Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 252



131 III 252

34. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause A. contre B.
(recours en réforme)

    5C.223/2004 du 23 mars 2005

Regeste

    Art. 206 Abs. 1 und 3 ZGB; Erwerb von Vermögensgegenständen durch
ein unverzinsliches Darlehen des Ehegatten.

    Ist der Erwerb von Vermögensgegenständen eines Ehegatten durch ein vom
andern Ehegatten gewährtes zinsloses Darlehen finanziert worden und besteht
im Zeitpunkt der Auseinandersetzung ein Mehrwert, so hat der Ehegatte,
der eine Ausnahme von der in Art. 206 Abs. 1 ZGB vorgesehenen gesetzlichen
Mehrwertbeteiligung geltend zu machen beabsichtigt, zu beweisen, dass
die Ehegatten eine derartige Ausnahme in der nach Art. 206 Abs. 3 ZGB
vorgeschriebenen schriftlichen Form vereinbart haben (E. 3).

Sachverhalt

    Par jugement du 13 avril 1999, le Tribunal de première instance du
canton de Genève a prononcé le divorce des époux A. (mari) et B. (épouse),
qui s'étaient mariés en 1994 à Genève sous le régime matrimonial de
la participation aux acquêts, et a réservé la liquidation du régime
matrimonial.

    Le 9 mai 2001, B. a assigné son ex-mari en liquidation du régime
matrimonial devant le Tribunal de première instance. Les parties
s'accordaient sur l'attribution en pleine propriété d'une maison sise à
Messery, avec les meubles qu'elle contient, à la demanderesse; en revanche,
elles se disputaient pour savoir si la demanderesse était redevable ou
non du paiement d'une soulte au défendeur.

    Par jugement du 27 novembre 2003, le Tribunal de première instance
a dit que la maison de Messery et les meubles qui la garnissent sont la
propriété exclusive de la demanderesse. Il a en outre condamné celle-ci à
verser au défendeur la somme de 147'201.30 francs suisses (fr.) à titre
de liquidation du régime matrimonial, dont il a constaté la liquidation
moyennant ce qui précédait.

    La demanderesse a appelé de ce jugement devant la Cour de justice
du canton de Genève, en concluant à son annulation et en faisant valoir
que sa part afférente à la maison de Messery devait être comptée comme
un remploi de ses biens propres et non comme un acquêt, de sorte qu'elle
n'était pas redevable d'une soulte envers le défendeur.

    Par arrêt du 3 septembre 2004, la Chambre civile de la Cour de justice
a réformé le jugement de première instance en ce sens qu'elle a condamné
la demanderesse à verser au défendeur la somme de 3'461 fr. 30 à titre
de liquidation du régime matrimonial, le jugement étant confirmé pour
le surplus.

    La cour cantonale a retenu en fait que les époux avaient, le 18 janvier
1996, acquis indivisément et à parts égales une maison à Messery avec les
meubles qui la garnissaient pour un prix, versé comptant, de 1'750'000
FRF (437'500 fr.), auquel s'étaient ajoutés les frais d'acquisition (par
119'600 FRF). Selon une convention de prêt notariée conclue le même jour
entre les époux, le financement de cette acquisition était effectué au
moyen des fonds personnels de l'épouse, qui acceptait d'accorder à son mari
un prêt sans intérêts de 934'800 FRF (233'700 fr.) - correspondant ainsi
à la moitié du coût total de l'opération d'achat, qui était de 1'869'000
FRF -, remboursable en cas de dissolution du régime matrimonial par suite
de divorce notamment.

