Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 IV 260



128 IV 260

40. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause
X. contre Procureur général du canton du Jura et Y. (pourvoi en nullité)

    6S.147/2002 du 21 août 2002

Regeste

    Art. 197 Ziff. 2 Abs. 1 StGB; unaufgefordertes Anbieten
pornographischer Gegenstände oder Vorführungen.

    Begriff der pornographischen Vorführungen (E. 2.1).

    Unaufgefordertes Anbieten pornographischer Vorführungen liegt vor,
wenn die Person damit unvermutet und ohne ihren Willen direkt konfrontiert
wird (E. 2.1).

Sachverhalt

    A.- Le 20 février 2001, Y., cheffe du Bureau jurassien de l'égalité
entre femmes et hommes (ci-après: BCF), a reçu un courrier électronique
de Z., lui disant qu'elle s'était bien fait piéger et qu'il engagerait
volontiers le genre de peintre qu'elle décrivait dans son message pour
refaire la façade. Ne comprenant pas le sens de ce courrier, Y. a demandé
des précisions à son expéditeur qui lui a alors transmis le message auquel
il faisait allusion et dont le contenu est le suivant:

      "Bonjour à tous,

       Nous nous appretons à lancer notre nouvelle campagne: Tous les

       métiers

    sont possibles, destinée aux jeunes filles en fin de scolarité. Afin de

    coller à la réalité du public cible, nous avons décidé d'utiliser le

    logiciel powerpoint afin de faire des animations qui seront disponibles

    sur le cd rom accompagnant la brochure. Ces présentations ont pour
but de

    montrer que toute profession accessible à chacune en s'appuyant sur des

    exemples concrets. Nous pensons en effet que dans chaque profession, la

    femme peut remplir parfaitement sa tâche tout en apportant même
souvent un

    plus.

       De par votre profession ou votre réalité sociale, vous êtes

       en contact

    avec des jeunes filles de cet âge et vous pouvez peut être nous aider à

    mieux coller à la réalité.

       Nous vous remettons donc la première présentation de la série en

    souhaitant de tout coeur que vous nous transmettiez vos impressions.

       Nous vous remercions pour votre aide.  Y.  Cheffe du BCF".

    A ce message était joint un fichier électronique constitué de treize
diapositives représentant une jeune femme habillée en peintre en bâtiments
qui se dénude peu à peu.

    Découvrant qu'on avait utilisé, à son insu, son adresse e-mail
pour transmettre ce courrier, Y. a déposé plainte pénale contre
inconnu. L'enquête préliminaire a établi que l'auteur du message était
X. Lors des interrogatoires, ce dernier a expliqué avoir reçu ce message du
Bureau de la condition féminine. Trouvant cet envoi relativement drôle, il
a décidé d'en faire profiter cinq de ses connaissances. Pour ce faire, il
a remplacé l'adresse de l'expéditeur par celle de la plaignante, persuadé
que ses amis se rendraient aisément compte qu'il s'agissait d'un canular
et qu'ils seraient à même de l'identifier sans trop de problème. Il a
encore précisé n'avoir eu aucune intention de nuire car, si tel avait
été le cas, il lui aurait été facile de préserver son anonymat.

    B.- Par jugement du 30 octobre 2001, le Juge pénal du Tribunal de
première instance du canton du Jura a condamné X., pour pornographie
(art. 197 ch. 2 al. 1 CP) et injure (art. 177 al. 1 CP), à une peine de
15 jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et au versement
à la plaignante d'un franc symbolique à titre de réparation du tort moral.

    C.- Statuant sur appel du condamné, la Cour pénale du Tribunal
cantonal jurassien a confirmé, par arrêt du 28 février 2002, le jugement
de première instance.

    D.- X. forme un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant
une violation des art. 177 al. 1 et 197 ch. 2 al. 1 CP, il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Invoquant une violation de l'art. 197 ch. 2 al. 1 CP, le recourant
conteste que son message puisse être qualifié de pornographique et qu'il
ait été offert à des personnes qui n'en voulaient pas.

    2.1  L'art. 197 ch. 2 al. 1 CP sanctionne notamment le comportement de
celui qui aura offert des objets ou des représentations pornographiques à
une personne qui n'en voulait pas. Selon les textes allemand et italien,
il suffit toutefois que la personne concernée ne les ait pas demandés:
"jemandem unaufgefordert anbietet" et "offre ad una persona che non gliene
ha fatto richiesta".

