Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 III 50



128 III 50

11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause société
X. contre société O. (recours de droit public)

    4P.176/2001 du 16 octobre 2001

Regeste

    Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Zuständigkeit des
Schiedsgerichts; Forderungsabtretung (Art. 186 Abs. 2 und 190 Abs. 2
lit. b IPRG).

    Um über ihre Zuständigkeit zu entscheiden, können die Schiedsrichter
verpflichtet sein, vorfrageweise zu prüfen, ob die strittige Forderung,
welche aus dem die Schiedsklausel enthaltenden Vertrag hervorgeht,
rechtsgültig an die Partei abgetreten wurde, welche das Schiedsverfahren
eingeleitet hat (E. 2b). Dies war im vorliegenden Fall zu verneinen, weil
die Vertragsparteien die Unabtretbarkeit der aus dem Vertrag entstehenden
Forderungen vereinbart hatten (E. 3).

    Das Schiedsgericht muss die vom Beklagten verwendeten Begriffe
auslegen, um zu bestimmen, ob und in welchem Umfang er dessen Zuständigkeit
bestreitet. Unter Berücksichtigung der Natur des Schiedsgerichtsverfahrens
sollte es sich davor hüten, leichthin eine Schiedsvereinbarung
anzunehmen, wenn eine solche bestritten wird (E. 2c/aa). Die Frage, ob
die Schiedsrichter die Prüfung ihrer Zuständigkeit auf die vom Beklagten
erhobenen Einwendungen zu beschränken haben, wurde offen gelassen
(E. 2c/bb).

Sachverhalt

    A.- Le 13 juillet 1978, X., société anonyme de droit français
dont le siège est à Paris (France), a conclu avec F., entreprise de
droit yougoslave dont le siège est à Pristina (République fédérale de
Yougoslavie), un contrat intitulé "Amortisseurs".

    L'art. 13 let. b de ce contrat prévoit que tout différend entre
les parties relatif à l'interprétation ou à l'exécution du contrat sera
tranché par la voie de l'arbitrage conformément aux règles de la Chambre
de Commerce Internationale de Paris, le tribunal arbitral devant siéger
à Genève et appliquer le droit suisse.

    Par lettre recommandée du 4 décembre 1992, X. a manifesté la volonté
de ne pas renouveler le contrat à son échéance; il en est résulté un
litige entre les parties.

    B.- Le 12 avril 1997, l'entreprise yougoslave a mis en oeuvre la
procédure arbitrale, concluant à ce que sa partie adverse lui paie le
montant de 9'289'678.02 FRF avec intérêts.

    La procédure d'arbitrage n'a toutefois pas commencé, parce que X.,
qui refusait de se soumettre à l'arbitrage et n'avait pas signé l'acte
de mission, n'a pas effectué l'avance de frais qui lui était demandée.

    Le 25 juin 1999, l'entreprise yougoslave a cédé sa créance contre
X. à O., une société de droit yougoslave ayant son siège à Belgrade
(République fédérale de Yougoslavie).

    O. a manifesté la volonté de reprendre la procédure arbitrale et elle
a effectué l'avance des frais qui incombait à X.

    X. a fait valoir, notamment, que O. n'avait pas qualité pour intervenir
dans la procédure d'arbitrage.

    Statuant sur les objections préalables de X. par une sentence partielle
du 18 avril 2001, le Tribunal arbitral, siégeant à Genève, a considéré en
particulier que la créance litigieuse avait été valablement cédée à O. et
il a ordonné en conséquence la poursuite de la procédure arbitrale entre O.
et X.

    C.- X. a formé un recours de droit public. Soutenant que le Tribunal
arbitral s'est déclaré à tort compétent, elle invite le Tribunal fédéral
à annuler la sentence attaquée et à dire que le Tribunal arbitral n'est
pas compétent pour trancher le litige entre O. et X.

    L'intimée conclut à l'irrecevabilité, voire au rejet, du recours
ainsi qu'à la confirmation de la sentence attaquée.

    Dans ses observations, le président du Tribunal arbitral relève que
celui-ci n'a pas été saisi d'une exception d'incompétence.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la sentence attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de droit public au
Tribunal fédéral est ouvert contre une sentence arbitrale aux conditions
des art. 190 ss LDIP (RS 291). Il convient donc d'examiner en premier
lieu si les conditions prévues par ces dispositions sont réunies.

