Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 IV 53



128 IV 53

13. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause
D. G. et cons. contre A. B., B. H.,
C. D. et le Ministère public du canton du Valais (pourvoi
en nullité)

    6S.664/2001 du 14 mai 2002

Regeste

    Art. 173, 64, 27 StGB, Art. 49 OR, Art. 271 Abs. 2 BStP, Art. 47
Abs. 1 OG; üble Nachrede, achtungswerte Beweggründe, Mediendelikt,
Zivilansprüche, Genugtuung.

    Wer eine Plakatkampagne anonym führt, kann sich nicht auf die
Rechtsprechung berufen, wonach in der politischen Diskussion nur mit
Zurückhaltung auf eine Ehrverletzung zu erkennen ist (E. 1d).

    Die Art und Weise der Deliktsbegehung kann selbst noch so achtungswerte
Beweggründe in den Hintergrund drängen (E. 3).

    Wer im Rahmen der Herstellung und Verbreitung eines strafrechtlich
relevanten Medienerzeugnisses ausschliesslich dessen Veröffentlichung
übernimmt, ist für das Mediendelikt nicht subsidiär verantwortlich (E. 5e).

    Legitimationsvoraussetzungen zur Nichtigkeitsbeschwerde im Zivilpunkt;
Berechnung des Streitwerts (E. 6 und 8).

    Genugtuung als Folge einer Ehrverletzung (E. 7).

    Die Anwendung der medienrechtlichen Sonderregelung des Art. 27 StGB
hat keine Auswirkungen auf die Zivilansprüche der Verletzten (E. 8).

Sachverhalt

    A.- En automne 1997, un débat public s'est engagé sur la modification
des dispositions pénales sur l'avortement. A. B.,
vice-présidente de la commune de Sion, a pris publiquement position pour
la "solution des délais" résultant d'un avant-projet de la Commission
des affaires juridiques du Conseil national (CAJ). B. H. et
C. D., députées au Grand Conseil valaisan, se sont prononcées
publiquement en faveur du modèle dit "Riklin". Ce modèle se distingue
de l'avant-projet en ce que le délai durant lequel l'interruption de
grossesse n'est pas punissable est ramené à douze semaines (au lieu de
14 comme le propose la CAJ) et qu'une consultation auprès d'un centre
reconnu est obligatoire.

    Le parti démocrate-chrétien (PDC) suisse a adopté fin août 1997 le
modèle Riklin, ce qui a suscité de vives réactions au sein de la section
valaisanne de ce parti. Le groupe de travail Pro-Vie du PDC valaisan
considère que le modèle Riklin revient à légaliser l'avortement durant
12 semaines et a préconisé le maintien des dispositions légales actuelles
en la matière. D. G. défend la position du groupe Pro-Vie. La
question devait être débattue à fin novembre 1997 par l'assemblée du
parti cantonal.

    Vers la mi-octobre 1997, D. G. a décidé de "faire bouger"
le PDC sur sa position ambiguë au sujet de la solution des délais et
de relancer, au moyen d'une campagne d'affichage, le débat en vue de la
réunion de fin novembre. Sa stratégie consistait à cibler une attaque
contre des femmes politiques, ces dernières étant, à ses dires, mises
sur le devant de la scène politique par les partis pour faire accepter
l'idée de l'avortement.

    D. G. a demandé à S. R. de le documenter sur
ce thème. Le second siège, sous la présidence du premier, au sein du
comité de Citadelle, une association engagée dans la lutte contre la
pornographie, l'occultisme et la drogue, où il est responsable du domaine
de l'avortement. Il a fourni à D. G. la brochure "Ma chance
d'exister et de vivre le don merveilleux de la vie" (ci-après: "La Vie"),
éditée en 1985 par l'association française SOS futures mères, ainsi que,
à sa demande, des coupures de journaux où figurent les photographies
d'A. B., de B. H. et de C. D.

    D. G. a ensuite choisi les photographies et les textes,
dont la traduction en allemand a été assurée par P. L. Il a
remis le brouillon de l'affiche à V. B., caissier et responsable
du Bulletin de Citadelle, qui a réalisé, au moyen de l'ordinateur et du
scanner dont il disposait à domicile, la maquette de ce document, dont
il connaissait la destination. A la demande de D. G., il a,
en cours de composition, modifié le texte de l'affiche. Il était absent
durant les trois semaines qui suivirent.

    L'impression des affiches format 43 x 30 cm a été confiée par D. G.
à J-M. J., éditeur, qui en a sous-traité l'exécution à
son fils J-P. J., imprimeur. Deux milles affiches, dont huit
cents en allemand, furent livrées à D. G. le 6 novembre 1997
pour le prix de 1'900 francs. Le haut de ces affiches en couleur était
occupé par le texte "Elles veulent une culture de la mort en Suisse!";
en dessous figurait le terme "avortement". Au-dessus de la photographie
centrale d'un foetus ensanglanté et dont l'âge de gestation est d'environ
20 semaines était écrit "Femmes du PDC ou du PS: même combat", puis sous
l'image "L'empoisonner, le découper à la curette ou le laisser mourir
dans une poubelle?". Enfin, une photographie, le nom et l'appartenance
politique de C. D., B. H. et A. B.
étaient suivis de la phrase "Chaque civilisation a l'ordure qu'elle mérite"
en dessous de laquelle figurait le nom de G. D. Les affiches
ne fournissaient aucune indication sur leur
auteur et n'indiquaient pas non plus qui en était l'éditeur ou l'imprimeur.

    Une fois en possession des affiches, D. G. a pris contact
avec une vingtaine de personnes pour en assurer la pose. S. R.,
G. C., B. P., F. C., C. G., J-C. M., R. B., A. P. et J. C. ont
donné suite à cette demande et se sont retrouvés le dimanche 9 novembre
1997, vers 21 h 30, à Riddes. Tous membres ou sympathisants de Citadelle,
ils ont déclaré vouloir contribuer par leur action à la lutte contre
l'avortement. D. G. a réparti les régions du canton entre les
personnes présentes, auxquelles il a distribué les affiches. C'est à ce
moment qu'elles ont pris connaissance des affiches et de leur contenu.

    Munies de colle d'amidon et d'environ 200 affiches, elles se sont
rendues, seules ou en groupe, dans les régions qui leur avaient été
attribuées: S. R. placarda la région de Monthey, A. P.
et G. C. celle de l'Entremont, de Martigny et de St-Maurice, J. C.
et J-C. M. la région entre Martigny et Sion, les Mayens
de Riddes et Conthey, C. G. placarda les vallées latérales
et villages entre Sion et Sierre, M. W. et F. C. la
région de Sierre et du Val d'Anniviers, R. B. les vallées de
Loèche et de Tourtemagne, B. P. la région de Brigue et Naters
et leurs vallées latérales, D. G. la vallée de Conches. Ils
placardèrent les affiches sur des supports leur paraissant intéressants,
notamment les panneaux de la Société générale d'affichage (SGA) ou des
abribus appartenant à cette société.

