Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 227



131 III 227

30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause X. contre
masse en faillite de A. SA (recours en réforme)

    5C.143/2004 du 15 décembre 2004

Regeste

    Anfechtungsklage gemäss Art. 285 ff. SchKG, Gerichtsstand;
Lugano-Übereinkommen.

    Prinzipien, welche die Auslegung des Lugano-Übereinkommens bestimmen
(E. 3.1). Anwendung dieser Prinzipien auf Art. 1 Abs. 2 Ziff. 2 LugÜ
(E. 3.2).

    Auf die nach Konkurseröffnung eingeleitete Anfechtungsklage gemäss Art.
285 ff. SchKG ist das Lugano-Übereinkommen nicht anwendbar (E. 3.3 und 4),
wohl aber der Art. 289 SchKG (E. 5).

Sachverhalt

    A. SA, dont le siège est à Genève, a accordé à la société à
responsabilité limitée de droit polonais X., dont le siège est à Varsovie,
une ligne de crédit en compte courant d'un montant maximal de 4'000'000
US$. Au 30 octobre 1999, le montant du prêt, intérêts à 7.5 % compris,
s'élevait à 2'616'998.82 US$.

    Le 10 novembre 1999, B., qui détenait 100 % du capital de A. SA et
40 % du capital de X., a passé avec C., qui détenait les 60 autres pour
cent du capital de X., un accord réduisant à 1'846'466.97 US$ le montant
de la dette de X. envers A. SA. Par avenant du 10 février 2000, B. et
C. ont réduit une nouvelle fois le montant de la dette, à 1'674'956.10
US$. A. SA a contresigné cet avenant, moyennant bonne et fidèle exécution
duquel elle a accepté de libérer X. de toute obligation envers elle.

    La faillite de A. SA a été prononcée à Genève le 22 mai 2000. Le 17
mai 2002, la masse a saisi le Tribunal de première instance du canton
de Genève d'une demande dirigée contre X. et tendant à la révocation, au
sens des art. 285 à 292 LP, des remises de dettes prévues par l'accord
du 10 novembre 1999 et l'avenant du 10 février 2000.

    La défenderesse a soulevé l'exception d'incompétence à raison du lieu,
plaidant que la Convention de Lugano excluait le for genevois découlant de
l'art. 289 LP. Statuant sur l'exception le 6 novembre 2003, le Tribunal
de première instance l'a rejetée. Sur appel de X., la Cour de justice du
canton de Genève a confirmé ce rejet par arrêt du 14 mai 2004.

    Contre cet arrêt, la défenderesse a interjeté un recours en réforme,
que le Tribunal fédéral a rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.  La Suisse et la Pologne, où la défenderesse a son siège, sont
toutes deux parties à la Convention concernant la compétence judiciaire
et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 16
septembre 1988, dite Convention de Lugano (CL; RS 0.275.11). Il convient
donc d'examiner en premier lieu si, comme le soutient la défenderesse,
l'action révocatoire intentée par la masse en faillite est comprise dans le
champ d'application de la CL ou si, au contraire, elle tombe sous le coup
de l'art. 1 al. 2 ch. 2 CL, aux termes duquel sont exclus de l'application
de la convention les faillites, concordats et autres procédures analogues.

    3.1  Les principes d'interprétation de la Convention de Lugano ont
été exposés par le Tribunal fédéral dans plusieurs arrêts (cf. sur
l'interprétation en général, ATF 129 III 626 consid. 5.2 p. 631 ss;
124 III 382 consid. 6c-e p. 394 ss; 123 III 414 consid. 4 p. 420 s.; en
particulier sur l'interprétation de l'art. 1 al. 2 ch. 2 CL, ATF 129 III
683 consid. 3.2 p. 685; 125 III 108 consid. 3c p. 110). Comme tout traité,
la Convention de Lugano doit être interprétée de bonne foi suivant le
sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à
la lumière de son objet et de son but (art. 31 al. 1 de la Convention de
Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités [CV; RS 0.111]). L'étroite
dépendance qui unit la Convention de Lugano à la Convention concernant la
compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et
commerciale, conclue entre les États membres de la Communauté européenne
à Bruxelles le 27 septembre 1968, dite Convention de Bruxelles, qui a
servi de modèle à la Convention de Lugano, est un élément important du
"contexte" de l'interprétation, lequel comprend, selon l'art. 31 al. 2 CV,
outre le texte, préambule et annexes inclus, tout accord ayant rapport au
traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l'occasion de la
conclusion du traité (let. a), ainsi que tout instrument établi par une ou
plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par
les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité (let. b).

