Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 131 III 217



131 III 217

28. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. contre A.
(recours en réforme)

    4C.382/2004 du 25 janvier 2005

Regeste

    Bestimmung des Vertragsgegenstands; Abtretung von Getreide auf dem
Halm; Versprechen der Hingabe zahlungshalber.

    Auslegung des Vertrages nach dem Vertrauensprinzip; die Bezeichnung
eines Vertrages ist für seine rechtliche Qualifikation nicht entscheidend
(E. 3).

    Umfang der dinglichen und persönlichen Rechte des Gläubigers, der mit
seinem Schuldner die Übergabe einer künftigen Ernte vereinbart hat (E. 4).

Sachverhalt

    X. est une société coopérative qui exploite des moulins agricoles
dans toute la Suisse. Elle est titulaire de la marque Z.

    B., qui exploitait un domaine agricole, s'approvisionnait régulièrement
auprès de X., à qui il devait de l'argent.

    Le 25 février 2000, B. et X. ont signé un contrat intitulé "contrat
de cession de créance de type céréales fourragères", rédigé sur la base
d'une formule préimprimée. A teneur de cet accord, B. déclarait céder sa
future récolte de triticale (2 hectares) et de maïs (8 hectares) à titre
de garantie d'un montant qui n'était pas fixé. Il était précisé que X.
acquérait "donc, en vertu du présent contrat, tous les droits du cédant
jusqu'à concurrence du montant ci-dessus, dû à Z.", B. s'engageait
notamment à informer immédiatement X. de toute difficulté empêchant
l'exécution du contrat. Il attestait au surplus que celui-ci était
juridiquement fondé et garantissait qu'il n'existait aucune autre cession
à valoir sur la partie cédée.

    Le 14 juin 2000, B. est décédé. Sa fille a accepté la succession sous
bénéfice d'inventaire.

    En août 2000, la récolte de triticale a été effectuée et elle a été
remise à X.

    Le 1er septembre 2000, la fille de B. a conclu un contrat de bail
à ferme avec A., un agriculteur, client de X., qui était en litige avec
la coopérative au sujet du paiement de différentes factures. Un avenant
indiquait que les cultures étaient cédées en l'état, sans garantie.

    A une date indéterminée, A. a récolté le maïs. Il a été retenu qu'au
moment de la récolte, l'agriculteur avait connaissance du contrat du 25
février 2000.

    Le 26 janvier 2001, X. a réclamé à A. le solde de ses factures et
l'a mis en demeure de lui verser une somme de 32'000 fr. correspondant
à une estimation du produit de la récolte des huit hectares de maïs.

    Comme aucun versement n'est intervenu, X. a assigné A. en justice,
lui réclamant notamment 32'000 fr. plus intérêt en remboursement du
produit de la récolte de maïs.

    Le tribunal de première instance a débouté X. de cette prétention, ce
qu'a confirmé l'autorité cantonale de recours, par arrêt du 7 avril 2004.

    Contre cet arrêt, X. (la demanderesse) dépose un recours en réforme
au Tribunal fédéral. A. (le défendeur) propose son rejet.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.  Avant d'examiner si la demanderesse peut réclamer au défendeur
un montant équivalant au produit de la récolte de maïs, il convient au
préalable de cerner l'objet du contrat du 25 février 2000 sur lequel la
coopérative fonde ses prétentions.

    La demanderesse a signé, le 25 février 2000, une convention avec B.,
établie sur un formulaire préimprimé intitulé "contrat de cession de
créance de type céréales fourragères", selon laquelle B. s'engageait à
céder à la demanderesse la totalité de la récolte de 8 hectares de maïs
et de 2 hectares de triticale. Les parties divergent sur l'objet de ce
contrat, la demanderesse soutenant que la cession portait non pas sur les
fruits de la récolte, mais sur le prix de vente, alors que le défendeur
considère que la cession se référait à l'objet de la récolte. La cour
cantonale n'a pas tranché la question, montrant ainsi qu'elle ne parvenait
pas à établir la volonté réelle et concordante des parties sur ce point.