    Le 10 novembre, vers 3 heures, l'opération était terminée.
Conformément aux instructions de D. G., l'affichage s'est
effectué de manière anonyme, chacun évitant de se faire surprendre
et restant discret après l'opération. Interrogé le 11 novembre par un
journaliste, D. G. a joué la surprise, déclarant ne pas avoir
connaissance de cette affaire. Le 10 novembre, la plupart des affiches
ont été enlevées par la gendarmerie.

    B.- A. B., B. H. et C. D. ont
déposé plainte pour diffamation et calomnie. Elles se sont constituées
parties civiles, concluant chacune au versement d'une indemnité pour
tort moral de 3'000 francs. Différents propriétaires d'immeubles et
d'installations sur lesquels les affiches avaient été apposées ont déposé
plainte pour dommages à la propriété.

    La procédure pénale ouverte fut dirigée contre D. G.,
S. R., V. B., G. C., B. P., F. C., C. G., J-C. M., R. B., M. W., 
A. P., J. C., J-P. J., J-M. J. et P. L.

    C.- Le 27 septembre 2000, le juge I du district de Sion a acquitté
J-M. et J-P. J. ainsi que P. L.; il a reconnu
D. G. coupable d'injure et de dommages à la propriété,
V. B. de complicité d'injure et les autres accusés ainsi que
M. W. de complicité d'injure et de dommages à la propriété. Il
a prononcé des peines d'amende allant de 200 à 800 francs et condamné
solidairement les accusés et M. W. à verser à la SGA un montant
de 7'209.10 francs et à chacune des intimées une indemnité de 500 francs.

    D.- Sur appel des plaignantes et appel joint des accusés, la Cour
d'appel pénale II du Tribunal cantonal valaisan a, le 17 septembre 2001,
condamné D. G. pour diffamation et dommages à la propriété
à 10 jours d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à une
amende de 2'000 francs. V. B. fut condamné pour complicité
de diffamation à une amende de 1'000 francs. Les autres accusés furent
condamnés pour complicité de diffamation et dommages à la propriété à une
amende de 1'000 francs chacun. La Cour d'appel a par ailleurs maintenu la
condamnation au versement d'une indemnité en faveur de la SGA et porté
l'indemnité à verser à chacune des intimées à 4'000 francs. Elle a fixé
le délai d'épreuve des amendes à une année et prononcé la confiscation
des plaques d'aluminium séquestrées à l'imprimerie J.

    E.- Les condamnés se pourvoient en nullité contre ce jugement,
concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal
pour nouvelle décision. Invitées à se déterminer sur le pourvoi, les
intimées ont conclu à son rejet. Le Tribunal cantonal n'a pas formulé
d'observations.

    Le Tribunal fédéral a partiellement admis le pourvoi en nullité
sur l'action pénale et a rejeté, dans la mesure où il était recevable,
le pourvoi en nullité sur l'action civile.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Considérants:

    I. Pourvoi en nullité sur l'action pénale

    A. Pourvoi en nullité de D. G. (ci-après: recourant 1)

Erwägung 1

    1.- a) L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui,
en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle
le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre
fait propre à porter atteinte à sa considération, ou aura propagé une
telle accusation ou un tel soupçon.

    Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable,
c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le
faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par
le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect qui
est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris
en sa qualité d'homme.

    Dans la discussion politique, l'atteinte à l'honneur punissable
n'est admise qu'avec retenue (ATF 118 IV 248 consid. 2b p. 251) et,
en cas de doute, doit être niée (ATF 116 IV 146 consid. 3c p. 150). La
liberté d'expression indispensable à la démocratie implique que les
acteurs de la lutte politique acceptent de s'exposer à une critique
publique, parfois même violente, de leurs opinions (BERNARD CORBOZ, Les
principales infractions, Berne 1997, n. 10 ad art. 173 CP). Il ne suffit
pas d'abaisser une personne dans la bonne opinion qu'elle a d'elle-même
ou dans les qualités politiques qu'elle croit avoir. Echappent ainsi à
la répression les assertions qui, sans faire apparaître la personne comme
méprisable, sont seulement propres à ternir la réputation dont elle jouit
comme politicien ou à ébranler la confiance qu'elle a en elle-même par une
critique la visant en tant que politicien (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47
et les arrêts cités). La critique ou l'attaque porte toutefois atteinte
à l'honneur protégé par le droit pénal si, sur le fond ou dans la forme,
elle ne se limite pas à rabaisser les qualités de l'homme politique et la
valeur de son action, mais est également propre à l'exposer au mépris en
tant qu'être humain (ATF 105 IV 194 consid. 2a p. 196; BERNARD CORBOZ, loc.
cit.).

    Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur,
il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée,
mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire non
prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 121 IV
76 consid. 2a/bb p. 82; 119 IV 44 consid. 2a p. 47; 118 IV 248 consid.
2b p. 251; 117 IV 27 consid. 2c p. 29 s.). S'agissant d'un texte, il doit
être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises
séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans
son ensemble (ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 30; 115 IV 42 consid. 1c p. 44;
MARTIN SCHUBARTH, Grundfragen des Medienstrafrechtes im Lichte der neueren
bundesgerichtlichen Rechtsprechung, in RPS 113/1995, p. 155). Les propos
que tiennent des adversaires politiques dans le cadre d'un débat engagé
ne doivent
cependant pas toujours être pris au pied de la lettre, car ils dépassent
souvent la pensée de leurs auteurs. Par ailleurs, le public concerné par
le débat ne tire guère des tracts qu'il lit ou des discours qu'il entend
de réels motifs de suspicion à l'endroit des personnes visées, à moins que
ceux-ci soient énoncés avec clarté et fondés sur des accusations précises
(ATF 105 IV 194 consid. 2a p. 196).