    La clause compromissoire, insérée dans le contrat conclu le 13 juillet
1978, fixe le siège du Tribunal arbitral en Suisse (à Genève) et l'une
des parties au moins (en l'occurrence les deux) n'avait, au moment de
la conclusion de cette convention d'arbitrage, ni son domicile ni sa
résidence habituelle en Suisse; les art. 190 ss LDIP

sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP), étant observé que les parties
n'en ont pas exclu l'application par écrit en choisissant d'appliquer
exclusivement les règles de la procédure cantonale en matière d'arbitrage
(art. 176 al. 2 LDIP).

    Le recours au Tribunal fédéral prévu par l'art. 191 al. 1 LDIP
est ouvert, puisque les parties n'ont pas choisi, en lieu et place,
le recours à l'autorité cantonale (art. 191 al. 2 LDIP) et qu'elles ne
l'ont pas non plus exclu conventionnellement (cf. art. 192 al. 1 LDIP).

    Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de
manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 127 III 279 consid. 1a
p. 282; 119 II 380 consid. 3c p. 383).

    Le recours est immédiatement ouvert contre une sentence incidente
lorsque le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent
(art. 190 al. 3 en relation avec l'art. 190 al. 2 let. b LDIP; ATF 127
III 279 consid. 1b).

    La voie du recours de droit public étant ouverte en l'espèce, il faut
encore examiner si les règles de procédure ont été respectées.

    b) Pour le recours en matière d'arbitrage international, la procédure
devant le Tribunal fédéral est régie par les dispositions de la loi
fédérale d'organisation judiciaire (OJ) relatives au recours de droit
public (art. 191 al. 1, 2ème phrase, LDIP).

    La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée,
qui l'oblige à continuer de procéder devant le Tribunal arbitral, de sorte
qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que
cette décision n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant
de l'art. 190 al. 2 LDIP; en conséquence, elle a qualité pour recourir
(art. 88 OJ).

    Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue
par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.

    Hormis certaines exceptions, il n'a qu'un caractère cassatoire (ATF
127 II 1 consid. 2c; 127 III 279 consid. 1b; 126 III 534 consid. 1c;
124 I 327 consid. 4). Lorsque le litige porte sur la compétence d'un
tribunal arbitral, il a été admis, par exception, que le Tribunal fédéral
pouvait lui-même constater la compétence ou l'incompétence (ATF 127 III
279 consid. 1b; 117 II 94 consid. 4).

    c) Dès lors que les règles de procédure sont celles du recours de
droit public, la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément
aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279 consid. 1c;
117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours de droit public,
le Tribunal fédéral n'examine que les griefs admissibles qui ont été
invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours

(cf. ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524
consid. 1c, 534 consid. 1b). La recourante devait donc indiquer quelles
hypothèses de l'art. 190 al. 2 LDIP étaient à ses yeux réalisées et, en
partant de la sentence attaquée, montrer de façon circonstanciée en quoi
consisterait la violation du principe invoqué (ATF 127 III 279 consid. 1c);
ce n'est qu'à ces conditions qu'il sera possible d'entrer en matière.

Erwägung 2

    2.- a) La recourante soutient que le Tribunal arbitral s'est déclaré
à tort compétent pour connaître des conclusions prises contre elle.

    Elle invoque ainsi le motif de recours prévu par l'art. 190 al. 2
let. b LDIP.

    Saisi d'un tel grief, le Tribunal fédéral examine librement les
questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent
la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 119 II 380
consid. 3c p. 383; 118 II 193 consid. 5a; 117 II 94 consid. 5a). En
particulier, il peut examiner librement la question préalable de la
validité d'un acte de cession dont dépend le transfert d'une clause
compromissoire (HEINI, in IPRG Kommentar, n. 24b ad art. 190 LDIP).

    Cependant, le Tribunal fédéral revoit l'état de fait à la base de la
sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence -
uniquement lorsque l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP
est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou lorsque des faits ou des
moyens de preuve nouveaux (cf. art. 95 OJ) sont exceptionnellement pris
en considération dans le cadre de la procédure de recours de droit public
(ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383 et les références).

