Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 III 353



128 III 353

65. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause Institut Montana
Betriebs AG contre Commune municipale de Montana (recours en réforme)

    4C.25/2002 du 23 juillet 2002

Regeste

    Registrierung des Namens einer öffentlichrechtlichen Körperschaft
als Domain Name im Internet; Schutz aufgrund des Namensrechts (Art. 29
Abs. 2 ZGB).

    Die Identifikationsfunktion der Domain Names hat zur Folge, dass diese
sich ausreichend von den durch ein absolutes Recht wie das Namensrecht
geschützten Kennzeichen Dritter unterscheiden müssen (E. 3).

    Sachverhalt, wo eine privatrechtliche juristische Person den
Namen einer Gemeinde übernommen hat und dieser Name, neben anderen
Wörtern, Bestandteil der Firma bildet. Analyse des Streitfalls unter
dem Gesichtspunkt der Aneignung des Gemeindenamens durch die juristische
Person (E. 4.1 und 4.2); bei der Prüfung der Verwechslungsgefahr (E. 4.2)
ist der Inhalt der Website nicht ausschlaggebend (E. 4.2.2.1).

    Analyse des Rechtsstreits wenn Gleichnamigkeit vorliegt und mehrere
Personen aufgrund des Namensrechts Anspruch auf den Domain Name erheben
können (E. 4.1 und 4.3); Rechtsprechungskriterien für den Entscheid im
Fall der Kollision zwischen absoluten Rechten (E. 4.3.1 und 4.3.2);
Anwendung auf den beurteilten Fall (E. 4.3.3).

Sachverhalt

    A.- La société Institut Montana Betriebs AG (ci-après: l'école),
sise à Zoug, a pour but l'exploitation d'une école internationale au
Zugerberg. Bien qu'elle n'ait été constituée en société anonyme qu'en 1996,
l'école a été fondée en 1926 et porte depuis lors l'adjonction "Montana"
qui, au dire de son directeur, est tirée du nom en latin d'école sur
la montagne.

    Le 24 mars 1996, l'école a enregistré auprès de la fondation SWITCH,
à Zurich, le nom de domaine internet "montana.ch". Elle a par la suite
développé à cette adresse électronique une "home page" sur laquelle elle
fournit ses coordonnées et présente une vue aérienne de l'établissement
qu'elle exploite. Disposant de l'adresse e-mail "info@montana.ch",
l'école est également titulaire des noms de domaine "zugerberg.li",
"institut-montana.ch" et "montana.li".

    Au début de l'année 2000, la Commune municipale de Montana (ci-après:
la commune) a chargé un informaticien de créer un site internet destiné à
permettre à ses administrés et aux touristes d'obtenir des informations sur
cette collectivité publique (activités, autorités, règlements communaux,
horaires des bureaux de votation, etc.) et d'effectuer des réservations
"on-line" à l'aide d'un lien vers le site officiel de Crans-Montana
(crans-montana.ch).

    S'étant aperçue que l'adresse "montana.ch" était déjà attribuée,
la commune a vainement pris langue avec l'école afin d'en obtenir le
transfert.

    B.- Le 31 mai 2000, la commune a ouvert contre l'école devant les
tribunaux valaisans une action en protection du nom (art. 29 CC). Elle a
requis qu'interdiction soit faite à la défenderesse d'utiliser l'adresse
"montana.ch".

    Par décision du 18 août 2000, confirmée par la Cour de cassation civile
du Tribunal cantonal valaisan dans un arrêt du 29 janvier 2001, le Juge
II du district de Sierre a rejeté la requête de mesures provisionnelles
fondée par la commune sur l'art. 28c CC, qui tendait notamment à obtenir
la cessation et l'interdiction de l'exploitation par l'école de son site
internet sous le nom de domaine "montana.ch".