    En droit, la cour cantonale a retenu que selon la doctrine majoritaire,
la conclusion entre époux d'un contrat de prêt sans stipulation d'intérêts
pour financer l'acquisition d'un bien déterminé n'impliquait pas sans
autre une renonciation par l'époux créancier à la part à la plus-value
selon l'art. 206 al. 1 CC. En l'espèce, chacune des parties avait acquis
une part portant sur la moitié de la maison de Messery. Cette acquisition,
au prix de 437'500 fr., avait été financée par les fonds personnels de la
demanderesse, issus d'un héritage. Sa part sur la maison était dès lors un
bien propre, car acquis en remploi de ses biens propres (art. 198 ch. 4
CC). Le défendeur ayant acquis sa part sur cette maison à titre onéreux,
c'est-à-dire en contrepartie du prêt accordé par la demanderesse, pendant
le mariage, cette part était un acquêt au sens de l'art. 197 al. 1 CC. Sa
valeur au moment de la liquidation (art. 214 al. 1 CC) était de 254'665
fr., représentant la moitié de la somme de 509'330 fr., qui n'était pas
contestée par les parties. Le prêt sans intérêts de 233'700 fr. que la
demanderesse avait accordé au défendeur provenait de ses biens propres,
de sorte que ceux-ci avaient contre les acquêts du défendeur une créance
en remboursement. En vertu de l'art. 206 al. 1 CC et conformément à
l'opinion de la doctrine dominante, la valeur de cette créance participait
à la plus-value de la maison, de sorte qu'elle était de 254'665 fr. Il
s'ensuivait que, dans les acquêts du défendeur, la valeur de sa part sur
la maison de Messery (254'665 fr.) était compensée par la dette du même
montant en remboursement du prêt.

    Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours en réforme
interjeté par le défendeur contre l'arrêt de la Cour de justice, qu'il
a réformé en ce sens que la demanderesse doit verser au défendeur la
somme de 12'886 fr. 30 à titre de liquidation du régime matrimonial. Il
a en effet considéré que, du fait que les meubles copropriété des époux
passaient dans la propriété exclusive de la demanderesse, le défendeur
avait droit à une indemnité de 9'425 fr., représentant la moitié de la
valeur desdits meubles (consid. 4 non publié).

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.

    3.1  Le défendeur fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré
le prêt sans intérêts de 233'700 fr. accordé par la demanderesse lors de
l'achat de la maison de Messery comme une contribution sans contrepartie à
l'acquisition de la part de copropriété du défendeur au sens de l'art. 206
al. 1 CC, et d'avoir en conséquence évalué la valeur actuelle de ce
prêt, compte tenu de la participation à la plus-value prescrite par
l'art. 206 al. 1 CC, à 254'665 fr. Le défendeur soutient que la cour
cantonale aurait dû suivre l'avis de PIOTET, selon lequel l'art. 206 CC
ne s'applique pas si les parties ont valablement convenu la gratuité de
la fourniture d'argent ou de services par un conjoint à l'autre, soit en
particulier lorsqu'ils ont conclu un prêt gratuit; à titre subsidiaire,
il soutient que la cour cantonale aurait dû déterminer si la volonté des
parties a aussi porté sur la part à la plus-value.

    3.2  Selon l'art. 206 al. 1 CC, lorsqu'un époux a contribué sans
contrepartie correspondante à l'acquisition, à l'amélioration ou à la
conservation de biens de son conjoint qui se retrouvent à la liquidation
avec une plus-value, sa créance est proportionnelle à sa contribution et
elle se calcule sur la valeur actuelle des biens. Comme cette disposition
instituant une participation légale aux plus-values n'est pas de droit
impératif, les conjoints peuvent notamment convenir d'écarter la part à
la plus-value à l'occasion d'une contribution déterminée; ils doivent
alors, selon l'art. 206 al. 3 CC, passer cette convention par écrit
(DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, Les effets du mariage, 2000, n. 1307
et les références citées; HAUSHEER, La participation aux plus-values et
aux moins-values selon les articles 206 et 209 CC, in Le nouveau droit du
mariage, 1986, p. 68; PIOTET, Les dettes entre époux variant en fonction de
plus-values dans le régime matrimonial de la participation aux acquêts,
in Festschrift für Cyril Hegnauer zum 65. Geburtstag, 1986, p. 351;
Message du Conseil fédéral, FF 1979 II 1179 ss, p. 1295). La sécurité du
droit requiert en effet que la preuve de la volonté des époux puisse être
apportée clairement: sans cela, il serait par exemple difficile, dans
le cas où un époux a consenti à son conjoint un prêt sans intérêts, de
reconnaître au moment de la liquidation si la renonciation à des intérêts,
même attestée par écrit, signifie que les époux ont consciemment voulu
exclure la participation à la plus-value (HAUSHEER, op. cit., p. 68 s.;
cf. DESCHENAUX et al., op. cit., n. 1307; Message du Conseil fédéral,
FF 1979 II 1179 ss, p. 1295).

