à la charge de la
recourante.

  Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours de droit
administratif interjeté par A. et annulé la décision attaquée au sens des
considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 4

  4.  La recourante prétend que l'autorité cantonale ne pouvait, sans violer
le droit fédéral sur la consultation du registre foncier, lui refuser la
délivrance d'une copie des actes de vente des parcelles 488 et 244,
singulièrement la consultation du prix de vente de ces dernières et de tous
les faits ayant influencé sa fixation, dès lors qu'elle peut se prévaloir,
en tant qu'héritière réservataire, d'un intérêt public et privé qui
l'emporte sur celui de la société anonyme au secret commercial ou
d'affaires.

  4.1  La cour d'appel a fait siennes les considérations de l'autorité de
surveillance. Elle a jugé, en résumé, que la recourante demandait la
consultation d'une pièce justificative, question qui était controversée, et
qu'en l'espèce, il n'y avait pas lieu de s'écarter du principe selon lequel
le requérant doit rendre vraisemblable un intérêt légitime en rapport avec
l'objet à consulter. En effet, selon la jurisprudence, le prix de vente
n'était pas susceptible d'être consulté et l'élargissement du droit de
consultation induit par la modification législative entrée en vigueur en
1994 ne se rapportait qu'à l'objectif de lutte contre la spéculation, la
pratique antérieure subsistant pour le surplus.

Or, en l'occurrence, le but précité n'était en rien concerné. Par ailleurs,
l'incidence de la novelle sur ce qui touchait à la consultation était
contestée et, de toute façon, aucun motif ne justifiait que l'on étende le
champ d'application de la jurisprudence précitée au-delà du cadre pour
lequel elle avait été adoptée.

  S'agissant de l'existence d'un intérêt, la qualité d'héritière
réservataire de la recourante légitimait certes une consultation relative
aux biens du défunt, mais seulement en ce qui concernait le chapitre de
celui-ci. Or, en l'espèce, il ne s'agissait plus de biens du de cujus ni
d'actes passés par lui. Pour chacun des immeubles, il y avait eu, depuis
l'avancement d'hoirie, deux changements de propriétaires, dont la recourante
contestait - de façon irrecevable - la légalité du premier transfert. En
outre, l'intérêt revendiqué n'était pas objectivement pertinent,
c'est-à-dire en rapport avec le but du registre foncier d'assurer la
publicité des droits réels immobiliers; il s'agissait en fait uniquement de
connaître le prix de vente. La solution n'était pas différente si l'on
suivait la doctrine plus large, pour laquelle un intérêt suffit lorsqu'il
existe un rapport fonctionnel entre cet intérêt et la publicité à donner à
une indication figurant dans le registre ou lorsque l'intéressé peut se
prévaloir d'une relation qualifiée avec l'information demandée, la
consultation étant alors la seule apte à lui fournir un avantage déterminé,
personnel, actuel et concret. En effet, la connaissance du prix fixé lors
des deux transferts, soit le 7 juillet 1988 et le 18 juillet 2002, ne
répondait pas à l'intérêt de la recourante à connaître la valeur des
immeubles au jour du décès du défunt, pour le premier, en raison de la
différence de l'état de l'immeuble lors de l'avancement d'hoirie (place) et
lors de la vente (manufacture), pour le second, en raison de l'écoulement du
temps entre le moment du décès (mars 1996) et celui de la vente (juillet
2002). L'information qui pourrait ainsi être obtenue serait des plus
incertaines et devrait nécessairement donner lieu à d'autres recherches
quant aux modifications des constructions érigées sur ces biens-fonds.

  Enfin, la consultation du registre n'était pas la seule voie utilisable ni
même la plus adéquate. L'administration des preuves dans le cadre de la
procédure successorale permettrait d'aboutir à un résultat plus fiable tout
en offrant, s'il devait avoir lieu, une protection adéquate des intérêts des
tiers concernés. Un tel intérêt ne pouvait dépasser celui des parties aux
contrats au maintien de la confidentialité, a fortiori dans un canton qui ne
connaissait pas la publication du prix de vente.

  4.2  Aux termes de l'art. 970 al. 1 CC, dans sa teneur depuis le 1er
janvier 2005, celui qui fait valoir un intérêt a le droit de consulter le
registre foncier ou de s'en faire délivrer des extraits. L'al. 2 prévoit un
accès libre à certaines informations du grand livre, à savoir la désignation
de l'immeuble et son descriptif (ch. 1), le nom et l'identité du
propriétaire (ch. 2) ainsi que le type de propriété et la date d'acquisition
(ch. 3). A l'art. 106a ORF (RS 211.432.1), introduit par le ch. I de
l'ordonnance du 11 mars 2005 sur le registre foncier (RO 2005 p. 1343/1344),
le Conseil fédéral a en outre fait usage de la possibilité qui lui a été
conférée à l'art. 970 al. 3 CC de déterminer les autres indications pouvant
être mises à la disposition du public sans justification d'un intérêt
particulier: hormis les données prévues à l'art. 970 al. 2 CC (let. a),
peuvent ainsi être consultées librement les servitudes et les charges
foncières (let. b), les mentions, à l'exception des blocages du registre
foncier de l'art. 80 al. 6 et du droit cantonal, des restrictions du droit
d'aliéner et à la propriété en matière d'encouragement à la propriété du
logement, ainsi que certaines restrictions à la propriété fondées sur le
droit cantonal et ayant un caractère de droit de gage (let. c). Les cantons
peuvent par ailleurs prévoir que les acquisitions de propriété immobilière
sont publiées (art. 970a al. 1 CC); en cas de partage successoral,
d'avancement d'hoirie, de contrat de mariage ou de liquidation du régime, la
contre-prestation n'est toutefois pas publiée (art. 970a al. 2 CC).

