Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 562



131 II 562

43. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. SA
contre Commission fédérale des maisons de jeu ainsi que Commission fédérale
de recours en matière de contri- butions (recours de droit administratif)

    2A.105/2005 du 6 juillet 2005

Regeste

    Art. 36 Abs. 1, 127 Abs. 1 und 2, 191 BV; Art. 40 Abs. 1, 41 und
44 Abs. 1 SBG; Art. 80 Abs. 1 und 2, 84 Abs. 1 und 2 aVSBG; Art. 87
Abs. 4 VSBG; Umrechnung des Bruttospielertrags auf zwölf Monate zur
Satzbestimmung.

    System der Spielbankenbesteuerung (E. 2).

    Legalitätsprinzip im Steuerrecht: Vorherrschaft und Vorbehalt des
Gesetzes (E. 3.1); Verbot, die Verfassungsmässigkeit der Bundesgesetze,
einschliesslich der Delegationsnormen, zu überprüfen (E. 3.2);
Auslegung der Steuergesetze, namentlich bei Vorliegen einer Gesetzeslücke
(E. 3.3-3.5), wie das Fehlen einer Regel betreffend Umrechnung auf ein Jahr
(E. 3.6-3.8).

Sachverhalt

    La société X. SA (ci-après: la Société) exploite un casino depuis
le 15 juillet 2003 au bénéfice d'une concession de type B. L'acte de
concession dispose que l'exercice commercial débute le premier janvier
et se termine le 31 décembre. Durant le premier exercice commercial,
clos au 31 décembre 2003, la Société a réalisé un produit brut des jeux
d'un montant de 20'250'422 fr. 25.

    Par décision de taxation du 29 mars 2004, la Commission fédérale
des maisons de jeu (ci-après: la Commission) a réclamé à la Société une
somme de 8'763'831 fr. 88 au titre de l'impôt sur le produit brut des
jeux (ci-après également cité: l'impôt) concernant le premier exercice
commercial; le taux d'imposition pris en compte - après réduction du taux
de base consentie pour la première année d'exploitation -, de 43.28 %, a
été déterminé sur la base du produit brut des jeux calculé sur douze mois
(annualisé), soit 43'478'847 fr. 77.

    La Société a recouru contre la décision de taxation précitée. Elle a
fait valoir que la Commission avait violé le principe de la légalité, car
aucune disposition légale ou réglementaire ne lui permettait d'annualiser
le produit brut des jeux pour fixer le taux d'imposition. Elle concluait
à ce que le montant de l'impôt fût ramené à 6'652'263 fr. 71, compte tenu
d'un taux d'imposition de 32.85 %, correspondant au taux applicable pour
le produit brut des jeux qu'elle avait effectivement réalisé au cours du
premier exercice commercial.

    Par décision du 8 février 2005, la Commission fédérale de recours en
matière de contributions (ci-après: la Commission de recours) a débouté la
Société de ses conclusions. Elle a considéré que l'absence de norme sur la
question litigieuse ne présentait pas le caractère d'un silence qualifié du
législateur et qu'en cas d'assujettissement d'une durée inférieure à une
année, seule la prise en compte d'un produit brut des jeux annualisé pour
fixer le taux d'imposition était conforme aux principes constitutionnels
de l'égalité de traitement et de la capacité économique, compte tenu de
la progressivité de l'impôt en cause.

    La Société interjette recours de droit administratif contre la décision
précitée de la Commission de recours, dont elle requiert l'annulation,
sous suite de frais et dépens, en reprenant les conclusions qu'elle avait
formulées devant l'instance précédente. Elle invoque derechef le principe
de la légalité.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants :

Erwägung 2

    2.  La Confédération perçoit un impôt sur le produit brut des jeux
(art. 40 al. 1 de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux
de hasard et les maisons de jeu [loi sur les maisons de jeu, LMJ; RS
935.52]). Le Conseil fédéral fixe le taux de l'impôt de telle manière
que les maisons de jeu gérées selon les principes d'une saine gestion
obtiennent un rendement approprié sur le capital investi (art. 41 al. 1
LMJ). Il peut appliquer un taux différent aux deux catégories de maisons
de jeu (concession A ou concession B); ces taux peuvent être progressifs
(art. 41 al. 2 LMJ). Les taux de l'impôt sont de 40 % au minimum et de
80 % au maximum (art. 41 al. 3 LMJ). Pendant les quatre premières années
d'exploitation de la maison de jeu, le Conseil fédéral peut abaisser
le taux de l'impôt jusqu'à 20 %. Il fixe ce taux en tenant compte de
la situation économique de chaque maison de jeu. Le taux est fixé tous
les ans, pour une ou plusieurs maisons de jeu, en fonction des éléments
pertinents (art. 41 al. 4 LMJ). La Commission procède à la taxation et à
la perception de l'impôt. Le Conseil fédéral règle la procédure (art. 44
al. 1 LMJ).