    Dans le préambule de la Convention de Lugano, les États parties
se déclarent désireux d'assurer "une interprétation aussi uniforme
que possible" des dispositions de la convention. Comme l'a relevé le
Tribunal fédéral (ATF 123 III 414 consid. 4 p. 421), l'un des moyens
de parvenir à cette interprétation uniforme est la prise en compte,
requise par l'art. 1er du Protocole n° 2 sur l'interprétation uniforme
de la Convention, des décisions pertinentes rendues par les tribunaux
des autres États contractants. En outre, dans le préambule du Protocole
n° 2 précité, les parties contractantes soulignent "le lien substantiel
qui existe entre [la Convention de Lugano] et la Convention de Bruxelles
[du 27 septembre 1968]", en précisant que ledit protocole a été conclu
"en pleine connaissance des décisions rendues par la Cour de justice
des Communautés européennes sur l'interprétation de la Convention de
Bruxelles jusqu'au moment de la signature de la présente Convention",
soit jusqu'au 16 septembre 1988, et en relevant que les négociations qui
ont conduit à la Convention de Lugano "ont été fondées sur la Convention
de Bruxelles à la lumière de ces décisions". Enfin, dans une déclaration
(publiée au RS 0.275.11 p. 38) qui fait également partie du "contexte" de
la Convention, au sens de l'art. 31 ch. 2 let. b CV, les représentants des
Gouvernements de l'Association européenne de libre-échange signataires
de la Convention de Lugano indiquent "qu'ils considèrent approprié
que leurs tribunaux, en interprétant la Convention de Lugano, tiennent
dûment compte des principes contenus dans la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes et des tribunaux des États membres
des Communautés européennes relative aux dispositions de la Convention de
Bruxelles qui sont reproduites en substance dans la Convention de Lugano"
(ATF 124 III 382 consid. 6c-e p. 394 ss; 123 III 414 consid. 4 p. 420 s.).

    Dès lors que la même étroite dépendance existe avec le Règlement
(CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
civile et commerciale, qui remplace la Convention de Bruxelles entre les
États membres de l'Union européenne à l'exception du Danemark depuis le
1er mars 2002, l'interprétation de la Convention de Lugano tiendra en
principe également compte de la jurisprudence rendue en application des
dispositions correspondantes de ce nouveau Règlement (ATF 129 III 626
consid. 5.2.1 p. 631 ss).

    Toutefois, il convient de réserver les cas où l'interprétation
donnée par la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après:
CJCE) à la Convention de Bruxelles ou au Règlement n° 44/2001 serait
influencée par l'application conjointe du Traité CE, ou d'autres règles
communautaires, ce qui empêcherait une reprise de cette interprétation
par les juridictions suisses appelées à dire le sens des concepts
correspondants de la Convention de Lugano (cf. ATF 125 III 108 consid. 3c;
124 III 382 consid. 6c et e p. 394 ss; 124 III 188 consid. 4b p. 191 s.;
123 III 414 consid. 4 p. 421; 121 III 336 consid. 5c p. 338 s.).

    3.2  Le Tribunal fédéral a déjà précisé en deux occasions la
signification qu'il y a lieu de reconnaître à l'art. 1 al. 2 ch. 2 CL
conformément aux principes qui précèdent.