    b) aa) Lorsqu'ils examinent s'ils sont compétents pour trancher le
différend qui leur est soumis, les arbitres doivent résoudre, entre autres
questions, celle de la portée subjective de la convention d'arbitrage. Il
leur appartient, notamment, de déterminer quelles sont les parties liées
par la convention (ATF 117 II 94 consid. 5b p. 98 et les auteurs cités). A
cet égard, il n'est pas douteux qu'une convention d'arbitrage peut obliger
même des personnes qui ne l'ont pas signée. Appelé à dire si le litige dont
il est saisi est de son ressort ou de celui de la juridiction ordinaire,
le tribunal arbitral doit, dès lors, décider si telle personne assignée
devant lui est liée ou non par la convention d'arbitrage. Sous l'angle
de la compétence, l'existence, la validité et la portée de la convention
d'arbitrage constituent donc des problèmes indissociables (ATF 120 II
155 consid. 3b/bb p. 163 s. et les auteurs cités).

    bb) Sur le plan des principes, il sied de faire clairement la
distinction entre la notion de légitimation active ou passive (appelée
aussi qualité pour agir ou pour défendre; Aktiv- oder Passivlegitimation),
d'une part, et celle de capacité d'être partie (Parteifähigkeit),
d'autre part. La légitimation active ou passive dans un procès civil
relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet
(actif ou passif) du droit invoqué en justice et son absence entraîne,
non pas l'irrecevabilité de la demande, mais son rejet (ATF 108 II 216
consid. 1). En revanche, la capacité d'être partie, entendue ici dans son
acception la plus large, consiste dans la faculté de participer à un procès
en qualité de partie (VOGEL/SPÜHLER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 7e
éd., p. 135, n. 1 ad § 25); elle constitue une condition de recevabilité
de la demande et son défaut équivaut à une fin de non-recevoir. Savoir
si le demandeur ou le défendeur est partie à la convention d'arbitrage,
autrement dit s'il dispose de la capacité d'être partie, est ainsi une
question de recevabilité qui détermine la compétence du tribunal arbitral
et qui ne doit, théoriquement, pas être confondue avec le moyen de fond
pris du défaut de légitimation active ou passive (LALIVE/POUDRET/REYMOND,
Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, p. 65, n. 2 ad
art. 8 du Concordat sur l'arbitrage [CA], qui se réfèrent en particulier
à l'ATF 102 Ia 574 consid. 5 p. 578).

    Cependant, en matière d'arbitrage, il n'est pas toujours aisé de
faire le départ entre les notions de légitimation et de capacité d'être
partie. Dans ce domaine, en effet, contrairement à celui de la procédure
ordinaire où la compétence des autorités judiciaires est fixée par un
acte de caractère général et abstrait (loi, ordonnance, règlement), la
compétence des arbitres repose sur la seule convention des parties. Or,
cette dernière, lorsqu'elle est insérée dans un contrat, partagera,
suivant les circonstances, le destin de ce contrat. Le fait qu'en raison
de sa fonction la clause compromissoire soit séparable du contrat principal
(principe de l'autonomie de la clause arbitrale; cf. à ce sujet: ATF 119 II
380 consid. 4a; 116 Ia 56 consid. 3b p. 59 et les références) n'implique
pas pour autant qu'elle en soit nécessairement indépendante. Ainsi, le
droit suisse, à l'instar du droit allemand (cf. BERGER, Internationale
Wirtschaftsschiedsgerichtsbarkeit, Berlin/New York 1992, p. 120 s., note
659 et les références; pour d'autres références, cf. WENGER, Commentaire
bâlois, Internationales Privatrecht, n. 67 ad art. 178 LDIP) et du droit
français (voir les arrêts de la Cour de cassation des 5 janvier et 19
octobre 1999 reproduits in Revue de l'arbitrage 2000 p. 85 ss), admet,
en cas de

