Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 II 228



131 II 228

18. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Wang et consorts contre Office fédéral de la justice (recours de droit
administratif)

    1A.61/2005 du 19 avril 2005

Regeste

    Art. 2, 80h und 80p IRSG; Voraussetzungen der Rechtshilfe;
Beschwerdelegitimation; Gewährleistung der Verteidigungsrechte und der
Unschuldsvermutung; Verbot der Todesstrafe.

    Wird die Gewährung der Rechtshilfe an Auflagen im Sinne von Art. 2
IRSG geknüpft, können nur die zur Anrufung dieser Norm befugten natürlichen
Personen den Entscheid über die abgegebenen Garantien anfechten (E. 1).

    Das Verfahren zur Prüfung der Annahmeerklärung gemäss Art. 80p IRSG
kann nicht zu einer Revision des Rechtshilfeentscheides führen (E. 2).

    Tragweite der abgegebenen Zusicherungen betreffend die
Verteidigungsrechte und die Unschuldsvermutung (E. 3.1 und 3.2).

    Die Todesstrafe darf im ausländischen Staat weder beantragt, noch
ausgesprochen noch vollstreckt werden; Sinn und Tragweite dieser Auflage
(E. 3.3).

Sachverhalt

    Le 26 novembre 2001, la Délégation culturelle et économique de
Taipei à Berne (ci-après: la Délégation) a remis à l'Office fédéral de
la justice (ci-après: l'Office fédéral) une demande d'entraide, datée du
6 novembre 2001, présentée par Lu Ren-fa, Procureur général auprès de la
Cour suprême de la République de Chine, pour les besoins de la procédure
pénale ouverte notamment contre Wang Chuan-pu. Celui-ci est poursuivi des
chefs d'escroquerie, de corruption, de blanchiment d'argent et de meurtre,
en relation avec la vente par la société française Thomson de six frégates
à la Marine de la République de Chine.

    Le 26 novembre 2003, le Juge d'instruction fédéral a rendu une décision
d'entrée en matière et de clôture partielle de la procédure d'entraide,
portant sur la remise de documents bancaires.

    Contre cette décision, Wang Chuan-pu et des membres de sa famille,
ainsi que des sociétés impliquées (ci-après: Wang et consorts) ont formé
un recours de droit administratif.

    Par arrêt du 3 mai 2004, le Tribunal fédéral a admis partiellement le
recours au sens du considérant 8.9 et l'a rejeté pour le surplus (ATF 130
II 217). Le chiffre 2 du dispositif de cet arrêt est libellé comme suit:

    "Le Tribunal fédéral...

      2. Renvoie la cause à l'Office fédéral de la justice pour qu'il

      requière les autorités taïwanaises de donner les garanties suivantes

      pour le cas où l'une des personnes physiques recourantes serait

      arrêtée ou renvoyée en jugement à raison des faits évoqués dans la

      demande du 6 novembre 2001: a) les prévenus disposeront du temps

      et des facilités nécessaires pour préparer leur défense et du droit

      de se faire assister et de communiquer librement avec le défenseur

      de leur choix; b) la présomption d'innocence sera respectée; c)

      la peine de mort ne sera ni requise, ni prononcée, ni appliquée."

    Le 11 mai 2004, l'Office fédéral a invité la Délégation à lui faire
parvenir des assurances correspondantes.

    Le 11 juin 2004, le Ministre de la justice de Taïwan a remis à l'Office
fédéral, par l'entremise de la Délégation, une "déclaration d'engagement"
par laquelle il garantissait à Wang Chuan-pu et aux membres de sa famille
le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation
de leur défense, de se faire assister par le défenseur de leur choix et
de communiquer librement avec lui; la présomption d'innocence serait en
outre garantie pendant le procès.

    Wang et consorts se sont déterminés le 9 août 2004, en concluant à
ce qu'il soit constaté que cet engagement ne serait pas suffisant.

    Le 22 septembre 2004, l'Office fédéral a invité les autorités de
Taïwan à compléter et préciser la déclaration du 11 juin 2004.