    L'art. 197 CP parle de pornographie et n'emploie plus la notion
d'obscénité à laquelle se réfère l'art. 204 aCP. Selon la jurisprudence
du Tribunal fédéral relative à cette dernière disposition, un objet ou un
film est obscène lorsqu'il offense gravement la pudeur dans le domaine
sexuel. Il importe à cet effet de prendre en considération les moeurs,
les habitudes et le sens moral du citoyen suisse moyen, dont on veut
croire qu'il n'est ni pudibond ni corrompu (ATF 117 IV 276 consid. 3b
et c p. 278 s.). Dès 1991, le Tribunal fédéral a interprété la notion
d'obscénité à la lumière du nouvel art. 197 CP, ce dernier reflétant
l'évolution des moeurs. Il a ainsi considéré que les objets relevant de la
pornographie dure doivent toujours être qualifiés d'obscènes au sens de
l'art. 204 aCP, tandis que les objets relevant de la pornographie douce
ne doivent être considérés comme obscènes que s'ils sont accessibles à
des personnes âgées de moins de 18 ans ou à des spectateurs n'ayant pas
été préalablement rendus attentifs au caractère de l'objet (ATF 119 IV
145 consid. 2a p. 150; 117 IV 276 consid. 3 et 4 p. 277 s.). Il ressort
de cette jurisprudence que les notions de pornographie et d'obscénité
ne sont pas identiques. En effet, des représentations pornographiques
douces, lesquelles ne portent pas nécessairement atteinte au sentiment de
décence en matière sexuelle du citoyen moyen, ne peuvent être qualifiées
d'obscènes lorsque le spectateur est informé de ce qu'il va voir et que
la représentation est interdite aux moins de 18 ans (cf. ATF 119 IV 145
consid. 2a p. 150; 117 IV 276 consid. 3e p. 281 s.).

    La notion de pornographie que l'art. 197 CP substitue à celle
d'obscénité de l'ancien droit a l'avantage d'exprimer clairement l'idée
de publications ou de représentations à teneur sexuelle (FF 1985 II
1105). Cette notion reste toutefois une notion juridique indéterminée
qui appelle une interprétation (CORBOZ, Les infractions en droit suisse,
vol. I, Berne 2002, p. 811, n. 12). En règle générale, il s'agira
de représentations qui sortent un comportement sexuel du contexte des
relations humaines qu'il implique normalement, le rendant ainsi vulgaire
et importun. L'exemple typique de représentation pornographique est celle
évoquant des pratiques sexuelles s'intensifiant progressivement pour se
réduire à l'expression de la sexualité elle-même (FF 1985 II 1105). La
jurisprudence considère notamment comme de la pornographie douce les
cassettes enregistrées, décrivant et évoquant constamment, de manière
insistante et en des termes crus, des pratiques sexuelles, l'excitation et
l'orgasme (ATF 119 IV 145 consid. 2a p. 149). Entre dans la pornographie
douce ce qui réduit l'être humain à un objet d'assouvissement sexuel,
dont on peut disposer de n'importe quelle façon, et qui en donne ainsi une
image dégradante (ATF 117 IV 452 consid. 4c p. 456). La représentation
pornographique doit avoir pour but de provoquer une excitation sexuelle
de la personne qui y est confrontée et insister exagérément sur les
parties génitales dans le sens de la sexualité sans connotation humaine
et émotionnelle (REHBERG/SCHMIDT, Strafrecht III, Zurich 1997, p. 415;
CORBOZ, op. cit., p. 812, n. 16).

    L'art. 197 ch. 2 al. 1 CP n'exige pas que la victime soit scandalisée,
choquée ou apeurée par la représentation pornographique. L'interdiction
visée par cette disposition constitue un délit de mise en danger (cf. FF
1985 II 1106). Le bien juridique protégé est l'intérêt de tout individu
à ne pas être confronté, contre son gré, à la pornographie. On ne saurait
contraindre une personne à prendre connaissance de ces choses lorsqu'elle
ne le souhaite pas (STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer
Teil I: Straftaten gegen Individualinteressen, Berne 1995, p. 181 s.,
n. 13; JENNY, in Martin Schubarth/Guido Jenny/Peter Albrecht, Kommentar
zum Schweizerischen Strafrecht, Besonderer Teil, vol. 4: Delikte gegen die
sexuelle Integrität und gegen die Familie, Berne 1997, p. 121, n. 19 s.).

