Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 339



131 II 339

26. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X.
contre Service de la population ainsi que Tribunal adminis- tratif du
canton de Vaud (recours de droit administratif)

    2A.753/2004 du 29 avril 2005

Regeste

    Staatsverträge zwischen der Schweiz und Frankreich im Bereich von
Aufenthalt und Niederlassung. Personenfreizügigkeitsabkommen. Begriff des
Arbeitnehmers gemäss Art. 6 Anhang I FZA. Rechtslage bei einer Person,
die Sozialhilfeleistungen bezieht.

    Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde unter dem Gesichtspunkt
der schweizerisch-französischen Staatsverträge im Bereich von Aufenthalt
und Niederlassung (E. 1.1). Der Nichteintretensgrund von Art. 100 Abs. 1
lit. b Ziff. 3 OG gelangt gegenüber den Angehörigen eines EU-Staates seit
dem Inkrafttreten des Freizügigkeitsabkommens nicht mehr zur Anwendung
(E. 1.2).

    Ein Angehöriger eines EU-Staates erhält nur dann eine
"Aufenthaltsbewilligung EU/EFTA", wenn bei ihm die Voraussetzungen eines
im Freizügigkeitsabkommen vorgesehenen Freizügigkeitstatbestands erfüllt
sind (E. 2).

    Begriff des Arbeitnehmers im Sinne des Freizügigkeitsabkommens (E. 3
und 4).

    Anspruch auf Aufenthaltsbewilligung gestützt auf Art. 8 Ziff. 1 EMRK
(E. 5)?

Sachverhalt

    X., ressortissante française née en 1948, est divorcée et mère de deux
enfants, un fils et une fille nés respectivement en 1972 et 1984. Dès
l'âge de huit ans, elle a vécu sans discontinuer dans le canton de Vaud
jusqu'en 1978. A cette date, elle est partie vivre à l'étranger avec son
premier mari et leur fils. Peu après l'accouchement de sa fille, elle
s'est séparée de son mari et est rentrée en Suisse pour s'installer avec
ses deux enfants chez sa mère, à Lausanne. Elle n'a pas réussi à récupérer
son permis d'établissement, mais a obtenu une autorisation de séjour pour
travailler comme auteur compositeur et productrice indépendante. Elle
s'est remariée en 1985 après la dissolution de son mariage religieux
d'avec son premier mari.

    Dès 1987, X. a connu d'importants problèmes d'argent dus à un train
de vie dépassant largement ses possibilités financières. Une requête de
faillite volontaire s'est clôturée en 1992 par un découvert d'environ
400'000 fr. En 1994, elle a été condamnée à une peine de douze mois
d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans pour une série d'infractions
contre le patrimoine (escroquerie, filouterie d'auberge, déconfiture et
faux dans les titres).

    Le 17 janvier 1996, X. a été avertie du fait que son autorisation
de séjour ne serait pas renouvelée à l'avenir si elle donnait lieu à
de nouvelles plaintes ou si sa situation financière ne s'améliorait
pas. Elle a divorcé de son second mari en septembre 1998. Le 24 février
1999, une demande de permis d'établissement qu'elle avait formée un mois
plus tôt a été rejetée, au motif notamment qu'elle émargeait à l'aide
sociale vaudoise depuis le 13 octobre 1997. Autorisée à travailler
dès août 2000 comme auteur-compositeur et artiste, elle n'a tiré aucun
revenu de cette activité et a continué à dépendre de l'aide sociale. Son
autorisation de séjour lui a néanmoins été régulièrement renouvelée,
la dernière fois le 27 décembre 2002 pour une durée d'un an; à cette
occasion, elle a été informée qu'au terme de cette nouvelle période,
elle s'exposait au risque de devoir quitter la Suisse si elle n'était
toujours pas à même de s'assumer financièrement. A partir du 1er mai 2003,
elle a été mise au bénéfice du revenu minimum de réinsertion (RMR). Au
16 avril 2004, elle avait perçu un montant de prestations de 153'084
fr. 55 des services sociaux. Entendue le 14 juin 2004, elle a déclaré au
Service de la population qu'elle avait "plein de projets professionnels"
en vue dans le domaine artistique et que, malgré des problèmes de santé,
elle recherchait activement une activité lucrative; elle a encore précisé
que sa fille vivait avec elle et qu'elle devait également s'occuper de sa
mère qui était souffrante. Selon un rapport de l'office des poursuites du
même jour, elle faisait alors l'objet de 63 actions frappées d'opposition
pour un montant total de 142'886 fr. 50, tandis que ledit office avait
délivré 200 actes de défauts de biens, du 15 décembre 1986 au 15 juillet
2002, pour un total de 408'970 fr. 90.