    b) La décision attaquée retient que les termes de l'affiche ne se
bornaient pas à critiquer l'activité politique des intimées, mais s'en
prenaient à la réputation de celles-ci, en tant que femmes dignes de
considération. Le texte en caractères gras "Elles veulent une culture
de la mort en Suisse!" évoque, dans l'esprit d'un lecteur non prévenu,
l'accusation de violence et de meurtre. Cette accusation est renforcée par
l'image en grand format d'un avorton bien développé, baignant dans le sang,
dont la mort est attribuée à des méthodes effroyables, décrites de manière
précise. L'ensemble de l'affiche suggère au lecteur non prévenu que les
intimées souscrivent à une solution où le foetus, à un stade proche du
terme, est empoisonné, découpé ou abandonné dans une poubelle. La proximité
entre la citation ayant trait à l'ordure et la désignation des intimées
rappelle le comportement indigne reproché à celles-ci. Ces éléments
pris dans leur ensemble font comprendre que les intimées encouragent
des traitements dégradants et sont, partant, dépourvues de sens moral,
les rendant ainsi méprisables comme êtres humains.

    c) Le recourant 1 fait valoir que les affiches ne portent pas
atteinte à l'honneur des intimées (exception faite du terme "ordure"
qu'il reconnaît être injurieux). Les indications figurant sur l'affiche
(identité, appartenance politique des intimées, affirmation que celles-ci
mènent le même combat, que ce combat se rapporte à l'avortement, ce
qu'illustrent la photo du foetus et le mot "avortement", la description
des méthodes d'avortement) sont des allégations de fait, qui ne sont ni
fausses ni diffamantes. Seule la référence à "une culture de la mort",
peut, selon le recourant 1, donner lieu à discussion au regard d'une
éventuelle atteinte à l'honneur des intimées. Elle ne tend toutefois pas
à accuser les intimées de pratiquer elles-mêmes les méthodes d'avortement
décrites, mais indique que celles-ci sont prêtes à tolérer une culture qui
permet l'application de ces méthodes. Cette affirmation résulte des prises
de position publiques des intimées qui sont favorables à une opinion qui
ne défend plus la vie aussi inconditionnellement que le fait l'art. 120
CP. Si elle peut choquer, cette affirmation n'est pas diffamatoire,
en particulier pas lorsqu'elle est prononcée dans le cadre d'un débat
politique ayant précisément trait à la protection de la vie.

    d) Il a certes été établi que l'affiche s'inscrivait dans le cadre
d'un débat politique, particulièrement animé en Valais, au sujet de
la réglementation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Le
recourant 1 ne saurait toutefois, en l'espèce, se prévaloir de la
jurisprudence qui ne sanctionne qu'avec retenue les excès de langage commis
dans la discussion politique. Le débat public est l'âme de la démocratie
directe. Il doit être mené de manière équitable ("fair"; cf. Rapport de
la Commission des institutions politiques du Conseil national relatif
à l'initiative parlementaire lancée par Judith Stamm visant à instituer
une autorité de recours en matière de campagnes de votations, FF 2002 p.
382). Le déroulement d'un débat politique équitable implique notamment que
l'identité des auteurs de tracts ou d'affiches apparaisse sur ces écrits
(cf. MAX IMBODEN, Helvetisches Malaise, Zurich 1964, p. 41). Celui qui ne
se tient pas à cette règle élémentaire du débat public et mène une campagne
en se retranchant intentionnellement derrière l'anonymat n'est ainsi pas
fondé à se prévaloir de la jurisprudence imposant une retenue dans la
sanction des atteintes à l'honneur commises dans le débat politique.

    Le recourant 1 a joué la surprise lorsqu'il a été interrogé par
un journaliste au sujet des affiches qu'il avait conçues et dont il
avait organisé la pose. Il est ainsi évident que si les affiches ne
portent aucune trace de leur(s) auteur(s), ce n'est pas par oubli ou
inadvertance, mais intentionnellement. Il convient donc d'examiner,
sans retenue particulière, si le contenu de l'affiche est attentatoire
à l'honneur des intimées.

    e) Selon la jurisprudence rappelée ci-dessus (cf.  supra, let. a),
un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions
utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui
se dégage du texte dans son ensemble. La phrase "elles veulent une
culture de la mort" ne peut ainsi être examinée isolément, comme le
voudrait le recourant 1. Elle doit être mise en relation avec les autres
éléments de l'affiche, notamment la photographie en couleur d'un foetus
ensanglanté. Selon les constatations de fait cantonales, qui lient la
Cour de céans (art. 277bis PPF [RS 312.0]), il s'agit d'un foetus âgé
de 20 semaines. Or, il ne ressort pas de l'état de fait que les trois
politiciennes se seraient prononcées pour des IVG pratiquées à la 20ème
semaine. La photo choisie et le texte l'accompagnant véhiculent le message
que les intimées souscrivent à une "culture de mort" dans laquelle des
foetus en âge de gestation avancé sont mis à mort par empoisonnement,
découpage ou abandon dans une poubelle. L'affiche évoque la violence,
la cruauté et l'accusation de consentir

à des traitements effroyables pratiqués sur des foetus bien développés. La
référence à l'ordure souligne encore le caractère répugnant du comportement
reproché. Ces accusations laissent apparaître les trois politiciennes
comme des personnes cruelles et sans scrupule. Aussi, l'accusation de
vouloir pour la Suisse une culture de la mort laisse-t-elle apparaître
les intimées comme des personnes dépourvues de toute capacité ou volonté
d'agir de manière responsable pour le bien commun. Affirmer, photographie
d'un foetus sanguinolent à l'appui, qu'une politicienne mène un combat pour
que soit instaurée une culture de la mort en Suisse, revient en effet à lui
dénier tout sens de la responsabilité du bien commun dont la sauvegarde lui
est confiée et à lui reprocher des tendances perverses, sinon meurtrières,
la rendant certainement méprisable. Le contenu de l'affiche est par
conséquent attentatoire à l'honneur des trois politiciennes visées.

    f) Le recourant 1 estime que, dans l'hypothèse où l'atteinte à
l'honneur devrait être retenue, le comportement reproché doit être
qualifié d'injure et non de diffamation, l'affiche ne contenant pas
d'allégations de fait attentatoires à l'honneur, mais tout au plus un
jugement de valeur répréhensible.

