Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 571



131 II 571

44. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel contre Société de
développement du Landeron ainsi que Tribunal administratif de la République
et canton de Neuchâtel (recours de droit administratif)

    1A.292/2004 du 9 juin 2005

Regeste

    Ausgleich von erheblichen planungsbedingten Vor- und Nachteilen,
Mehrwertabschöpfung; Art. 5 Abs. 1 und Art. 34 Abs. 1 RPG.

    Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde gegen Entscheide in
Anwendung einer kantonalen Vorteilsausgleichsregelung gemäss Art. 5
Abs. 1 RPG, einschliesslich Entscheide betreffend die Erhebung einer
Mehrwertabgabe (E. 1).

    Begriff des erheblichen, durch Planungsmassnahmen geschaffenen Vorteils
im Sinne von Art. 5 Abs. 1 RPG (E. 2).

Sachverhalt

    L'association Société de développement du Landeron (ci-après: la
Société de développement) est propriétaire, au Landeron, de la parcelle n°
6943, classée en 1966 dans une zone de vignes et de grèves, en vertu du
décret du Grand Conseil du 14 février 1966 concernant la protection des
sites naturels du canton (ci-après: le décret de 1966). Cette zone n'est
pas une zone à bâtir (ou zone d'urbanisation, au sens de l'art. 47 de la
loi cantonale sur l'aménagement du territoire [LCAT]).

    En 1984 ou 1985, la commune du Landeron a présenté au Conseil
d'Etat de la République et canton de Neuchâtel un dossier concernant
l'aménagement, par la Société de développement, d'une place de camping
de passage sur la parcelle n° 6943. Le Conseil d'Etat a pris le 4 mars
1985 un arrêté autorisant cet aménagement, pour un camping ouvert chaque
année du 1er avril au 30 septembre, sur une surface de 9'840 m² (art. 1 de
l'arrêté). L'arrêté disposait qu'en cas d'inobservation de ces conditions,
"la présente dérogation serait annulée avec effet immédiat et l'article
6943 serait remis en zone verte" (art. 2).

    La commune du Landeron s'est dotée d'un plan d'aménagement qui a
été sanctionné (c'est-à-dire approuvé) le 13 août 1997 par le Conseil
d'Etat. La parcelle n° 6943 a été classée, en grande partie, dans la zone
de détente, loisirs et tourisme, définie à l'art. 14.02 du règlement
d'aménagement communal. Cette zone spéciale, qui est une subdivision
de la zone d'urbanisation (cf. art. 5.05.2 al. 1 let. a du règlement
d'aménagement), est destinée à des activités de détente et de tourisme,
telles que piscine, camping, place de jeux, tennis, port; elle est réservée
aux bâtiments et installations d'intérêt public qui participent à la mise
en valeur du site, ainsi qu'aux stationnements nécessaires aux activités
(art. 14.02.1 al. 1 et art. 14.02.3 al. 1 du règlement d'aménagement).

    Par une "décision de plus-value" du 10 juillet 2002 fondée sur les
art. 33 ss LCAT, le Département cantonal de la gestion du territoire
(ci-après: le département cantonal) a signifié à la Société de
développement qu'elle devait à l'Etat de Neuchâtel un montant de
84'233 fr. 60 au titre de contribution à la plus-value consécutive à
l'affectation du terrain précité à la zone d'urbanisation (soit 20 %
de la plus-value estimée à 44 fr./m2). La Société de développement a
recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif cantonal,
en demandant l'annulation de la contribution de plus-value. Par un arrêt
rendu le 4 novembre 2004, le Tribunal administratif a admis le recours
et annulé la contribution de plus-value pour la parcelle n° 6943. Il
a pris en considération la situation particulière de ce terrain pour
lequel la Société de développement avait obtenu, en vertu de l'arrêté du
Conseil d'Etat du 4 mars 1985, l'autorisation d'exploiter un camping de
passage. En raison de cette autorisation et des prescriptions spéciales
qu'elle prévoyait, le changement d'affectation de 1997 ne serait plus un
avantage majeur au sens de l'art. 33 LCAT.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Conseil
d'Etat a demandé au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif en tant qu'il niait l'existence d'un avantage majeur pour
la parcelle n° 6943. Il a fait valoir, en substance, que le régime de
compensation défini aux art. 33 ss LCAT correspondait à celui qui est
prescrit à l'art. 5 al. 1 LAT; une contribution est ainsi due en cas
d'avantages majeurs résultant de mesures d'aménagement et le classement
du terrain litigieux dans la zone d'urbanisation, après qu'il avait
été rangé dans une zone inconstructible, constituerait un tel avantage
car la valeur du bien-fonds et sa rentabilité économique auraient été
sensiblement augmentées grâce à cette mesure. Le Tribunal fédéral a admis
la recevabilité du recours de droit administratif mais il l'a rejeté sur
le fond.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des recours qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60 et les
arrêts cités).