    Par décision du 15 juillet 2004, le Service de la population a refusé
de renouveler "l'autorisation de séjour CE/AELE" de X., au motif qu'elle
réalisait les conditions de l'art. 10 al. 1 let. d de la loi fédérale du
26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers, à savoir
qu'elle était tombée d'une manière continue et dans une large mesure à
la charge de l'assistance publique.

    X. a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif
du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif), en concluant à
l'octroi d'une autorisation de séjour CE/AELE. Elle a produit en cause
un "contrat de mission" aux termes duquel une société l'avait engagée
dès le 1er septembre 2004 et pour une durée indéterminée en qualité de
"télé-vendeuse".

    Par arrêt du 18 novembre 2004, le Tribunal administratif a rejeté le
recours. En bref, les juges ont retenu que, faute de disposer de moyens
financiers suffisants pour assurer sa subsistance ou d'exercer réellement
une activité salariée, X. ne pouvait invoquer le bénéfice de l'Accord du
21 juin 1999, entré en vigueur le 1er juin 2002, entre la Confédération
suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres,
d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après cité:
Accord sur la libre circulation des personnes ou Accord ou ALCP; RS
0.142.112.681). Pour le surplus, ils ont considéré que l'intéressée
réalisait plusieurs des motifs d'expulsion prévus dans la loi sur le
séjour et l'établissement des étrangers.

    X. a formé un recours de droit administratif contre l'arrêt précité
du Tribunal administratif, en concluant à l'octroi d'une autorisation de
séjour CE/AELE ou, subsidiairement, au renvoi de la cause au Service de
la population afin que celui-ci lui délivre une telle autorisation.

    Le Service de la population a renoncé à se déterminer sur le recours,
tout comme le Tribunal administratif qui s'est référé aux considérants
de son arrêt. L'Office fédéral des migrations a proposé l'admission du
recours et le renvoi de la cause à l'autorité intimée pour qu'elle rende
une nouvelle décision après avoir mis en oeuvre un complément d'instruction
destiné à déterminer si le contrat de travail conclu par l'intéressée lui
conférait la qualité de travailleuse salariée au sens de l'Accord sur la
libre circulation des personnes.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et
renvoyé l'affaire à la juridiction cantonale pour complément d'instruction
et nouvelle décision au sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Selon l'art. 100 al. 1 let. b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère
pas un droit. Selon l'art. 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le
séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), les autorités
compétentes statuent librement, dans le cadre des prescriptions légales
et des traités avec l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations
de séjour ou d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas droit
à l'autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif
est irrecevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition
particulière du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la
délivrance d'une telle autorisation (cf. ATF 130 II 281 consid. 2.1 p. 284;
128 II 145 consid. 1.1.1 p. 148 et les arrêts cités).

