Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 III 212



Urteilskopf

132 III 212

  25. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause époux B. contre
Commission foncière agricole ainsi que Tribunal administratif du canton de
Genève (recours de droit administratif)
  5A.16/2005 du 15 décembre 2005

Regeste

  Art. 64 Abs. 1 lit. g BGBB; Gesuch um Erteilung einer Erwerbsbewilligung
zu Gunsten des Pfandgläubigers, der ein landwirtschaftliches Grundstück in
einem Zwangsverwertungsverfahren erworben hat; Gesetzesumgehung.

  Entstehungsgeschichte, Ziel und Tragweite von Art. 64 Abs. 1 lit. g BGBB;
Begriff des Pfandgläubigers im Sinne dieser Bestimmung (E. 3).

  Das Geschäft, sich eine durch ein Pfandrecht an einem landwirtschaftlichen
Grundstück gesicherte Forderung abtreten zu lassen mit dem Ziel, dieses
Grundstück im Rahmen einer Zwangsverwertung dank der in Art. 64 Abs. 1 lit.
g BGBB vorgesehenen Ausnahme vom Prinzip der Selbstbewirtschaftung zu
erwerben, stellt eine Gesetzesumgehung dar (E. 4).

Sachverhalt

  Le 29 juillet 1996, la Commission foncière agricole du canton de Genève a
approuvé la division de la parcelle n° x du registre foncier de Jussy,
propriété de la succession répudiée de feue X., en deux sous-parcelles nos
xa et xb. La parcelle n° xa, d'une surface de 1'086 m2, comprend une
habitation de 195 m2; bien que sise en zone agricole, elle n'est pas
assujettie à la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural
(LDFR; RS 211.412.11). La parcelle n° xb, d'une surface de 7'802 m2, est
constituée d'un champ de 4'490 m2 et d'une place-jardin de 3'312 m2; elle
est sise en zone agricole et assujettie à la LDFR.

  La parcelle n° x était grevée en premier rang d'une cédule hypothécaire
d'une valeur nominale de 800'000 fr. en faveur d'UBS SA, à concurrence de
1'040'000 fr., et en deuxième rang d'une cédule hypothécaire d'une valeur
nominale de 1'150'000 fr. en faveur de la Banque cantonale de Genève
(ci-après: la BCGe), à concurrence de 1'507'006 fr. 60.

  Par publication du 17 septembre 2003, l'Office des faillites du canton de
Genève (ci-après: l'Office) a annoncé la vente aux enchères prévue le 23
octobre 2003 de la parcelle n° xa, estimée à 890'000 fr., et de la parcelle
n° xb, estimée à 62'416 fr. La publication indiquait que les deux parcelles
devaient être vendues séparément, mais que les mutations parcellaires - à
savoir l'inscription de la division de la parcelle n° x en deux parcelles
nos xa et xb (cf. art. 85 ss ORF) - n'avaient pas encore eu lieu et seraient
effectuées en même temps que l'inscription du transfert de propriété. Les
enchérisseurs étaient rendus attentifs aux dispositions légales concernant
l'acquisition d'immeubles en zone agricole.

  Le 14 octobre 2003, les époux B. et la BCGe ont signé une convention de
cession de créances par laquelle l'intégralité des créances de la banque à
l'égard de la succession répudiée de feue X. était

cédée aux époux B. avec gages et accessoires, en particulier la cédule
hypothécaire d'une valeur nominale de 1'150'000 fr. grevant en deuxième rang
la parcelle n° x. En contrepartie de la cession, les époux B. s'engageaient
à payer à la BCGe un premier montant de base de 130'000 fr., versé à la
signature de la convention de cession. Ils s'engageaient en outre à verser à
la BCGe un complément du prix de base calculé en fonction de quatre
hypothèses possibles à l'issue de la vente aux enchères.

  Lors de la vente aux enchères du 23 octobre 2003, la parcelle n° xa a été
adjugée aux époux B. pour le prix de 1'350'000 fr. La parcelle n° xb a
également été adjugée aux époux B. pour le prix de 100'000 fr., après que
l'"Association C., D. et E. Agriculteurs" avait offert 15'000 fr. et que F.,
professionnel du bâtiment, avait surenchéri jusqu'à 95'000 fr.