    Tout d'abord, dans un arrêt du 23 décembre 1998 (ATF 125 III 108), il a
rappelé que, selon la jurisprudence de la CJCE relative à la Convention de
Bruxelles, étaient visées par l'exclusion les procédures fondées, dans les
diverses législations des parties contractantes, sur l'état de cessation
de paiement, l'insolvabilité ou l'ébranlement du crédit du débiteur,
impliquant une intervention de l'autorité judiciaire et aboutissant
à une liquidation forcée et collective des biens ou, à tout le moins,
à un contrôle de cette autorité (arrêt de la CJCE du 22 février 1979,
Gourdain contre Nadler, 133/78, Rec. 1979, p. 733 ss). Il a aussi souligné
que la CJCE considérait, s'agissant des multiples procédures annexes qui
peuvent survenir lors de la liquidation de la faillite, que l'exclusion ne
produisait d'effet que si l'action dérivait directement de la faillite et
s'insérait étroitement dans une procédure de liquidation des biens ou de
règlement judiciaire (arrêt CJCE précité, Rec. 1979, p. 744, point 4). Sur
la base de cette jurisprudence et d'avis exprimés en doctrine, le Tribunal
fédéral a dès lors considéré que l'exclusion ne concernait pas les actions
du droit commun exercées à l'occasion d'une procédure collective, mais non
substantiellement affectées par celle-ci (YVES DONZALLAZ, La Convention
de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, vol. I, Berne
1996, n. 954 p. 374). Les procédures qui ne trouvaient pas leur origine
dans le droit des poursuites et n'en étaient pas une conséquence directe,
mais qui, au contraire, auraient vraisemblablement aussi été conduites
sans la faillite, n'étaient ainsi pas comprises dans l'exclusion (cité
en ce sens: JAN KROPHOLLER, Europäisches Zivilprozessrecht, alors 6e éd.,
Heidelberg 1998, n. 36 ad art. 1 Convention de Bruxelles, p. 72).

    Ensuite, dans un arrêt du 6 juin 2003 (ATF 129 III 683), le Tribunal
fédéral a précisé que les procédures qui étaient au contraire fondées
sur le droit de la poursuite pour dettes et de la faillite et qui
n'auraient vraisemblablement pas été intentées sans la procédure de
faillite étaient visées par l'art. 1 al. 2 ch. 2 CL. Appelé à se prononcer
sur la reconnaissance en Suisse d'un jugement rendu en Autriche sur une
action révocatoire après faillite (Anfechtungsklage im Konkurs) de droit
autrichien, il a considéré qu'une telle action trouvait son fondement dans
le droit de la faillite, puisqu'elle avait pour but d'augmenter la masse
active et qu'elle ne pouvait pas être ouverte en l'absence d'une procédure
de faillite. En effet, si le créancier ne courait pas un risque de perte
dans la faillite, il n'avait pas d'intérêt à la révocation des actes
préjudiciables du débiteur ni, partant, la possibilité d'intenter une
action judiciaire à cette fin. Le Tribunal fédéral en a dès lors conclu
que l'action révocatoire après faillite du droit autrichien tombait sous
le coup de la clause d'exclusion de l'art. 1 al. 2 ch. 2 CL (ATF 129 III
683 consid. 3.2 p. 685).

    3.3  L'action révocatoire des art. 285 ss LP ne peut être ouverte que
par le porteur d'un acte de défaut de biens provisoire ou définitif après
saisie (art. 285 al. 2 ch. 1 LP), par l'administration de la faillite
ou par un cessionnaire des droits de la masse (art. 285 al. 2 ch. 2 LP);
elle tend à obliger le défendeur à tolérer la réalisation, au profit des
créanciers demandeurs, des biens soustraits à l'exécution forcée par des
actes révocables - dans le cas présent, il s'agit des créances soustraites
par les remises de dettes que constituent les conventions des 10 novembre
1999 et 10 février 2000. Elle est fondée sur une obligation ex lege établie
par le droit public de la poursuite pour dettes et de la faillite (ATF 44
III 205 consid. 1 p. 207; PIERRE-ROBERT GILLIÉRON, Commentaire de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, art. 271-352, n. 18
ad art. 285 LP, p. 255; FLORIAN BOMMER, Die Zuständigkeit für Widerspruchs-
und Anfechtungsklagen im internationalen Verhältnis, thèse Zurich 2001,
p. 110). Selon la jurisprudence, elle est ainsi par nature une action
de droit des poursuites avec effet réflexe sur le droit matériel (ATF
114 III 110 consid. 3d p. 113; KURT AMONN/ FRIDOLIN WALTHER, Grundriss
des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 7e éd., Berne 2003, § 4 n. 55,
p. 27; GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillites et concordat, 3e éd.,
Lausanne 1993, p. 407; KARL SPÜHLER/MYRIAM GEHRI/SUSANNE PFISTER,
Schuldbetreibungs- und Konkursrecht, 3e éd., vol. II, Zurich 2004,
p. 103). L'obligation révocatoire et l'action qui arme cette obligation
légale sont donc étroitement imbriquées dans la procédure d'exécution
forcée, qui les conditionne entièrement (cf. GILLIÉRON, Commentaire,
op. cit., n. 13 in fine ad art. 289 LP, p. 304). L'effet du jugement
révocatoire est du reste limité à la poursuite en cours (ATF 129 III 683
consid. 4.2 p. 687 et les références citées).