    1.1  Depuis son départ pour l'étranger en 1978, la recourante a
perdu son permis d'établissement qu'elle n'a pas récupéré après son
retour en Suisse en 1984, en raison de ses condamnations pénales et de
sa situation financière gravement obérée. Depuis lors, elle séjourne
dans le canton de Vaud au bénéfice d'une simple autorisation de séjour
annuelle qui n'a parfois été renouvelée que pour quelques mois en raison
de sa situation; en outre, elle a été avertie à plusieurs reprises, la
dernière fois le 27 décembre 2002, du fait que le droit de séjourner en
Suisse lui était accordé à titre précaire afin de lui donner la chance
de rétablir sa situation. Dans ces conditions, elle ne peut tirer de
droit à une autorisation de séjour ni de la loi fédérale sur le séjour
et l'établissement des étrangers (cf. art. 4 a contrario et 5 al. 1
LSEE), ni du Traité conclu le 23 février 1882 par la Suisse et la France
sur l'établissement des Français en Suisse et des Suisses en France (RS
0.142.113.491; cf. ATF 110 Ib 63 consid. 2a p. 66), ni de l'arrangement
confidentiel du 1er août 1946 entre la Suisse et la France au sujet de la
situation des ressortissants de l'un des deux Etats résidant dans l'autre
(cf. arrêt 2A.120/1998 du 11 août 1998, consid. 2b/aa).

    1.2  En revanche, depuis l'entrée en vigueur, le 1er juin 2002, de
l'Accord sur la libre circulation des personnes, la recourante peut,
en principe, du seul fait de sa nationalité française, prétendre une
autorisation de séjour en Suisse, notamment aux fins d'y exercer une
activité économique (dépendante ou indépendante), d'y rechercher un emploi,
voire même, à certaines "conditions préalables", d'y vivre sans exercer
d'activité économique (cf. art. 2 par. 1 et 2 annexe I ALCP). Dans cette
mesure, le motif d'irrecevabilité prévu à l'art. 100 al. 1 let. b ch. 3
OJ ne lui est pas opposable, sans toutefois que cela ne préjuge de l'issue
du litige. C'est, en effet, un problème de fond que la question de savoir
si l'Accord lui confère effectivement le droit à une autorisation de
séjour ou si, au contraire, celle-ci doit lui être refusée, par exemple
à cause de l'inobservation d'une modalité ou d'une condition requise
pour exercer le droit en cause (cf. ATF 130 II 388 consid. 3 p. 391 ss)
ou pour une autre raison, comme la constatation d'un abus de droit (ATF
130 II 113 consid. 9 et 10 p. 129 ss) ou l'existence d'un motif d'ordre
public (cf. ATF 130 II 493 consid. 3 et 4 p. 497 ss).

    Par conséquent, en sa seule qualité de ressortissante française, la
recourante échappe au motif d'irrecevabilité de l'art. 100 al. 1 let. b ch.
3 OJ (cf. ATF 130 II 493 consid. 1.1 p. 496 s., 388 consid. 1.2 p. 390 s.).

    1.3  Pour le surplus, formé en temps utile et dans les formes
prescrites, le recours est recevable.

Erwägung 2

    2.  Au moment de l'entrée en vigueur de l'Accord et jusqu'à récemment,
la recourante n'entrait manifestement dans aucune des situations de libre
circulation des personnes prévues par l'Accord ou, du moins, ne réalisait
pas les conditions requises pour s'en prévaloir. En effet, elle n'exerçait
pas d'activité économique, ni à titre de travailleuse salariée au sens des
art. 6 ss annexe I ALCP, ni à titre d'indépendante au sens des art. 12 ss
annexe I ALCP. A cet égard, les vagues projets artistiques auxquels elle
a fait allusion à différentes occasions, qui n'ont au demeurant débouché
sur rien de concret, n'étaient pas de nature à prouver qu'elle s'était
établie ou qu'elle voulait s'établir aux fins d'exercer une activité
indépendante (sur cette question, cf. arrêt 2A.169/2004 du 31 août 2004,
consid. 6). Par ailleurs, il est constant qu'elle n'est depuis plusieurs
années pas en mesure de s'assumer financièrement, condition requise aussi
bien pour séjourner comme chercheur d'emploi (cf. art. 2 par. 1 al. 2 in
fine annexe I ACLP; ATF 130 II 388 consid. 3 p. 391 ss) que pour s'établir
comme personne sans activité lucrative (cf. art. 24 annexe I ALCP; ATF 130
II 388 consid. 2.1 p. 391). Dans ces conditions, nonobstant les termes
utilisés dans la décision de refus du 15 juillet 2004, l'intéressée
n'a jusqu'ici à aucun moment bénéficié d'une "autorisation de séjour
CE/AELE". D'ailleurs, lorsque son autorisation a été prolongée pour
la dernière fois le 27 décembre 2002, soit après l'entrée en vigueur
de l'Accord, elle a été rendue attentive au caractère précaire de son
statut en Suisse et, en particulier, au fait qu'elle ne réalisait pas
les conditions de l'art. 24 annexe I ALCP.

