Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 132 III 140



Urteilskopf

132 III 140

  17. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause X. Ltd contre
S. et Cour de justice du canton de Genève (recours de droit public)
  5P.171/2005 du 7 octobre 2005

Regeste

  Art. 82 SchKG; provisorische Rechtsöffnung in einer Betreibung, die sich
auf eine Vertragsübernahme mit umstrittener Echtheit der Unterschriften
stützt.

  Natur des Rechtsöffnungsverfahrens. Urkundenbeweis der Eigenschaft als
Zessionar oder Übernehmer des Vertrages (E. 4.1.1). Einrede des Schuldners,
die Unterschriften seien gefälscht; Glaubhaftmachung (E. 4.1.2).

Sachverhalt ab Seite 140

  En 2000 et 2001, Y., société incorporée aux Iles Vierges britanniques, a
accordé quatre prêts d'un montant total supérieur à 7 millions de francs à
X. Ltd, société ayant son siège aux Bahamas. Par convention du 10 août 2001,
Y. a cédé tous les droits découlant des contrats de prêts à S., société des
Iles Vierges britanniques.

  Y. soutient que ladite convention de cession est un faux.

  Se prétendant toutes deux titulaires de la créance en remboursement des
quatre prêts, Y. et S. ont requis et obtenu chacune un séquestre

sur les mêmes avoirs de X. Ltd auprès de la banque Leu et ont introduit
chacune une poursuite en validation de séquestre. La débitrice X. Ltd ne
conteste pas la créance en tant que telle, mais elle ne s'en acquitte pas
puisque chacun de ses prétendus représentants veut qu'elle soit payée à un
créancier différent, l'un voulant qu'elle le soit à Y., l'autre qu'elle le
soit à S.

  Dans la poursuite en validation de séquestre initiée par S., le Tribunal
de première instance du canton de Genève a, par jugement du 18 janvier 2005,
rejeté la requête de la poursuivante tendant à la mainlevée provisoire de
l'opposition formée par l'un des représentants de la débitrice. Sur appel de
la poursuivante, la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 7
avril 2005, prononcé la mainlevée provisoire de ladite opposition.

  Saisi d'un recours de droit public de la débitrice contre cet arrêt, pour
violation de l'art. 9 Cst. dans l'application de l'art. 82 LP, le Tribunal
fédéral l'a rejeté dans la mesure où il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 4

  4.

  4.1  En vertu de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur
une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing
privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si
le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

  4.1.1  Selon la volonté du législateur, le droit en matière de poursuite
admet que l'on puisse poursuivre une personne même pour des créances qui ne
se basent sur aucun jugement, sur aucun document public, pas même sur un
titre privé; le complément nécessaire d'un droit de poursuite aussi étendu
est la possibilité pour le poursuivi de faire opposition (Message du Conseil
fédéral du 23 février 1886 concernant la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la faillite, in FF 1886 II 61/62). Dans la procédure de mainlevée
- définitive ou provisoire -, qui est une pure procédure d'exécution forcée
(ATF 94 I 365 consid. 6 p. 373; 72 II 52 p. 54), un incident de la
poursuite, le juge doit examiner le jugement exécutoire ou les titres y
assimilés, respectivement le titre - public ou privé - qu'est la
reconnaissance de dette et statuer sur le droit du créancier de poursuivre
le débiteur, c'est-à-dire décider si l'opposition doit ou ne doit pas être
maintenue. Selon la jurisprudence, le juge de la mainlevée

provisoire est autorisé à lever provisoirement l'opposition du débiteur à la
poursuite sur le seul vu d'une reconnaissance de dette sous seing privé et
même d'un contrat, si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa
libération, et cela peut avoir pour conséquence de permettre au créancier de
faire réaliser les biens du débiteur et d'obtenir ainsi satisfaction si ce
dernier n'ouvre pas action en libération de dette en temps utile (ATF 74 II
47 consid. 3 p. 51/52). La procédure de mainlevée provisoire, comme la
procédure de mainlevée définitive, est une procédure sur pièces
(Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la
créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire: le créancier
ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de
cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et de ses
caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la
mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas
immédiatement vraisemblables des exceptions (ATF 58 I 363 consid. 2 p.
369/370). Le juge de la mainlevée provisoire examine donc seulement la force
probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la
validité de la créance - et il lui attribue force exécutoire si le débiteur
ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires.