    1.1  Il s'agit de déterminer en premier lieu si la voie du recours de
droit administratif est ouverte contre l'arrêt du Tribunal administratif.
Dans le domaine de l'aménagement du territoire, les cas de recevabilité
d'un tel recours sont énumérés à l'art. 34 al. 1 LAT (RS 700). En
particulier, ce recours est recevable "contre les décisions prises
par l'autorité cantonale de dernière instance sur des indemnisations
résultant de restrictions apportées au droit de propriété (art. 5),
(...)". L'art. 5 LAT, auquel il est fait référence dans cette disposition,
traite à son alinéa 1 du régime de compensation, établi par le droit
cantonal, permettant de tenir compte équitablement des avantages et des
inconvénients majeurs qui résultent de mesures d'aménagement; à son
alinéa 2, il prévoit qu'une juste indemnité est accordée lorsque des
mesures d'aménagement apportent au droit de propriété des restrictions
équivalant à une expropriation.

    La mention de l'art. 5 LAT figurant, entre parenthèses, à l'art. 34
al. 1 LAT est équivoque. Avant cette mention, le texte de cette disposition
paraît en effet renvoyer non pas à l'ensemble des décisions pouvant être
prises dans le cadre de l'art. 5 LAT, mais à une catégorie d'entre elles,
les décisions sur des indemnisations à la suite de restrictions du droit
de propriété (dans les autres langues officielles: "gegen Entscheide
(...) über Entschädigungen als Folge von Eigentumsbeschränkungen (Art. 5)",
"contro le decisioni (...) concernenti indennità per restrizioni della
proprietà [art. 5]"). Il est clair que l'art. 34 al. 1 LAT vise les cas
d'expropriation matérielle, selon l'art. 5 al. 2 LAT (cf. notamment ATF
125 II 1 consid. 1 p. 4). Cela étant, il faut déterminer dans quelle
mesure cette norme vise aussi les décisions prises dans le cadre d'un
régime de compensation établi selon l'art. 5 al. 1 LAT.

    1.2  Dans la présente affaire, la contribution de plus-value mise à
la charge de l'intimée a pour objet la compensation d'avantages résultant
d'une mesure d'aménagement, au sens de l'art. 5 al. 1 LAT. Le législateur
cantonal neuchâtelois a en effet adopté, en 1991, une loi sur l'aménagement
du territoire (LCAT) qui contient une section intitulée "Compensation,
contribution et indemnisation" (art. 33 ss LCAT), mettant en oeuvre
l'art. 5 al. 1 LAT (cf. PIERMARCO ZEN-RUFFINEN/CHRISTINE GUY-ECABERT,
Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001,
p. 79). Aux termes de l'art. 33 LCAT, les avantages et les inconvénients
résultant de mesures d'aménagement du territoire font l'objet d'une
compensation s'ils sont majeurs. Les art. 34 ss LCAT se rapportent à la
compensation des avantages, l'augmentation de valeur d'un bien-fonds
consécutive à son affectation à la zone d'urbanisation étant réputée
avantage majeur constituant une plus-value (art. 34 al. 1 LCAT). Les
art. 35 à 37 LCAT règlent le mode de calcul et la perception de la
contribution de plus-value. Quant à l'art. 38 LCAT, il dispose qu'une
restriction au droit de propriété consécutive à une mesure d'aménagement
est réputée inconvénient majeur lorsqu'elle équivaut à une expropriation
matérielle.

    1.3  Un régime de compensation des avantages et des inconvénients
résultant de mesures d'aménagement du territoire, fondé sur l'art. 5
al. 1 LAT, comporte en règle générale deux volets, ou deux catégories
de décisions: d'une part des contributions exigées des propriétaires
fonciers qui obtiennent des avantages majeurs (classement en zone à bâtir,
accroissement des possibilités d'utilisation, etc.), et d'autre part des
indemnités allouées aux propriétaires qui subissent des inconvénients
majeurs (déclassement hors de la zone à bâtir, diminution des possibilités
d'utilisation, etc.).