    Par conséquent, c'est seulement si son activité de télé-vendeuse,
débutée en septembre 2004, lui confère la qualité de travailleuse salariée
au sens de l'art. 6 annexe I ALCP qu'elle peut éventuellement déduire un
droit à une autorisation de séjour de l'Accord.

Erwägung 3

    3.

    3.1  Notion autonome de droit communautaire (cf. ATF 130 II 388 consid.
2.2 p. 391), la qualité de travailleur (salarié) doit s'interpréter
en tenant compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice
des communautés européennes (ci-après citée: Cour de justice ou CJCE)
antérieure à la date de la signature de l'Accord (cf. art. 16 par. 2
ALCP). Le cas échéant, le Tribunal fédéral peut également s'inspirer des
arrêts rendus postérieurement à cette date (cf. ATF 130 II 1 consid. 3.6.2
et les nombreuses références à la doctrine), surtout s'ils ne font que
préciser une jurisprudence antérieure (cf. ATF 130 II 113 consid. 5.2
p. 119/120).

    3.2  De jurisprudence constante, la Cour de justice estime que la
notion de travailleur, qui délimite le champ d'application du principe
de la libre circulation des travailleurs, doit être interprétée de façon
extensive, tandis que les exceptions et dérogations à cette liberté
fondamentale doivent, au contraire, faire l'objet d'une interprétation
stricte (cf., entre autres références, les arrêts de la CJCE du 3 juin
1986, Kempf, 139/85, Rec. 1986, p. 1741, point 13 et du 23 mars 1982,
Levin, 53/1981, Rec. 1982, p. 1035, point 13). La notion de travailleur
doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la
relation de travail au regard des droits et des devoirs des personnes
concernées. La caractéristique essentielle de la relation de travail est,
selon la jurisprudence, la circonstance qu'une personne accomplit pendant
un certain temps, en faveur d'une autre personne et sous la direction
de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une
rémunération (cf. arrêts de la CJCE du 26 février 1992, Bernini, C-3/90,
Rec. 1992, p. I-1071, points 14 à 16; du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum,
66/85, Rec. 1986, p. 2121, points 16 et 17; du 12 mai 1998, Martinez Sala,
C-85/96, Rec. 1998, p. I-2691, point 32). La réunion de ces conditions
(existence d'une prestation de travail, d'un lien de subordination et
d'une rémunération) suffit pour qu'une personne puisse être considérée
comme travailleur (cf. arrêt de la CJCE du 21 juin 1988, Brown, 197/86,
Rec. 1988, p. 3205, point 22). Ces principes ont été rappelés récemment
dans des arrêts qui, bien que postérieurs à la date de signature de
l'Accord, peuvent néanmoins être pris en considération dans la mesure -
limitée - où ils précisent les notions de travailleur et d'activité
salariée (arrêts de la CJCE du 7 septembre 2004, Trojani, C-456/02,
Rec. 2004, points 15 ss; du 6 novembre 2003, Ninni-Orasche, C-413/01,
Rec. 2003, p. I-13187, points 23 ss; sur les notions de travailleur et
d'activité salariée, cf. également ALBRECHT RANDELZHOFER/ULRICH FORSTHOFF,
in Das Recht der Europäischen Union, éd. par Eberhard Grabitz/Meinhard
Hilf, Munich, état janvier 2004, 23e éd., n. 8 ss ad art. 39 TCE;
WINFRIED BRECHMANN, in Kommentar des Vertrages über die Europäische
Union und des Vertrags zur Gründung der Europäischen Gemeinschaft,
éd. par Christian Calliess/Matthias Ruffert, Neuwied [etc.] 2002, 2e éd.,
n. 8 ss ad art. 39 TCE; ULRICH WÖLKER, in Kommentar zum EU-/EG Vertrag,
éd. par Groeben/Thiesing/Ehlermann, Baden-Baden 1997, 5e éd., n. 21
ss ad Vorbemerkungen zu den Artikeln 48 bis 50; MARCEL DIETRICH, Die
Freizügigkeit der Arbeitnehmer in der Europäischen Union, Zurich 1995,
p. 271 ss).