    Lorsqu'elle est exercée après faillite, l'action révocatoire trouve
donc son fondement dans la faillite, avec laquelle elle est en étroite
connexité. Elle ne pourrait être intentée sans la faillite, dans la
liquidation de laquelle elle est d'ailleurs insérée. Dès lors, compte tenu
du sens donné à l'art. 1 al. 2 ch. 2 CL par la jurisprudence (ATF 125 III
108 et 129 III 683 consid. 3; cf. supra, consid. 3.2), l'action révocatoire
après faillite du droit suisse fait aussi partie des procédures analogues
à la faillite exclues du champ d'application de la Convention de Lugano.

Erwägung 4

    4.  Contre les arrêts précités du Tribunal fédéral et leurs
conséquences dans sa cause, la défenderesse formule plusieurs griefs.

    4.1  Elle soutient tout d'abord que l'ATF 129 III 683, qui concerne la
reconnaissance d'un jugement étranger statuant sur une action révocatoire
de droit autrichien, ne serait pas pertinent pour déterminer la compétence
directe en matière de révocation selon le droit suisse.

    Ce grief est infondé. La Convention de Lugano régit tant la
reconnaissance des jugements étrangers, par les dispositions de son
Titre III, que la compétence internationale, par les dispositions de son
Titre II. Par conséquent, l'interprétation donnée aux dispositions de
son Titre I, qui définit le champ d'application de l'ensemble du traité,
vaut pour les deux domaines. Par ailleurs, les critères retenus à l'ATF
129 III 683 pour qualifier l'action révocatoire du droit autrichien de
"procédure analogue" au sens de l'art. 1 al. 2 ch. 2 CL - soit le fait
qu'elle tend à l'augmentation de la masse active et qu'elle ne pourrait
pas être introduite s'il n'y avait pas faillite - conduisent assurément
au même résultat pour l'action révocatoire après faillite du droit suisse
(cf. art. 285 ss LP et supra, consid. 3.3).

    4.2  La défenderesse soutient ensuite que, s'il était appliqué au
for de l'action révocatoire du droit suisse, l'ATF 129 III 683 ne serait
pas compatible avec la jurisprudence de la CJCE, plus précisément avec
l'arrêt Reichert et consorts contre Dresdner Bank AG (arrêt de la CJCE
du 26 mars 1992, Reichert et consorts contre Dresdner Bank AG, C-261/90,
Rec. 1992, p. I-2149). Selon la défenderesse, cet arrêt, qui a soumis
l'action paulienne du droit français à la Convention de Bruxelles, devrait
entraîner l'application de la Convention de Lugano à l'action révocatoire
du droit suisse.

    En droit français, l'action paulienne (art. 1167 du Code civil
français; ci-après: C. civ. fr.) n'a pas son origine dans la procédure
d'exécution forcée (cf. JACQUES GHESTIN, Traité de droit civil,
Les obligations, Les effets du contrats, Paris 1992, n. 682 ss p. 660
ss). Comme indiqué dans l'arrêt Reichert et consorts contre Dresdner Bank
AG, elle trouve son fondement dans le droit de créance, droit personnel du
créancier vis-à-vis de son débiteur, et elle a pour objet de protéger le
droit de gage dont peut disposer le premier sur le patrimoine du second
(arrêt Reichert précité, point 17); elle permet au créancier de demander
au juge compétent de révoquer à son égard l'acte de disposition passé
par le débiteur en fraude de ses droits, notamment en vue d'une exécution
forcée ultérieure (arrêt Reichert précité, point 28).