cession de créance (ATF 103 II 75; arrêt 4P.126/1992 du 13 octobre 1992,
reproduit in Bulletin de l'Association suisse de l'arbitrage [ASA]
1993 p. 68 ss) ou de reprise d'une relation contractuelle (arrêts
4P.124/2001 du 7 août 2001, consid. 2c, et 4P.289/1995 du 9 juillet
1996, consid. 2a), que la clause compromissoire, en tant que clause
accessoire de nature procédurale, est transférée au cessionnaire ou au
reprenant, sauf convention contraire (arrêts cités, ibid.; WENGER, ibid.;
LALIVE/POUDRET/REYMOND, op. cit., n. 4 i. f. et 21 ad art. 178 LDIP;
RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, 2e éd., p. 82
et Supplément, p. 25 i. f.; MARTIN LUKAS MÜLLER, Die Zuständigkeit des
Schiedsgerichts, thèse Saint-Gall 1996, p. 97 s.). En ce qui concerne la
cession de créance, un tel effet est rattaché à l'art. 170 CO, que l'on
considère la clause compromissoire comme un droit de préférence (voir les
auteurs cités in ATF 103 II 75 consid. 3 p. 78 s.; cf. également: SPIRIG,
Commentaire zurichois, n. 24 ad art. 170 CO avec d'autres références;
ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 880) ou
comme un droit accessoire (GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/REY, Schweizerisches
Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol. II, 7e éd., n. 3589), question
qui ne joue aucun rôle en l'espèce et qui peut dès lors rester indécise. La
cession d'une créance (ou d'une relation contractuelle) assortie d'une
clause compromissoire revêt donc une double nature: elle entraîne non
seulement le transfert matériel du droit cédé, question qui relève du fond,
mais également la transmission de la convention d'arbitrage, question
qui ressortit à la procédure. En d'autres termes, la même circonstance -
à savoir la cession valable de la créance litigieuse - sortit deux effets
distincts, puisqu'elle détermine à la fois la légitimation active ou
passive du cessionnaire ainsi que sa capacité d'être partie à une procédure
arbitrale mise en oeuvre en exécution de la clause compromissoire. C'est
en cela que les notions de légitimation et de capacité d'être partie se
recouvrent en quelque sorte dans l'hypothèse de la cession de créance,
si bien qu'il devient plus délicat d'en délimiter les contours.

    Selon la théorie des faits de double pertinence (sur cette notion,
cf. ATF 122 III 249 consid. 3b/bb et les références), il suffit, suivant
les circonstances, pour admettre la compétence d'un tribunal, que les
faits allégués avec une certaine vraisemblance à l'appui d'une action -
en l'espèce, la cession valable de la créance litigieuse - constituent
à la fois la condition de cette compétence et le fondement nécessaire de
la prétention soumise à l'examen du tribunal. Toutefois, outre qu'elle
revêt un caractère exceptionnel, cette théorie

ne saurait entrer en ligne de compte lorsque la compétence d'un tribunal
arbitral est contestée, car il est exclu de contraindre une partie à
souffrir qu'un tel tribunal se prononce sur des droits et obligations
litigieux, s'ils ne sont pas couverts par une convention d'arbitrage
valable (ATF 121 III 495 consid. 6d p. 503).

    cc) Dans le cas particulier, à supposer que la cession de la créance en
cause n'ait pas été opérée valablement, non seulement l'intimée n'aurait
pas acquis le droit litigieux et ne posséderait donc pas la légitimation
active, mais, qui plus est, le Tribunal arbitral serait incompétent pour
trancher le différend, dès lors que la convention d'arbitrage ne serait
pas opposable à la recourante, faute d'un transfert valable de la clause
compromissoire liée à ladite créance.

    Par conséquent, le Tribunal arbitral devait régler en premier
lieu le problème de sa propre compétence et, dans cette perspective,
examiner à titre préjudiciel la question de la validité de la cession
de créance. C'est du reste ce qu'il a fait, à tout le moins de manière
implicite et concluante, bien qu'il s'en défende, en ordonnant "la
poursuite de la procédure arbitrale entre O. et X.". Ce faisant, il a
estimé que les parties étaient liées par une convention d'arbitrage,
laquelle établissait sa compétence pour mener la procédure et examiner
les conclusions que l'intimée entendait prendre contre la recourante. Il
a ainsi rendu une décision incidente relative à la compétence, qui était
susceptible d'un recours de droit public fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b
et al. 3 LDIP.

    c) Le Tribunal arbitral, par la voix de son président, fait cependant
valoir, dans ses observations, qu'il n'a pas été saisi d'une exception
d'incompétence.

    aa) Aux termes de l'art. 186 al. 2 LDIP, l'exception d'incompétence
doit être soulevée préalablement à toute défense au fond. Il s'agit là d'un
cas d'application du principe de la bonne foi, ancré à l'art. 2 al. 1 CC,
qui régit l'ensemble des domaines du droit, y compris la procédure civile
(ATF 107 Ia 206 consid. 3a p. 211 et les références) et l'arbitrage (ATF
126 III 249 consid. 3c p. 253 s.; 119 II 386 consid. 1a p. 388; 116 II
639 consid. 4c p. 644; 113 Ia 67 consid. 2a). Enoncée différemment, la
règle posée à l'art. 186 al. 2 LDIP, à l'instar de celle, plus générale,
fixée à l'art. 6 de la même loi, implique que le tribunal arbitral devant
lequel le défendeur procède au fond sans faire de réserve est compétent
de ce seul fait. Dès lors, celui qui entre en matière sans réserve sur
le fond (la terminologie allemande utilise l'expression de "vorbehaltlose
Einlassung") dans une procédure arbitrale contradictoire portant sur une