  Le 27 octobre 2003, les époux B. ont requis de la Commission foncière
agricole du canton de Genève l'autorisation d'acquérir la parcelle n° xb
(cf. art. 61 al. 1 et 67 al. 1 LDFR). Ils exposaient que bien qu'ils ne
fussent pas exploitants à titre personnel (cf. art. 63 al. 1 let. a LDFR),
cette autorisation devait leur être accordée eu égard à leur qualité de
créanciers gagistes au sens de l'art. 64 al. 1 let. g LDFR.

  Le 20 janvier 2004, la Commission foncière agricole a rendu une décision
négative. Elle a considéré que les époux B. n'étaient pas exploitants à
titre personnel et que la cession de créances du 14 octobre 2003 avait été
conclue dans le seul but de leur assurer la mainmise sur la parcelle n° xb
en leur donnant la possibilité de l'acquérir au bénéfice de l'art. 64 al. 1
let. g LDFR, ce qui constituait une fraude à la loi.

  Par arrêt du 8 mars 2005, le Tribunal administratif du canton de Genève a
rejeté le recours formé par les époux B. contre cette décision.

  Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit administratif interjeté
par les époux B. contre cet arrêt.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 3

  3.

  3.1  La loi fédérale sur le droit foncier rural a pour but, selon son art.
1 al. 1, d'encourager la propriété foncière rurale et en particulier de
maintenir des entreprises familiales comme fondement d'une

population paysanne forte et d'une agriculture productive, orientée vers une
exploitation durable du sol, ainsi que d'améliorer les structures (let. a),
de renforcer la position de l'exploitant à titre personnel, y compris celle
du fermier, en cas d'acquisition d'entreprises et d'immeubles agricoles
(let. b), et de lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles (let.
c). A cet effet, elle contient notamment des dispositions sur l'acquisition
des entreprises et des immeubles agricoles (art. 1 al. 2 let. a et art. 61
ss LDFR), acquisition qui est soumise à autorisation (art. 61 al. 1 LDFR).

  3.1.1  Le but de l'assujettissement à autorisation est de garantir que le
transfert de propriété corresponde aux objectifs du droit foncier rural, au
premier rang desquels figure la concrétisation du principe de l'exploitation
à titre personnel fondé sur la politique de la propriété (STALDER, Le droit
foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du
4 octobre 1991, Brugg 1998 [ci-après: Commentaire LDFR], remarques
préalables aux art. 61-69 LDFR, n. 8 s.). C'est ainsi que l'autorisation
doit en principe être refusée lorsque l'acquéreur n'est pas exploitant à
titre personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR). L'autorisation est néanmoins
accordée si l'acquéreur qui n'est pas personnellement exploitant prouve
qu'il y a pour le faire un juste motif au sens de l'art. 64 al. 1 LDFR. Tel
est notamment le cas lorsqu'un créancier qui détient un droit de gage sur
l'entreprise ou l'immeuble agricole acquiert celui-ci dans une procédure
d'exécution forcée (art. 64 al. 1 let. g LDFR).

  3.1.2  L'art. 64 al. 1 let. g LDFR a été introduit lors de la révision
partielle du 26 juin 1998, qui a pris effet au 1er janvier 1999 (RO 1998 p.
3009). Toutefois, les modifications concernant les dispositions sur
l'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles - en particulier
l'introduction d'un nouvel alinéa 2 à l'art. 63 LDFR, l'adjonction d'une
nouvelle lettre g à l'art. 64 LDFR et l'abrogation de l'art. 68 LDFR - ne
figuraient pas parmi les modifications proposées par le Conseil fédéral (cf.
le Message du Conseil fédéral, FF 1996 IV 378 ss), mais ont été décidées par
le Parlement.