    La jurisprudence de l'arrêt Reichert, relative à l'action paulienne du
droit français, ne peut dès lors pas être transposée à l'action révocatoire
après faillite du droit suisse. Alors que l'action paulienne de l'art. 1167
C. civ. fr. peut être exercée en dehors de toute exécution forcée, l'action
révocatoire après faillite du droit suisse présuppose, comme condition
nécessaire, le prononcé de la faillite, qui en est le fondement, et elle
s'insère dans la liquidation de la masse. Ces différences sont décisives
(cf. PAUL VOLKEN, Rechtsprechung zum Lugano-Übereinkommen, in Revue
suisse de droit international et de droit européen [RSDIE] 1993 p. 335 ss,
p. 363 n. 13). De plus, contrairement à ce que soutient la défenderesse,
le fait que le for de l'action révocatoire est en droit interne celui du
domicile du défendeur (art. 289 LP) ne permet pas de conclure que cette
action n'est pas par nature intimement liée à la faillite; il en va de
même du fait qu'elle peut aussi être intentée par un créancier qui a
obtenu cession des droits de la masse en vertu de l'art. 260 LP.

    4.3  Citant ensuite REINHOLD GEIMER (in REINHOLD GEIMER/ROLF
A. SCHÜTZE, Europäisches Zivilverfahrensrecht, 2e éd., Munich 2004,
n. 129 ad art. 1 EuGVVO, p. 87), la défenderesse soutient que la doctrine
allemande se serait ralliée à l'arrêt Reichert et qu'un arrêt de la Cour
suprême de Suède irait dans le même sens. Ce faisant, elle perd toutefois
de vue que l'auteur auquel elle se réfère commente le Règlement n° 44/2001
en connexité avec le Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif
aux procédures d'insolvabilité, entré en vigueur le 31 mai 2002. En effet,
GEIMER admet que les actions révocatoires relèvent du Règlement n° 44/2001
pour le motif qu'elles ne sont pas régies par le Règlement n° 1346/ 2000
(cf. GEIMER/SCHÜTZE, op. cit., n. 130 s. ad art. 1 EuGVVO, p. 87). C'est
donc la complémentarité voulue entre ces deux textes (GEIMER/SCHÜTZE,
op. cit., n. 128 ad art. 1 EuGVVO, p. 86) qui le conduit à soumettre
aux règles de compétence internationale du Règlement n° 44/2001 les
actions révocatoires ("insolvenzrechtliche Anfechtungsklagen") des
paragraphes 129 ss de l'Insolvenzordnung allemande du 5 octobre 1994 (cf.
toutefois DIETMAR CZERNICH, Kurzkommentar Europäisches Gerichtsstands-
und Vollstreckungsrecht: EuGVO und Lugano-Übereinkommen, Vienne 2003,
n. 19 ad art. 1 EuGVO, p. 46, qui défend la position contraire pour les
actions révocatoires après faillite du droit autrichien).

    Conformément aux principes rappelés plus haut (consid. 3.1), pour
assurer une interprétation aussi uniforme que possible de la CL, il y
a lieu de tenir compte de la jurisprudence rendue au sujet de ce traité
dans les autres États contractants, ainsi que de la jurisprudence de la
CJCE et des tribunaux des États membres de l'Union européenne relative
aux dispositions analogues de la Convention de Bruxelles de 1968 et
du Règlement n° 44/2001. Mais l'interprétation de la CL ne saurait
dépendre, même indirectement, du sens donné par la jurisprudence et la
doctrine européennes au Règlement n° 1346/2000, dès lors que la Suisse
n'est pas liée par ce dernier texte, qui traite de questions qu'elle n'a
précisément pas voulu régler dans la CL. Il s'ensuit que même si, comme
l'affirme GEIMER (ibid.), les actions révocatoires ne sont désormais plus
exclues du champ d'application du Règlement n° 44/2001, ce changement,
dû au souci d'exhaustivité et de cohérence interne de la législation de
l'Union européenne, est sans influence sur l'interprétation de l'art. 1
al. 2 ch. 2 CL.