    Lorsque la contestation se rapporte à une indemnisation pour
inconvénients majeurs, la jurisprudence admet déjà la recevabilité du
recours de droit administratif. En effet, si un canton prévoit, dans
son régime de compensation, d'indemniser le propriétaire qui, sans subir
une expropriation matérielle, est néanmoins sensiblement restreint dans
l'utilisation de son bien-fonds - ce n'est toutefois pas le cas du droit
cantonal neuchâtelois, qui limite aux cas d'expropriation matérielle
l'indemnisation pour inconvénients majeurs (art. 38 LCAT) -, cette
indemnisation découle de restrictions apportées au droit de propriété,
au sens de l'art. 34 al. 1 LAT. Le texte de cette disposition est clair
sur ce point et il faut déduire du renvoi à l'art. 5 LAT globalement,
sans limitation au deuxième alinéa, que la même protection juridique
est offerte au niveau fédéral à tous les propriétaires qui font valoir
des prétentions à une indemnité à la suite de mesures d'aménagement
réduisant la valeur de leur bien-fonds, que ce soit dans le cadre de
l'expropriation matérielle au sens de l'art. 5 al. 2 LAT ou dans celui de
la compensation des inconvénients majeurs selon l'art. 5 al. 1 LAT (ATF
117 Ib 497 consid. 7a p. 500). Cette solution confère également, dans ces
deux hypothèses, un droit de recours au Tribunal fédéral à la collectivité
publique qui conteste la décision d'une autorité juridictionnelle cantonale
la condamnant à indemniser un propriétaire foncier (art. 34 al. 2 LAT;
cf. infra, consid. 1.4).

    Dans un régime de compensation selon l'art. 5 al. 1 LAT, il existe
un lien objectif entre les décisions relatives aux avantages majeurs,
d'un côté, et celles relatives aux inconvénients majeurs, de l'autre. Il
paraît dès lors cohérent de prévoir dans les deux cas les mêmes règles de
protection juridique. Il n'est certes pas directement question, pour les
décisions de la première catégorie, de nouvelles "restrictions apportées
au droit de propriété", bien au contraire; mais ces décisions sont elles
aussi fondées sur l'art. 5 LAT, disposition expressément mentionnée dans
le texte de l'art. 34 al. 1 LAT. Ce lien objectif entre la compensation
des avantages et la compensation des inconvénients peut se révéler de
manière évidente dans certaines situations. Par exemple, en cas de révision
globale d'un plan d'affectation communal, on peut concevoir que l'autorité
compétente ordonnera parallèlement, par des décisions coordonnées, la
perception de contributions de plus-value là où la révision est favorable
aux propriétaires concernés, et l'indemnisation des propriétaires là
où la planification entraîne de nouvelles restrictions. Il n'est pas
exclu en pareil cas qu'un même propriétaire soit à la fois débiteur d'une
contribution de plus-value (pour une partie de ses terrains), et créancier
d'une indemnité en raison des restrictions (pour une autre partie). On
peut même concevoir qu'une décision unique soit prise à l'égard d'un
propriétaire de biens-fonds soumis à des mesures d'aménagement différentes,
favorables ou restrictives, décision fixant une soulte après compensation
d'une part de l'indemnité pour les avantages, et d'autre part de la
contribution pour les inconvénients (cf. dans ce contexte ATF 122 I 120
consid. 3 p. 125, à propos du système du remaniement avec péréquation
réelle dans le canton de Vaud). Plus généralement, il est cohérent
de prévoir la même voie de recours contre les différentes décisions de
compensation pouvant être prises à la suite d'une mesure d'aménagement,
qu'elles se fondent sur les avantages ou sur les inconvénients résultant
de cette mesure.

    La doctrine est, sur ce point, partagée. De l'avis de certains
auteurs, seule la voie du recours de droit public, réservée à l'art. 34
al. 3 LAT pour les décisions non visées à l'art. 34 al. 1 LAT, entre en
ligne de compte pour contester une mesure prise dans le cadre d'un régime
de compensation selon l'art. 5 al. 1 LAT, notamment une contribution de
plus-value en raison d'avantages majeurs (cf. NICOLAS MICHEL, Droit public
de la construction, 2e éd., Fribourg 1997, p. 126; PIERRE MOOR, Les voies
de droit fédérales dans l'aménagement du territoire, in Aménagement du
territoire en droit fédéral et cantonal, Lausanne 1990, p. 190 [article
antérieur à l'ATF 117 Ib 497]). D'autres auteurs soulignent toutefois
le caractère global du renvoi à l'art. 5 LAT dans le texte de l'art. 34
al. 1 LAT, et partant préconisent la recevabilité du recours de droit
administratif contre toutes les décisions dont le fondement se trouve,
en droit fédéral, à l'art. 5 LAT (cf. HEINZ AEMISEGGER, Leitfaden zum
Raumplanungsgesetz, Berne 1980, p. 120 [surtout à propos des indemnisations
à la suite de restrictions]; ANDRÉ JOMINI, Commentaire LAT, Zurich 1999, n.
14 ad art. 34 LAT). Une objection à la recevabilité du recours de droit
administratif se fonde sur la grande liberté normative que l'art. 5 al. 1
LAT laisse au droit cantonal (cf. MOOR, loc. cit.). Cette disposition du
droit fédéral n'est cependant pas une simple clause de délégation sans
contenu matériel car elle énonce des principes - notamment en limitant
la compensation aux "avantages et inconvénients majeurs" (cf. infra,
consid. 2.1) - dont l'application doit pouvoir être revue dans le cadre
du contrôle juridictionnel fédéral de la légalité (art. 104 let. a OJ).

