Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 III 76



128 III 76

14. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause Nationale Suisse
Assurances et République et Canton du Jura contre Y. (recours en réforme)

    4C.296/2001 du 7 janvier 2002

Regeste

    Art. 61 Abs. 1 OR; Zulässigkeit einer Berufung gegen einen Entscheid,
der die Staatshaftung des Kantons bejaht.

    Auf die Berufung ist nicht einzutreten, wenn die geltend gemachten
Ansprüche dem kantonalen Staatshaftungsrecht unterstehen; dies gilt
unabhängig davon, ob der Verletzte ein Angestellter des Gemeinwesens ist
oder nicht (E. 1a).

    Die Berufung ist hingegen zulässig, wenn das in Art. 44 Abs. 2 UVG
vorgesehene Haftungsprivileg zu prüfen ist (E. 1b).

Sachverhalt

    A.- Le mardi 22 mars 1994, Y. (ci-après: le demandeur) a été victime
d'un grave accident dans les circonstances suivantes.

    Il était apprenti-agriculteur à l'Institut agricole de Z., qui est un
service de la République et Canton du Jura, laquelle est assurée contre
le risque de sa responsabilité civile par la Nationale Suisse Assurances.

    Le chef de l'exploitation, A., avait ordonné de nettoyer les
bâtiments en vue d'une journée "portes ouvertes". Il avait loué à cette
fin un pont roulant, d'une hauteur de 4 mètres, qui ne comportait pas
de barrières de protection, ni de freins sur les roues. Il n'a pas donné
d'instructions sur la manière d'exécuter le travail et ne s'est pas occupé
de la surveillance. Il avait délégué cette tâche à son collaborateur B.,
qui n'était pas présent au moment de l'accident.

    Le demandeur se trouvait sur le pont roulant et lavait le plafond d'une
écurie à l'aide d'un appareil de nettoyage bruyant. Huit jeunes taureaux
se trouvaient en liberté dans ce local, alors qu'il aurait été possible
de les faire sortir. Un autre apprenti, C., se chargeait de les maintenir
dans un coin de l'écurie en tenant une fourche. Un taurillon a échappé à sa
surveillance et a heurté le pont roulant, provoquant la chute du demandeur.

    Ce dernier a subi de graves lésions corporelles qui ont entraîné son
invalidité totale et permanente.

    Par jugement du 27 février 1996, A. et B. ont été reconnus coupables
de lésions corporelles graves par négligence.

    B.- Par mémoire du 8 juin 1999, le demandeur a réclamé à la République
et Canton du Jura, avec dénonciation de l'instance à la Nationale Suisse
Assurances, la part non couverte de son préjudice, évaluée à plusieurs
centaines de milliers de francs.

    Estimant que le litige ne relevait pas de la compétence des tribunaux
civils, la cour cantonale a transmis le dossier à la Cour constitutionnelle
du canton du Jura, laquelle, par arrêt du 15 mai 2000, a retenu que la
responsabilité de l'Etat était fondée sur le droit public cantonal et a
transmis en conséquence l'affaire à la Chambre administrative du Tribunal
cantonal jurassien.

    La Chambre administrative, par arrêt du 16 juillet 2001, a admis la
responsabilité des défenderesses et retenu que celles-ci ne pouvaient
pas invoquer le privilège de l'art. 44 al. 2 de la loi fédérale du 20
mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA; RS 832.20).

    C.- La République et Canton du Jura et la Nationale Suisse Assurances
exercent un recours au Tribunal fédéral, intitulé "recours en réforme
éventuellement recours de droit administratif". Elles concluent à ce
que la juridiction fédérale n'admette pas la responsabilité de principe
des défenderesses et à ce qu'elle déboute le demandeur de toutes ses
conclusions.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours en réforme dans la mesure où
il est recevable, déclare irrecevable le recours de droit administratif
et confirme l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants

Erwägung 1

    1.- a) Selon l'art. 61 al. 1 CO, la législation cantonale peut
déroger aux dispositions du Code des obligations en ce qui concerne la
responsabilité encourue par des fonctionnaires et employés publics pour
le dommage ou le tort moral qu'ils causent dans l'exercice de leur charge.
Cette disposition habilite les cantons à soustraire au droit privé fédéral
et à soumettre à des règles de droit public cantonal la responsabilité
de la collectivité publique, de ses magistrats et fonctionnaires (cf. ATF
122 III 101 consid. 2a/bb et les références citées).

    L'art. 61 al. 2 CO exclut cette possibilité lorsqu'il s'agit d'actes
se rattachant à l'exercice d'une industrie, par quoi il faut entendre une
activité qui ne relève pas des tâches de l'Etat, notamment une activité
exercée dans le seul but d'en tirer des ressources (cf. ATF 126 III 370
consid. 7b; 113 II 424 consid. 1a; 101 II 177 consid. 2a; 89 II 268).