  Ainsi, le Conseil des Etats a adopté en mars 1998 la proposition de sa
Commission de l'économie et des redevances, en raison des grandes
difficultés rencontrées dans la pratique en cas de réalisation forcée,
d'introduire un nouvel alinéa 2 à l'art. 63 LDFR, disposant que le motif de
refus tiré du prix surfait (art. 63 al. 1 let. b

LDFR; cf. art. 66 LDFR) n'est pas pertinent si une entreprise ou un immeuble
agricole est acquis dans une procédure d'exécution forcée (BO 1998 CE p. 368
s.). Simultanément, le Conseil des Etats a adopté, sur proposition non
motivée de sa Commission, une nouvelle lettre g de l'art. 64 LDFR, en vertu
de laquelle le motif de refus tiré du fait que l'acquéreur n'est pas
exploitant à titre personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR) ne peut pas être
opposé au créancier qui détient un droit de gage sur l'entreprise ou
l'immeuble agricole et qui acquiert celui-ci dans une procédure d'exécution
forcée (BO 1998 CE p. 369).

  Cette décision faisait suite à la décision du Conseil national en décembre
1997, sur proposition de sa Commission de l'économie et des redevances,
d'abroger l'art. 68 LDFR relatif à la fixation du prix licite lors de la
réalisation forcée (BO 1997 CN p. 2778), décision à laquelle le Conseil des
Etats a adhéré conformément à la proposition de sa Commission (BO 1998 CE p.
369). En effet, comme on le verra plus en détail ci-après (cf. consid. 3.1.3
et 3.1.4 infra), la suppression de l'art. 68 LDFR avait pour conséquence
qu'il n'était plus possible d'invoquer l'exception de l'art. 64 al. 1 let. f
LDFR lors de l'acquisition d'un immeuble agricole dans une vente aux
enchères forcées. Il a donc été jugé nécessaire d'introduire à l'art. 64 al.
1 LDFR une nouvelle lettre g, dont l'adoption par le Conseil national a
également eu lieu sans discussion lors de la séance d'élimination des
divergences en juin 1998 (BO 1998 CN p. 1195).

  3.1.3  D'après le droit en vigueur avant le 1er janvier 1999, les
personnes qui n'étaient pas exploitantes à titre personnel, soit notamment
les banques, avaient la possibilité d'acquérir une entreprise ou un immeuble
agricole dans une réalisation forcée sur la base de l'art. 64 al. 1 let. f
LDFR, pour autant qu'aucune offre équivalente n'ait été faite par un
exploitant à titre personnel jusqu'à concurrence du prix maximum licite; en
effet, la publication des enchères (art. 138 LP) avec l'indication du prix
licite (cf. art. 68 al. 1 LDFR, entre-temps abrogé) satisfaisait aux
exigences de l'"offre publique à un prix qui ne soit pas surfait", au sens
de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR (MÜLLER/SCHMID-TSCHIRREN, Complément du
Commentaire LDFR suite à la révision partielle du 26 juin 1998, in
Communications de droit agraire 1999 p. 135 ss, 144; STALDER, Commentaire
LDFR, n. 7 ad art. 67-69 LDFR). L'acquéreur qui, bien que n'étant pas
exploitant à titre personnel, emportait l'adjudication

en raison de l'offre la plus élevée (dans les limites du prix licite), avait
ainsi droit à l'octroi de l'autorisation d'acquérir sur la base de l'art. 64
al. 1 let. f LDFR (STALDER, Commentaire LDFR, n. 7 ad art. 67-69 LDFR), et
ce d'ailleurs indépendamment du fait qu'il détînt ou non un gage sur
l'entreprise ou l'immeuble agricole.

  3.1.4  Ensuite de l'abandon de la condition du prix licite dans le cadre
de la réalisation forcée (par l'adoption de l'art. 63 al. 2 LDFR et
l'abrogation de l'art. 68 LDFR; cf. consid. 3.1.2 supra), l'exception de
l'art. 64 al. 1 let. f LDFR - qui a pour but de sauvegarder, sous l'angle de
la garantie de la propriété (art. 26 Cst.), les intérêts du paysan désireux
de vendre, dont l'offre n'est suivie d'aucune demande de la part d'un
exploitant à titre personnel (BANDLI/ STALDER, Commentaire LDFR, n. 36 ad
art. 64 LDFR) - ne peut plus être invoquée dans une procédure de réalisation
forcée par un acquéreur qui n'est pas exploitant à titre personnel (STALDER,
Vorgehen bei der Verwertung von Landwirtschaftsland, in Insolvenz- und
Wirtschaftsrecht [IWIR] 2000 p. 8 ss, n. 2.5 p. 10; Änderung des
Bundesgesetzes über das bäuerliche Bodenrecht, Bericht des Eidgenössischen
Amtes für Grundbuch- und Bodenrecht, in Communications de droit agraire 1998
p. 99 ss, 100). C'est la raison pour laquelle, afin de sauvegarder les
droits des créanciers gagistes, les justes motifs de l'art. 64 al. 1 LDFR
ont été complétés par une lettre g prévoyant que le créancier qui détient un
droit de gage sur l'entreprise ou l'immeuble agricole a également un droit à
la délivrance d'une autorisation en cas d'acquisition dans le cadre d'une
procédure d'exécution forcée (MÜLLER/SCHMID-TSCHIRREN, op. cit., p. 144 s.;
STALDER, in IWIR 2000 p. 8 ss, n. 2.5 p. 10).

