Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 IV 183



Urteilskopf

131 IV 183

  26. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause A.
contre Ministère public du canton de Vaud et X. (pourvoi en nullité)
  6S.152/2005 du 26 août 2005

Regeste

  Art. 8 OHG; Einstellungsbeschluss; Opferrechte im Strafverfahren.
  Art. 8 Abs. 1 lit. a OHG räumt dem Opfer weder ein allgemeines Recht ein,
sich am Strafverfahren zu beteiligen, noch das Recht, Zivilansprüche bereits
in der Strafuntersuchung geltend zu machen (E. 2).
  Art. 8 Abs. 1 lit. b OHG gewährleistet das Recht des Opfers, einen
Einstellungsbeschluss durch ein Gericht überprüfen zu lassen (E. 3.2).

Sachverhalt

  Le 21 juillet 2004, vers 01 h 40, D. circulait au guidon de sa moto sur la
route secondaire Nyon-Trélex. Peu avant l'Asse, alors qu'il abordait une
courbe, il a perdu la maîtrise de son véhicule, chuté et dévié sur la
gauche. Il a alors été heurté par le taxi conduit par X., qui venait en sens
inverse, et est décédé des suites de ses blessures.

  Par ordonnance du 31 août 2004, le Juge d'instruction de l'arrondissement
de la Côte a prononcé un non-lieu suite à cette mort accidentelle. Cette
décision n'a fait l'objet d'aucune communication.

  Par lettre du 6 décembre 2004, A., B. et C., respectivement veuve et
enfants du défunt, ont demandé la réouverture de l'enquête. Ils ont invoqué
une violation de l'art. 8 al. 1 LAVI, puisqu'ils n'ont pas pu intervenir
comme parties dans la procédure pénale, ni obtenir de décision judiciaire.

  Par ordonnance du 3 janvier 2005, le Juge d'instruction de
l'arrondissement de la Côte a refusé la réouverture de cette enquête. En
bref, il a estimé que même si les requérants n'avaient pas été avisés de la
décision prise, cette informalité ne pouvait justifier à elle seule la
réouverture du dossier, puisque leur intervention dans la procédure n'était
pas de nature à influer sur la décision rendue. Il a jugé qu'on ne pouvait
reprocher une quelconque négligence au chauffeur de taxi et a nié tout lien
de causalité entre le comportement de ce dernier et le décès de D.

  Par arrêt du 25 janvier 2005, le Tribunal d'accusation vaudois a rejeté le
recours de A., B. et C. contre la décision précitée. Il a jugé que la
procédure n'était pas viciée au motif que les victimes n'avaient

pas pu y participer, faute d'avoir reçu les informations requises. Il a
également relevé que l'ordonnance de non-lieu du 31 août 2004, fondée sur
des motifs de droit, avait acquis l'autorité de chose jugée et s'opposait à
toute poursuite ultérieure, l'action publique étant définitivement éteinte.

  A., B. et C. déposent un pourvoi en nullité auprès du Tribunal fédéral
contre l'arrêt susmentionné. Ils invoquent une violation des droits accordés
par la LAVI, et plus particulièrement des art. 6 et 8, et se plaignent d'un
déni de justice formel. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué.

  Le Ministère public du canton de Vaud renonce à se déterminer et se réfère
à l'arrêt attaqué.

  X. conclut au rejet du recours. En substance, il soutient que les
recourants n'ont pas démontré en quoi l'ordonnance de non-lieu pouvait
influencer négativement l'action civile, que la législation ne prévoit
aucune sanction contre la violation des devoirs imposés par la LAVI et que
le droit des recourants à une décision judiciaire est épuisé, le Tribunal
d'accusation s'étant prononcé sur la question de la réouverture de
l'enquête.

Auszug aus den Erwägungen:

                        Extrait des considérants:

Erwägung 2

  2.  Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 8 al. 1 let. a
LAVI (RS 312.5) au motif qu'ils n'ont pas pu être parties à la procédure, ni
faire valoir leurs prétentions civiles.

