Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 IV 250



128 IV 250

38. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause
X. contre Y. (pourvoi en nullité)

    6S.339/2002 du 9 octobre 2002

Regeste

    Art. 144 StGB; Sachbeschädigung.

    Wer eine Leitung, die auf dem Nachbargrundstück verläuft, verstopft
und so den Abfluss der Abwässer verhindert, begeht eine Sachbeschädigung
im Sinne von Art. 144 StGB (E. 2).

    Abfälle und Exkremente, die in das Gebäude zurückströmen, sind
insoweit als Beschädigungen im Sinne von Art. 144 StGB einzustufen,
als die Wiederherstellung des ursprünglichen Zustandes in zeitlicher,
arbeitsmässiger und finanzieller Hinsicht einen nicht unerheblichen
Aufwand verursacht (E. 4).

    Art. 32 StGB; Rechtfertigungsgrund.

    Der Eigentümer, der die Kanalisationsleitung, die widerrechtlich
auf seiner Parzelle verläuft, verstopft, kann sich insoweit nicht auf
Art. 32 StGB in Verbindung mit Art. 926 ZGB berufen, um sein Verhalten zu
rechtfertigen, als der Schaden, den er seinem Nachbarn zufügt, in keinem
Verhältnis zur Beeinträchtigung steht, die er selber erleidet (E. 3).

Sachverhalt

    A.- X. est propriétaire d'une parcelle sur laquelle est érigé
un chalet. En septembre 1994, la Société Z. a reçu l'autorisation de
construire un chalet sur la parcelle voisine, acquise par Y. en septembre
1995. Lors de la construction du chalet, la société Z. n'a pas respecté les
plans approuvés. Il en est résulté une longue procédure administrative,
et les rapports entre Y. et X. en furent notablement détériorés. X. a
notamment déposé une plainte pénale, pour violation de domicile et
dommages à la propriété, contre Y. et le directeur de la société Z.,
au motif qu'ils avaient posé sur sa propriété des conduites d'eaux et
d'égouts sans son autorisation.

    Le 5 décembre 1998, X. s'est introduit dans le collecteur d'égouts
sis sur sa parcelle. Il a placé une cartouche de mousse expansive dans le
conduit d'eaux usées provenant du chalet de Y., laquelle a totalement
obstrué la canalisation, empêchant toute évacuation des eaux usées
en provenance du chalet de Y. Le 19 décembre 1998, la famille de Y. a
constaté que les eaux refluaient et entraînaient l'apparition d'immondices
et d'excréments dans la baignoire, les toilettes, les douches et les
éviers du chalet. Y. a dû procéder à des travaux urgents de remise en
état de la conduite endommagée - installée et mise en terre lors de la
construction de son chalet. Il a reçu, pour paiement, les factures des
sociétés qui sont intervenues sur place, d'un montant total de 2'763
fr. 70. Par écriture du 17 février 1999, il a déposé une plainte pénale
contre X. pour dommages à la propriété.

    B.- Par jugement du 29 mars 2001, le juge de première instance a
condamné X., pour dommages à la propriété (art. 144 CP), à une peine de
deux mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.

    Par jugement du 27 juin 2002, la Cour pénale du Tribunal cantonal a
admis partiellement l'appel interjeté par X., le condamnant à vingt jours
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans. En effet, elle a considéré
que la peine de deux mois d'emprisonnement était manifestement excessive
compte tenu du litige qui opposait les voisins depuis de nombreuses années.

    C.- X. dépose un pourvoi en nullité contre ce jugement. Invoquant la
violation de l'art. 144 CP, il conclut à son annulation.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le pourvoi en nullité.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Le recourant a été condamné, pour dommages à la propriété au sens
de l'art. 144 CP, pour avoir obstrué la canalisation provenant du chalet
du plaignant, ce qui a obligé ce dernier à procéder à des travaux urgents
de remise en état; les entreprises intervenues sur place lui ont adressé
des factures pour un montant total de 2'763 fr. 70.