    aa) Alors que la diffamation ou la calomnie supposent une allégation
de fait, un jugement de valeur, adressé à des tiers ou à la victime, peut
constituer une injure au sens de l'art. 177 CP (ATF 117 IV 27 consid. 2c
p. 29 et les arrêts cités). Pour distinguer l'allégation de fait du
jugement de valeur, il faut se demander, en fonction des circonstances,
si les termes litigieux ont un rapport reconnaissable avec un fait ou sont
employés pour exprimer le mépris (GÜNTER STRATENWERTH, Schweizerisches
Strafrecht, Besonderer Teil I, Berne 1995, n. 19 ad § 11). La notion
de jugement de valeur doit être comprise dans un sens large; il s'agit
d'une manifestation directe de mésestime ou de mépris, au moyen de mots
blessants, de gestes ou de voies de fait (MARTIN SCHUBARTH, Kommentar
zum schweizerischen Strafrecht, vol. III, Berne 1984, n. 7 et 8 ad
art. 177 CP). L'honneur protégé correspond alors à un droit au respect
formel, ce qui conduit à la répression des injures dites formelles,
tels l'expression outrageante, des termes de mépris ou des invectives
(PAUL LOGOZ, Partie spéciale I, Neuchâtel 1955, p. 255; ALAIN STEULLET,
La victime de l'atteinte à l'honneur, thèse Neuchâtel 1983, p. 35).

    bb) L'accusation de vouloir une culture de la mort, à l'appui de
la photo figurant sur l'affiche, revient à alléguer que les intimées
souscrivent au découpage, à l'empoisonnement ou à l'abandon dans une
poubelle de foetus bien développés. Par ailleurs, l'expression
"culture de la mort" ne contient pas d'invective et n'est pas non plus
un terme grossier dont il conviendrait de déterminer s'il est propre à
attaquer la victime dans son honneur. L'expression litigieuse constitue
par conséquent une allégation de fait et non un jugement de valeur. Le
recourant 1 reconnaît que les autres termes utilisés dans l'affiche sont
des allégations de fait, à l'exception du terme "ordure" qu'il admet être
injurieux. L'art. 177 CP étant subsidiaire par rapport à l'art. 173 CP
(BERNARD CORBOZ, op. cit., n. 1 ad art. 177 CP), le terme injurieux
d'ordure n'a pas de portée propre dans la diffamation commise en l'espèce.

    g) Le Tribunal cantonal a, sans procéder à des enquêtes, fait état
de documents scientifiques et gynécologiques pour décrire les méthodes
d'IVG. Le recourant 1 en déduit qu'il s'agit d'éléments d'expérience
générale de la vie, soit de questions de droit pouvant être revues par
la Cour de céans. Selon lui, l'affiche ne contenait qu'une vulgarisation
de termes scientifiques décrivant des méthodes d'avortement.

    La question de savoir si la connaissance des différentes méthodes
d'IVG fait partie des choses que l'expérience générale de la vie enseigne,
peut rester indécise. D'une part, le recourant 1 n'expose pas en quoi
les explications données à cet égard par l'arrêt querellé seraient
erronées. D'autre part et vérification faite des ouvrages médicaux cités
par l'autorité cantonale, il n'apparaît pas que les indications données
par cette dernière soient incorrectes.

Erwägung 2

    2.- a) L'art. 173 ch. 2 CP dispose que l'inculpé n'encourra aucune
peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont
conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir
de bonne foi pour vraies. L'accusé apporte la preuve de sa bonne foi s'il
démontre qu'il a accompli les actes que l'on pouvait exiger de lui pour
contrôler la véracité de ce qu'il alléguait. Une prudence particulière
doit être exigée de celui qui donne une large diffusion à ses allégations
(ATF 124 IV 149 consid. 3b p. 151; 116 IV 205 consid. 3b p. 208).

    b) Le recourant 1 se réfère à la brochure "La Vie", qui relate les
méthodes d'avortement figurant sur l'affiche; il fait valoir qu'il s'agit
d'une revue sérieuse des opposants à l'avortement et qu'il pouvait, de
bonne foi, tenir pour vrais les renseignements tirés de cette revue. Il se
réfère également à la lettre encyclique du Pape Jean-Paul II "Evangelium
Vitae" où l'expression "culture de la mort" est utilisée à plusieurs
reprises et opposée à celle de "culture de vie"; il soutient que l'on ne
saurait retenir, alors qu'il se fondait sur un document aussi important
qu'une lettre encyclique papale, qu'il n'avait
pas de raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vraies les expressions
qui lui sont reprochées.

    c) Il résulte de l'arrêt cantonal que l'affiche contenait des
indications contraires à la vérité. Cette constatation de fait lie la Cour
de céans saisie d'un pourvoi en nullité et ne peut être contestée dans le
cadre de cette voie de droit (art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1 2ème
phrase PPF). Le Tribunal cantonal retient également que le recourant 1
a choisi la photo et les textes parmi les plus violents de la brochure
"La Vie". La photographie sélectionnée n'est en outre pas accompagnée
d'une légende précisant l'âge du foetus.

    Sur la base de ces constatations, aucune violation du droit fédéral
ne peut être reprochée à l'autorité cantonale lorsqu'elle retient que le
recourant 1 n'avait pas, de bonne foi, de raisons sérieuses de tenir les
propos litigieux pour vrais.

    Le recourant 1 erre en outre lorsqu'il estime avoir apporté la preuve
de sa bonne foi en citant l'encyclique papale qui utilise l'expression
de "culture de la mort". Il fait en effet abstraction du contexte dans
lequel l'expression litigieuse est utilisée. Le terme "culture de la mort"
a en effet un impact qui diffère selon qu'il est opposé à l'expression
"culture de vie" dans un écrit à caractère religieux ou qu'il est associé à
un foetus bien développé sanguinolent, pour lequel se pose la question de
savoir s'il doit être découpé, empoisonné ou abandonné dans une poubelle,
et que l'on y ajoute une référence à l'ordure.

    La décision attaquée ne viole donc pas le droit fédéral en tant qu'elle
considère que le recourant 1 n'a pas apporté la preuve de la vérité ni
celle de sa bonne foi. Le grief, pour autant qu'il soit recevable, est
par conséquent infondé.

Erwägung 3

    3.- Le recourant 1 soutient encore qu'il doit être mis au bénéfice
de la circonstance atténuante d'avoir cédé à un mobile honorable au sens
de l'art. 64 CP.

    a) Déterminer les mobiles de l'auteur est une question de fait (ATF
107 IV 29 consid. 2a p. 30). Les constatations de l'autorité cantonale à
cet égard lient donc la Cour de céans (art. 277bis al. 1 PPF). Savoir si
les mobiles retenus sont honorables est en revanche une question de droit
fédéral (art. 64 CP), qui peut être soulevée dans le cadre du pourvoi en
nullité (ATF 107 IV 29 consid. 2a p. 30).

