Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 I 31



131 I 31

5. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. contre Y. et
Tribunal cantonal du canton de Vaud (recours de droit public)

    4P.134/2004 du 30 novembre 2004

Regeste

    Anspruch auf rechtmässige Zusammensetzung des Gerichts (Art. 30 Abs. 1
BV und Art. 6 Ziff. 1 EMRK).

    Die zivilrechtliche Abteilung des Kantonsgerichts Waadt erfüllt in
der Besetzung mit drei Richtern, von denen zwei Kantonsrichter und einer
Bezirksgerichtspräsident sind, die Anforderungen nach Art. 30 Abs. 1 BV
und Art. 6 Ziff. 1 EMRK an ein durch Gesetz geschaffenes, unabhängiges
und unparteiisches Gericht (E. 2.1).

Sachverhalt

    A.- L'entreprise familiale Z. SA, dont le siège est à Lausanne, a
notamment pour but la construction, la fabrication, l'achat, la vente et
l'exploitation de machines de chantiers ferroviaires; son capital-actions
de 300'000 fr. est divisé en 210 actions nominatives série A de 1'000 fr.
chacune et 900 actions nominatives série B de 100 fr. chacune.

    Le 6 février 1991, A., ancien président du conseil d'administration
de la société en cause, est décédé, en laissant pour héritiers légaux
son épouse B. et ses quatre enfants soit C., décédée le 10 juin 1994,
X. (le défendeur), qui est administrateur de Z. SA, Y. (le demandeur)
et leur soeur N.

    Dans le cadre du partage de la succession de feu A., Y. a hérité en
juillet 1991 de 14 actions nominatives, catégorie A, de Z. SA.

    Par convention du 15 mars 1994, Y. a vendu à son frère X., qui est
titulaire du brevet d'avocat vaudois, les 14 actions précitées pour le
prix de 115'800 fr. par action. Il est stipulé que le vendeur a le droit
de racheter les 14 actions à l'acheteur au même prix dès le 1er mars 1997.
L'art. 6 de l'accord a la teneur suivante:

      "S'il exerce son droit de réméré pour une partie seulement des

      actions en cause, Y. reçoit d'ores et déjà la garantie que le

      décompte entre parties concernant les actions rachetées tiendra

      compte de la valeur fiscale en cours au moment du rachat partiel;

      en d'autres termes, X.  restera alors propriétaire des titres

      non rachetés en versant à son frère Y. la différence entre la

      valeur fiscale des actions au jour du rachat partiel et la valeur

      d'acquisition fixée aux articles 2 et 3 de la présente convention".

    Par pli du 20 novembre 1998 adressé à X., Y. a exercé formellement son
droit de réméré sur une action de la société familiale et mis en demeure
son frère de lui verser la somme de 1'880'600 fr. jusqu'au 4 décembre 1998,
"correspondant à la différence entre la valeur fiscale 1997/1998 des
titres, estimés (sic) à 258'400 fr. par action, soit 3'617'600 fr. pour
les 14 actions et le prix de cession de 1'621'200 fr. du 15 mars 1994,
déduction faite du prix d'une action à 115'800 fr.".

    Le défendeur n'a pas réagi à ce courrier.

    B.- Par demande du 26 décembre 1998 déposée devant la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois, Y. a conclu à ce que X. lui doive paiement de
1'996'400 fr. sous déduction de 115'800 fr., soit de 1'880'000 fr. (somme
arrondie aux mille francs inférieurs), plus intérêts à 5 % l'an dès le
20 novembre 1998.

    Le défendeur a conclu à libération. Il a soutenu que la valeur fiscale
des actions non rachetées par le demandeur était, par titre, de 129'650
fr., et non de 258'400 fr.

    Par jugement du 25 septembre 2002, la Cour civile a condamné le
défendeur à payer au demandeur la somme de 1'738'000 fr. plus intérêts
à 5 % l'an dès le 5 décembre 1998.

    C.- Parallèlement à un recours en réforme au Tribunal fédéral, le
défendeur a également déposé à l'encontre du jugement précité un recours
en nullité devant la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. Par
arrêt du 4 mai 2004, la Chambre des recours a rejeté le recours en nullité
dans la mesure de sa recevabilité et confirmé le jugement critiqué.

    X. forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt
de la Chambre des recours, dont il requiert l'annulation.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il est
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.

    2.1  Dans son premier moyen, le recourant soutient que la Cour
civile, à l'audience de jugement, était composée de deux juges cantonaux,
à savoir François Jomini et Pierre-Yves Bosshard, ainsi que d'Erica Riva,
qui n'est ni juge cantonale, ni juge cantonale suppléante. Cette dernière
n'étant pas le juge naturel des parties, sa présence au sein de la cour
cantonale serait contraire aux art. 6 CEDH et 30 Cst. Pour le recourant,
la Chambre des recours aurait dû constater la nullité d'une décision
prise en violation du principe du juge naturel.

    2.1.1  Contrairement à la règle de l'épuisement des instances
cantonales instaurée par l'art. 86 OJ, le recourant n'a pas invoqué le
grief tiré de la violation des art. 6 CEDH et 30 Cst. devant la Chambre
des recours.

    La jurisprudence admet cependant la recevabilité de moyens de droit
nouveaux lorsque l'autorité cantonale de dernière instance disposait d'un
pouvoir d'examen libre et devait appliquer le droit d'office (cf. ATF 120
Ia 19 consid. 2b; 119 Ia 88 consid. 1a et les arrêts cités; MARC FORSTER,
Staatsrechtliche Beschwerde, Prozessieren vor Bundesgericht, 2e éd.,
n. 2.51 p. 84/85). Cette exception vaut pour tous les griefs qui ne se
confondent pas avec l'arbitraire, et notamment pour celui tiré de la
violation du droit à un procès équitable. Le comportement du recourant
ne doit toutefois pas porter atteinte à la règle de la bonne foi (ATF
120 Ia 19 consid. 2c p. 24 ss; 119 Ia 88 consid. 1a).