cause arbitrable reconnaît, par cet acte concluant, la compétence
du tribunal arbitral et perd définitivement le droit d'exciper de
l'incompétence dudit tribunal (ATF 120 II 155 consid. 3b/bb p. 162 et
p. 164 i. f.; cf. LALIVE/POUDRET/REYMOND, op. cit., n. 3 ad art. 8 CA, p.
66 in medio; MÜLLER, op. cit., p. 176 ss). Toutefois, le défendeur peut
se déterminer à titre éventuel sur le fond, pour le cas où l'exception
d'incompétence ne serait pas admise, sans que pareil comportement
vaille acceptation tacite de la compétence du tribunal arbitral
(WENGER, Schiedsvereinbarung und schiedsgerichtliche Zuständigkeit,
in Schiedsgerichtsbarkeit, Europa Institut Zurich, 1997 [ci-après:
Schiedsvereinbarung], p. 223 ss, 241 ch. 3, let. a; plus généralement,
cf. DUTOIT, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 2e éd.,
n. 2 ad art. 6 LDIP).

    C'est le lieu de rappeler que le droit constitutionnel (pour la
Suisse, cf. art. 30 al. 1 Cst.) et le droit conventionnel (cf. art. 6
par. 1 CEDH [RS 0.101]) garantissent à toute personne, physique ou morale,
le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal établi par la
loi. En concluant une convention d'arbitrage, les parties renoncent
à cette garantie (cf. MÜLLER, op. cit., p. 18 s.; FROWEIN/PEUKERT,
EMRK-Kommentar, 2e éd., p. 196, note 266 et n. 64 i. f. ad art. 6),
ce qui est d'ailleurs admissible sous certaines réserves (sur cette
problématique, cf. JACOT-GUILLARMOD, L'arbitrage privé face à l'art. 6
§ 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, in Mélanges en
l'honneur de Gérard J. Wiarda, 1988, p. 281 ss). S'agissant de déroger
à une garantie de rang constitutionnel, on se gardera d'admettre trop
facilement qu'une convention d'arbitrage a été conclue, si ce point est
contesté (cf. ATF 116 Ia 56 consid. 3b p. 58; MÜLLER, op. cit., p. 61
s.). Il importe, bien plutôt, de s'assurer qu'il existe une convention
d'arbitrage susceptible d'être opposée aux parties à la procédure
arbitrale, car ce n'est qu'à cette condition que l'on peut exiger de
celles-ci qu'elles assument les conséquences de leur choix (notamment la
limitation des possibilités de recours). Au demeurant, il ressort de la
systématique des dispositions légales relatives à l'arbitrage international
(art. 176 à 194 LDIP) que le législateur fédéral, en plaçant en tête de
celles-ci les règles touchant l'arbitrabilité (art. 177 LDIP) ainsi que
la convention d'arbitrage (art. 178 LDIP), et beaucoup plus loin celle
qui concerne l'exception d'incompétence (art. 186 al. 2 LDIP), a démontré
qu'il attachait plus de poids à l'exigence fondamentale de l'existence
d'une convention d'arbitrage opposable aux parties qu'à la règle posée à
l'art. 186 al. 2 LDIP aux fins d'assurer le déroulement correct et loyal
de la procédure arbitrale.

    Les arbitres ne sauraient faire abstraction de ces considérations
lorsqu'ils examinent si leur compétence est contestée. Sans doute le simple
fait d'émettre de vagues réserves, toutes générales, ne suffit-il pas, en
principe, pour retenir que tel est bien le cas (LALIVE/POUDRET/REYMOND,
op. cit., n. 10 ad art. 186 LDIP). En revanche, la conclusion inverse
ne s'impose pas nécessairement au seul motif que la partie assignée n'a
pas utilisé la formule sacramentelle "exception d'incompétence". Aussi,
pour savoir si leur compétence est remise en cause par le défendeur,
les arbitres doivent-ils interpréter les termes employés par celui-ci et,
lorsque la procédure arbitrale est régie par le droit suisse, appliquer
l'art. 18 CO par analogie, à l'instar du juge appelé à interpréter les
déclarations d'une partie en justice (cf. GULDENER, Schweizerisches
Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 262, ch. VI; JÄGGI/GAUCH, Commentaire
zurichois, n. 323 ad art. 18 CO; KRAMER, Commentaire bernois, n. 114
ad art. 1er CO et n. 65 ad art. 18 CO). Il leur incombe de déterminer
le sens qui peut être attribué, objectivement et selon les règles de la
bonne foi, aux déclarations (écrites ou orales) de la partie assignée,
sans s'arrêter uniquement aux expressions dont elle s'est servie, mais
en tenant compte de l'ensemble des circonstances dans lesquelles ces
déclarations ont été faites.