  2.1  L'art. 8 al. 1 LAVI prévoit que la victime peut intervenir comme
partie dans la procédure pénale, en particulier dans les hypothèses visées
par les lettres a à c. Cette disposition ne lui octroie toutefois pas un
droit général de participer à la procédure pénale. Dans ce sens, le Conseil
fédéral précise, qu'en ce qui concerne les prétentions civiles, la loi
n'accorde pas de manière générale à la victime le droit de participer aux
actes de la procédure, de présenter des requêtes, de formuler des
observations et d'obtenir des informations dans la même mesure que le
prévenu (FF 1990 II 933). Le législateur réduit ainsi le droit d'intervenir
de la victime aux hypothèses prévues par les lettres a à c de l'art. 8 al. 1
LAVI. La jurisprudence et les auteurs n'interprètent pas cette disposition
plus largement, précisant que celle-ci cite de manière exhaustive les droits
d'intervention de la victime dans la procédure pénale (cf. ATF 120 Ia 101
consid. 3a p. 109; P. GOMM/P. STEIN/D. ZEHNTNER,

Kommentar zum Opferhilfegesetz, n. 3 ad art. 8 LAVI p. 139; E. WEISHAUPT,
Die verfahrensrechtlichen Bestimmungen des Opferhilfegesetzes, p. 215; B.
CORBOZ, Les droits procéduraux découlant de la LAVI, in SJ 1996 p. 72).

  2.2  L'art. 8 al. 1 let. a LAVI dispose que la victime peut intervenir
comme partie dans la procédure pénale pour faire valoir ses prétentions
civiles. Ce droit est concrétisé à l'art. 9 al. 1 LAVI selon lequel le
tribunal pénal doit en principe statuer sur les conclusions civiles. Ces
dispositions visent à favoriser la réparation du dommage dans le cadre de
l'action pénale (ATF 120 IV 44 consid. 4 p. 51). Toutefois, elles ne
contiennent aucune règle sur le moment à partir duquel la victime peut faire
valoir ses prétentions et ne garantissent pas à cette dernière une
intervention comme partie au stade de l'instruction. C'est en effet le droit
cantonal de procédure qui régit les conditions formelles de cette
participation et précise en particulier à quel stade de la procédure la
victime peut formuler ses prétentions. Il ne doit cependant pas rendre si
difficile l'invocation des prétentions civiles que cela aille contre le sens
et le but de la LAVI (ATF 120 IV 44 consid. 5 p. 55).

  Certains cantons prévoient la constitution de partie civile en tout état
de cause, soit dès l'ouverture de l'enquête et jusqu'aux débats ou à leur
clôture. D'autres décident que celle-ci ne peut se faire que devant le juge
du fond et l'excluent ainsi dans la phase d'instruction (E. WEISHAUPT, op.
cit., p. 230; R. ROTH/C. KELLERHALS/D. LEROY/ J. MATHEY, La protection de la
victime dans la procédure pénale, rapport d'évaluation rédigé sur mandat de
l'Office fédéral de la justice, p. 36 s.). Les auteurs ont admis que cette
dernière solution ne violait pas la LAVI (G. KOLLY, Zu den Verfahrensrechten
der Opfer von Straftaten [Art. 8 OHG] im freiburgischen Strafprozess, in
Revue fribourgeoise de jurisprudence [RFJ] 1994 p. 37; cf. R. ROTH/ C.
KELLERHALS/D. LEROY/J. MATHEY, op. cit., p. 36 s.) et il n'y a pas lieu de
s'écarter de cet avis. En effet, ce système correspond au sens et aux buts
de la loi qui sont de permettre à la victime de mieux faire valoir ses
prétentions civiles dans le procès pénal et de dissuader le juge pénal de la
renvoyer devant le tribunal civil (ATF 120 Ia 101 consid. 2b p. 105). Il
garantit qu'un tribunal pénal, soit en l'occurrence le juge du fond, statue
simultanément, par un seul et même jugement, sur l'action pénale et les
conclusions civiles. Par ailleurs, la LAVI permet aux cantons d'exclure ou
de restreindre la constitution de partie civile des victimes en cas

d'acquittement ou d'abandon de la procédure (art. 9 al. 1 LAVI) et en cas
d'ordonnances pénales (art. 9 al. 4 LAVI). Il faut en déduire que cette loi
n'exige en tout cas pas la constitution de partie civile au stade de
l'instruction, antérieur au prononcé d'une ordonnance pénale.