    In casu, la Chambre des recours était saisie d'un recours en nullité
au sens des art. 444 à 448 CPC/VD. Conformément aux art. 465 al. 3 et
470 al. 1 CPC/VD, cette autorité n'examine que les moyens de nullité
invoqués séparément par le recourant (JdT 1990 III p. 111; JEAN-FRANÇOIS
POUDRET/JACQUES HALDY/DENIS TAPPY, Procédure civile vaudoise, 3e éd.,
n. 2 ad art. 465 CPC/VD). La cognition de la Chambre des recours était
donc limitée.

    Partant, les conditions d'une dérogation à l'exigence de l'épuisement
des instances cantonales selon l'art. 86 OJ ne sont pas remplies, de
sorte que le moyen est irrecevable.

    2.1.2  Fût-il recevable, que le grief serait infondé, comme l'examen
ci-dessous, lequel apparaît nécessaire au point de vue de la sécurité du
droit, le démontrera clairement.

    2.1.2.1  En vertu de l'art. 30 al. 1 Cst. - qui, de ce point de vue,
a la même portée que l'art. 6 par. 1 CEDH -, toute personne dont la cause
doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit
portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et
impartial. Le droit des parties à une composition régulière du tribunal
impose des exigences minimales en procédure cantonale (ATF 129 V 335
consid. 1.3.1 et les arrêts cités). Il interdit les tribunaux d'exception
et la mise en oeuvre de juges ad hoc ou ad personam et exige dès lors,
en vue d'empêcher toute manipulation et afin de garantir l'indépendance
nécessaire, une organisation judiciaire et une procédure déterminées par
un texte légal (ATF 123 I 51 consid. 2b).

    C'est en premier lieu à la lumière des règles cantonales applicables
d'organisation et de procédure qu'il convient d'examiner si une autorité
judiciaire ou administrative a statué dans une composition conforme
à la loi. Sur ce point, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est
limité à l'arbitraire (ATF 127 I 128 consid. 3c). Indépendamment de
cela, il examine librement - sans être lié par les griefs soulevés -
si l'interprétation et l'application du droit cantonal, reconnues non
arbitraires, sont compatibles avec la garantie d'un tribunal établi par
la loi, compétent, indépendant et impartial (ATF 129 V 335 consid. 1.3.2;
126 I 73 consid. 3b).

    2.1.2.2  L'art. 124a de la loi vaudoise du 12 décembre 1979
d'organisation judiciaire (OJV) dispose que jusqu'à la révision des
dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire régissant
les contestations civiles pécuniaires, les présidents de tribunaux
d'arrondissement peuvent être appelés à siéger à la cour civile du Tribunal
cantonal, en dérogation aux articles 88 et 89 de la présente loi (al. 1);
lorsqu'il est fait usage de cette faculté, la cour civile doit dans tous
les cas rester composée d'une majorité de juges cantonaux (al. 2).

    On voit ainsi que jusqu'à l'élévation du seuil de la valeur litigieuse
pour le recours en réforme au Tribunal fédéral, la loi cantonale permet
d'appeler un président de tribunal d'arrondissement à siéger à la Cour
civile avec deux autres juges cantonaux.

    Erica Riva, qui est présidente du Tribunal des baux du canton de Vaud,
a le même rang qu'un président de tribunal d'arrondissement (art. 3 al. 4
de la loi du 13 décembre 1981 sur le Tribunal des baux).

    Dans la mesure où la composition de la Cour civile dans le présent
procès était conforme à l'art. 124a OJV, qui permet à cette autorité
de statuer valablement lorsqu'y siègent au moins deux juges cantonaux
(i.e. François Jomini et Pierre-Yves Bosshard) accompagnés d'un magistrat
ayant rang de président de tribunal d'arrondissement (i.e. Erica Riva),
ni l'interprétation ni l'application de cette norme ne sauraient être
taxées d'arbitraire.

    Enfin, au point de vue de la garantie d'indépendance et d'impartialité
de la Cour civile siégeant dans la composition précitée - point que le
Tribunal fédéral peut examiner librement - il n'apparaît pas que les
doutes du recourant à ce sujet aient un quelconque fondement. Erica
Riva est certes hiérarchiquement subordonnée au Tribunal cantonal,
qui nomme les magistrats et fonctionnaires de l'ordre judiciaire et
exerce sur eux le pouvoir disciplinaire (art. 8 al. 2 OJV). Toutefois,
c'est la Cour plénière du Tribunal cantonal qui nomme les magistrats
judiciaires (art. 69 let. d OJV). Partant, Erica Riva n'ayant pas été
nommée présidente du tribunal des baux par les seuls juges cantonaux
Jomini et Bosshard, mais par le tribunal cantonal in corpore, on ne voit
pas que, redevable de sa nomination à l'égard des prénommés, elle ait
pu se laisser guider par le souci de ne pas les offusquer en adhérant
sans discuter à leurs thèses. On peut encore ajouter que le Président
de la Cour Jomini n'a pas agi dans la cause comme juge instructeur - à
l'instar d'ailleurs du Juge Bosshard -, de sorte qu'il n'avait pas une
connaissance du dossier largement supérieure à Erica Riva, susceptible
de maintenir celle-ci en position de faiblesse lors de la délibération.