    3.3  Selon la doctrine majoritaire, la conclusion entre les époux d'un
contrat de prêt pour financer l'acquisition ou l'amélioration d'un bien
déterminé n'exclut l'application de l'art. 206 CC que s'il a été stipulé
des intérêts, car la contribution fournie par l'époux créancier n'est alors
pas fournie "sans contreprestation correspondante" au sens de l'art. 206
al. 1 CC (DESCHENAUX et al., op. cit., n. 1277 s.; HAUSHEER, op. cit.,
p. 68 s.; HAUSHEER, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2e éd. 2002,
n. 10-12 ad art. 206 CC; STETTLER/ WAELTI, Le régime matrimonial,
2e éd. 1997, n. 343 p. 181 s.; SCHULER, Die Mehrwertbeteiligung unter
Ehegatten, thèse Zürich 1984, p. 111). Il sied de relever que les mots
"sans contreprestation correspondante" ne figuraient pas dans le projet du
Conseil fédéral, mais ont été introduits au cours des débats (cf. ESCHER,
Wertveränderung und eheliches Güterrecht: von der Güterverbindung zur
Errungenschaftsbeteiligung, thèse Berne 1988, p. 77 et les références
citées), ce qui indique qu'il s'agit là d'une précision consciente du
législateur.

    Le défendeur invoque toutefois l'opinion de PIOTET. Selon cet auteur,
les mots "sans contrepartie correspondante" et la possibilité d'écarter la
participation à la plus-value (art. 206 al. 3 CC) montreraient que l'art.
206 CC ne s'applique pas si les parties ont valablement convenu d'une
rémunération ou, au contraire, de la gratuité de la fourniture d'argent
ou de services par un conjoint à l'autre, soit en particulier lorsqu'ils
ont conclu un prêt gratuit (PIOTET, op. cit., p. 350).

    3.4  Si l'opinion selon laquelle l'art. 206 CC ne trouve pas
application lorsque les époux ont convenu d'une rémunération est partagée
par les auteurs cités plus haut, celle selon laquelle l'application de
l'art. 206 CC serait également exclue lorsque les époux ont convenu de
la gratuité du prêt d'une somme d'argent ne peut être suivie. En effet,
on ne saurait nier qu'un prêt sans intérêts, ou prêt gratuit, est accordé
sans contrepartie correspondante, de sorte que l'art. 206 CC est en
principe applicable. En réalité, la question est de savoir si les époux
qui conviennent expressément d'un prêt sans intérêts conviennent également
d'écarter la participation à la plus-value (cf. HAUSHEER/REUSSER/GEISER,
Berner Kommentar, vol. II/1/ 3/1, 1992, n. 22 ad art. 206 CC). Cette
question doit être résolue au regard de l'art. 206 al. 3 CC, en vertu
duquel les époux peuvent écarter la part à la plus-value d'un bien par
convention écrite. Conformément à l'art. 8 CC, il appartient au conjoint
qui entend se prévaloir d'une dérogation à la participation légale à la
plus-value prévue par l'art. 206 al. 1 CC d'apporter la preuve que les
époux ont convenu d'une telle dérogation en la forme écrite prescrite
par l'art. 206 al. 3 CC. À défaut d'une telle preuve - pour laquelle le
seul fait que le prêt a été stipulé sans intérêts ne suffit pas, car la
sécurité du droit requiert que la volonté des époux d'exclure la part à
la plus-value puisse être clairement établie (cf. consid. 3.2 supra) -,
l'art. 206 al. 1 CC doit trouver application.

    3.5  En l'espèce, il ne résulte pas de l'arrêt attaqué, qui n'a
pas été attaqué sur ce point par la voie du recours de droit public,
que le défendeur aurait apporté la preuve que les parties ont convenu,
s'agissant du prêt sans intérêts octroyé au défendeur pour financer
sa part sur la maison de Messery, d'écarter la participation légale à
la plus-value prévue par l'art. 206 al. 1 CC. Par conséquent, la cour
cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant que la valeur de
la créance de la demanderesse en remboursement du prêt participait à la
plus-value de la maison et devait ainsi être fixée à 254'665 fr.