    Le caractère honorable des mobiles s'apprécie d'après l'échelle des
valeurs éthiques reconnues par la collectivité dans son ensemble (ATF 101
IV 387 consid. 2b p. 390 et les références citées). Pour être qualifié
d'honorable, il ne suffit pas que le mobile ne soit pas critiquable sur
le plan moral, il faut encore qu'il se situe dans la partie
supérieure des valeurs éthiques. Le mobile politique n'est pas en soi
un mobile honorable; il peut l'être, mais il peut aussi être éthiquement
neutre ou condamnable (ATF 107 IV 29 consid. 2a p. 30). De toute façon,
le mobile honorable n'est qu'un des éléments subjectifs de l'infraction;
dans l'appréciation de la peine, il peut être rejeté complètement dans
l'ombre par les autres circonstances de l'infraction comme, notamment,
la manière dont celle-ci a été commise, le but visé, la perversité
particulière. Le juge peut alors se borner à tenir compte du mobile
honorable dans le cadre de l'art. 63 CP, sans appliquer l'art. 64 CP
(arrêt Str. 311/1982 du 24 novembre 1982, reproduit in SJ 1983 p. 278).

    b) Le recourant 1 soutient que son mobile était parfaitement honorable,
puisqu'il s'agissait de défendre la vie prénatale. Aussi, son action
n'était nullement disproportionnée au regard du meurtre d'innocents qu'il
dénonce et de l'infraction qui lui est reprochée.

    c) L'arrêt cantonal a exclu le bénéfice du mobile honorable au motif
que le recourant 1 a agi de manière anonyme, procédant à une attaque ciblée
sur les trois politiciennes et fondant sa campagne sur le mépris. Cette
appréciation ne viole pas l'art. 64 CP. La manière d'agir relègue en
l'occurrence à l'arrière-plan les mobiles, aussi honorables fussent-ils,
ayant conduit le recourant 1 à entreprendre la campagne reprochée. Le
fait de mener la campagne de manière anonyme révèle en effet une lâcheté
qui rejette dans l'ombre les mobiles invoqués. Les personnes expressément
visées par cette campagne étaient, de manière intentionnelle, privées de
la possibilité de riposter à l'attaque, qui pourtant voulait s'inscrire
dans le cadre du débat public; il est difficile de répondre à une personne
ou à un groupement dont on ne connaît ni l'identité ni l'adresse. Le
recourant aurait au demeurant pu interpeller l'opinion publique par
des tracts choquants ou provocateurs sans y faire figurer ni le nom des
intimées ni une photographie trompeuse laissant croire qu'il s'agissait
d'un foetus de 12 ou 14 semaines. Au vu de ce qui précède, c'est à juste
titre que l'autorité cantonale a refusé le bénéfice de la circonstance
atténuante du mobile honorable.

    B. Pourvoi en nullité des autres recourants (ci-après:
       recourants 2 à 11)

Erwägung 4

    4.- Ce qui a été exposé aux considérants 1 et 2 ci-dessus vaut mutatis
mutandis pour les recourants 2 à 11, en ce qui concerne le caractère
attentatoire à l'honneur des intimées et la réalisation des éléments
constitutifs de la diffamation.

Erwägung 5

    5.- a) De l'avis des recourants 2 à 11, auxquels il est reproché
d'avoir collé les affiches incriminées, ils peuvent se prévaloir de
l'art. 27 CP ainsi que de la doctrine et de la jurisprudence y relatives,
qui admettent que les personnes indispensables à la diffusion d'un texte
imprimé ne sont pas punissables.

    Les intimées objectent qu'un délit de presse est consommé par la
publication de l'écrit incriminé; l'atteinte à l'honneur n'a en l'espèce
pas été réalisée par la seule publication des affiches; les colleurs
d'affiches ont contribué de manière décisive à la réalisation de cette
infraction et doivent ainsi être condamnés pour complicité de diffamation.

    L'arrêt attaqué considère que l'art. 27 CP ne trouve pas application en
l'espèce, dès lors que les recourants 2 à 11 ne travaillent pas au service
d'une entreprise de presse et que l'infraction n'était pas consommée par
la publication, mais par l'activité des colleurs d'affiches qui les ont
diffusées dans le canton.

    b) L'art. 27 CP, dans sa teneur applicable au moment des faits,
prévoyait que "lorsqu'une infraction aura été commise par la voie de la
presse et consommée par la publication elle-même, l'auteur de l'écrit en
sera seul responsable, sous réserve des dispositions ci-après." Comme tant
l'ancien que le nouvel art. 27 CP énoncent le principe d'un régime spécial
de responsabilité pénale en matière de délits de presse (de media) et qu'il
s'agit avant tout de déterminer si l'infraction en cause est soumise à ce
régime, on peut se dispenser à ce stade d'examiner la question du droit
le plus favorable aux recourants ayant collé les affiches.

    c) Pour que l'art. 27 CP soit applicable, il faut que l'infraction en
cause constitue un délit de presse, soit qu'elle ait été commise par la
voie de la presse (par un media, selon le nouveau droit), qu'il y ait
publication, puis que l'infraction soit consommée par la publication
(ATF 125 IV 206 consid. 3b p. 211).

    La notion de presse doit être comprise dans un sens large (cf. DENIS
BARRELET, Droit de la communication, Berne 1998, p. 332). Elle englobe tout
écrit reproduit par un moyen mécanique permettant d'établir facilement un
grand nombre d'exemplaires (ATF 74 IV 129 consid. 2 p. 130). Des écrits
tels que affiches, tracts, feuillets publicitaires et prospectus entrent
dans cette définition (DENIS BARRELET, op. cit., p. 332; ATF 117 IV 364
consid. 2b p. 365).

    Par publication, il faut entendre que l'écrit soit mis à disposition
du public. Il n'est cependant pas nécessaire qu'il ait effectivement
été répandu de manière large. Un écrit est déjà publié lorsqu'il n'est
répandu que dans un cercle limité, à condition qu'il ne soit pas remis
seulement à des personnes déterminées, mais, à l'intérieur du cercle,
à quiconque s'y intéresse (ATF 74 IV 129 consid. 2 p. 131; 82 IV 71
consid. 4 p. 80).

    Les infractions commises par voie de presse ne constituent pas toutes
un délit de presse. Seules les infractions consommées par la publication
tombent sous le coup de l'art. 27 CP. Tel est notamment le cas de
l'atteinte à l'honneur, qui est consommée au moment de la publication
(ATF 125 IV 206 consid. 3b p. 211 et la jurisprudence citée).

    d) En l'espèce, les affiches ont été réalisées sur la base d'une
maquette établie au moyen d'un ordinateur et d'un scanner, puis imprimées
en 2'000 exemplaires par un imprimeur professionnel. Il s'agit donc
bien d'écrits répondant à la notion de presse au sens de l'art. 27
CP. Les affiches ont été posées sur des supports de la SGA ou sur des
abribus, soit aux endroits le mieux exposés au regard du public. Elles
s'adressaient à une grande partie des habitants du canton du Valais ou en
tout cas au plus grand nombre possible d'entre eux. L'infraction a été
consommée au moment où les affiches ont été collées sur les supports;
c'est alors qu'elles ont été rendues publiques. Peu importe que le jour
suivant la plupart de celles-ci aient été enlevées par les patrouilles
de gendarmerie. L'art. 27 CP est donc applicable.

    e) Reste à examiner quel rôle chacun des recourants a joué, afin de
déterminer s'il a agi en tant qu'auteur ou participant au délit de presse.