    Pour la taxation de l'exercice commercial 2003, le taux de l'impôt pour
les maisons de jeu au bénéfice d'une concession B était fixé à l'art. 80
de l'ordonnance, aujourd'hui abrogée, du 23 février 2000 sur les jeux de
hasard et les maisons de jeu (aOLMJ; RO 2000 p. 766); cette disposition
prévoyait un taux de base de 40 % du produit brut des jeux jusqu'à
concurrence de 10 millions de francs (al. 1), puis une progression du taux
marginal de 1 % par million de francs supplémentaire de produit brut des
jeux jusqu'à concurrence de la limite maximale de 80 % (al. 2). Sous le
titre "période fiscale et procédure de taxation (art. 44 LMJ)", l'art. 84
aOLMJ avait la teneur suivante: "la Commission perçoit l'impôt sur les
maisons de jeu (impôt) pour chaque période fiscale. Une période fiscale
dure douze mois (al. 1); le début et la fin de l'assujettissement fiscal
coïncident avec le début et la fin de l'exploitation des jeux. La période
de calcul et la période fiscale correspondent à l'exercice commercial
(al. 2)".

    Les normes réglementaires précitées ont été abrogées et remplacées
par l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les jeux de hasard et les
maisons de jeu (ordonnance sur les maisons de jeu, OLMJ; RS 935.521),
entrée en vigueur le 1er novembre 2004, voire, pour certaines de ses
dispositions, le 1er janvier 2004 (cf. art. 127 OLMJ). Dorénavant, le
taux de l'impôt et la période fiscale sont réglés respectivement aux
art. 83 et 87 OLMJ. Hormis des modifications d'ordre rédactionnel, ces
nouvelles dispositions apportent des changements significatifs notamment
sur deux points: d'une part, la progression du taux marginal a été ramenée
de 1 à 0.5 % par million de francs supplémentaire du produit brut des
jeux; d'autre part, l'art. 87 al. 4 OLMJ, sous le titre "période fiscale
(art. 44 LMJ)", précise désormais ceci: "Lorsque l'assujettissement fiscal
commence ou s'achève au cours de l'année civile, le produit brut des jeux
est annualisé pour la détermination du taux d'imposition. L'annualisation
est effectuée sur la base de la durée de la période fiscale abrégée."

Erwägung 3

    3.  La recourante invoque le principe de la légalité.

    3.1  Le principe de la légalité gouverne l'ensemble de l'activité de
l'Etat (cf. art. 36 al. 1 Cst.). Il revêt une importance particulière
en droit fiscal où il est érigé en droit constitutionnel indépendant
à l'art. 127 al. 1 Cst.: reprenant la jurisprudence rendue sous l'empire
de l'ancienne Constitution fédérale, cette norme constitutionnelle prévoit
en effet que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment
la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul,
doivent être définis par la loi.

    Selon la conception classique, le principe de la légalité recouvre
deux aspects, à savoir: premièrement, la suprématie de la loi, qui impose
aux organes de l'Etat de se soumettre à l'ordre juridique et de n'exercer
leur activité que dans le cadre tracé par la loi; cette exigence implique
également que les normes d'un degré inférieur doivent être conformes à
celles d'un degré supérieur. Secondement, la réserve de la loi, qui postule
que toute atteinte à la liberté ou à la propriété doit être fondée sur
la loi; en droit fiscal, ce postulat trouve notamment sa traduction dans
l'exigence d'une base légale formelle d'une certaine densité formulée à
l'art. 127 al. 1 Cst. (cf. ERNST HÖHN/ROBERT WALDBURGER, Steuerrecht, vol.
I, 9e éd., Berne 2001, p. 130 ss; WALTER RYSER/BERNARD ROLLI, Précis de
droit fiscal suisse, 4e éd., Berne 2002, p. 51; JEAN-MARC RIVIER, Droit
fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2e éd. 1998,
p. 78).