    bb) aaa) En l'espèce, la recourante a d'emblée conclu à l'impossibilité
de l'arbitrage en se fondant sur un règlement du Conseil de l'Union
Européenne qui concrétisait les sanctions prises à l'époque par
l'Organisation des Nations Unies à l'encontre de la République fédérale de
Yougoslavie, en interdisant de faire droit à une demande présentée par une
personne morale ayant son siège dans ce pays. Par la suite, elle a soutenu,
de surcroît, que le contrat dont l'intimée entendait déduire des droits à
son encontre n'avait pas été valablement cédé à la soi-disant créancière,
s'agissant d'un acte simulé qui aurait en outre été signé par une personne
n'ayant plus le pouvoir de représenter la cédante.

    Il ressort clairement des moyens soulevés par elle que la recourante,
loin de procéder au fond sans faire de réserve, a manifesté, au
contraire, la ferme volonté de refuser l'arbitrage. Plus précisément,
elle s'est opposée à ce que les arbitres se prononcent, par une sentence
finale, sur le bien-fondé de la prétention élevée par l'intimée, leur
reconnaissant pour seule compétence celle de constater leur incompétence
en la matière. Au reste, la recourante n'aurait pu leur contester cette
compétence-là. Il appartient, en effet, au tribunal arbitral, conformément
au principe de la "compétence de la compétence" ancré à l'art. 186 al. 1
LDIP, de statuer sur sa propre compétence

(ATF 121 III 155 consid. 3b/bb p. 163 s.; 120 II 495 consid. 6c) et,
pour ce faire, de trancher les questions préjudicielles dont dépend cette
compétence, comme celle de savoir si la créance litigieuse, incluant la
clause compromissoire, a été valablement cédée à la partie demanderesse.

    bbb) Le Tribunal arbitral constate que la recourante a soulevé des
"exceptions préjudicielles", dont l'une se rapportait au "défaut de
qualité de O. pour intervenir dans la procédure d'arbitrage" (c'est le
Tribunal fédéral qui souligne). Déterminer ce qui a été invoqué dans
la procédure d'arbitrage est une question de fait (cf. ATF 125 III 305
consid. 3e) sur laquelle il n'y a pas lieu de revenir. En revanche, la
portée juridique de l'exception soulevée est une question de droit que
le Tribunal fédéral revoit librement.

    Selon la définition qu'en donne le dictionnaire, l'"intervention"
est l'acte par lequel un tiers, qui n'était pas originairement partie
dans une contestation judiciaire, s'y présente pour y prendre part et
faire valoir ses droits ou soutenir ceux d'une partie principale (Le
Grand Robert de la langue française, vol. 5, p. 696). Dans le même sens,
LALIVE/POUDRET/REYMOND (op. cit., n. 1.2 ad art. 28 CA, p. 152) relèvent
que l'art. 28 CA, relatif à l'intervention (et à l'appel en cause) est
également applicable à la substitution volontaire de parties, notamment
en cas de cession de créance. L'expression employée ("intervenir dans la
procédure d'arbitrage"), interprétée selon le principe de la confiance -
à savoir d'après le sens que les arbitres pouvaient et devaient lui donner
objectivement et de bonne foi, à la lumière de toutes les circonstances du
cas concret -, fait clairement apparaître que la recourante contestait à
l'intimée le droit de participer à la procédure arbitrale, c'est-à-dire
le droit de procéder par la voie arbitrale. Aussi bien, sur le vu des
termes utilisés par la recourante, rien ne permet de retenir que celle-ci,
même si elle n'a pas utilisé les mots "exception d'incompétence", se
serait bornée à dénier à l'intimée la légitimation active et aurait
invité le Tribunal arbitral à constater le défaut de légitimation.
Un doute subsisterait-il sur ce point qu'il faudrait d'ailleurs trancher
en faveur de l'interprétation la plus large, pour les motifs sus-indiqués,
et admettre l'existence d'une contestation globale portant à la fois sur la
légitimation au fond et la capacité d'être partie à la procédure arbitrale.