    L'auteur d'un écrit est notamment celui qui le conçoit et le rédige
lui-même ou le fait rédiger par un tiers ou encore le transmet à la presse
pour publication comme étant l'expression de sa pensée (ATF 73 IV 218
consid. 2 p. 220). Le traducteur, s'il ne modifie pas le sens du texte,
n'est pas auteur (ATF 82 IV 71 consid. 1 p. 76). Si l'écrit est le fruit
d'une collaboration entre plusieurs auteurs, ils seront tous poursuivis
(DENIS BARRELET, op. cit., p. 331). En principe, lorsque le ou les
auteurs d'une infraction commise et consommée sous forme de publication
par voie de presse (ou par un media; art. 27 CP) sont connus, ils sont
seuls punissables (art. 27 al. 1 CP).

    Le législateur a choisi le système de responsabilité particulière
de l'art. 27 CP pour, d'une part, permettre à la presse de publier
des articles anonymes et, d'autre part, protéger le lésé contre les
conséquences de cet anonymat (Message relatif au projet de code pénal
suisse du 23 juillet 1918, FF 1918 IV 12). L'expression d'opinions par
voie de presse ne devait pas être paralysée par l'application des règles du
droit commun sur la participation au délit de presse et il fallait éviter
des poursuites lourdes et compliquées pour déterminer la responsabilité
individuelle de chaque personne étant intervenue
dans la publication en cause (STEFAN TRECHSEL, Kurzkommentar, Zurich 1997,
n. 1 ad art. 27 CP). Les poursuites devaient ainsi être concentrées sur
une personne, qui répondrait seule et exclusivement. Si l'auteur n'était
pas découvert, un coupable de remplacement était désigné par la loi; il
était punissable indépendamment de sa faute (DENIS BARRELET, op. cit.,
p. 330; FRANZ RIKLIN, Schweizerisches Presserecht, Berne 1996, p. 150).

    Selon l'art. 27 aCP, les personnes répondant ainsi en cascade
étaient le rédacteur, l'imprimeur, la personne responsable des
annonces ou l'éditeur. La révision a maintenu le principe de la
responsabilité exclusive de l'auteur, mais abandonné le système de la
victime "expiatoire"; en principe, le responsable subsidiaire n'est
désormais punissable que s'il ne s'est pas, intentionnellement ou par
négligence, opposé à la publication (cf. art. 322bis CP). Désormais,
seuls le rédacteur ou le responsable de la publication peuvent être
recherchés à titre subsidiaire. La personne responsable de la publication
est celle qui, au sein de l'entreprise de media, exerce effectivement
une responsabilité la mettant en mesure d'exercer une surveillance et
d'intervenir si nécessaire (Message concernant la modification du code
pénal suisse du 17 juin 1996, FF 1996 IV 560). Tant sous l'empire de
l'ancien que du nouveau droit, celui qui se limite à distribuer dans
le public un écrit constitutif d'une infraction comme le libraire, le
kiosquier, le vendeur de journaux, le distributeur de tracts, le colleur
d'affiches, le facteur, etc., ne saurait répondre à titre subsidiaire de
l'infraction commise. Cela n'implique cependant pas que cette personne
devrait répondre selon les règles de droit commun, comme le soutiennent
certains auteurs (FRANZ RIKLIN, Kaskadenhaftung - Quo vadis?, in Medialex
2000 p. 207 et les références citées). L'art. 27 CP limite en effet la
responsabilité pour infractions commises par voie de presse (de media)
au seul auteur de la publication litigieuse et, à titre subsidiaire,
à un cercle limité de personnes. La Cour de cassation a précisé que ce
privilège s'appliquait aux personnes contribuant dans l'exercice de
leurs fonctions à la production ou à la diffusion de l'écrit (ATF 73
IV 65 p. 67). Il n'est pas nécessaire qu'elles fassent partie d'une
entreprise de media (ATF 74 IV 129 consid. 2 p. 131). Pour CARL LUDWIG
(Schweizerisches Presserecht, Bâle 1964, p. 100, 108 s.), le privilège
de l'art. 27 CP s'applique également à ceux qui rendent concrètement
accessible au public un écrit ("Verbreiter"). HANS SCHULTZ (Strafrecht,
Allgemeiner Teil, vol. I, Berne 1982, p. 310) voit dans le fait de
distribuer un écrit constitutif d'une infraction une contribution à
l'activité de la presse ("pressemässiges Mitwirken") qui, en tant que
telle, n'est pas punissable. Ces opinions doivent être suivies; elles sont
d'ailleurs conformes à la volonté du législateur de ne pas étendre les
poursuites à tous ceux qui ont contribué au délit de presse (de media),
mais au contraire de les restreindre à certaines personnes désignées à
l'art. 27 CP. Demeure réservée la possibilité que celui qui agit en dehors
du cadre de sa fonction dans la chaîne de production et de diffusion soit
condamné comme coauteur, instigateur ou complice d'un délit de presse
(ATF 86 IV 145 consid. 1 p. 147; 73 IV 218 consid. 2 p. 221; 73 IV 65 p.
68). Le nouveau droit ne diffère pas sur ce point de l'ancien (FF 1996
IV 560).

    f) aa) Il est incontesté que le recourant 1 est l'auteur de
l'affiche qu'il a composée et dont il a sélectionné les textes et les
photographies. A ce titre, il répond de l'infraction commise par voie de
presse, que l'art. 27 CP soit applicable dans son ancienne ou dans sa
nouvelle teneur (cf. FF 1996 IV 559).

    bb) Le recourant 3 a réalisé la maquette de l'affiche en suivant
les instructions du recourant 1 qui lui avait remis les documents et
les textes. Il n'est pas établi que le recourant 3 aurait participé à
la conception de la maquette ni que son activité aurait dépassé ce qui
était nécessaire pour réaliser techniquement l'affiche ou qu'il serait
intervenu dans le contenu de celle-ci. Son activité était indispensable
à la production technique de l'affiche; elle s'est limitée à celle d'une
personne intervenant dans la production d'un écrit publié par voie de
presse. Le recourant 3 n'est par conséquent pas punissable (art. 27 al. 1
CP). Son pourvoi est donc admis sur ce point.