    Par jugement du 28 novembre 2001, la IIe Cour civile du Tribunal
cantonal valaisan a donné ordre à la défenderesse de cesser d'utiliser
le nom de domaine "montana.ch" comme adresse de son site internet
dans le mois suivant l'entrée en force de la décision, toutes
autres conclusions étant déclarées irrecevables. En substance, la
cour cantonale a considéré que l'appellation "Montana" constituait en
Suisse une désignation géographique qui identifiait et individualisait
la demanderesse. Cette commune, notamment sa station du même nom,
bénéficie, sur le plan national et international, d'une grande renommée
touristique, laquelle n'est pas comparable avec la notoriété ciblée ou
locale dont se prévaut la défenderesse. Partant, l'emploi par l'école
de l'adresse litigieuse était de nature à faire croire aux utilisateurs
d'internet que la défenderesse avait des liens avec la demanderesse, ce
que celle-ci n'admet pas. Le risque de confusion ainsi créé a lésé les
intérêts juridiquement protégés de la commune, qui s'est trouvée en sus
privée de la possibilité d'enregistrer son site sous sa seule dénomination
pour diffuser des renseignements publics. De surcroît, la défenderesse a
pu tirer un avantage personnel de l'erreur des utilisateurs d'internet,
qui ont été amenés à consulter son site alors qu'ils cherchaient des
informations sur une commune de renommée internationale. La défenderesse
n'a pas démontré qu'elle était connue sous la seule appellation "Montana
AG" ou que cette dénomination présentait pour elle ou ses produits un
signe distinctif. L'autorité cantonale a déduit de ces considérations
que l'usage du nom de domaine "montana.ch" portait atteinte au droit au
nom de la demanderesse.

    C.- Institut Montana Betriebs AG exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral contre le jugement précité. Elle conclut principalement
au rejet de l'action de la demanderesse, subsidiairement au renvoi de la
cause à la cour cantonale pour nouveau jugement.

    L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation du jugement
attaqué.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable et confirmé le jugement attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Invoquant une violation de l'art. 29 al. 2 CC, la recourante fait
tout d'abord valoir que le terme "Montana" constitue une forme abrégée
admissible de sa raison sociale. Abordant la problématique du risque
de confusion entre le nom de domaine "www.montana.ch" et le nom de la
commune demanderesse, elle soutient qu'il n'a pas été allégué que des
confusions soient concrètement survenues entre lesdites appellations. De
toute manière, la désignation "Montana" appartiendrait au domaine
public et pourrait être utilisée par quiconque. Le terme précité, qui
servirait à désigner beaucoup d'entreprises en Suisse et dans le monde,
ne saurait constituer un élément descriptif pour l'intimée, si bien
que son utilisation sur internet ne serait pas propre à provoquer des
confusions, d'autant que les parties, qui ont des domaines d'activité
totalement différents, ne s'adressent pas au même public. Ainsi, les
touristes, qui chercheraient à obtenir des informations sur la région de
Crans-Montana, les rechercheraient par le truchement du nom de domaine
"www.crans-montana.ch", qui est exploité par l'office du tourisme de
Crans-Montana. A suivre la recourante, la demanderesse devrait ouvrir
le site "www.commune-montana.ch". Enfin, la défenderesse fait grief à
la cour cantonale de ne pas avoir pris en compte le contenu de son site
internet lorsqu'elle a examiné la question du risque de confusion.

Erwägung 3

    3.  Internet est un réseau de réseaux informatiques composé de millions
d'ordinateurs, lesquels, au moyen d'un logiciel adapté les reliant à
un serveur, peuvent entrer en contact les uns avec les autres. Afin
que chaque ordinateur puisse être identifié pour recevoir des données
extérieures, il se voit doter d'une adresse précise, qui consiste en
une série de chiffres réunis en sous-groupes: il s'agit de l'adresse-IP
(Internet Protocol Address). Ces adresses étant toutefois difficilement
mémorisables pour les utilisateurs, il a été mis en place un système
hiérarchisé permettant de les traduire sous la forme d'une suite de
lettres séparées par des points; ce système, qui permet de garantir
l'unicité d'une adresse dans une structure arborescente, est celui des
noms de domaine (DNS, Domain Name System).