    Lorsque la volonté réelle et concordante des parties ne peut être
déterminée ou si elle est divergente, il faut interpréter le contrat selon
la théorie de la confiance (cf. art. 18 al. 1 CO). Cette question relève
du droit, de sorte que le Tribunal fédéral peut la trancher librement dans
le cadre d'un recours en réforme, sur la base de l'état de fait arrêté
souverainement par la cour cantonale (ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 425
et les arrêts cités).

    La dénomination d'un contrat n'est pas déterminante pour évaluer sa
nature juridique (ATF 129 III 664 consid. 3.1; 99 II 313). Du reste, la
qualification juridique d'un contrat relève du droit et non des faits
(POUDRET, COJ II, Berne 1990, n. 3.6.7 ad art. 63 OJ). Il n'y a donc
pas lieu de s'arrêter à la dénomination "cession de créance" figurant
sur la formule préétablie du contrat du 25 février 2000 pour déterminer
l'objet de la prestation promise. Comme son nom l'indique, la cession de
créance au sens de l'art. 164 CO doit porter sur une créance, soit sur un
droit subjectif du titulaire (le créancier) à une prestation du débiteur
(PROBst, Commentaire romand I, n. 16 ad art. 164 CO). Pour être valable,
l'acte de cession doit respecter la forme écrite (art. 165 CO) et il faut
que le contenu de la créance cédée, les personnes concernées, ainsi que les
modalités de la cession soient déterminées ou à tout le moins déterminables
(cf. ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, Berne 1997, p. 881).

    En l'occurrence, le contrat du 25 février 2000 ne fait référence à
aucune créance en argent, ni à aucun débiteur de B. En revanche, il est
indiqué que ce dernier s'engage à "céder" 8 hectares de maïs et 2 hectares
de triticale. Il ressort du texte du contrat que celui-ci a pour objet
la remise de céréales sur pied. Comme l'arrêt attaqué ne contient aucun
élément de fait qui irait à l'encontre de cette interprétation littérale,
il n'y a pas de raisons sérieuses de penser qu'elle ne correspond pas à
la volonté des parties (ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 425; 129 III 118
consid. 2.5). Au contraire, la cour cantonale a retenu que la moisson
de triticale effectuée en août avait été remise à la demanderesse,
qui exploitait des moulins agricoles, ce qui confirme que les parties
faisaient référence à la récolte de maïs et non pas à une créance en
argent correspondant au produit de la vente de cette récolte.

    Par conséquent, il découle de l'interprétation objective du contrat du
25 février 2000 que celui-ci a pour objet la remise de céréales sur pied,
correspondant à 2 hectares de triticale et 8 hectares de maïs.

Erwägung 4

    4.  Il convient à présent de se demander si la demanderesse peut
faire valoir un droit, réel ou personnel, sur les 8 hectares de maïs à
l'encontre du défendeur.

    4.1  Le maïs, en tant que céréale, fait partie des fruits naturels et,
plus particulièrement, des produits périodiques de la chose (cf. art. 643
al. 2 CC; STEINAUER, Les droits réels, tome I, 3e éd., Berne 1997, n. 1073;
WIEGAND, Commentaire bâlois, n. 6 ad art. 643 CC). En vertu du principe de
l'accession (cf. art. 643 al. 1 CC), les fruits naturels qui sont reliés à
une chose en font partie intégrante jusqu'à leur séparation (cf. art. 643
al. 3 CC). Ils suivent donc le sort juridique de la chose complexe à
laquelle ils sont reliés (cf. STEINAUER, op. cit., n. 1061 et 1077). En
revanche, une fois qu'ils ont été séparés, les fruits naturels deviennent
des choses mobilières indépendantes, qui peuvent faire l'objet de droits
réels distincts. Si un tiers a la jouissance de la chose, il acquiert
alors la propriété des fruits, en principe dès la séparation (WIEGAND,
op. cit. n. 10 s. ad art. 643 CC); il s'agit d'un mode d'acquisition
originaire de la propriété (STEINAUER, op. cit., n. 1079). La propriété des
fruits peut aussi se transférer, mais, s'agissant d'une chose mobilière,
ce transfert suppose un transfert de la possession (art. 714 al. 1 CC;
STEINAUER, Les droits réels, tome II, 3e éd., Berne 2002, n. 2008).