  Lorsque la reconnaissance de dette est signée par un représentant du
débiteur, la mainlevée provisoire dans la poursuite introduite contre le
représenté ne peut être prononcée que sur le vu d'une pièce attestant des
pouvoirs du représentant (ATF 112 III 88 consid. 2c); de même, quand
l'obligé est une personne morale, la mainlevée provisoire dans la poursuite
contre celle-ci ne peut être prononcée que si les pouvoirs du représentant
(art. 32 al. 1 CO) ou de l'organe (art. 55 al. 2 CC) qui a signé sont
documentés par pièces (ATF 130 III 87 consid. 3.1). La jurisprudence a
toutefois admis qu'il n'est pas arbitraire de prononcer la mainlevée même en
l'absence d'une procuration écrite lorsque les pouvoirs du représentant ou
de l'organe ne sont pas contestés ou s'ils peuvent se déduire d'un
comportement concluant du représenté ou de la société au cours de la
procédure sommaire de mainlevée, comportement dont il résulte clairement que
le représentant ou l'organe a signé en vertu de pouvoirs (ATF précités).

  Lorsque la créance en poursuite résulte d'un contrat de prêt - qui est une
reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP (ATF 131 III 268 consid.
3.2) - et que le créancier poursuivant se prévaut

d'une cession de créance (art. 164 al. 1 et 165 CO; sur les exigences
formelles de la cession, cf. ATF 122 III 361 consid. 4c), la mainlevée
provisoire peut être accordée à celui qui a pris la place du créancier
désigné dans la reconnaissance de dette (ATF 83 II 211 consid. 3b p. 214; 95
II 617 consid. 1 p. 620), pour autant que le transfert de la créance soit
établi par titre (PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, § 18 p. 41;
DANIEL STAEHELIN, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und
Konkurs, n. 73 ad art. 82 LP; P.-R. GILLIÉRON, Commentaire de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 74 ad art. 82 LP;
EUGEN FISCHER, Rechtsöffnungspraxis in Basel-Stadt, BJM 1980 p. 117). Il
doit en aller de même lorsque la substitution du nouveau créancier résulte
d'une reprise de contrat, soit du transfert de l'intégralité du rapport
contractuel avec tous les droits et obligations y relatifs - ce qui suppose
l'accord de tous les intéressés (sur cette notion, cf. ATF 47 II 416 consid.
2 p. 421; arrêt 4C.109/1999 du 24 juin 1999 et les références) -, et que ce
transfert et les pouvoirs des représentants signataires sont documentés par
titres.

  4.1.2  Sur le seul vu des pièces produites par le créancier, le juge
prononce la mainlevée provisoire si le débiteur ne rend pas immédiatement
vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP). Lorsque le poursuivi
conteste l'authenticité des signatures des représentants à la convention de
cession ou de reprise de contrat et, par suite, la qualité de créancier du
cessionnaire ou du reprenant, il doit rendre vraisemblable la falsification.
En effet, dans le système de la mainlevée provisoire voulu par le
législateur, à moins que le titre produit par le créancier poursuivant ne
soit d'emblée suspect - ce que le juge vérifie d'office -, le titre
bénéficie de la présomption (de fait) que les faits qui y sont constatés
sont exacts et que les signatures qui y sont apposées sont authentiques (C.
JAEGER, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la
faillite, Lausanne/Genève 1900, n. 3 ad art. 82 LP p. 238; JAEGER/WALDER/
KULL/KOTTMANN, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 4e éd., n. 8
ad art. 82 LP; ERNST BLUMENSTEIN, Handbuch des Schweizerischen
Schuldbetreibungsrechtes, Berne 1911, p. 302 note 20; FRITZSCHE/WALDER,
Schuldbetreibung und Konkurs, t. I, § 20 n. 5 p. 259; AMONN/WALTHER,
Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 7e éd., Berne 2003, § 19
n. 74; PANCHAUD/CAPREZ, op. cit., § 4 n. 1). Le juge prononce la mainlevée
provisoire si la falsification n'est pas rendue vraisemblable séance
tenante. Lorsque

le juge doit ainsi statuer selon la simple vraisemblance (Glaubhaftmachung,
la semplice verosimiglianza), il doit, en se basant sur des éléments
objectifs, avoir l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour
autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF
130 III 321 consid. 3.3 p. 325; 104 Ia 408 consid. 4 p. 413; arrêt
5P.333/1998 du 12 novembre 1998, consid. 2c). Pour convaincre le juge, le
poursuivi ne peut donc pas se contenter de contester l'authenticité de la
signature; il doit démontrer, au moyen de pièces ou d'autres moyens de
preuve immédiatement disponibles, qu'il est plus vraisemblable que la
signature soit fausse qu'authentique.