    Le 8 octobre 2004, le Ministère de la justice de Taïwan a assuré
que ni Wang Chuan-pu, ni aucun membre de sa famille, ne serait condamné
à mort par les tribunaux de Taïwan, en relation avec les infractions
mentionnées dans la demande du 6 novembre 2001. Les accusés seraient
libres d'être assistés par un défenseur de leur choix. Le 16 novembre
2004, le Ministère des affaires étrangères de Taïwan a donné sur ce
dernier point une garantie identique.

    Le 17 décembre 2004, Wang et consorts ont maintenu leur point de vue.

    Le 21 février 2005, l'Office fédéral a décidé que les engagements
des 11 juin, 8 octobre et 16 novembre 2004 étaient suffisants au regard
du ch. 2 du dispositif de l'arrêt du 3 mai 2004.

    Le Tribunal fédéral a admis partiellement, au sens du considérant
3.3.3 et dans la mesure où il était recevable, le recours formé par Wang
et consorts contre cette décision. Il l'a rejeté pour le surplus. La
décision attaquée a été annulée et la cause renvoyée à l'Office fédéral
pour qu'il statue à nouveau.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Dans l'arrêt du 3 mai 2004, le Tribunal fédéral a admis
partiellement le recours sous l'angle de l'art. 2 de la loi fédérale
sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP;
RS 351.1) et soumis l'entraide à des conditions à respecter par les
autorités de Taïwan (ATF 130 II 217 consid. 8.9 p. 233). La qualité pour
agir n'a été reconnue sous cet angle qu'aux membres de la famille Wang, à
l'exclusion des personnes morales recourantes (ATF 130 II 217 consid. 8.2
p. 227/228). Celles-ci ne sont partant pas habilitées à entreprendre la
décision de l'Office fédéral relative au respect des garanties au sens
de l'art. 80p al. 3 et 4 EIMP. Le recours est ainsi irrecevable en tant
qu'il émane de Bucellattie International Inc., Buleverd Company Ltd, Cathay
Enterprise Company Ltd, Euromax Ltd, Kilkenny Investments, Luxmore Inc.,
Middlebury Investments et Sableman International Ltd.

Erwägung 2

    2.  Lorsque, comme en l'espèce, les conditions auxquelles est
soumis l'octroi de l'entraide sont fixées par le Tribunal fédéral dans
le dispositif de son arrêt, le rôle de l'Office fédéral se limite à
communiquer ces exigences aux autorités étrangères, les éclairer sur
la procédure et vérifier que les assurances données correspondent à ce
qui a été demandé, entièrement et sans ambiguïté aucune (ATF 124 II 132
consid. 3b p. 140/141; cf. en dernier lieu l'arrêt 1A.214/2004 du 28
décembre 2004, consid. 2.1). La vérification du caractère suffisant de
l'engagement de l'autorité étrangère (cf. art. 80p al. 3 EIMP) constitue
le seul objet du litige. La procédure de contrôle instituée par l'art. 80p
al. 4 EIMP n'a ainsi pas pour but de remettre en discussion la décision
relative à l'octroi de l'entraide, par une sorte d'appel déguisé de
l'arrêt rendu le 3 mai 2004. Sont ainsi hors de propos les arguments des
recourants relatifs au statut international de Taïwan et au respect des
garanties de procédure, notamment du procès équitable.

Erwägung 3

    3.  Les recourants contestent que l'engagement donné par les autorités
de Taïwan serait suffisant au regard des conditions posées par le Tribunal
fédéral dans le ch. 2 du dispositif de l'arrêt du 3 mai 2004 (cf. ATF
130 II 217 p. 235/236).