    Il découle de ces principes qu'une culture sur pied, en l'occurrence
du maïs, qui n'est pas encore récoltée appartient au propriétaire du
bien-fonds sur lequel elle est plantée et qu'il ne peut y avoir de droit
réel distinct portant sur le maïs indépendamment du sol. B. n'a donc pas
pu céder à la demanderesse la propriété du maïs tant que celui-ci était
encore planté, ni lui conférer un droit réel distinct sur celui-ci. Après
la moisson, le maïs est devenu une chose mobilière. Or, à ce moment,
la demanderesse n'avait pas la jouissance du bien-fonds et la possession
du maïs coupé ne lui a pas été transférée. Dans ces circonstances, elle
n'est pas devenue propriétaire de ce maïs et ne dispose pas d'un droit
réel qu'elle pourrait faire valoir erga omnes, soit notamment contre
le défendeur.

    4.2  Il reste à examiner si la demanderesse ne pourrait pas invoquer
un droit personnel à l'encontre du défendeur.

    Il ressort du contrat du 25 février 2000 que B., qui était débiteur
de la demanderesse, a indiqué "céder" à celle-ci la totalité de la
récolte de 8 hectares de maïs, sans qu'aucun montant en espèces n'ait
été articulé. Cet engagement signifie que l'agriculteur devait seulement
remettre la récolte de maïs à la demanderesse (cf. supra consid. 3).

    On se trouve donc dans le cas de figure où le débiteur s'engage à
offrir et le créancier à accepter une autre prestation, un autre objet,
sans indication de la somme à décompter, ce qui est le propre d'une
promesse de dation en vue du paiement (cf. art. 172 CO). La dette des
parties ne s'éteint alors pas immédiatement. Le créancier doit réaliser
ce qu'il a reçu et en imputer la contre-valeur sur la dette, qui n'est
éteinte que dans la mesure et au moment où le créancier est désintéressé
(cf. ENGEL, op. cit., p. 620). L'engagement pris par B. de livrer le
maïs après sa récolte n'est du reste pas exceptionnel, mais se rencontre
fréquemment en cas de vente d'une récolte future (cf. GIGER, Commentaire
bernois, n. 18 s. ad art. 187 CO; ENGEL, Contrats de droit suisse, 2e éd.,
Berne 2000, p. 14; TERCIER, Les contrats spéciaux, 3e éd., Zurich 2003,
n. 448).

    Cette obligation personnelle a passé à la fille de B. en sa qualité
d'héritière (cf. art. 560 al. 2 CC), mais celle-ci n'a pas respecté
l'engagement pris par son père. Il s'agit donc typiquement d'une
inexécution contractuelle.

    De ce point de vue et en vertu du principe de la relativité des
conventions, on ne voit donc pas que la demanderesse puisse se prévaloir du
non-respect, par la fille de B., des engagements découlant du contrat du
25 février 2000 à l'encontre du défendeur, dès lors que celui-ci n'était
pas partie à cette convention.

    4.3  Quant aux griefs invoqués par la demanderesse, ils tombent à faux,
car ils reposent sur des prémisses juridiques erronées.

    Ainsi, lorsqu'elle invoque la violation du principe "nemo plus juris
transferre potest quam ipse habet", la demanderesse perd de vue que le
contrat du 25 février 2000 n'est pas opposable au défendeur et qu'il n'est
pas non plus propre à influencer la validité du contrat de bail à ferme
conclu à partir du 1er septembre 2000 entre l'agriculteur et la fille de
feu B., puisqu'il ne confère à la demanderesse aucun droit réel portant
sur le maïs.

    Enfin, la critique liée à la violation des art. 164 CO et 933 CC paraît
d'emblée vide de sens. En effet, la demanderesse fonde son raisonnement sur
une autre interprétation du contrat du 25 février 2000 que celle retenue
en l'occurrence, puisqu'elle estime qu'il visait la cession d'une créance
correspondant au produit de la vente de maïs, alors que la Cour de céans
considère qu'il portait seulement sur la remise de la récolte.

    Dans ces circonstances, l'arrêt attaqué ne contrevient pas au droit
fédéral, dans la mesure où il rejette les prétentions de la demanderesse
à l'encontre du défendeur équivalant au prix de la récolte de maïs.

    Partant, le recours doit être rejeté.