    Lu de droite à gauche, le nom de domaine se décompose alors en
un domaine de premier niveau (TLD, Top Level Domain), un domaine de
deuxième niveau (SLD, Second Level Domain) et, le cas échéant, en d'autres
sous-domaines. On distingue deux types de TLD: les domaines génériques,
qui regroupent des catégories déterminées d'organisations par rubrique
thématique (ainsi, par exemple, ".com" pour les entreprises à vocation
commerciale, ".edu" pour les organismes éducatifs, ".gov" pour les
organismes gouvernementaux), et les domaines géographiques, dont les
codes de chaque pays sont formés de deux lettres, telles ".ch" pour la
Suisse, ".uk" pour le Royaume-Uni, ".de" pour l'Allemagne. En Suisse,
la fondation zurichoise SWITCH gère les domaines géographiques de premier
niveau ".ch" et ".li" (correspondant au Liechtenstein). La délivrance des
noms de domaine de deuxième niveau sous les TLD ".ch" et ".li" incombe
toutefois à un département indépendant de SWITCH, à savoir CH/LI DOM-REG,
qui traite les demandes d'attribution en fonction de l'ordre de leur
arrivée (principe "first come first served"). L'enregistrement d'un nom de
domaine de deuxième niveau quelconque sous un certain TLD fait obstacle à
l'enregistrement d'un nom de domaine identique sous le même TLD (sur toutes
ces questions: ATF 126 III 239 consid. 2a; ROLF. H. WEBER, E-Commerce
und Recht: Rechtliche Rahmenbedingungen elektronischer Geschäftsformen,
p. 124 ss; PHILIPPE GILLIÉRON, Les noms de domaine: Possibilités de
protection et de résolution des conflits, in sic! 2/2000 p. 71-73).

    Si, d'un point de vue technique, le nom de domaine n'est qu'un
instrument qui a pour fonction d'identifier un ordinateur connecté au
réseau, pour l'usager d'internet il désigne un site Web comme tel et permet
de rechercher la personne qui l'exploite, la chose ou les prestations qui
s'y rattachent. Dans cette mesure, suivant les cas particuliers, le nom
de domaine est comparable à un signe distinctif, comme un nom, une raison
sociale ou une marque (ATF 126 III 239 consid. 2b et les références).

    Bien qu'il n'existe pas encore en Suisse de dispositions particulières
sur l'utilisation, l'exclusivité et la protection des noms de domaine,
pas plus qu'une autorité administrative d'examen des noms de domaine
comme on en connaît pour l'enregistrement des marques et des raisons
sociales, ni même une instance d'arbitrage on-line à l'instar de celle
mise sur pied pour des litiges se rapportant notamment aux noms de
domaine ".com" (cf. TOBIAS ZUBERBÜHLER, Online-Schiedsgerichte für
Domainnamen-Streitigkeiten, in RSJ 97/2001 p. 562-564, qui affirme
qu'une procédure semblable devrait être instaurée sous peu pour le nom de
domaine ".ch"), la formation des adresses internet n'est pas étrangère
au monde du droit. La fonction d'identification des noms de domaine a
pour conséquence qu'ils doivent se distinguer suffisamment des signes
distinctifs appartenant à des tierces personnes et protégés par un droit
absolu, cela afin d'empêcher des confusions. Partant, si le signe utilisé
comme nom de domaine est protégé par le droit au nom, le droit des raisons
de commerce ou le droit des marques, le titulaire des droits exclusifs y
afférents peut en principe interdire au tiers non autorisé l'utilisation
de ce signe comme nom de domaine. En cas de collision entre divers
droits, il convient de peser les intérêts respectifs, afin de parvenir
à la solution la plus équitable possible (ATF 126 III 239 consid. 2c;
125 III 91 consid. 3c).

Erwägung 4

    4.  Selon l'art. 29 al. 2 CC, celui qui est lésé par une usurpation
de son nom peut intenter action pour la faire cesser. La personne
concernée n'est protégée par la disposition précitée que si elle est
lésée dans ses intérêts juridiques dignes de protection (ATF 116 II 463
consid. 3b). L'usurpation du nom ne vise pas seulement l'utilisation
du nom d'autrui dans son entier, mais aussi la reprise de la partie
principale de ce nom s'il est ainsi créé un risque de confusion (ATF
127 III 33 consid. 4; 116 II 463 consid. 3b). Il n'est pas nécessaire
que des confusions se soient effectivement produites. La protection du
nom ne suppose pas davantage que des intérêts patrimoniaux aient été
lésés; des intérêts purement idéaux sont également protégés (ATF 116 II
463 consid. 3b; 112 II 369 consid. 3b). L'art. 29 CC protège le nom des
personnes morales, et singulièrement celui des corporations de droit public
(ATF 112 II 369 qui concerne le nom d'un canton; ATF 72 II 145 à propos
de celui d'une commune; cf. également ROLAND BÜHLER, Commentaire bâlois,
n. 7 ad art. 29 CC).