  3.1.5  En octroyant au créancier gagiste un droit à obtenir l'autorisation
d'acquérir, dans le cadre de la réalisation forcée, l'entreprise ou
l'immeuble agricole sur lequel il détient un droit de gage, la loi vise
comme on l'a vu à lui permettre de sauvegarder ses intérêts en tant que
titulaire d'un droit de gage. Toutefois, elle ne pose pas comme condition à
l'octroi de l'autorisation d'acquérir que le prix d'adjudication ne dépasse
pas le montant de la créance garantie par gage. En effet, le but de la
réalisation forcée est d'obtenir le produit de réalisation le plus élevé
possible, dans l'intérêt des créanciers comme d'ailleurs dans celui du
débiteur (STALDER, in IWIR 2000 p. 8 ss, n. 1.1 p. 8; ATF 126 III 33 consid.
3; 128 I 206 consid. 5.2.2). Par la révision partielle du 26 juin 1998, le
législateur a clairement choisi de faire prévaloir, dans le cadre de la

réalisation forcée, les intérêts des créanciers sur l'intérêt public à la
réalisation des objectifs du droit foncier rural, à savoir de lutter contre
les prix surfaits des terrains agricoles (STALDER, in IWIR 2000 p. 8 ss, n.
2.3 p. 9-10). Au demeurant, il ne faut pas perdre de vue que le créancier
gagiste auquel une autorisation est accordée sur la base de l'art. 64 al. 1
let. g LDFR ne pourra lui-même aliéner l'objet qu'à un prix qui ne soit pas
surfait (art. 63 al. 1 let. b LDFR) et à une personne qui exploite à titre
personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR), sous réserve des exceptions découlant
de l'art. 62 LDFR ou de l'art. 64 al. 1 LDFR (MÜLLER/SCHMID-TSCHIRREN, op.
cit., p. 143; STALDER, in IWIR 2000 p. 8 ss, n. 2.5 p. 10).

  3.2  Conformément à l'art. 61 al. 2 LDFR, il existe un droit à l'octroi de
l'autorisation lorsqu'il n'y a aucun motif de refus; la question de savoir
s'il existe un motif de refus - les exceptions au principe de l'exploitation
à titre personnel au sens de l'art. 64 LDFR comprises - constitue une
question de droit, et l'autorité compétente en matière d'autorisation ne
dispose d'aucun pouvoir d'appréciation dans l'application des art. 63 et 64
LDFR (STALDER, Commentaire LDFR, n. 9 ad art. 61 LDFR).

  Comme on l'a vu, le créancier qui détient un droit de gage sur
l'entreprise ou l'immeuble agricole a également un droit à la délivrance
d'une autorisation en cas d'acquisition dans le cadre d'une procédure
d'exécution forcée. Ce droit n'est soumis à aucune autre condition, selon
l'art. 64 al. 1 let. g LDFR, que l'acquisition dans le cadre d'une procédure
d'exécution forcée par un créancier qui détient un droit de gage sur
l'entreprise ou l'immeuble en question, à savoir par un créancier
susceptible d'être inscrit au registre foncier dans le registre des
créanciers selon l'art. 66 al. 2 ORF (cf. MÜLLER/SCHMID-TSCHIRREN, op. cit.,
p. 145).