    L'exploitation d'un institut agricole tend à favoriser la formation
professionnelle des cultivateurs et à promouvoir une utilisation

optimale du sol; on peut donc considérer qu'il s'agit d'une tâche de
l'Etat, relevant de l'économie publique. Qu'un institut d'agriculture
puisse également être constitué sur une base purement privée n'y change
rien (cf. pour le cas des hôpitaux: ATF 122 III 101 consid. 2a/bb; 101
II 177 consid. 2a). Les recourantes ne le contestent d'ailleurs pas. En
conséquence, le canton du Jura était habilité par l'art. 61 al. 1 CO à
adopter des règles autonomes de droit public pour régir sa responsabilité
et celle de ses fonctionnaires en relation avec l'exploitation de cet
institut agricole.

    Il n'est pas contesté que le canton du Jura a adopté des dispositions
qui régissent de façon générale la responsabilité de l'Etat, de ses
magistrats et fonctionnaires. Par conséquent, la responsabilité du canton
du Jura est réglée exclusivement par le droit public cantonal. Comme
l'assureur responsabilité civile n'est tenu de payer qu'à la condition que
la responsabilité de l'assuré soit engagée, son obligation dépend également
des règles de responsabilité fixées par le droit public cantonal. Savoir si
l'assureur pourrait être condamné à paiement à l'égard du lésé directement
est une question qui n'a pas été tranchée à ce stade par la cour cantonale
et ne saurait donc être examinée ici.

    Les recourantes tentent de soutenir que le droit cantonal ne
concernerait que la responsabilité de l'Etat à l'égard des tiers,
mais non pas à l'égard de ses propres employés. Cette interprétation
est erronée. On ne voit pas pourquoi le législateur cantonal aurait
voulu soumettre sa responsabilité au droit public lorsque le lésé est
extérieur à l'administration, tout en choisissant de la soumettre au
droit privé lorsque le lésé est un de ses agents. Une telle distinction
ne trouve aucun fondement objectif. Par tiers au sens du droit cantonal,
il faut donc entendre tout lésé qui a subi un acte dommageable imputable
à l'Etat et à ses agents. Cette question a d'ailleurs déjà été tranchée
dans ce sens à propos d'une disposition cantonale comparable (cf. arrêt
2C.1/1999 du 12 septembre 2000, consid. 2c).

    Dès lors que le canton a fait valablement usage de la faculté
ouverte par l'art. 61 al. 1 CO, la prétention en responsabilité est régie
exclusivement par le droit public cantonal, de sorte que la voie de la
réforme est fermée (ATF 127 III 248 consid. 1b; 126 III 370 consid. 7d;
122 III 101 consid. 2a/cc).

    En effet, le recours en réforme est ouvert en cas de contestations
civiles portant sur un droit de nature non pécuniaire (art. 44 al. 1 OJ),
en cas de contestations civiles portant sur un droit de nature pécuniaire
d'une valeur litigieuse suffisante (art. 46 OJ), en cas d'affaires

civiles citées à l'art. 45 OJ, ou encore dans l'une des hypothèses
énumérées à l'art. 44 let. a à f OJ (qui n'entrent pas en considération en
l'espèce). Il n'est nulle part prévu qu'une contestation de droit public
cantonal puisse donner lieu à un recours en réforme.

    Lorsque la prétention litigieuse relève du droit public cantonal,
le recours en réforme est exclu, même si le droit cantonal incorpore
des notions de droit fédéral (ATF 127 III 248 consid. 1b; 126 III
370 consid. 5; 116 II 91), renvoie au droit fédéral en tant que droit
cantonal supplétif (ATF 127 III 248 ibidem; 126 III 370 consid. 5; 119
II 297 consid. 3c) ou encore s'il faut trancher une question préalable
relevant du droit fédéral (ATF 125 III 461 consid. 2).

    Le recours en réforme est donc en principe irrecevable.

    b) Il n'est fait exception à la règle qui précède que si le droit
fédéral contient une norme dont le droit cantonal devait tenir compte et
qui délimite les compétences cantonales (cf. ATF 125 III 461 consid. 2;
119 II 297 consid. 4; 115 II 237 consid. 1c; 103 II 75 consid. 1).

    Il se pose dans ce contexte le problème de l'art. 44 LAA, puisque
l'art. 44 al. 2 LAA prévoit que les dispositions spéciales sur la
responsabilité civile contenues dans les lois fédérales et cantonales ne
sont pas applicables. L'art. 44 al. 2 LAA restreint donc la possibilité
pour les cantons de déroger au droit fédéral.