    3.3  La prestation de travail doit toutefois porter sur des activités
économiques réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement
réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires
(cf. arrêts de la CJCE précités Bernini, point 14, Brown, point 21, Kempf,
point 10 et Levin, point 17). Ne constituent pas non plus des activités
réelles et effectives celles qui ne relèvent pas du marché normal de
l'emploi, mais sont destinées à permettre la rééducation ou la réinsertion
de personnes diminuées sur le plan physique ou psychique (arrêt de la CJCE
du 31 mai 1989, Bettray, 344/87, Rec. 1989, p. 1621, points 17 ss). En
revanche, ni la nature juridique de la relation de travail en cause au
regard du droit national (par ex. contrat de travail sui generis), ni la
productivité plus ou moins élevée du travailleur, ni son taux d'occupation
(par ex. travail sur appel), ni l'origine des ressources pour le rémunérer
(privées ou publiques), ni même l'importance de cette rémunération (par ex.
salaire inférieur au minimum garanti), ne sont, en eux-mêmes et à eux
seuls, des éléments décisifs pour apprécier la qualité de travailleur au
sens du droit communautaire (cf. arrêts de la CJCE du 26 février 1992,
Raulin, C-357/ 89, Rec. 1992, p. I-1027, points 9-13; Bernini, op. cit.,
points 16 et 17; Bettray, op. cit., points 15 et 16; précité Levin,
op. cit., points 15 et 16). En particulier, on ne saurait automatiquement
dénier cette qualité à une personne qui exerce une activité salariée
réelle et effective, en raison du seul fait qu'elle cherche à compléter
la rémunération tirée de cette activité, inférieure au minimum des moyens
d'existence, par d'autres moyens d'existence licites. Sous ce rapport,
il n'importe pas de savoir si les moyens d'existence complémentaires
proviennent de biens ou du travail d'un membre de la famille de l'intéressé
(arrêt de la CJCE précité Levin, point 16) ou s'ils sont dérivés d'une aide
financière prélevée sur les fonds publics de l'Etat membre de résidence,
pourvu que la réalité et l'effectivité de l'activité soient établies
(cf. arrêt de la CJCE précité Kempf, point 14).

    3.4  Il n'en demeure pas moins que, pour apprécier si l'activité
exercée est réelle et effective, on peut tenir compte de l'éventuel
caractère irrégulier des prestations accomplies, de leur durée limitée,
ou de la faible rémunération qu'elles procurent. La libre circulation
des travailleurs suppose, en règle générale, que celui qui s'en prévaut
dispose des moyens d'assurer sa subsistance, surtout dans la phase initiale
de son installation dans le pays d'accueil (cf., pour les personnes à la
recherche d'un emploi, ATF 130 II 388). Ainsi, le fait qu'un travailleur
n'effectue qu'un nombre très réduit d'heures - dans le cadre, par exemple,
d'une relation de travail fondée sur un contrat de travail sur appel -
ou qu'il ne gagne que de faibles revenus, peut être un élément indiquant
que l'activité exercée n'est que marginale et accessoire (cf. arrêt de
la CJCE précité Raulin, points 14 et 15).