    L'usage du nom d'autrui porte atteinte à un intérêt digne de protection
lorsque l'appropriation du nom entraîne un danger de confusion ou de
tromperie ou que cette appropriation est de nature à susciter dans l'esprit
du public, par une association d'idées, un rapprochement qui n'existe
pas en réalité entre le titulaire du nom et le tiers qui l'usurpe sans
droit. On se trouve également en présence d'une usurpation inadmissible
de nom quand celui qui l'usurpe crée l'apparence que le nom repris a
quelque chose à voir avec son propre nom ou sa propre entreprise ou
encore que des relations étroites, sur un plan personnel, idéologique,
intellectuel ou commercial, sont nouées entre les parties, alors qu'il
n'en est rien (ATF 112 II 369 consid. 3b et les arrêts cités). Le degré
de l'atteinte requis par la loi est encore réalisé lorsqu'une association
d'idées implique le titulaire du nom dans des relations qu'il récuse et
qu'il peut raisonnablement récuser (ATF 112 II 369 ibidem; 102 II 305
consid. 2 in fine).

    La notion de risque de confusion, qui est identique pour tout
le domaine des signes distinctifs (ATF 127 III 33 consid. 4; 126 III
239 consid. 3a), est tirée de celle admise en droit de la concurrence
(ATF 127 III 33 consid. 4; 116 II 463 consid. 4c). L'art. 3 let. d
de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale
(LCD; RS 241) qualifie de déloyal le comportement de celui qui "prend
des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les
marchandises, les oeuvres, les prestations ou les affaires d'autrui". Est
visé tout comportement au terme duquel le public est induit en erreur par
la création d'un danger de confusion, en particulier lorsque celui-ci est
mis en place pour exploiter la réputation d'un concurrent (ATF 126 III 239
consid. 3a et les références). Le risque de confusion est une notion de
droit que le Tribunal fédéral apprécie librement, du moins dans les cas où,
comme en l'espèce, le litige revient à évaluer l'impact du comportement
contesté sur le grand public, et non sur un cercle de personnes disposant
de connaissances spécifiques dans un secteur particulier (ATF 127 III 33
consid. 3c/aa p. 39; 126 III 239 consid. 3a). Pour déterminer ce risque,
il convient d'examiner l'impression d'ensemble qui se dégage en Suisse
du signe distinctif litigieux (ATF 122 III 382 consid. 5a; 121 III 377
consid. 2a et 2b; CARL BAUDENBACHER, Lauterkeitsrecht, n. 59 ad art. 3
let. d LCD).

    4.1  En l'espèce, quoi qu'en pense la recourante, le mot "Montana"
ne constitue pas une désignation qui appartient au domaine public, comme
l'était l'indication géographique "Berner Oberland" (cf. ATF 126 III 239
consid. 3b). Il désigne en Suisse une commune valaisanne du district de
Sierre, à savoir la demanderesse, laquelle comprend cinq villages dont
celui de Crans-Montana.

    Depuis 1996, la défenderesse a pour raison sociale "Institut Montana
Betriebs AG". Il est établi (art. 63 al. 2 OJ) que, le 24 mars 1996, elle
a réservé le nom de domaine internet "montana.ch" auprès de la fondation
zurichoise SWITCH. On n'est donc pas dans l'hypothèse envisagée par la
jurisprudence où une personne s'est bornée à utiliser la partie principale
du nom protégé d'un tiers, mais dans celui où une personne a repris le
nom du tiers en tant que tel, alors que ce nom, avec d'autres termes,
est partie intégrante de son propre nom (ou raison de commerce).

    Il suit de là que la présente querelle peut être abordée sous deux
angles bien distincts.

    Soit l'on considère la raison de commerce de la défenderesse dans son
entier et l'on admet que sa raison sociale diffère du nom de l'intimée,
de sorte qu'en enregistrant le nom de domaine "montana.ch" la recourante
a usurpé le nom de sa partie adverse, comme l'entend l'art. 29 al. 2 CC;
dans ce cas de figure, il y aura lieu de vérifier si cette usurpation
a créé un risque de confusion et ainsi lésé la demanderesse dans ses
intérêts dignes de protection.