    En définitive, après avoir déduit de la référence globale à l'art. 5
LAT dans le texte de l'art. 34 al. 1 LAT que le recours de droit
administratif était ouvert contre les décisions sur des indemnisations
pour des inconvénients, au sens de l'art. 5 al. 1 LAT (cf. ATF 117 Ib
497 cité supra), la jurisprudence doit préciser l'interprétation de cette
règle de procédure fédérale en ce sens que cette solution vaut également
pour les décisions sur des contributions de plus-value, ou sur d'autres
formes de compensation des avantages, quand le droit cantonal a concrétisé
sur ce point la réglementation de l'art. 5 al. 1 LAT. En d'autres termes,
pour cette interprétation, le renvoi global à l'art. 5 LAT dans le texte
de l'art. 34 al. 1 LAT doit être l'élément déterminant, par souci de
cohérence ou de coordination dans l'organisation des voies de recours.

    La décision de plus-value apparaît ainsi comme une décision fondée,
en tout cas partiellement, sur le droit public fédéral, qui peut faire
l'objet d'un recours de droit administratif en vertu de l'art. 97 al. 1
OJ en relation avec l'art. 34 al. 1 LAT.

    1.4  Lorsque le recours de droit administratif est recevable sur la
base de l'art. 34 al. 1 LAT, le droit fédéral - soit l'art. 34 al. 2 LAT,
en relation avec l'art. 103 let. c OJ - confère expressément aux cantons la
qualité pour recourir (ATF 129 II 225 consid. 1.1. p. 227). Le gouvernement
cantonal peut donc se prévaloir en l'espèce de ce droit de recours. Les
autres conditions de recevabilité du recours de droit administratif sont
manifestement remplies (art. 97 ss OJ). En particulier, il convient de
relever que la contestation a uniquement trait à la portée du classement
de la parcelle n° 6943 dans la zone d'urbanisation, point sur lequel le
Tribunal administratif a rendu une décision finale en excluant à ce propos
l'existence d'un avantage majeur et donc la perception d'une contribution
de plus-value; le renvoi de l'affaire au département cantonal, pour le
surplus, n'exclut pas la recevabilité du recours de droit administratif
contre cette décision finale partielle (ATF 129 II 286 consid. 4.2 p. 291,
384 consid. 2.3 p. 385). Il y a donc lieu d'entrer en matière.

Erwägung 2

    2.  Le recourant conteste l'interprétation faite, dans l'arrêt attaqué,
de la notion d'avantage majeur constituant une plus-value. Il se réfère
à l'art. 34 al. 1 LCAT, qui dispose que l'affectation d'un bien-fonds
non constructible à la zone d'urbanisation est réputée avantage majeur
constituant une plus-value; il admet que, selon la jurisprudence cantonale,
cette présomption n'est pas irréfragable mais soutient que l'avantage
majeur existe bel et bien en l'occurrence. L'arrêté gouvernemental du 4
mars 1985 permettant l'exploitation d'un camping de passage sur le terrain
litigieux, autorisation à caractère personnel dont seule l'intimée pourrait
faire usage, n'est pas un élément décisif car, d'après le recours, seul
un emplacement pour tentes, sans infrastructures sanitaires ni places
de stationnement, pouvait être admis. Le recourant mentionne encore les
avantages économiques concrets de la nouvelle situation juridique, en se
référant aux comptes d'exploitation de l'intimée.