  2.3  Les griefs des recourants sont dès lors infondés, la LAVI ne leur
accordant pas un droit général de participer à la procédure (cf. supra
consid. 2.1), ni celui de se constituer partie civile au stade de
l'instruction (cf. supra consid. 2.2).

Erwägung 3

  3.  Invoquant l'art. 8 al. 1 let. b LAVI, les recourants reprochent au
Tribunal d'accusation de ne pas être entré en matière sur la question de
l'homicide par négligence, alors que le Juge d'instruction n'est pas une
autorité judiciaire au sens de cette disposition.

  3.1
  3.1.1  Selon l'art. 8 al. 2 LAVI, les autorités informent la victime de
ses droits à tous les stades de la procédure. Il faut donc lui indiquer en
temps utile qu'elle peut se constituer partie civile ou qu'elle peut
recourir selon l'art. 8 al. 1 let. b et c LAVI (G. KOLLY, op. cit., p. 53
s.; B. CORBOZ, op. cit., SJ 1996 p. 83 s.; E. WEISHAUPT, op. cit., p. 70).
Il s'agit d'un renversement de la présomption selon laquelle nul n'est censé
ignorer la loi (ATF 123 II 241 consid. 3e p. 244 et les références citées).
Les modalités de ces informations sont fixées par le droit cantonal. La LAVI
ne prévoit aucune sanction en cas de défaut d'information et on ne saurait
dire que la procédure est viciée parce que la victime n'a pas pu y
participer, faute d'avoir reçu les renseignements requis (B. BOVAY/M.
DUPUIS/L. MOREILLON/ CH. PIGUET, Procédure pénale vaudoise, 2004, n. 4 ad
art. 8 LAVI p. 586; B. Corboz, op. cit., SJ 1996 p. 84; T. MAURER, Das
Opferhilfegesetz und die kantonalen Strafprozessordnungen, in RPS 111/ 1993
p. 391). Toutefois, lorsque celle-ci dispose d'un droit de saisir une
autorité (art. 8 al. 1 let. b LAVI) ou de recourir (art. 8 al. 1 let. c
LAVI), elle ne doit subir aucun préjudice si l'information due selon la loi
ne lui a pas été donnée et doit pouvoir agir même en l'absence de
renseignements qui ne lui ont pas été communiqués en temps utile (B. CORBOZ,
op. cit., in SJ 1996 p. 84; E. WEISHAUPT, op. cit., p. 76 s.; cf. ATF 119 IV
330 consid. 1c p. 332 ss). En particulier, la jurisprudence a déjà admis
qu'une décision non notifiée n'était pas opposable à son destinataire et
n'avait donc aucun effet valable pour ce dernier (cf. ATF 113 Ib 296 consid.
2 p. 297 ss).

  Cependant, conformément au principe de la bonne foi, la personne à
laquelle le jugement n'a pas été notifié doit s'en prévaloir en temps utile,
dès que, d'une manière ou d'une autre, elle en a pris connaissance (cf. ATF
119 IV 330 consid. 1c p. 334).