    Soit l'on admet que la raison sociale de la recourante est formée
des termes génériques "Institut", "Betriebs" et "AG" et que sa force
distinctive résulte de la seule utilisation du mot "Montana", qui en
constitue l'élément essentiel. Dans cette éventualité, le différend né de
la création du nom de domaine "montana.ch" devra être réglé à considérer
une situation d'homonymie, caractérisée par le fait que plusieurs personnes
peuvent élever sur le nom de domaine des prétentions tirées du droit au
nom. Il n'importe en effet que la querelle divise une corporation publique
d'avec une société anonyme. Les personnes morales régies par le code
des obligations, à l'instar de la défenderesse, disposent elles aussi,
en tout cas subsidiairement aux dispositions spéciales sur la protection
des raisons de commerce, de la protection conférée par le droit au nom,
telle que l'entend l'art. 29 CC (ATF 102 II 161 consid. 2; 80 II 138;
ARTHUR MEIER-HAYOZ/PETER FORSTMOSER, Schweizerisches Gesellschaftsrecht,
8e éd., § 7, n. 113 et n. 114, p. 172).

    Ces deux approches seront successivement développées ci-dessous.

    4.2  Au vu de qui précède, il sied tout d'abord d'envisager que la
défenderesse a usurpé le nom de la demanderesse. Dans cette optique, il
incombe au Tribunal fédéral de déterminer s'il y a un risque de confusion,
dans le grand public, entre le nom de domaine de deuxième niveau "montana"
enregistré par la recourante sous le TLD ".ch" et le nom de la commune
intimée.

    4.2.1  La juridiction fédérale n'a encore jamais tranché, à la lumière
du droit au nom, de litige relatif à l'utilisation comme nom de domaine de
celui d'une corporation publique. On peut donc s'inspirer des principes
dégagés en cette matière par la jurisprudence allemande, qui a abordé à
plusieurs reprises la question.

    Dans la cause dite "heidelberg.de", une entreprise privée, active
dans la technologie de l'information et le développement de software,
a publié depuis le début 1996 sous l'adresse internet précitée des
informations sur la région "Rhein-Neckar". La ville de Heidelberg a
ouvert action contre cette entreprise afin qu'il lui soit désormais
interdit d'utiliser l'adresse "heidelberg.de". L'entreprise s'est
défendue en affirmant notamment que la ville de Heidelberg ne pouvait
faire valoir aucun droit exclusif sur l'adresse litigieuse, du moment
qu'en Allemagne Heidelberg désignait deux autres lieux et que près de
400 familles portaient ce nom. De plus, la ville demanderesse pouvait
protéger ses intérêts économiques et idéaux en faisant enregistrer le
nom de domaine "stadt-heidelberg.de". Le Landgericht de Mannheim, par
jugement du 8 mars 1996, a reconnu que la défenderesse, en faisant usage
du nom de la ville en cause comme adresse internet, avait crée un risque
de confusion, car l'utilisateur moyen d'internet, sous le nom de domaine
"heidelberg.de", s'attendait à trouver non seulement des informations
qui concernaient la ville de Heidelberg, mais encore qui émanaient de
cette cité. Comme la défenderesse ne pouvait invoquer aucun droit sur la
désignation "Heidelberg", il n'y avait pas lieu de procéder à une pesée
des intérêts. Le Landgericht a donc jugé que la ville de Heidelberg,
sur la base du droit au nom, était en droit d'empêcher la défenderesse
d'utiliser l'adresse "heidelberg.de".

    Les principes qui sous-tendent cette décision ont été ensuite repris
par le Landgericht de Braunschweig dans la cause "braunschweig.de", par
le Landgericht de Lüneburg dans la cause "celle.de" et par le Landgericht
de Ansbach dans la cause "ansbach.de" (cf. ROLF H. WEBER, E-Commerce und
Recht, p. 156/157).

    Dans le cadre de l'affaire dite "badwildbad.com", l'Oberlandesgericht
de Karlsruhe, dans son jugement du 9 juin 1999, a considéré que
l'utilisation du nom de domaine susmentionné, par une société informatique
qui offrait sur son site des informations concernant la commune de Bad
Wildbad, consacrait une violation du droit au nom de cette commune. La
juridiction allemande a en particulier admis que de nombreux utilisateurs
internet pouvaient croire que les renseignements figurant sous le nom
de domaine "badwildbad.com" étaient délivrés par la commune demanderesse
elle-même ou, à tout le moins, avec son accord. A cet égard, il importait
peu qu'une partie des informations en cause fût reprise de celles fournies
par la demanderesse, puisque celle-ci n'a pas accepté que la société
informatique les délivre sous son nom sur internet.