    3.2  En premier lieu, la recourante soutient, pour la première fois
devant le Tribunal fédéral, que la délégation de compétence en faveur
du Conseil fédéral prévue à l'art. 41 LMJ constitue un blanc-seing
incompatible avec le principe de la légalité.

    Il est certain que la disposition mise en cause confère à l'autorité
exécutive une grande latitude d'appréciation pour fixer le taux de l'impôt,
comme les parlementaires n'ont pas manqué de le souligner et, pour
certains, de le déplorer, lors des débats entourant l'adoption de cette
disposition (cf. BO 1997 CE p. 1317-1321, en particulier la proposition
Brändli). Le grief de la recourante apparaît toutefois d'emblée infondé,
sans qu'il soit nécessaire d'en examiner plus avant la pertinence, car il
se heurte à l'art. 191 Cst., qui interdit au Tribunal fédéral d'examiner la
constitutionnalité des lois fédérales (cf., au sujet de l'art. 113 al. 3
aCst., ATF 126 I 1 consid. 2f p. 5; 125 III 209 consid. 5 p. 216) et, par
voie de conséquence, des normes de délégation qu'elles contiennent. Ainsi,
lorsque le Tribunal fédéral se prononce sur une ordonnance du Conseil
fédéral fondée sur une délégation législative, il ne peut pas contrôler si
la délégation elle-même est admissible, et doit se contenter d'examiner
si le but fixé dans la loi peut être atteint et si l'autorité exécutive
a usé de son pouvoir conformément au principe de la proportionnalité;
lorsque, comme en l'espèce, la délégation législative est très large, il
ne peut pas substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral
et doit se limiter à contrôler si l'ordonnance en cause est contraire
à la loi ou à la Constitution (cf. ATF 124 II 581 consid. 2a p. 583;
122 II 411 consid. 3b p. 416/417 et les références citées; voir aussi
ERNST BLUMENSTEIN/PETER LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts,
Zurich 2002, p. 26).

    3.3  En second lieu, la recourante fait valoir, comme devant
l'instance inférieure, qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er novembre 2004,
de l'art. 87 al. 4 OLMJ, aucune disposition légale ou réglementaire ne
prévoyait le principe de l'annualisation du produit brut des jeux pour
fixer le taux de l'impôt lorsque la période fiscale comprend plus ou moins
de douze mois. Or, elle relève que, dans les lois fiscales récentes,
le législateur fédéral, respectueux du principe de la réserve de la
loi, a expressément prévu d'ancrer dans la loi formelle le principe
de l'annualisation des revenus pour fixer le taux de l'impôt. Elle en
déduit qu'on "ne saurait admettre a fortiori que le Conseil fédéral,
nanti de son seul pouvoir réglementaire (...), puisse renoncer à édicter
pareille norme (...) et tout de même escompter imposer l'annualisation aux
contribuables". Elle exclut qu'un tel procédé puisse se laisser déduire
de l'ancienne ordonnance sur les maisons de jeu par voie d'interprétation,
vu la portée du principe de la légalité en droit fiscal.

    Cette argumentation pose le problème de la place et du rôle que joue
le principe de la légalité dans l'interprétation des lois fiscales.

    3.4  L'administration et le juge sont assurément tenus de faire
preuve d'une certaine circonspection lorsqu'ils interprètent les normes
fiscales, afin de respecter les impératifs de suprématie et de réserve
de la loi - ici au sens matériel (cf. supra consid. 3.2) - qui découlent
du principe de légalité. Il s'agit, en particulier, d'éviter que ne
soient créés, par le biais d'une interprétation extensive, de nouveaux
cas d'assujettissement, de nouvelles matières imposables ou de nouveaux
faits générateurs d'imposition (cf. RYSER/ROLLI, op. cit., p. 70; RIVIER,
op. cit., p. 102); c'est sur ces points que se concentre le débat relatif
aux limites de l'interprétation (cf. RYSER/ ROLLI, op. cit., p. 71). Si
la loi, dûment interprétée, ne constitue pas une base légale suffisante,
l'impôt ne peut, en principe, pas être prélevé (cf. RIVIER, op. cit.,
p. 79 et 102; HÖHN/WALDBURGER, op. cit., p. 147). Toutefois, sous réserve
de ces limites, les normes fiscales peuvent et doivent être interprétées de
la même manière et selon les mêmes règles que les autres domaines du droit
administratif (cf. BLUMENSTEIN/LOCHER, op. cit., p. 25; HÖHN/WALDBURGER,
op. cit., p. 151; RYSER/ROLLI, op. cit., p. 71; RIVIER, op. cit., p. 101;
pour des ex., cf. ATF 130 I 96 consid. 3 p. 99 ss; 128 II 112 consid. 5 et
6 p. 117 ss; 128 II 66 consid. 4a p. 70; 125 II 183 consid. 4-8 p. 185 ss).