    Ainsi, contrairement à l'avis de son président, le Tribunal arbitral
était bien saisi d'une exception d'incompétence ratione personae. Il
ne ressort pas des constatations de fait des arbitres que la recourante
aurait tardé à soulever cette exception. Fondée sur l'absence de validité

de la cession de créance incluant la clause compromissoire, l'exception
d'incompétence ne pouvait être soulevée qu'une fois la cession de créance
opérée. Comme cette cession est intervenue pendente lite, la recourante
ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir soulevé ladite exception
d'entrée de cause.

    ccc) Si la recourante a effectivement contesté la compétence du
Tribunal arbitral, en alléguant que la créance litigieuse, incorporant la
convention d'arbitrage, n'a pas été valablement cédée à l'intimée, il est
vrai que, pour ce faire, elle n'a pas tiré argument de l'incessibilité
de cette créance, mais d'autres circonstances (acte simulé et défaut de
pouvoir de représentation de la personne ayant agi au nom de la cédante).

    Dans ces conditions, le Tribunal arbitral devait-il limiter son examen
aux seuls arguments avancés par la recourante ou lui appartenait-il de
s'assurer, sans s'en tenir uniquement aux moyens soulevés à cet égard,
qu'il existait une convention d'arbitrage opposable aux deux parties? En
faveur de la première solution, on pourrait relever que lorsque l'exception
d'incompétence est motivée, elle doit l'être de manière complète, le
défendeur ne pouvant pas garder des arguments en réserve (cf. WENGER,
Schiedsvereinbarung, ibid., qui parle de "partielle Einlassung"). Il
paraît, en effet, douteux que l'on puisse imposer aux arbitres le devoir
d'examiner la question de leur compétence sous tous ses aspects - ils
peuvent être multiples - et de rechercher d'office si des circonstances
n'ayant aucun rapport avec celles qui ont été invoquées à l'appui de
l'exception d'incompétence ne les obligeraient pas à décliner leur
compétence. Les tenants de la seconde solution pourraient, à l'inverse,
souligner qu'un tribunal arbitral, contrairement au Tribunal fédéral
statuant sur un recours de droit public au sens des art. 85 let. c OJ et
190 LDIP, n'est pas une cour de cassation, qui n'examine que les griefs
expressément articulés par le recourant, et qu'il n'est, en principe,
pas lié par l'argumentation juridique des parties (ATF 120 II 172
consid. 3a p. 175). Une solution moyenne consisterait à ne pas contraindre
les arbitres à examiner tous les motifs d'incompétence possibles et
imaginables, mais à les obliger néanmoins à prendre en considération
d'office un motif d'incompétence, même non invoqué, qu'ils auraient
découvert en examinant les éléments de fait fournis par les parties.

    En l'espèce, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement cette
question. Force est, en effet, de constater que le Tribunal arbitral a
examiné spontanément le problème de la cessibilité de la créance litigieuse
(cf. consid. 3b ci-dessous). L'intimée affirme à tort le

contraire, dans sa réponse au recours. Elle prétend, en outre, que le
Tribunal arbitral n'était pas autorisé à soulever cette question d'office,
mais ne motive pas cet argument d'une manière conforme aux exigences
rappelées plus haut (art. 90 al. 1 let. b OJ; cf. consid. 1c). A cet
égard, son objection selon laquelle la recourante pouvait parfaitement
renoncer à se prévaloir de la clause d'incessibilité insérée dans le
contrat d'amortisseurs ne pourrait être retenue, à supposer qu'elle soit
juridiquement pertinente, que si les constatations de fait du Tribunal
arbitral révélaient l'existence d'une telle renonciation, consciente,
de la part de la recourante, ce qui n'est pas du tout le cas.

    Cela étant, il reste à examiner si c'est à bon droit que le Tribunal
arbitral est arrivé à la conclusion que rien ne s'opposait à la cession
de la créance incluant la clause compromissoire.