    Par ailleurs, même si la notion d'activité salariée suppose que l'on se
fonde sur des critères objectifs et que l'on ne s'attache pas, en principe,
aux éléments touchant au comportement du travailleur avant et après la
période d'emploi, ni même aux intentions qui ont pu l'inciter à chercher
du travail dans un autre Etat membre (cf. arrêts précités Levin, points
19-22 et Ninni-Orasche, points 27-32; DIETRICH, op. cit., p. 288 s.), les
situations d'abus de droit n'en doivent pas pour autant être protégées (cf.
arrêts de la CJCE Ninni-Orasche, op. cit., point 36; du 21 juin 1988,
Lair, 39/86, Rec. 1988, p. 3161, point 43). Un Etat membre peut ainsi
sanctionner un comportement abusif en déniant à son auteur la qualité de
travailleur et les droits qui y sont attachés: tel est, en particulier,
le cas d'un ressortissant communautaire qui se rendrait dans un autre
Etat membre pour y exercer un travail fictif ou d'une durée extrêmement
limitée dans la seule intention de bénéficier de certaines aides, par
exemple des prestations sociales meilleures que dans son Etat d'origine
(cf. DIETRICH, op. cit., p. 286/287; KAY HAILBRONNER, Ausländerrecht,
Kommentar, Heidelberg 1994 ss, état décembre 2003, vol. 4, D 1, n. 65 ad §
12 Aufenthaltsgesetz/EWG).

Erwägung 4

    4.

    4.1  De durée indéterminée, le "contrat de mission" produit en cause
prévoit que la recourante s'engage à vendre à distance (par téléphone)
des abonnements téléphoniques pour le compte d'un opérateur; elle doit
garantir un minimum de 40 inscriptions par semaine et touche une commission
de 25 fr. par inscription, y compris la part des vacances de 8.33 %;
en l'absence d'un rapport journalier détaillé, son salaire et ses frais
ne sont pas crédités; elle est assurée contre le risque d'accident, mais
non contre la perte de gain en cas de maladie; outre des dispositions
réglant le délai de congé (notamment pendant le temps d'essai) et le
secret professionnel, le contrat prévoit également une caution de 10 %
sur le salaire AVS jusqu'à concurrence de 10'000 fr. ainsi qu'une clause
de non concurrence et une clause pénale en cas d'acquisition irrégulière
ou malhonnête de nouveaux clients (licenciement avec effet immédiat; non
paiement des commissions du mois en cours); selon une fiche de salaire
versée au dossier, la recourante a perçu pour cette activité un salaire
de 2169 fr. en novembre 2004.

    4.2  Il apparaît que la recourante remplit sans conteste deux
des trois conditions posées par la jurisprudence pour qu'on puisse
lui conférer le statut de travailleuse salariée: elle perçoit une
rémunération et son activité s'exerce dans le cadre d'un rapport de
subordination. Que sa rémunération soit variable ne permet en effet pas
de considérer qu'elle supporterait un risque comparable à l'entrepreneur,
comme semble le suggérer le Tribunal administratif; c'est en effet là une
simple conséquence de son contrat de travail qui prévoit une rémunération
à la commission (cf. arrêt de la CJCE du 14 décembre 1989, Agegate,
C-3/87, Rec. 1989, p. 4459, point 36). En outre, on ne voit pas en quoi
la caution retenue sur son salaire AVS jusqu'à concurrence de 10'000
fr. serait de nature à jeter un doute sur le caractère salarié de son
activité: même si elle est calculée sur le "salaire AVS", cette caution
est restituée six mois après la cessation d'activité selon le contrat;
elle n'a donc, contrairement à l'opinion des premiers juges, rien à
voir avec la question des charges sociales dont le versement incombe à
l'employeur (cf., à cet égard, la fiche de salaire du mois de novembre
2004). Au demeurant, le contrat contient suffisamment d'éléments indiquant
que la recourante travaille sous la direction de son employeur sans être
exposée au risque économique de l'entrepreneur (obligation de garantir
un minimum de 40 inscriptions par semaine et de remettre un rapport de
travail journalier détaillé; existence d'une clause de non concurrence
après la cessation des rapports de travail; prise en charge du risque
accident par l'employeur; retenue des cotisations sociales sur le salaire,
y compris l'assurance-chômage).