    3.5  Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu selon
sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument
clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il
convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme,
en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des
travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle,
de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose,
singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou
encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation
systématique). Si plusieurs interprétations sont admissibles, il convient
de choisir celle qui est conforme à la Constitution. En effet, même s'il
ne peut pas examiner la constitutionnalité des lois fédérales (art. 191
Cst.), le Tribunal fédéral part de l'idée que le législateur fédéral ne
propose pas de solution incompatible avec la Constitution, à moins que
le contraire ne résulte clairement de la lettre ou de l'esprit de la loi
(ATF 130 II 65 consid. 4.2 p. 71; 129 II 114 consid. 3.1 p. 118; 129 III
55 consid. 3.1.1 p. 56/57 et les arrêts cités).

    L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une
lacune. Une lacune authentique (ou lacune proprement dite) suppose que
le législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler
et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la
loi. Si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation
qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction
équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite,
elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse,
mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence,
seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention
du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception
traditionnelle, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le
fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutif
d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (cf. ATF 129
III 656 consid. 4.1 p. 657 ss; 128 I 34 consid. 3b p. 40 ss; 125 III 425
consid. 3a p. 427; 124 V 271 consid. 2a et les arrêts cités). La même chose
vaut en droit fiscal, où seules les lacunes proprement dites peuvent être
comblées, sous réserve des cas d'abus de droit qui comprennent notamment
les situations d'évasion fiscale (cf. XAVIER OBERSON, Droit fiscal suisse,
2e éd., Bâle 2002, p. 48 et 50; HÖHN/WALDBURGER, op. cit., p. 149/150;
BLUMENSTEIN/LOCHER, op. cit., p. 33).

    3.6  Contrairement à l'opinion qu'elle défendait devant la Commission
de recours, la recourante ne soutient plus que l'absence de norme
prévoyant le principe de l'annualisation du produit brut des jeux pour
déterminer le taux de l'impôt s'apparenterait à un silence qualifié du
législateur. A raison. En effet, rien dans les travaux préparatoires
ne vient étayer cette thèse. Les discussions au Parlement qui ont
précédé l'adoption de la loi sur les maisons de jeux ont certes porté
sur l'art. 41 LMJ (détermination du taux de l'impôt, problème de sa
progressivité, opportunité de déléguer au Conseil fédéral la compétence
de le fixer). A aucun moment, toutefois, les parlementaires n'ont abordé
le problème spécifiquement en cause ici, qui ne concerne d'ailleurs que
de manière indirecte la question du taux de l'impôt: l'annualisation
constitue en effet l'un des aspects de l'imposition dans le temps qui
doit être examiné lors de la taxation; elle dépend de la période de
calcul et de la période fiscale, ainsi que du début et de la fin de
l'assujettissement. Du reste, selon la note marginale de l'art. 87 al. 4
OLMJ, qui prévoit désormais expressément le principe de l'annualisation,
celui-ci se rattache à la délégation de compétence en faveur du Conseil
fédéral prévue à l'art. 44 LMJ pour régler la procédure de taxation,
mais non à la délégation législative prévue à l'art. 41 LMJ pour fixer
le taux de l'impôt. Il ne saurait, dès lors, être question de silence
qualifié du législateur sur la question litigieuse.