    Concernant la remise de représentations pornographiques à une personne
qui ne l'a pas sollicitée, le législateur a songé à l'envoi par la poste,
sans commande préalable, d'images ou de matériel pornographiques (FF 1985
II 1107). Le fait d'offrir à quelqu'un une représentation pornographique
désigne le fait de lui proposer d'en prendre connaissance, sans toutefois
la rendre perceptible immédiatement. Peu importe sous quelle forme la
représentation est offerte (JEAN-CHRISTOPHE CALMES, La pornographie et les
représentations de la violence en droit pénal, Etudes des articles 197
et 135 du Code pénal suisse, Bâle 1997, p. 209 s.; LAURENT MOREILLON,
Répression de la cyberpornographie en droit suisse, français, allemand
et anglais, in Droit de l'informatique et des télécoms, 1997, p. 17 ss
n. 3). Il ne suffit cependant pas d'offrir la possibilité d'accéder à
de la pornographie, il faut encore que la personne y soit directement
confrontée, indépendamment de sa volonté (STRATENWERTH, op. cit.,
p. 181, n. 13; CORBOZ, op. cit., p. 818, n. 48; JENNY, op. cit., p. 121,
n. 20; URSULA CASSANI, Les représentations illicites du sexe et de la
violence, in RPS 117/1999 p. 436 s.). Des représentations relevant de
la pornographie douce proposées à des personnes ayant plus de 16 ans ne
tombent donc pas sous le coup de la loi si elles sont annoncées en tant
que telles et que le spectateur est par conséquent averti et préparé à
ce genre de spectacle (cf. art. 197 ch. 2 al. 2 CP). Elles doivent en
revanche, dans tous les cas, être interdites si l'on peut admettre qu'un
cercle indéterminé - même restreint - de personnes ne s'attend pas au
spectacle qui lui est offert (FF 1985 II 1107; ATF 117 IV 463 consid. 3
p. 465 s., 457 consid. 2b p. 461, 276 consid. 3d et e p. 281 s.). Ainsi,
n'agit pas de manière illicite celui qui peut se prévaloir de l'accord des
destinataires. La notion de consentement implique qu'avant d'accepter,
il soit possible de s'opposer, ce qui est exclu en cas de confrontation
inopinée ou de contrainte physique. La punissabilité n'est donc exclue que
si le contenu de la représentation n'est pas perceptible spontanément et
que le destinataire reçoit un avis au sujet du caractère pornographique
de la représentation (JENNY, op. cit., art. 197 CP, p. 121 n. 19 s.;
CALMES, op. cit., p. 238 ss).

    2.2  Invoquant la jurisprudence relative à l'art.  204 aCP, le
recourant conteste le caractère pornographique de son envoi, l'atteinte
portée à la décence ne pouvant être qualifiée de grave au sens de la
jurisprudence précitée.

    Le recourant oublie que la notion de pornographie n'équivaut pas à
celle d'obscénité et doit par conséquent recevoir une interprétation
distincte de celle retenue par la jurisprudence en application de
l'art. 204 aCP. En effet, si toute représentation de pornographie dure doit
être qualifiée d'obscène, il en va différemment de la pornographie douce,
laquelle ne porte pas nécessairement atteinte au sentiment de décence en
matière sexuelle. Dès lors, peu importe que le contenu du diaporama soit
"franc de toute déviance" ou ne contienne pas d'actes heurtant gravement
la pudeur du citoyen moyen. Selon l'arrêt attaqué, les photographies
accompagnant le message expédié par le recourant représentent une jeune
femme habillée en peintre en bâtiments qui se dénude peu à peu pour
aboutir à une exhibition de sa poitrine et de son sexe, n'ayant d'autre
but que de provoquer une excitation sexuelle, compte tenu des poses
et des gestes insistant exagérément sur le domaine génital. Une telle
représentation, par les gestes et poses insistant de manière crue sur
les parties génitales, son caractère vulgaire et primitif et son aspect
sexuel inopportun, constitue de la pornographie douce, laquelle reste
punissable aux conditions visées par l'art. 197 ch. 2 al. 1 CP. Partant,
la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en interprétant la notion
de pornographie de manière différente de l'obscénité et en qualifiant de
pornographique le document expédié par le recourant.

    2.3  Le recourant conteste que les destinataires aient été
effectivement atteints dans leur pudeur et affirme que ces personnes
avaient la possibilité de s'opposer à la représentation.

    L'art. 197 ch. 2 al. 1 CP réprimant une infraction de mise en danger,
il importe peu que les destinataires du message aient été ou non heurtés
par le contenu de ce dernier.

    Le recourant soutient vainement qu'en raison du temps séparant
les deux premières diapositives de celles plus explicites qui suivent
et de la possibilité d'interrompre instantanément le cours de la
présentation, les destinataires n'ont pas été confrontés de manière
inopinée à de la pornographie. Il est inutile de faire une distinction
entre les deux premières diapositives et les suivantes. En effet, comme
le recourant l'admet lui-même, le diaporama contient treize diapositives
qui défilent automatiquement et sans interruption. Ainsi, dès l'instant
où les destinataires ouvrent l'application, les images s'imposent à eux
indépendamment de leur volonté et d'une quelconque intervention de leur
part. Au surplus, il est manifeste qu'avant de détourner le regard ou
d'interrompre le programme, la personne doit déjà avoir pris connaissance
du genre et du contenu de la représentation de sorte que l'infraction est
déjà réalisée à ce moment-là. Partant, la cour cantonale n'a pas violé
le droit fédéral en retenant que les destinataires ont été confrontés de
manière inopinée aux images pornographiques.

    2.4  En conclusion, la condamnation du recourant en vertu de l'art. 197
ch. 2 al. 1 CP ne viole pas le droit fédéral. Dans cette mesure, son
recours doit être rejeté.