    cc) Le recourant 2 a fourni au concepteur de l'affiche et à la
demande de celui-ci la brochure "La Vie" et des coupures de presse
où figuraient les photographies des trois politiciennes. Se pose
donc la question de savoir si le recourant 2 s'est rendu coupable de
complicité de diffamation. Selon l'art. 25 CP, le complice est "celui
qui aura intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou
un délit". La complicité, qui est une forme de participation accessoire
à l'infraction, suppose que le complice apporte à l'auteur principal une
contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que
les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet
acte de favorisation; il n'est toutefois pas nécessaire que l'assistance du
complice soit une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction
(ATF 119 IV 289 consid. 2c p. 292). Subjectivement, il faut que le complice
sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux
déterminé et qu'il le
veuille ou l'accepte; à cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux
traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc
avoir pris la décision de l'acte (ATF 117 IV 186 consid. 3 p. 188). Le
dol éventuel suffit pour la complicité (ATF 118 IV 309 consid. 1a p. 312).

    L'arrêt cantonal ne contient pas de constatations de fait quant
à ce que le recourant 2 acceptait ou savait de l'infraction que le
recourant 1 entendait commettre à l'aide du matériel qu'il lui avait
remis. L'arrêt attaqué ne permet donc pas de déterminer quelle était la
volonté du recourant 2. Les constatations de fait cantonales sont ainsi
insuffisantes pour que la Cour de céans puisse trancher la question de
savoir si le recourant 2 s'est rendu complice de la diffamation. Sur ce
point, le pourvoi doit par conséquent être admis et l'arrêt attaqué annulé,
la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à
nouveau après avoir complété l'état de fait de sa décision.

    dd) Les poseurs d'affiches, tous membres ou sympathisants de
"Citadelle", sont intervenus au stade de la diffusion des affiches
diffamatoires. Ils n'ont eu aucune emprise sur le contenu de celles-ci,
qui leur ont été remises imprimées en 2'000 exemplaires. Sans leur
intervention toutefois, les affiches n'auraient pas été portées à la
connaissance de l'opinion publique. Leur rôle a été essentiel dans la
publication des affiches: ils étaient partie intégrante de l'organisation
mise en place par le recourant 1 et indispensables à la diffusion des
affiches. Ainsi, quand bien même leur intervention est plutôt atypique
de la diffusion habituelle d'un écrit, elle s'insère dans la chaîne de
diffusion de celui-ci. Sans leur contribution, l'infraction n'aurait
pas été consommée. Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal cantonal,
le régime spécial de l'art. 27 CP leur est donc applicable. Les colleurs
d'affiches se sont limités à la tâche qui leur était assignée (la pose
d'affiches) et n'ont pas excédé le cadre de celle-ci. Ils ne sont par
conséquent pas punissables et le pourvoi est, sur ce point, bien fondé.

    II. Pourvoi en nullité sur l'action civile

    A. Responsabilité civile de D. G.

Erwägung 6

    6.- a) Lorsque le pourvoi sur l'action pénale est rejeté, le pourvoi
sur l'action civile n'est recevable que si la valeur litigieuse de la
prétention civile atteint le montant exigé par les dispositions applicables
au recours en réforme en matière civile (art. 46 OJ; art. 271 al. 2 PPF;
ATF 127 IV 203 consid. 8 p. 208). La valeur litigieuse est
fixée d'après les prétentions civiles encore contestées devant la
dernière juridiction cantonale. Les divers chefs de conclusions formés
dans une contestation pécuniaire par le demandeur ou les consorts sont
additionnés s'ils ont effectivement été réunis en instance cantonale
et ont fait l'objet d'une décision unique dans le cadre d'une même
procédure (cf. art. 47 al. 1 OJ; ATF 116 II 587 consid. 1 p. 589 et les
références citées). En cas de cumul subjectif d'actions, il faut en outre
que les demandeurs ou les défendeurs aient qualité de consorts au sens de
l'art. 24 al. 2 PCF (RS 273; ATF 103 II 41 consid. 1c p. 45; JEAN-FRANÇOIS
POUDRET/SUZETTE SANDOZ-MONOD, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, Berne 1990, n. 1.4 ad art. 47 OJ; GEORG MESSMER/HERMANN
IMBODEN, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992,
n. 63, p. 87/88). A teneur de l'art. 24 al. 2 let. b PCF, plusieurs
personnes peuvent notamment agir comme demandeurs ou être actionnées
comme défendeurs par la même demande si des prétentions de même nature
et reposant sur une cause matérielle et juridique essentiellement de même
nature forment l'objet du litige.

    A moins que la valeur litigieuse puisse être déterminée aisément et
avec certitude, le recourant doit fournir, sous peine d'irrecevabilité,
les indications nécessaires pour que la Cour de cassation puisse déterminer
si les droits contestés devant la dernière instance cantonale atteignent
la valeur litigieuse requise (ATF 127 IV 141 consid. 1b p. 143). Dans un
pourvoi en nullité sur les conclusions civiles, le recourant doit en outre
prendre des conclusions concrètes; une conclusion tendant simplement à
l'annulation de la décision attaquée est en règle générale insuffisante
et entraîne l'irrecevabilité du pourvoi. Cela vaut également lorsque le
pourvoi est dirigé en même temps contre l'action pénale (ATF 127 IV 141
consid. 1d p. 143). Si le recourant ne prend pas de conclusions chiffrées,
le pourvoi en nullité est irrecevable, à moins que la motivation du
pourvoi, en relation avec l'arrêt attaqué, permette de discerner de
manière certaine quels sont les montants contestés par le recourant
(ATF 127 IV 141 consid. 1c p. 143; 125 III 412 consid. 1b p. 414).

    b) Les intimées ont fait valoir en dernière instance cantonale,
chacune, une indemnité pour tort moral de 5'000 francs. La cour cantonale
a instruit les conclusions civiles des plaignantes dans le cadre de la
même procédure qui a donné lieu à un seul jugement. Les conclusions des
plaignantes ont le même fondement juridique: elles tendent à obtenir
la réparation du tort moral subi à raison de la campagne d'affiches
diffamatoire. Leurs prétentions ont donc la
même cause matérielle. Le recourant 1 est ainsi recevable à diriger son
recours contre les intimées, quand bien même leurs conclusions prises
isolément n'atteindraient pas la valeur litigieuse de 8'000 francs. Cela
étant, il ne ressort pas du pourvoi en nullité quelles sont les conclusions
du recourant 1 sur le plan civil, de sorte que la recevabilité de ce grief
est douteuse. L'on pourrait déduire de ses explications qu'il reconnaît les
prétentions des trois politiciennes à concurrence d'un franc symbolique
et conclut au rejet des 3'999 francs restant, voire qu'il s'en rapporte
à justice pour la fixation d'un montant moins élevé que celui qui a été
attribué à chaque intimée. Quoi qu'il en soit, le pourvoi en nullité du
recourant 1 est, comme cela sera démontré ci-après, infondé.