  Il ne saurait ainsi être fait de distinction selon que le créancier
gagiste est le titulaire originaire ou dérivé de la créance garantie par
gage immobilier. La loi sur le droit foncier rural ne réglemente pas la
cession de créances garanties par un gage immobilier sur une entreprise ou
un immeuble agricole, et l'art. 64 al. 1 let. g LDFR vise à sauvegarder les
intérêts du créancier gagiste indépendamment du mode d'acquisition de sa
créance. Cette disposition, en permettant en particulier aux banques
créancières d'acquérir un immeuble ou une entreprise agricole dans le cadre
d'une procédure d'exécution forcée, ne les empêche nullement de céder leur

droit de gage à un tiers de leur choix et de placer ainsi ce dernier dans la
position privilégiée de l'art. 64 al. 1 let. g LDFR (STALDER, in IWIR 2000
p. 8 ss, n. 2.5 p. 10).

  On peut d'ailleurs observer que si le nouveau motif de dérogation de
l'art. 64 al. 1 let. g LDFR s'apparente, comme le relève STALDER (in IWIR
2000 p. 8 ss, n. 2.5 p. 10), au motif d'autorisation d'acquisition d'un
immeuble par une personne à l'étranger prévu par l'art. 8 al. 1 let. d LFAIE
(RS 211.412.41), il s'en distingue en ce sens qu'il ne limite pas aux
banques et institutions d'assurance le cercle des créanciers gagistes
bénéficiant du privilège. Si le législateur avait voulu que la protection
offerte aux créanciers gagistes par l'art. 64 al. 1 let. g LDFR soit limitée
aux banques ou plus généralement aux institutions actives dans le crédit
hypothécaire - qui sont certes davantage susceptibles de revendre à plus ou
moins bref délai à un exploitant à titre personnel (cf. consid. 3.1.5 in
fine supra) un immeuble agricole acquis dans une vente aux enchères forcées
-, il lui aurait été loisible de le préciser. Comme le législateur n'a ainsi
pas limité le cercle des créanciers gagistes visés par l'art. 64 al. 1 let.
g LDFR aux banques, celles-ci sont libres de céder leur droit de gage à un
tiers de leur choix, qui peut invoquer l'art. 64 al. 1 let. g LDFR (cf.
STALDER, in IWIR 2000 p. 8 ss, n. 2.5 p. 10).

  3.3  Il résulte de ce qui précède que l'autorité compétente en matière
d'autorisation d'acquérir doit en principe octroyer l'autorisation au
créancier qui, détenant un droit de gage sur une entreprise ou un immeuble
agricole, acquiert celui-ci dans une procédure d'exécution forcée, y compris
lorsque l'acquisition du droit de gage résultait de la cession de créances
détenues initialement par une banque.

Erwägung 4

  4.  Il convient d'examiner ci-après si, malgré ce qui vient d'être exposé,
l'autorité cantonale était fondée à refuser l'autorisation pour le motif que
les recourants étaient devenus cessionnaires de la BCGe dans le but
d'acquérir un immeuble agricole au mépris des buts de la loi fédérale sur le
droit foncier rural, procédé qui serait constitutif d'une fraude à la loi.

  4.1  La fraude à la loi (fraus legis; Gesetzesumgehung) consiste à violer
une interdiction légale en recourant à un moyen apparemment légitime pour
atteindre un résultat qui, lui, est prohibé (DESCHENAUX, Le titre
préliminaire du code civil, Traité de droit privé

suisse, tome II/1/1, 1969, p. 148; MOOR, Droit administratif, vol. I, 2e éd.
1994, p. 435). Elle consiste, lorsqu'une disposition interdit un acte
juridique ou le déclare nul, à se servir d'une autre disposition (norme
éludante), pour tourner la première (norme d'interdiction, qui sera la norme
éludée) (DESCHENAUX, op. cit., p. 148 et les références citées). Pour
décider s'il y a fraude à la loi, il faut interpréter la norme
d'interdiction en recherchant si, selon son sens et son but, elle s'applique
aussi à l'opération litigieuse, ou si cette dernière est exclue du champ
d'application de la norme d'interdiction et est ainsi valable (ATF 125 III
257 consid. 3b et les références citées).