  4.3  La recourante conclut en particulier à ce qu'elle soit autorisée à
obtenir la copie des actes de vente passés entre la société anonyme et les
propriétaires actuels. Toutefois, elle ne prétend avoir un intérêt et ne le
motive qu'en ce qui concerne le prix de vente des immeubles, de sorte qu'il
ne peut être entré en matière que sur son droit à obtenir cette seule
information.

  4.3.1  Le prix de vente n'est pas une donnée du grand livre librement
accessible selon les art. 970 al. 2 CC et 106a ORF (supra consid. 4.2). En
vertu de l'art. 970a CC, les cantons peuvent toutefois le publier (al. 1),
sauf lorsqu'il concerne certaines acquisitions (al. 2), qui ne sont pas
réalisées en l'espèce. Par conséquent, la recourante a le droit d'en obtenir
la communication si elle démontre son intérêt (art. 970 al. 1 CC). En effet,
la faculté de publier certaines données ne peut avoir pour conséquence que
celles-ci seraient ensuite librement accessibles (cf. ATF 126 III 512
consid. 5a p. 518 rendu en application de l'art. 970a al. 1 aCC).

  L'intérêt peut être de droit ou de fait (économique, scientifique,
personnel ou familial). Il ne suffit pas, toutefois, de rendre vraisemblable
n'importe quel intérêt (celui d'un simple curieux, par exemple). Cet intérêt
doit pouvoir prétendre à la primauté sur l'intérêt opposé du propriétaire
foncier concerné. En outre, la consultation du registre foncier ne doit être
autorisée que dans la mesure strictement nécessaire à la satisfaction de
l'intérêt considéré (ATF 126 III 512 consid. 3a p. 514 et les arrêts cités).

  4.3.2  En l'espèce, la consultation du registre foncier devrait permettre
à la recourante de connaître les prix de vente des parcelles 244 et 488
vendues par la société anonyme, afin de pouvoir chiffrer l'action en rapport
qu'elle entend introduire en sa qualité d'héritière réservataire dans la
succession de son père contre les héritiers de son frère prédécédé,
fondateurs de ladite société anonyme. La sauvegarde de ses droits par un
héritier réservataire et l'existence d'une expectative successorale
constituent un fondement suffisant à l'intérêt qu'exige l'art. 970 al. 1 CC
(cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A.26/1998 du 4 février 1999, consid. 3,
publié in RNRF 81/2000 p. 192; pour la jurisprudence cantonale: RNRF 84/2003
p. 17 et 241). Peu importe que la recourante puisse obtenir les
renseignements demandés dans le procès successoral en vertu du droit
d'information entre cohéritiers (art. 607 al. 3 et art. 610 al. 2 CC),
qu'elle pourrait éventuellement invoquer à l'encontre de la société anonyme
conformément au principe de la transparence ("Durchgriff"). La possibilité
de se procurer les données requises par un autre moyen ne permet pas
d'exclure la consultation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A.26/1998
précité), en particulier si cela rend notablement plus difficile la tâche du
requérant (cf. ATF 126 III 512 consid. 6a in fine p. 520).

  De surcroît, la recourante peut, en l'espèce, se prévaloir du consentement
de la propriétaire actuelle de la parcelle 244, celle de la parcelle 488
s'en étant remise à justice. Dans cette mesure, comme le relève l'Office
fédéral de la justice, il serait difficilement admissible que la
consultation soit refusée, les propriétaires actuels pouvant d'ailleurs
fournir eux-mêmes à la recourante une copie des actes concernés ou encore
habiliter celle-là à consulter les pièces justificatives auprès du registre
foncier en tant que leur représentante. Refuser la consultation dans ces
circonstances aboutirait à reconnaître à l'ancien propriétaire - en
l'occurrence la société anonyme - un droit de veto. Or, s'il peut être
opportun de recueillir l'avis des propriétaires concernés et plus largement
des intéressés à la consultation

du registre, pour éviter par exemple que les motifs évoqués par le requérant
en cachent d'autres moins légitimes, il est erroné d'en arriver à considérer
que, dès lors que le consentement n'est pas donné par tous, la consultation
doive être refusée. A l'instar de ce que prévoit la loi fédérale sur la
protection des données (cf. art. 19 al. 1 let. d LPD [RS 235.1]), un refus
qui n'a d'autre but que d'empêcher le requérant de se prévaloir de
prétentions juridiques ou de faire valoir d'autres intérêts légitimes ne
mérite aucune protection. A cet égard, c'est en vain que l'ancienne
propriétaire se prévaut de son droit à ne pas communiquer des informations
qui la concernent personnellement et de son intérêt à une "certaine
discrétion, relativement à ses opérations commerciales". Comme il a été dit,
la contre-prestation ne constitue pas une donnée qui ne peut, par nature,
être communiquée. La société anonyme ne saurait en outre invoquer son
intérêt à ne pas voir les prix encaissés jetés en pâture, dès lors qu'il est
établi que la recourante n'agit pas par pure curiosité, mais peut justifier
d'un intérêt légitime.

  Vu ce qui précède, l'autorité cantonale a violé le droit fédéral en niant
le droit de la recourante à la communication du prix de vente des parcelles
litigieuses, soit par la délivrance d'un extrait de la pièce justificative
portant sur l'immeuble vendu (avec sa description) et son prix, soit par une
lettre du conservateur lui donnant ces informations.