  3.1.2  Le Juge d'instruction n'a pas fait intervenir les recourants à la
procédure et ne leur a pas communiqué l'ordonnance de non-lieu du 31 août
2004. Ces derniers n'ont toutefois pas à subir de préjudice de ce fait. Il
convient donc d'admettre que, pour eux, le délai de recours prévu par le
droit cantonal n'a commencé à courir qu'une fois qu'ils ont eu connaissance
de cette ordonnance. En l'espèce, il n'est pas constaté que les recourants
n'auraient pas agi en temps utile après avoir pris connaissance de la
décision litigieuse. Dans ces conditions et contrairement aux affirmations
de l'intimé, le Tribunal d'accusation ne pouvait leur opposer le fait que
cette ordonnance aurait acquis l'autorité de chose jugée et s'opposerait à
toute poursuite ultérieure.

  3.2
  3.2.1  Aux termes de l'art. 8 al. 1 let. b LAVI, la victime peut demander
qu'un tribunal statue sur le refus d'ouvrir l'action publique ou sur le
non-lieu. Conformément au message du Conseil fédéral, les juges
d'instruction et les procureurs ne sont pas des tribunaux au sens de cette
disposition. Ainsi, si la décision est prise d'emblée par un tribunal, par
exemple une chambre d'accusation, le droit prévu par l'art. 8 al. 1 let. b
LAVI est immédiatement satisfait. En revanche, si la décision est rendue par
un juge d'instruction ou un procureur, la victime doit pouvoir recourir
devant un tribunal, normalement la chambre d'accusation (FF 1990 II 934). Le
but de la loi est de garantir aux victimes un jugement sur le refus d'ouvrir
l'action pénale ou sur le non-lieu qui soit rendu par une institution
différente et indépendante des autorités d'instruction et des ministères
publics. Les cantons ont par conséquent dû prévoir une voie de recours à une
autorité judiciaire contre les décisions d'un juge d'instruction ou d'un
procureur qui refuse d'ouvrir une enquête pénale ou la clôture par un
non-lieu (cf. FF 1990 II 934; E. WEISHAUPT, op. cit., p. 271; P. GOMM/P.
STEIN/D. ZEHNTNER, op. cit., n. 5 ad art. 8 LAVI p. 140; B. CORBOZ, op.
cit., in SJ 1996 p. 74; M. DUCROT, La qualité de partie du lésé en
particulier sa qualité pour recourir contre les prononcés rendus sur
l'action publique, in Revue valaisanne de jurisprudence [RVJ] 1995 p. 341;
T. MAURER, Das Opferhilfegesetz und die kantonalen Strafprozessordnungen, in
RPS 111/1993 p. 389).

  En définitive, dans tous les cas où la procédure ne suit pas son cours
jusque devant l'autorité de jugement, la victime peut exiger une décision
judiciaire sur le non-lieu. Ce droit ne suppose pas que la victime ait fait
ou fera valoir des prétentions civiles, ni qu'elle ait participé à la
procédure auparavant (cf. ATF 122 IV 79 consid. 1a p. 81; FF 1990 II 934; P.
GOMM/P. STEIN/D. ZEHNTNER, op. cit., n. 6 ad art. 8 LAVI p. 140 s.; B.
CORBOZ, op. cit., in SJ 1996 p. 75).

  3.2.2  Statuant sur recours contre la décision du juge d'instruction, qui
n'est pas une autorité de jugement au sens de l'art. 8 al. 1 let. b LAVI, le
Tribunal d'accusation a faussement relevé (cf. supra consid. 3.1) que
l'ordonnance du 31 août 2004 avait acquis l'autorité de chose jugée et ne
s'est en revanche pas prononcé sur les motifs de droits sur lesquels se
fondait l'ordonnance attaquée. Or, contrairement aux allégations de
l'intimé, le droit des recourants n'est pas épuisé par le fait que ce
Tribunal se serait prononcé sur la question de la réouverture de l'enquête.
Les victimes ont en effet le droit à ce qu'une autorité judiciaire statue
sur le non-lieu et, dans le cas particulier, se prononce sur la question de
l'homicide par négligence. En omettant d'examiner ces points, à savoir les
conditions de réalisation de l'art. 117 CP, le Tribunal d'accusation a violé
l'art. 8 al. 1 let. b LAVI.