    3.1  Pour ce qui est du respect des droits de la défense et notamment
de celui d'être assisté par un défenseur de choix (ch. 2 let. a du
dispositif), les recourants font valoir les obstacles que dresseraient
les autorités de Taïwan à l'exercice de leurs droits. Ils se plaignent
en particulier du fait que le Ministère de la justice aurait révoqué la
légalisation de procurations émises en faveur de membres de la famille
Wang et que les passeports de ceux-ci auraient été annulés. Ces mesures
auraient pour conséquence qu'il leur serait impossible de désigner un
défenseur. Sur ce point toutefois, les recourants ne se réfèrent qu'à
des coupures de presse, et la légalisation n'a été demandée, semble-t-il,
qu'en relation avec la vente de biens immobiliers, mais non point pour les
besoins de la défense dans une procédure qui aurait été engagée à raison
des faits évoqués dans la demande du 6 novembre 2001. Quoi qu'il en soit,
l'Office fédéral pouvait considérer l'engagement pris comme suffisant et
se dispenser d'investigations complémentaires sur ce point.

    3.2  En relation avec la présomption d'innocence, les recourants
soutiennent que les assurances données divergent de ce qui avait été
demandé. Alors que le Tribunal fédéral avait exigé que la présomption
d'innocence soit respectée (ch. 2 let. b du dispositif de l'arrêt du
3 mai 2004), le Ministère de la justice de Taïwan a confirmé que tel
serait le cas "pendant le procès" ("during the trial", dans la version
anglaise). Cette différence n'est à première vue pas anodine, car la
présomption d'innocence ne vaut pas seulement pour l'autorité de jugement,
mais aussi pour toute autorité étatique ayant à connaître de l'affaire
à un titre quelconque (ATF 124 I 324 consid. 3b p. 331, rappelé dans
l'arrêt du 3 mai 2004; ATF 130 II 217 consid. 8.7 p. 232).

    A ce propos, les recourants se réfèrent à un avis de recherche diffusé
par les autorités de Taïwan, désignant Wang Chuan-pu comme un délinquant
condamné ("convicted offender"). Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion
de dire qu'il s'agissait là d'un amalgame malheureux n'équivalant pas à
un préjugement (ATF 130 II 217 consid. 8.7 p. 232). Il n'y a pas lieu d'y
revenir. Pour le surplus, les recourants se réfèrent à des déclarations
faites à la presse par des personnalités officielles de Taïwan, mais à
une période antérieure à celle de la demande de garantie. Le seul élément
postérieur à celle-ci se rapporte au compte-rendu de manifestations
populaires désignant Wang Chuan-pu comme un criminel. Outre que ce fait
n'est pas vérifiable, car la coupure de presse est rédigée en chinois,
on ne saurait de toute manière imputer aux autorités de Taïwan les
comportements de simples citoyens.

    3.3  Le Tribunal fédéral a réclamé des autorités de Taïwan l'engagement
que la peine de mort ne sera ni requise, ni prononcée, ni appliquée. Cette
exigence découle de l'obligation pour la Suisse de ne pas prêter la main
à des procédures qui pourraient conduire à l'application de la peine
capitale, fréquente à Taïwan (cf. ATF 130 II 217 consid. 8.8 p. 232/233).

    3.3.1  Les recourants exposent que la déclaration du Ministre de la
justice de Taïwan se réfère aux infractions mentionnées dans la demande
du 6 novembre 2001 et non, comme l'a fait le Tribunal fédéral, aux faits
évoqués dans celle-ci. Ils en déduisent que les autorités de Taïwan
seraient tentées de se défaire de l'engagement pris, en requalifiant
les faits mis à la charge des accusés. A supposer que tel puisse être
le cas, l'utilisation des documents transmis pour la répression d'autres
infractions que celles visées dans la demande du 6 novembre 2001 serait
de toute manière subordonnée à l'approbation de l'Office fédéral, en
application du principe de la spécialité (art. 67 al. 2 EIMP).