    L'art. 144 CP punit, sur plainte, de l'emprisonnement ou de
l'amende celui qui endommage, détruit ou met hors d'usage une chose
appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au
bénéfice d'autrui. L'atteinte peut consister à détruire ou à altérer la
chose. Mais elle peut aussi consister dans une modification de la chose
qui a pour effet d'en supprimer ou d'en réduire l'usage, les propriétés,
les fonctions ou l'agrément. L'auteur se rend coupable de dommages à
la propriété dès qu'il cause un changement de l'état de la chose qui
n'est pas immédiatement réversible sans frais ni effort et qui porte
atteinte à un intérêt légitime (CORBOZ, Les principales infractions,
vol. I, Berne 2002, n. 11 ss ad art. 144 CP, p. 278 ss), par exemple,
en apposant sur le pare-brise d'une voiture une affiche qui ne peut être
ôtée qu'avec l'aide de tiers et qui prive le conducteur de sa visibilité
normale (ATF 99 IV 145), en dégonflant les pneus d'une voiture au point
que la sécurité du trafic exige de les regonfler (BJP 1975 no 890)
ou encore en vidant un extincteur qui doit être rechargé pour être de
nouveau prêt à fonctionner (BJP 1975 no 890a). En l'espèce, le recourant
n'a pas endommagé la canalisation provenant du chalet du plaignant, mais
l'a obstruée. Il l'a mise ainsi hors d'usage, empêchant toute évacuation
des eaux usées. Il a donc bien causé un dommage au sens de l'art. 144 CP.

    L'art. 144 CP suppose en outre que le plaignant soit le propriétaire
de la chose endommagée ou dispose d'un droit d'usage sur celle-ci. Le
recourant conteste que cette condition soit réalisée, affirmant qu'il
est le propriétaire du tronçon endommagé et que le plaignant n'a aucun
droit d'usage sur cette conduite. Cet argument n'est pas pertinent. Il
est sans importance que le recourant soit ou non le propriétaire de la
partie de la conduite où la cartouche de mousse expansive a explosé. Le
dommage consiste en effet dans la mise hors d'usage de la conduite et non
dans des dégâts causés à cette dernière. En faisant sauter une cartouche
de mousse expansive, le recourant a rendu inutilisable l'ensemble de
la canalisation, à savoir non seulement le tronçon se trouvant sur sa
parcelle, mais également la partie de la canalisation qui se trouve sur
le territoire du plaignant et dont celui-ci est propriétaire en vertu de
l'art. 667 CC. Il a donc bien porté atteinte à la propriété du plaignant.

Erwägung 3

    3.  Le recourant fait valoir qu'il avait le droit d'obstruer la
conduite pour empêcher l'écoulement des eaux usées sur sa parcelle, dès
lors que le plaignant n'avait pas le droit d'établir une conduite sur
sa parcelle, à défaut d'un contrat de servitude et d'une inscription au
registre foncier.

    3.1  Le droit d'établir une conduite et d'en user peut résulter
de la constitution d'une servitude, soit parce que le propriétaire a
accepté volontairement de la constituer, soit parce que la servitude a été
constituée au vu de l'obligation légale prévue aux art. 691 à 693 CC (droit
de voisinage) ou dans une disposition de droit public. Le titulaire de
la servitude devient propriétaire de la conduite se trouvant sur le fonds
grevé. La constitution de la servitude nécessite une convention en la forme
écrite ou un jugement formateur et devra, du moins lorsqu'elle n'est pas
apparente, être inscrite au registre foncier (STEINAUER, Les droits réels,
tome II, 3e éd., Berne 2002, n. 1660 ss, p. 115 ss; n. 1847 ss, p. 198
ss). Le droit d'établir une conduite et de l'utiliser peut toutefois aussi
résulter d'une obligation contractuelle (STEINAUER, op. cit., n. 1662,
p. 115). Le propriétaire du fonds s'engage alors simplement à tolérer
sur son fonds la construction et l'utilisation de la conduite, dont il
devient propriétaire en vertu de l'art. 667 CC (principe de l'accession;
voir MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, vol. IV/1/2, Das Grundeigentum I,
Berne 1974, n. 29 ss ad art. 676 CC; EMIL THOMAS TOBLER, Die dinglichen
Rechte des Zivilgesetzbuches dargestellt am Beispiel der Leitungen,
thèse Berne 1953, p. 98 s.). En l'espèce, l'état de fait ne permet pas de
déterminer si le plaignant avait le droit d'établir une conduite sur la
parcelle du recourant. On ignore s'il existe un contrat de servitude ou
un jugement constitutif en faveur du plaignant ou encore si le recourant
a assumé un engagement de nature contractuelle.