Erwägung 7

    7.- a) Conformément à l'art. 49 CO (par renvoi de l'art. 28a al. 3
CC), celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une
somme d'argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de
l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction
autrement. La gravité objective de l'atteinte doit être ressentie par le
demandeur comme une souffrance morale. Pour apprécier cette souffrance,
le juge se fondera sur la réaction de l'homme moyen dans un cas pareil,
présentant les mêmes circonstances (ATF 120 II 97 consid. 2b p. 99).

    La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question
d'application du droit fédéral que le Tribunal fédéral examine donc
librement. Dans la mesure où cette question relève pour une partie
importante de l'appréciation des circonstances, le Tribunal fédéral
intervient avec retenue, notamment si l'autorité cantonale a mésusé de son
pouvoir d'appréciation en se fondant sur des considérations étrangères à la
disposition applicable, en omettant de tenir compte d'éléments pertinents
ou encore en fixant une indemnité inéquitable parce que manifestement
trop faible ou trop élevée; comme il s'agit cependant d'une question
d'équité, le Tribunal fédéral examine librement si la somme allouée
tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est
disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées
à la victime (ATF 125 III 269 consid. 2a p. 274 et les arrêts cités).

    b) Selon les constatations de fait cantonales, les intimées ont toutes
souffert de manière importante de la campagne d'affiches. A. B.
a ressenti cette campagne comme une agression d'une extrême
violence, qui a également mis sa famille à l'épreuve. B. H. s'est
montrée très affectée par cette opération, faisant état de sentiments de
peur et de tristesse. L'attaque a multiplié
le nombre d'appels anonymes la traitant d'assassin. Elle a également
souffert des perturbations causées à sa famille et aux élèves du collège où
elle enseigne. C. D. a évoqué sa souffrance, particulièrement
en raison des conséquences de cette campagne diffamatoire pour sa famille
et dans l'exercice de sa profession d'infirmière.

    Le Tribunal cantonal a retenu que l'atteinte était objectivement
grave puisqu'elle était excessivement outrageante pour les trois femmes,
que l'opération, menée de nuit et sous le couvert de l'anonymat, avait
été massive, bien organisée et dirigée contre des personnes exerçant
des professions (secrétaire, enseignante, infirmière) quotidiennement
en contact avec ceux qui avaient pu prendre connaissance de l'affiche.
L'arrêt cantonal tient également compte du fait que le large soutien
que les intimées ont reçu, notamment par les médias qui leur furent
généralement favorables, a quelque peu adouci la souffrance subie qui
reste néanmoins sévère.

    Au vu de ces considérations, le montant de 4'000 francs alloué à
chaque intimée au titre d'indemnité pour tort moral ne viole pas le droit
fédéral. L'autorité cantonale s'est en effet fondée sur des considérations
prévues par l'art. 49 CO, a tenu compte de tous les éléments pertinents
et le montant ne prête pas à la critique au regard de ceux qui ont été
alloués dans des cas similaires (cf. HÜTTE/DUKSCH, Die Genugtuung, Zurich
1999, XII/6).

    Pour autant qu'il soit recevable, le grief du recourant 1 est donc
infondé.

    B. Responsabilité civile des autres recourants

Erwägung 8

    8.- Le considérant 6 ci-dessus concernant la recevabilité de l'action
civile du recourant 1 vaut également pour celle des recourants 2 à 11. Par
ailleurs et quand bien même ils ont plaidé le bénéfice de l'art. 27 CP, qui
leur a été reconnu, les recourants 2 à 11 n'en tirent aucune conclusion sur
le plan de leur responsabilité civile. En vertu de l'art. 273 al. 1 let. b
PPF, ils y étaient cependant tenus. Cette disposition prévoit en effet que
le recourant doit exposer quelle règle de droit fédéral a été violée et en
quoi consiste cette violation. La conclusion civile tendant uniquement à
l'annulation de l'arrêt entrepris n'est recevable que lorsque le Tribunal
fédéral admet le pourvoi en nullité, ne peut toutefois prononcer un
jugement final, mais doit renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour
qu'elle complète l'état de fait (ATF 125 III 412 consid. 1b p. 414).

    Cela étant, le régime spécial institué par l'art. 27 CP concernant la
responsabilité pénale en matière de délits de presse est sans incidence
sur les prétentions civiles de la victime (ATF 124 IV 188 consid. 1b/bb
p. 191). Le fait de ne pas être punissables n'exonère ainsi nullement les
recourants 2 à 11 de leur responsabilité civile. La campagne d'affiche
était illicite, puisque diffamatoire. Le dommage subi par les victimes
(tort moral) a été exposé au consid. 6a ci-dessus. Le rapport de
causalité tant naturelle qu'adéquate entre l'acte illicite et l'atteinte à
la personnalité des victimes ne fait aucun doute. La faute doit également
être retenue à charge des recourants 2 à 11. Le recourant 3, responsable du
Bulletin de Citadelle et à ce titre formé au contrôle des informations,
n'a procédé à aucune vérification quant au contenu de l'affiche,
bien qu'il eût quelques réserves à cet égard. Les colleurs d'affiches
n'ont pas non plus démontré quels faits auraient fondé leur conviction
que le contenu de l'affiche était conforme à la vérité et, partant, non
attentatoire à l'honneur des intimées. Quand bien même ils ont tous reconnu
la grossièreté de l'affiche et ont jugé son contenu un peu "dur", "fort",
voire diffamatoire, ils ne se sont pas interrogés sur l'admissibilité de
cette campagne anonyme et ont ainsi pris le risque qu'elle porte atteinte
à l'honneur des intimées. Par conséquent, ils ont agi, à tout le moins, par
dol éventuel. Les conditions de l'art. 49 CO (en relation avec les art. 28
ss CC) sont donc réalisées et la responsabilité civile des recourants 2 à
11 engagée. Comme cela a été démontré au consid. 7 ci-dessus, le montant
de l'indemnité pour tort moral ne prête pas le flanc à la critique.