    3.3.2  La formulation retenue au ch. 2 let. c du dispositif de l'arrêt
du 3 mai 2004 ("la peine de mort ne sera ni requise, ni prononcée, ni
appliquée") n'est pas une simple redondance. Elle ne doit rien au hasard.
Développée en droit extraditionnel (cf. ATF 123 II 511 consid. 6b p. 522),
elle vise à assurer une protection optimale à la personne poursuivie.
Lorsque l'Etat requérant prend un engagement de cette sorte, il doit tenir
compte des difficultés qu'il peut soulever au regard des dispositions
constitutionnelles de son droit interne. Ainsi, le représentant du
pouvoir exécutif qui promet que la peine de mort ne sera pas appliquée
peut légitimement redouter de se voir reprocher une ingérence dans
le domaine de l'administration de la justice, partant une violation
de la séparation des pouvoirs. On pourrait rétorquer que cela importe
peu, dès l'instant où l'engagement pris par l'Etat requérant engage sa
responsabilité internationale (cf. ATF 123 II 511 consid. 7c p. 525). Par
souci d'efficacité toutefois, la formule retenue dans la jurisprudence
vise les trois stades de la procédure de jugement. L'exigence que la
peine de mort ne soit pas requise s'adresse à l'accusation. Dans les
systèmes où il est interdit à l'autorité de jugement d'aller au-delà des
réquisitions du Ministère public, une garantie en ce sens suffit. Dans
les systèmes où les réquisitions du Procureur ne lient pas le tribunal,
la promesse du pouvoir exécutif que la peine de mort ne soit pas prononcée
peut être mise en échec par l'indépendance du tribunal. Pour le cas où
celui-ci prononcerait la peine de mort malgré la promesse donnée, il est
essentiel que les autorités chargées de l'exécution des jugements pénaux
(en règle général, le pouvoir exécutif) s'engagent à ce que la peine de
mort, même prononcée, ne soit pas appliquée au condamné.

    3.3.3  Le 8 octobre 2004, le Ministère de la justice de Taïwan a
donné l'assurance qu'aucun tribunal ne condamnerait l'un des membres de
la famille Wang à la peine de mort à raison des infractions mentionnées
dans la demande d'entraide du 6 novembre 2001.

    Tel que formulé, l'engagement en question ne vise que l'autorité de
jugement. Il est toutefois complété par la déclaration faite le 18 avril
2003 par les Procureurs Lo Jung-chien et Tsai Chiou-ming, selon laquelle
le Ministère public de Taïwan s'est engagé à ne pas requérir la peine
de mort contre les personnes qui seraient renvoyées en jugement à raison
des faits évoqués dans la demande (ATF 130 II 217 consid. 8.8 p. 233).

    Les recourants font grand cas des propos tenus par le Ministre
et le Vice-ministre de la justice de Taïwan, rapportés par la presse
locale, selon lesquelles la promesse faite à l'Office fédéral serait
de nature politique; elle ne lierait pas juridiquement les tribunaux,
dont l'indépendance est garantie par la Constitution taïwanaise. Comme
on l'a vu, dans un régime de pouvoirs séparés, le pouvoir exécutif
est effectivement en situation de faire une promesse qu'il n'est pas
absolument sûr de faire tenir, dans la mesure où la décision ne dépend
pas de lui. Cette difficulté est réelle, quelle que soit la portée qu'il
faut accorder (ou ne pas accorder) aux déclarations litigieuses.

    Dans ce contexte, il est regrettable que l'Office fédéral n'ait
pas pris la précaution d'insister auprès des autorités de Taïwan pour
qu'elles s'engagent à ne pas appliquer la peine de mort, pour le cas où
l'autorité de jugement, s'écartant de la promesse faite à la Suisse par
le gouvernement et des réquisitions du Ministère public, prononcerait la
peine capitale à l'égard de l'une des personnes physiques recourantes.

    Ce défaut est irrémédiable eu égard au texte clair de l'engagement du 8
octobre 2004, qui évoque uniquement les tribunaux ("no court in Taïwan will
sentence..."), mais non les autorités de Taïwan en général. Il s'ensuit
que pour ce qui concerne le troisième volet du ch. 2 let. c du dispositif
de l'arrêt du 3 mai 2004 ("la peine de mort ne sera pas appliquée"),
les garanties offertes par les autorités de Taïwan sont insuffisantes.