    4.4  L'interprétation que le Tribunal fédéral a faite de l'art. 1
al. 2 ch. 2 CL recueille l'approbation d'une majorité de la doctrine
(IVO Schwander, Rechtsprechung zum internationalen Schuld-, Sachen-,
Gesellschafts- und Konkursrecht, in RSDIE 2004 p. 255 ss, p. 282 s.;
VOLKEN, op. cit., n. 13 p. 363; DANIEL STAEHELIN, Commentaire bâlois,
n. 9 ad art. 289 LP, p. 2675 et Die internationale Zuständigkeit der
Schweiz im Schuldbetreibungs- und Konkursrecht, in PJA 1995 p. 259 ss,
p. 282; MATTHIAS STAEHELIN, Commentaire bâlois, n. 25 ad art. 30a LP,
p. 218 s.; BOMMER, op. cit., p. 121 et 152).

    L'argumentation des auteurs que la défenderesse invoque à l'appui de sa
thèse n'oblige nullement à un revirement de jurisprudence. HENRI-ROBERT
SCHÜPBACH (Droit et action révocatoires, Bâle 1997, n. 89 ad art. 289 LP,
p. 268) juge boiteuse la différence de régime entre l'action révocatoire
après acte de défaut de biens dans la saisie et celle ensuite de faillite;
il paraît préférer l'application de la Convention de Lugano, mais il
ne se prononce pas de manière catégorique. JEAN-LUC CHENAUX (Un survol
de l'action révocatoire en droit international privé suisse, in RSJ 1996
p. 232 ss) recommande bien l'harmonisation de la protection internationale
du créancier et la soumission des actions révocatoires à la Convention
de Lugano (op. cit., p. 235), mais il constate expressément qu'au vu de
la jurisprudence de la CJCE, l'action révocatoire est exclue du champ
d'application de la Convention de Lugano (op. cit., p. 234 s.). PAULINE
ERARD-GILLIOZ (La révocation, in FJS 742, C.2) ne fait qu'approuver l'avis
des deux auteurs précédents, sans motiver son opinion. WALTER STOFFEL
(Beiträge zum schweizerischen und internationalen Zivilprozessrecht, in
Festschrift für Oscar Vogel, Fribourg 1991, p. 375) estime la Convention de
Lugano applicable parce qu'il qualifie l'action révocatoire de prétention
personnelle. Quant à YVES DONZALLAZ (op. cit., vol. III, n. 6397 s. p. 866
s.), il se fonde sur l'arrêt Reichert et consorts contre Dresdner Bank AG
pour affirmer que l'action paulienne est soumise à la Convention de Lugano.

Erwägung 5

    5.  La Convention de Lugano n'étant pas applicable à l'action
révocatoire après faillite, la Suisse et la Pologne ne sont liées par aucun
traité réglant la compétence internationale pour connaître de l'action
de la demanderesse. Quant à la LDIP, elle renvoie aux art. 285 à 292 LP
(art. 171 LDIP). Dès lors, le for de la présente action est déterminé par
l'art. 289 LP, en vertu duquel, en l'absence de traités internationaux
contraires (art. 30a LP), l'action révocatoire dirigée contre un défendeur
domicilié à l'étranger peut être intentée au for de la faillite.

    Peu importe, contrairement à ce que soutient la défenderesse,
que le jugement sur action révocatoire rendu en Suisse puisse ensuite
être reconnu et exécuté à l'étranger, ou non (cf. BOMMER, op. cit.,
p. 152). L'art. 289 LP ne fait pas dépendre la compétence directe pour
connaître d'une action révocatoire dirigée contre une personne domiciliée à
l'étranger de la possibilité d'obtenir l'exequatur du jugement à intervenir
dans l'État du domicile du défendeur. Au demeurant, le jugement prononçant
la révocation produit des effets in personam et non in rem; le patrimoine
du défendeur qui se trouve en Suisse peut également être réalisé au profit
de la masse (DANIEL STAEHELIN, Die Anerkennung ausländischer Konkurse und
Nachlassverträge in der Schweiz, Bâle 1989, p. 149 s.). Il en découle
qu'il n'est théoriquement pas exclu qu'en certaines circonstances, la
masse en faillite ait un intérêt effectif à agir en Suisse, lors même
que le jugement à intervenir ne pourrait pas être reconnu à l'étranger.

    Dirigée contre une société ayant son siège à l'étranger, la présente
action révocatoire peut donc être intentée au for de la faillite, à Genève,
en vertu de l'art. 289 LP. Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé
le droit fédéral en confirmant le rejet de l'exception d'incompétence
soulevée par la défenderesse et que le recours doit dès lors être rejeté.