    4.3  Au vrai, seule la condition d'accomplir une prestation de
travail dans le cadre d'une activité réelle et effective peut prêter à
discussion en l'espèce. A cet égard, on ne saurait toutefois suivre le
Tribunal administratif lorsque, du seul constat que la recourante a trouvé
avec une "rapidité soudaine (un travail) après des années d'oisiveté",
il laisse entendre qu'elle aurait pris cet emploi uniquement pour les
besoins de la cause, alors qu'elle n'aurait, en réalité, pas l'intention
de travailler. Comme on l'a vu, sous réserve d'une situation d'abus de
droit, les intentions ou le comportement de l'intéressée avant (et même
après) sa période d'emploi ne sont pas déterminants pour examiner sa
qualité de travailleuse salariée; seuls comptent les critères objectifs
énoncés par la jurisprudence. Dans la mesure où la recourante est arrivée
en Suisse pour la première fois alors qu'elle était encore enfant et
qu'elle y vit maintenant depuis de nombreuses années, on ne saurait dire
que son comportement, du moins à l'origine, trahit l'intention d'utiliser
la libre circulation à des fins abusives. Tout au plus pourrait-on
lui reprocher de s'être trouvée, à un certain moment, dans un cas de
"chômage volontaire" au sens de l'art. 6 par. 1, 3e phrase annexe I ALCP
(sur cette notion, cf. arrêt de la CJCE précité Ninni-Orasche, points 42
ss; RANDELZHOFER/ULRICH FORSTHOFF, op. cit., n. 45 ss ad Art. 39 TCE);
bien qu'une telle hypothèse soit susceptible de justifier la révocation
(ou la non prolongation) d'une autorisation de séjour ou d'établissement
au sens des art. 23 al. 1 OLCP et 9 al. 3 LSEE (cf. art. 6 par. 6 annexe
I ALCP a contrario), elle ne peut toutefois - logiquement - entrer en
considération que si la qualité de travailleuse a d'abord été reconnue
à l'intéressée au vu des critères objectifs posés par la jurisprudence
(cf. arrêt précité Ninni-Orasche, point 31).

    Cela étant, les premiers juges n'ont fait état d'aucune constatation
permettant de savoir si l'activité exercée par la recourante est réelle
et effective ou si, au contraire, elle apparaît tellement réduite ou peu
rémunératrice qu'elle doit être tenue pour marginale et accessoire. Comme
ils le relèvent eux-mêmes, on ignore si l'intéressée a seulement poursuivi
son activité, en principe de durée indéterminée, après l'avoir annoncée
aux autorités. A fortiori, on ne sait rien de l'ampleur de cette activité,
en particulier du nombre d'heures et de jours effectivement travaillés,
du caractère plus ou moins régulier des prestations de travail, et des
rémunérations versées. Le dossier ne contient pas les constatations voulues
sur ces points pourtant déterminants pour décider si la recourante peut
exciper de l'Accord sur la libre circulation le droit à une autorisation
de séjour.

    4.4  Dans ces conditions, il se justifie d'annuler l'arrêt attaqué
et de renvoyer la cause au Tribunal administratif afin qu'il complète
l'instruction du cas et rende une nouvelle décision. A supposer
que l'instruction révèle que l'intéressée a mis fin ou a interrompu
son activité, les motifs à l'origine de cette circonstance devront,
le cas échéant, également être examinés, ceux-ci pouvant, selon leur
nature (incapacité permanente ou temporaire de travail à la suite d'une
maladie ou d'un accident; chômage involontaire), avoir des conséquences
sur la question du droit de séjour; il est en effet des situations où
certains droits liés à la qualité de travailleur persistent après la
fin des rapports de travail (cf. art. 4 annexe I ALCP en liaison avec le
règlement 1251/70; art. 6 par. 6 annexe I ALCP; cf. arrêts de la CJCE
précités Ninni-Orasche, point 34, et LAIR, point 36; RANDELZHOFER/ULRICH
FORSTHOFF, op. cit., n. 41 ss ad Art. 39 TCE). Par ailleurs, si, au terme
de son examen, le Tribunal administratif parvient à la conclusion que la
qualité de travailleuse salariée doit être reconnue à la recourante, il
lui incombera encore de s'assurer de l'absence de motif d'ordre public
au sens de l'art. 5 annexe I ALCP et de la jurisprudence y afférente
(cf. ATF 130 II 493), étant précisé que le fait de tomber à la charge de
l'assistance publique n'en constitue pas un (cf. arrêt 2A.513/2002 du 27
février 2003, consid. 4.1 et les références citées).