    En réalité, cette absence de réglementation correspond à un oubli
du législateur, soit du Conseil fédéral, comme l'a exposé la Commission
fédérale dans son rapport explicatif à l'appui du projet de révision de
l'ancienne ordonnance sur les maisons de jeu: "la situation (où l'exercice
commercial débute ou se termine en cours d'année) n'était pas prévue dans
la législation" (rapport précité, p. 9). En effet, selon la réglementation
applicable au moment déterminant, le taux de l'impôt était progressif
en fonction du produit brut des jeux (cf. art. 80 al. 2 aOLMJ) réalisé
durant une période fiscale et une période de calcul d'une durée de douze
mois supposées correspondre à l'exercice commercial (cf. art. 84 al. 1 et
2 aOLMJ), lequel s'étendait, selon l'acte de concession, du 1er janvier au
31 décembre de l'année. En revanche, l'hypothèse d'un exercice commercial
d'une durée inférieure à une année, comme cela peut se présenter lors du
début ou de la fin de l'assujettissement à l'impôt, n'a tout simplement
pas été envisagée.

    3.7  Dans le système fiscal suisse, l'annualisation des revenus pour
fixer le taux de l'impôt se présente comme un principe généralement admis
pour l'imposition des revenus à caractère périodique soumis à un taux
progressif, comme en témoignent l'art. 31 de la loi fédérale du 14 décembre
1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes
(LHID; RS 642.14), l'art. 209 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11), l'art. 2 al. 3 de l'ordonnance
du 16 septembre 1992 sur le calcul dans le temps de l'impôt fédéral
direct dû par les personnes physiques (RS 642.117.1), ou encore l'art. 3
al. 2 de l'ordonnance du 16 septembre 1992 sur le calcul dans le temps
de l'impôt fédéral direct dû par les personnes morales (RS 642.117.2),
étant précisé que cette dernière disposition n'a plus de raison d'être
pour les sociétés de capitaux et les coopératives depuis l'adoption,
le 1er janvier 1998, d'un taux fixe pour l'imposition du bénéfice net
(cf. RYSER/ROLLI, op. cit., p. 431, ad n. 65; OBERSON, op. cit., p. 210).

    La règle de l'annualisation des revenus est destinée à garantir le
respect des principes constitutionnels de l'égalité de traitement entre
contribuables et de l'imposition selon la capacité économique (cf. art. 127
al. 2 Cst.). Le principe de la capacité contributive exige en effet que
chaque contribuable participe à la couverture des dépenses publiques
compte tenu de sa situation personnelle et en fonction de ses moyens,
avec une charge fiscale adaptée à sa substance économique (cf. ATF 122
I 101 consid. 2b/aa p. 103, 305 consid. 6a p. 313; 120 Ia 329 consid. 3
p. 332 et les arrêts cités). Aussi bien, le revenu (périodique) réalisé
par un contribuable pendant une durée d'assujettissement incomplète doit,
dans un système d'imposition progressive, être extrapolé sur douze mois
(annualisé) lors de la fixation du taux, afin que la charge d'impôt soit
conforme à la réelle capacité contributive dudit contribuable.

    3.8  Par conséquent, il faut admettre que l'absence de règle
d'annualisation dans l'ancienne ordonnance sur les maisons de jeu a valeur
de lacune proprement dite que les autorités précédentes étaient fondées
et tenues de combler dans une perspective d'interprétation conforme à la
Constitution. Une telle manière de faire n'a pour effet ni d'étendre la
qualité de contribuable, ni de créer de nouvelles matières imposables ou de
nouveaux faits générateurs d'imposition, mais vise simplement, ainsi qu'on
l'a vu, à compléter les règles relatives à la procédure de taxation et à
l'imposition dans le temps (cf. supra consid. 3.6 premier paragraphe):
vu son caractère périodique et la progressivité de son taux voulue par
le législateur (cf. art. 80 al. 2 aOLMJ), l'impôt sur le produit brut
des jeux doit être prélevé selon les mêmes bases d'imposition pour tous
les contribuables, quelle que soit la durée de leur assujettissement,
y compris lorsque celle-ci est, comme en l'espèce, inférieure à une
année. Il serait en effet contraire aux principes constitutionnels de
l'égalité de traitement entre contribuables et de l'imposition selon la
capacité économique de soumettre la recourante, qui a été assujettie pour
la période fiscale 2003 pendant cinq mois et demi environ seulement,
au même taux d'imposition qu'un casino concurrent ayant réalisé, par
hypothèse, un même produit brut des jeux pendant toute la période fiscale.