Erwägung 3

    3.- a) Savoir si une convention d'arbitrage a été valablement
transférée se détermine d'après le droit défini à l'art. 178 al. 2 LDIP,
c'est-à-dire au regard du droit le plus favorable à la validité même de la
convention (ATF 117 II 94 consid. 5b p. 98 et les auteurs cités). Selon
cette disposition, la convention d'arbitrage est valable si elle répond
aux conditions que pose soit le droit choisi par les parties, soit le
droit régissant l'objet du litige et notamment le droit applicable au
contrat principal, soit encore le droit suisse.

    A l'art. 13 let. b du contrat d'amortisseurs, la société yougoslave
et l'entreprise française n'ont pas choisi, pour la clause compromissoire,
un droit différent de celui qui s'applique au contrat principal. Celui-ci
est le droit suisse, conformément à la volonté des parties. Le troisième
terme de l'alternative susmentionnée renvoie également au droit suisse. Il
s'ensuit que le transfert de la clause compromissoire doit s'apprécier,
quant à sa validité, à la lumière du droit suisse.

    Quoi qu'il en soit, le Tribunal arbitral indique que le droit
yougoslave et le droit suisse ne diffèrent matériellement pas, prima facie,
pour la solution de la question ici décisive.

    b) En vertu de l'art. 164 al. 1 CO, le créancier peut céder son droit à
un tiers sans le consentement du débiteur, à moins que la cession n'en soit
interdite par la loi, la convention ou la nature de l'affaire. L'art. 436
al. 2 du Code des obligations yougoslave prévoit également la possibilité
d'exclure par convention une cession de créance sans l'accord du débiteur.

    Après avoir cité ces dispositions et rappelé les hypothèses dans
lesquelles elles excluent la cession de créance, le Tribunal arbitral
a ajouté, de façon péremptoire: "ce qui n'est manifestement pas le cas
en l'espèce".

    Cette conclusion est incompréhensible. Le Tribunal arbitral a expliqué
qu'il se prononçait "sur la base du dossier". Il s'est référé expressément
au contrat d'amortisseurs, dont il a reproduit certains passages. Même
s'il n'a pas reproduit intégralement le texte dudit contrat - qui est à
la base du litige -, on doit en déduire que le contenu de ce document
compte au nombre des faits admis par les arbitres et sur lesquels ils
se sont fondés. Or, l'art. 9 let. c du contrat prévoit que l'entreprise
yougoslave "ne pourra en aucun cas céder à titre gratuit ou onéreux
les droits que lui confère le présent contrat, qui lui est strictement
personnel". Une telle clause est claire et ne contient ni condition, ni
réserve. Elle vaut pour toutes les créances nées du contrat et il faut
admettre qu'elle s'applique également, comme la clause compromissoire
elle-même, à des prétentions nées de l'extinction du contrat (cf. ATF
117 II 94 consid. 5c/aa p. 99; 116 Ia 56 consid. 3b p. 59).

    Le cas est ainsi identique à celui déjà tranché dans l'arrêt publié
aux ATF 117 II 94 ss, si ce n'est que, dans ce précédent, la cession de
créance n'était pas absolument interdite, comme dans la présente espèce,
mais soumise à l'autorisation écrite préalable de l'autre partie. La
cession d'une créance issue du contrat ayant été exclue conventionnellement
en l'occurrence, l'intimée n'est pas cessionnaire de la créance qu'elle
invoque et elle ne peut donc pas soutenir que la cession a entraîné
le transfert de la clause compromissoire. On peut également inférer
du caractère incessible des droits et obligations découlant du contrat
que la clause compromissoire était, elle aussi, incessible (ATF 117 II
94 consid. 5c/bb). Au demeurant, même s'il ne s'agissait pas là d'une
conséquence nécessaire de l'interdiction conventionnelle de la cession
de créance (sur cette question, cf. TSCHANZ, note à l'arrêt précité, in
Revue de l'arbitrage 1991 p. 717 ss, let. D), aucun élément ne viendrait
étayer ici la thèse voulant que la convention d'arbitrage ait pu être
transférée à l'intimée, nonobstant cette interdiction.

    L'intimée ne peut donc pas se prévaloir d'une clause compromissoire
liant des tiers et qui ne lui a pas été transférée. En l'absence de toute
convention d'arbitrage entre la recourante et l'intimée, le Tribunal
arbitral n'est pas compétent pour connaître des conclusions que la seconde
voudrait prendre contre la première, dès lors que celle-ci refuse de se
soumettre à la procédure d'arbitrage. L'incompétence doit ainsi être
constatée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres arguments
soulevés par la recourante.