    3.2  Même si le plaignant n'a aucun droit d'établir une conduite sur
le terrain du recourant, cela ne signifie pas pour autant que ce dernier
soit légitimé à obstruer la conduite litigieuse. Selon l'art. 32 CP, les
actes qui constituent une infraction, mais sont justifiés par l'ordre ou
l'autorisation de la loi, qui peut être la loi pénale mais aussi la loi
civile, sont licites. L'art. 926 CC prévoit que le possesseur a le droit de
repousser par la force tout acte d'usurpation ou de trouble (al. 1). Cette
disposition ne confère cependant pas au possesseur le droit général d'user
de violence. Elle ne lui permet d'agir que dans la mesure nécessaire pour
protéger la possession contre des troubles (art. 926 al. 3 CC; ATF 85 IV
4). Si la possibilité d'obtenir l'intervention de l'autorité n'exclut pas
la légitime défense, le recours à l'autorité peut être commandé par les
circonstances, par exemple lorsqu'il n'y a aucun danger (STEINAUER, Les
droits réels, tome I, 3e éd., Berne 1997, n. 335 s., p. 93; STARK, Berner
Kommentar, vol. IV/3/1, Der Besitz, Berne 2001, n. 23 ad art. 926 CC, p.
241). En l'espèce, le recourant aurait dû agir par la voie judiciaire. En
obstruant la conduite, il a causé un dommage important au plaignant alors
que le passage des eaux usées sous son terrain n'engendrait qu'un faible
inconvénient qu'il pouvait supporter le temps d'une procédure. Aussi, que
le plaignant ait eu ou non le droit d'établir une conduite sur le terrain
du recourant, celui-ci n'avait pas le droit d'obstruer la canalisation
et ne saurait se fonder sur l'art. 32 CP combiné avec l'art. 926 CC pour
justifier son comportement.

Erwägung 4

    4.  L'autorité cantonale a en outre constaté que le plaignant avait
subi "des dommages dans son chalet, en raison du refoulement des eaux
usées" [...]; "les égouts ont refoulé à l'intérieur du chalet" et "ont
entraîné l'apparition d'immondices et d'excréments dans la baignoire, les
toilettes, les douches et les éviers du chalet". Pour le recourant, il ne
s'agirait cependant que d'un simple inconvénient passager, n'entraînant
aucune altération durable de la chose ni aucune restriction durable à
son usage.

    Il est admis que le fait de souiller ou de salir une chose peut
constituer un dommage au sens de l'art. 144 CP dans la mesure où la remise
en état exige des efforts non négligeables en temps, en travail et en
argent. En l'espèce, le jugement attaqué ne précise cependant pas l'ampleur
des dégâts et les mesures de nettoyage qui ont été nécessaires. On ne sait
pas si seuls quelques excréments et immondices sont apparus au fond des
éviers, des toilettes, de la baignoire et des lavabos ou si l'eau sale et
les matières fécales ont notamment débordé, entraînant des dégâts plus
importants. Cette question peut cependant rester indécise, dès lors que
le recourant s'est déjà rendu coupable de dommages à la propriété du fait
de la mise hors d'usage de la canalisation.

Erwägung 5

    5.  Enfin, le recourant fait valoir que l'utilisation du chalet était
interdite et que le refoulement des eaux usées ne se serait pas produit si
le chalet et spécialement ses installations sanitaires n'avaient pas été
utilisés. Cet argument n'est pas pertinent. Peu importe que le plaignant
ait eu le droit d'utiliser le chalet. Il n'appartient pas au recourant de
se substituer aux autorités pour faire respecter une éventuelle décision
d'interdiction d'habiter le chalet. Seule se pose la question de savoir
si le recourant pouvait prévoir que la famille du plaignant occuperait le
chalet pendant les fêtes de Noël et si, partant, il a envisagé les dégâts
qu'il a causés et les a acceptés. L'autorité cantonale a constaté que
le recourant avait intentionnellement obstrué la canalisation. Il ne
pouvait dès lors que s'accommoder des conséquences. Il a donc bien agi
intentionnellement.