  4.2  En l'espèce, il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué,
qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 2 OJ), que les recourants se
sont fait céder les créances de la BCGe, garanties par une cédule
hypothécaire de 1'150'000 fr. grevant en deuxième rang la parcelle n° x,
dans la ferme intention d'acquérir les deux parcelles nos xa et xb. La
convention de cession signée le 14 octobre 2003 - soit quatre semaines après
l'annonce par voie de publication de la vente aux enchères et moins de dix
jours avant celle-ci - mentionnait clairement qu'elle portait autant sur la
parcelle n° xa que sur la parcelle n° xb. Or l'Office avait annoncé par
publication que les parcelles seraient vendues séparément, ce qui impliquait
que les recourants n'étaient nullement obligés d'acquérir la parcelle n° xb
même si la parcelle n° xa leur était adjugée.

  C'est en vain que les recourants reprochent à l'autorité cantonale d'avoir
constaté les faits de manière manifestement inexacte (cf. art. 105 al. 2 OJ)
s'agissant de l'intention qui a présidé à la cession de créances. Le fait
qu'ils aient acquis de la BCGe les créances garanties par un gage immobilier
grevant la parcelle n° x afin de maximiser leurs chances d'acquérir aux
enchères la maison et les dépendances situées sur la (future) parcelle n°
xa, non assujettie à la LDFR, n'empêche en effet pas qu'ils avaient dès le
départ l'intention d'acquérir aussi la parcelle n° xb assujettie à la LDFR,
si la parcelle n° xa - qui devait être vendue la première - leur était
adjugée. C'est d'ailleurs précisément ce qu'ils ont fait en offrant 100'000
fr. pour la parcelle n° xb, dont la charge maximale (art. 73 al. 1 LDFR)
était, selon un rapport du Collège d'experts de la Commission foncière
agricole du 13 octobre 2003, de 4'288 fr. pour une valeur de rendement de
3'176 fr.

  4.3  Il appert ainsi que les recourants, quelques jours avant la vente aux
enchères au cours de laquelle devaient être vendues la (future) parcelle n°
xa puis la (future) parcelle n° xb, ont acquis les créances garanties par un
gage immobilier notamment dans le but d'acquérir la (future) parcelle n° xb,
assujettie à la LDFR, au bénéfice de l'exception au principe de
l'exploitation à titre personnel prévue par l'art. 64 al. 1 let. g LDFR. En
acquérant cette parcelle aux enchères forcées pour le prix de 100'000 fr.,
alors que la charge maximale de cet immeuble, au sens de l'art. 73 al. 1
LDFR, était de 4'288 fr. et que l'"Association C., D. et E. Agriculteurs"
avait offert 15'000 fr., les recourants n'ont pas agi afin de sauvegarder
leurs intérêts de créanciers gagistes. Ils ont bien plutôt parachevé une
opération consistant à se mettre dans la situation de créanciers gagistes
précisément dans le but d'acheter aux enchères forcées, au bénéfice de
l'art. 64 al. 1 let. g LDFR, un immeuble agricole qu'ils n'auraient sans
cela jamais pu être autorisés à acquérir.

  Un créancier gagiste agissant aux seules fins de protéger sa créance -
parce qu'aucune offre acceptable pour lui n'est faite dans la réalisation
forcée - acquerra l'immeuble pour le revendre à plus ou moins bref délai à
un exploitant à titre personnel. L'acquisition n'est alors pas une fin en
soi et l'exception au principe de l'exploitation à titre personnel apparaît
d'emblée temporaire. Pour les recourants, en revanche, l'acquisition de la
parcelle n° xb par le biais de l'art. 64 al. 1 let. g LDFR représente le
résultat recherché. En se mettant dans la position de créanciers gagistes
aux fins d'obtenir l'autorisation d'acquérir cet immeuble agricole au
bénéfice de l'art. 64 al. 1 let. g LDFR, les recourants ont cherché à se
servir de cette disposition, d'une manière incompatible avec son sens et son
but, pour tourner le principe selon lequel l'autorisation est refusée
lorsque l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel (art. 63 al. 1
let. a LDFR). En recourant à un moyen apparemment légitime (cf. consid. 3
supra) pour atteindre un résultat prohibé, ils ont commis une fraude à la
loi.