    En admettant qu'un recours immédiat soit ici possible (cf.  art. 50
OJ), il ne peut qu'être rejeté. L'art. 44 al. 2 LAA exonère notamment
l'employeur de sa responsabilité en raison d'un accident professionnel à
l'égard de son employé qu'il a assuré conformément à la LAA, à la condition
toutefois que l'accident n'ait pas été provoqué intentionnellement ou
par une négligence grave.

    Lorsque l'employeur est une personne morale - comme c'est le cas en
l'occurrence -, il faut lui imputer les actes de ses organes (art. 55 al. 2
CC). Le chef de l'exploitation était assurément un organe du canton dans
la gestion de cet institut agricole. Or, il lui est précisément reproché
de ne pas avoir donné des instructions adéquates et de ne pas avoir mis
en place une surveillance appropriée. Les recourantes font valoir que
le chef d'exploitation ne peut pas être présent partout et régler ou
surveiller toutes les activités lui-même. Cependant, s'il a délégué ses
compétences à son collaborateur, celui-ci devient, en raison de cette
délégation, un organe de l'employeur. Toute autre construction juridique
reviendrait à dire qu'il suffit d'avoir une structure hiérarchisée pour que
la responsabilité de l'employeur se dilue, ce qui n'est pas acceptable. Il

faut rappeler que l'employeur est tenu d'assurer la sécurité de ses
employés (art. 328 al. 2 CO).

    La cour cantonale a bien montré que ce travail avait été organisé
en violant les règles de précaution les plus élémentaires et les
organes du canton du Jura en sont responsables, dès lors qu'ils n'ont
pas donné d'instructions adéquates ni mis en place une surveillance
idoine. L'apprenti devait nettoyer le plafond sur un pont roulant d'une
hauteur de 4 mètres qui n'était pas pourvu de barrières de protection
ou d'un frein sur les roues; il effectuait son travail de lavage avec un
appareil bruyant, propre à effrayer les jeunes taureaux qui se trouvaient
dans l'écurie, alors que la prudence aurait commandé de les éloigner; ces
animaux n'étaient pas gardés avec sûreté, ce qui ne pouvait pas échapper à
des professionnels compétents. Du moment que l'accident était prévisible
en raison de la manière dangereuse de procéder au nettoyage, les règles
de précaution les plus élémentaires, dont le respect s'imposait à toute
personne raisonnable placée dans la même situation, ont été violées
(cf. ATF 119 II 443 consid. 2a; 115 II 283 consid. 2a). En considérant
dans de pareilles circonstances qu'il y avait faute grave imputable à
l'employeur et que celui-ci ne pouvait se prévaloir de l'art. 44 LAA, la
cour cantonale n'a pas transgressé le droit fédéral (cf., sur l'application
de l'art. 44 LAA, arrêt 6S.542/1997 du 5 novembre 1997, consid. 3a).

    Le recours en réforme doit ainsi être rejeté dans la mesure où il
est recevable.

    c) Par le même acte, les recourantes ont déclaré qu'elles formaient
un recours de droit administratif.

    Selon l'art. 97 al. 1 OJ, le Tribunal fédéral connaît en dernière
instance des recours de droit administratif contre des décisions au sens
de l'art. 5 PA (RS 172.021).

    L'art. 5 al. 1 PA qualifie de décisions les mesures prises par les
autorités dans des cas d'espèce, qui sont fondées sur le droit public
fédéral. Or, la prétention d'espèce - comme on l'a vu - est fondée sur le
droit public cantonal. En conséquence, le recours de droit administratif
est irrecevable.

    De toute manière, la prétendue violation de l'art. 44 LAA a été
débattue en instance de réforme (cf. ci-dessus consid. 1b). Du reste,
l'art. 44 LAA, par son objet, relève plutôt du droit privé fédéral
(responsabilité civile) que du droit public fédéral.

    d) Le recours interjeté ne peut pas être converti en un recours de
droit public (sur la possibilité d'une conversion: cf. ATF 120 II 270

consid. 2; 116 II 376 consid. 3; 112 II 512 consid. 2). En effet, un
recours de droit public ne pourrait être interjeté en l'espèce que pour
violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a
OJ); or, un tel recours n'est recevable que si l'acte indique quel est le
droit constitutionnel violé et en quoi consiste cette violation (art. 90
al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126
III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b; 125 I 492 consid. 1b). Dès l'instant
où l'acte de recours ne précise pas le droit constitutionnel qui aurait
été enfreint, il ne peut pas être traité comme un recours de droit public
(ATF 116 II 376 consid. 3b; 112 II 145 consid. 2c).