    2.1  La contestation porte sur l'interprétation de la notion
d'avantage majeur, qui est une notion du droit fédéral. L'art. 5 al. 1
LAT dispose en effet que le régime de compensation doit permettre de
tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs qui
résultent de mesures d'aménagement (l'épithète "majeurs" se rapportant
à l'évidence tant aux avantages qu'aux inconvénients). Le droit cantonal
reprend textuellement cette notion (art. 33 et 34 al. 1 LCAT). Il s'agit
d'une notion juridique indéterminée et il faut laisser à la juridiction
cantonale une certaine latitude de jugement à ce propos (cf. notamment
ENRICO RIVA, Commentaire LAT, n. 84 ss ad art. 5 LAT). Le recourant admet
que l'art. 34 al. 1 LCAT, qui dispose que l'affectation d'un bien-fonds
à la zone d'urbanisation est réputée avantage majeur, ne pose pas une
présomption irréfragable; il incombe donc à l'autorité d'évaluer dans
chaque cas l'importance de l'avantage résultant du classement en zone à
bâtir et de déterminer s'il est majeur au sens de l'art. 5 al. 1 LAT.

    2.2  En l'espèce, le Tribunal administratif a refusé de voir dans
le changement d'affectation de la parcelle litigieuse en 1997 (son
classement dans un secteur de la zone d'urbanisation) un avantage majeur,
principalement parce qu'il n'apparaît pas "que la situation légale nouvelle
serait fort différente de celle admise sous l'emprise de l'autorisation
du 4 mars 1985 ou en tous les cas que l'extension des possibilités
d'utilisation de la parcelle en cause dépasserait l'évolution normale
qu'ont connue tous les campings de ce genre; (...) telle qu'elle est
rédigée, l'autorisation du 4 mars 1985 a (...) pour effet de soumettre
à des prescriptions spéciales l'article 6943 lui-même, pour une surface
de 9840 m2" (consid. 6 de l'arrêt attaqué).

    Il y a sans doute différentes interprétations soutenables de la
portée de l'arrêté du 4 mars 1985. L'autorité recourante, qui en est du
reste l'auteur, paraît considérer qu'il s'agit en réalité d'une simple
autorisation dérogatoire délivrée à une personne déterminée (l'intimée),
tandis que pour le Tribunal administratif, on a ainsi soumis un bien-fonds
à des prescriptions spéciales en matière d'aménagement. Cette dernière
interprétation n'est pas incompatible avec le texte de l'arrêté lui-même,
qui laisse entendre que la réglementation de l'utilisation du sol était
modifiée dès lors qu'une révocation dudit arrêté devait aboutir à un
reclassement en zone verte (art. 2). Au demeurant, on pourrait soutenir que
le décret de 1966, dans sa teneur en vigueur en 1985, admettait lui-même
la possibilité de tels changements d'affectation. Il contenait en effet une
disposition relative aux "emplacements de campement", applicable notamment
dans la zone de vignes et de grèves. Cette disposition (ancien art. 5 al. 1
du décret) prévoyait que les emplacements de campement étaient autorisés
à trois conditions: production d'un plan garantissant une ordonnance
convenable de l'emplacement; existence d'un parc suffisant pour les
véhicules utilisés par les hôtes de l'emplacement; existence d'espaces
de verdure suffisants. En l'espèce, d'après le préambule de l'arrêté de
1985, la commune du Landeron a précisément déposé un dossier permettant
au Conseil d'Etat d'autoriser l'aménagement d'un camping. Dans l'arrêt
attaqué, cette ancienne disposition du décret de 1966 est mentionnée comme
base de l'arrêté du 4 mars 1985, et le Tribunal administratif retient que
la validité de cet arrêté n'a pas été remise en cause après la révision
du décret en 1988.

    Il n'y a pas lieu de déterminer la portée exacte des règles
d'aménagement applicables au terrain litigieux avant l'entrée en vigueur
du plan d'affectation communal de 1997. On doit toutefois constater
que les anciennes prescriptions cantonales permettaient la construction
d'installations de camping, sans que l'on puisse déduire ni du décret
de 1966, ni du texte de l'arrêté du 4 mars 1985 que ce dernier aurait
nécessairement dû être révoqué en cas de changement d'exploitant de
la place. La réglementation de la nouvelle zone de détente, loisirs et
tourisme est effectivement moins restrictive que le régime précédent,
s'agissant des constructions admissibles, mais elle ne change pas
fondamentalement la situation juridique du terrain concerné, à cause
de la définition de l'affectation de cette zone, réservée à certaines
activités récréatives. L'adoption du plan communal permettait ainsi
d'adapter une ancienne mesure de planification aux nouvelles règles de
l'aménagement du territoire. Dans ces circonstances particulières, le
Tribunal administratif était fondé à retenir d'emblée, même sans analyse
détaillée de la plus-value, que l'avantage procuré à l'intimée par le
régime du nouveau plan d'affectation n'était pas un avantage majeur au
sens de l'art. 5 al. 1 LAT ou des art. 33 ss LCAT. En l'absence d'une
violation du droit fédéral, les griefs du recourant sont donc mal fondés.