Erwägung 5

    5.  Dans l'hypothèse où la recourante ne pourrait pas se prévaloir de
l'Accord sur la libre circulation des personnes, le Tribunal administratif
devra examiner si elle peut déduire un droit à une autorisation de séjour
de la garantie de la vie privée et familiale ancrée aux art. 8 par. 1
CEDH et 13 al. 1 Cst. Même si, comme le relèvent les premiers juges, elle
n'a pas établi que sa mère se trouverait dans un lien de dépendance à son
égard en raison de son état de santé, un tel droit n'est en effet pas exclu
au vu de la durée de son séjour en Suisse et de sa situation personnelle
et familiale (cf. ATF 130 II 281): dès l'âge de huit ans, elle y a vécu
toute son enfance, son adolescence, puis sa vie de jeune adulte jusqu'à
l'âge de 30 ans (en 1978), puis encore, après une interruption de six ans,
jusqu'à aujourd'hui, soit, au total, plus de quarante-deux années; par
ailleurs, sa famille proche (ses deux enfants et sa mère) vit en Suisse
et elle n'entretient aucun lien avec son pays d'origine, la France,
où elle n'a vécu que pendant trois ans, de l'âge de cinq à huit ans.

    Certes, la recourante a commis des infractions et tant les dettes
qu'elle a accumulées que les montants qui lui ont été versés jusqu'ici
au titre de l'assistance publique sont très importants; sous réserve du
principe de la proportionnalité, ces circonstances peuvent donc justifier
une "ingérence" dans l'exercice de son droit au respect de la vie privée
et familiale au sens de l'art. 8 par. 2 CEDH (en relation avec l'art. 10
al. 1 let. a, b et d LSEE). Dans la pesée des intérêts, il importe
toutefois de relever que les condamnations pénales ici en cause portent
sur des faits relativement anciens (1985-1992) qui ne présentent pas un
degré de gravité exceptionnelle et qui n'ont apparemment pas donné lieu à
récidive (cf. arrêt 2A.122/1999 du 28 octobre 1999, consid. 4 et 5). La
durée prolongée de présence en Suisse de la recourante exige également
que le motif d'expulsion tenant à son état d'indigence soit apprécié avec
beaucoup plus de retenue que ne pourrait l'être celui tiré de la commission
d'infractions récentes (cf. ATF 119 Ib 1 consid. 4b et c p. 8). Enfin,
l'attitude générale de l'intéressée et les éventuels efforts qu'elle a
consentis, sinon pour rétablir sa situation financière, du moins pour
la stabiliser (adoption d'un train de vie adapté à ses moyens; absence
de nouvelles dettes; ...), doivent aussi faire l'objet d'une attention
spéciale, l'accumulation de dettes pouvant, à partir d'un certain seuil,
manifester son incapacité à s'adapter à l'ordre établi en Suisse et
justifier son renvoi si elle n'entreprend rien pour modifier sa conduite
(cf. ATF 122 II 385 consid. 3b p. 390 s.).

    En l'état, il n'appartient cependant pas à la Cour de céans de se
prononcer sur ces questions dont l'actualité dépend de l'applicabilité
de l'Accord sur la libre circulation des personnes et de l'issue du
complément d'instruction ordonné à ce sujet au considérant précédent.