    4.2.2  En l'occurrence, il appert manifestement que l'enregistrement
par la défenderesse du nom de domaine "montana.ch" crée un danger de
confusion avec la commune demanderesse. Celle-ci abrite en effet une
station touristique d'été et de sports d'hiver notoirement connue en
Suisse, à savoir Crans-Montana. Les championnats du monde de ski alpin qui
ont été organisés en 1987 dans la commune intimée ont encore contribué
à la faire connaître en tout cas en Europe et en Amérique du Nord.
Différents congrès et forums internationaux se tiennent en outre sur le
territoire de la demanderesse. Il s'ensuit qu'en Suisse le grand public
associe le nom "montana" au secteur du tourisme et des vacances. Dès
l'instant où le réseau internet est de plus en plus utilisé pour les
offres touristiques (ATF 126 III 239 consid. 3c), l'utilisateur moyen
d'internet s'attend à trouver sous le nom de domaine "www.montana.ch"
des renseignements singulièrement sur les voies d'accès au territoire de
l'intimée, les sports que l'on peut y pratiquer, les modes d'hébergement
offerts, voire les manifestations qui s'y déroulent et la météo locale. La
défenderesse exploite ainsi la réputation de la demanderesse en attirant
sur son site web des utilisateurs qui cherchent à obtenir des informations
touristiques pour leurs vacances. C'est donc à juste titre que la cour
cantonale a retenu l'existence d'un risque de confusion qui porte atteinte
aux intérêts juridiquement protégés de l'intimée, puisque celle-ci est
empêchée d'exploiter un site web sous son propre nom.

    Les arguments que présente la recourante à l'encontre de ce
raisonnement sont privés de tout fondement.

    4.2.2.1  Il est sans importance que le contenu du site créé par
la défenderesse n'ait rien à voir avec l'intimée et qu'en aucune façon
l'impression d'un lien avec cette dernière y soit suggérée.

    Certes, pour une partie de la doctrine suisse, il ne saurait y avoir
de risque de confusion entre un nom de domaine repris d'une corporation
publique et ladite corporation publique si le contenu du site Web rattaché
audit nom de domaine n'a pas le moindre rapport avec le porteur du nom
(cf. UELI BURI, Die Verwechselbarkeit von Internet Domain Names, thèse
Berne 1999, p. 55 s. et p. 121 ss, spéc. p. 125; le même, Übersicht über
die Rechtsprechung im Bereich Informatik und Recht, in Tagung 2000 für
Informatik (und) Recht, Berne 2001, p. 188/189; ROLF H. WEBER/ROLAND
UNTERNÄHRER, in RSDA 2000 p. 262). Cette question a été laissée ouverte
dans l'ATF 126 III 239 consid. 3c in fine.

    Toutefois, ce qui est décisif pour juger du risque de confusion en
cause, ce n'est pas le contenu du site mais bien l'adresse internet qui
permet d'y accéder. C'est uniquement celle-ci qui éveille l'intérêt
du public et lui donne l'espoir d'obtenir des informations conformes
à l'association d'idées évoquée par le nom de domaine. Partant, il
n'importe que les services offerts dans le site soient de nature totalement
différente de ceux proposés par le porteur du nom (cf. également JANN SIX,
Der privatrechtliche Namensschutz von und vor Domänennamen im Internet,
thèse Zurich 2000, p. 70-72).

    UELI BURI (Die Verwechselbarkeit von Internet Domain Names, op. cit.,
p. 128) affaiblit d'ailleurs sa position en reconnaissant que la mention
sur un site web - émanant de la personne qui l'exploite sous une adresse
qui comporte le nom d'autrui comme SLD - que ce site n'a aucun rapport avec
le porteur du nom, n'empêche pas nécessairement un risque de confusion, car
on ne saurait admettre que les utilisateurs d'internet lisent entièrement
et avec grande attention chaque page du site en question.

    4.2.2.2  L'argument selon lequel la demanderesse pourrait toujours
utiliser l'adresse "www.commune-montana.ch" tombe à faux. L'intérêt
du titulaire du nom à enregistrer son site avec son propre nom comme
adresse internet, cela sous le domaine géographique de premier niveau
correspondant au code du pays dans lequel il est domicilié, est en effet
particulièrement élevé pour les corporations publiques, en particulier
au vu de l'attente de l'ensemble des gens à trouver sous cette adresse
des informations officielles émanant de la personne morale de droit
public. C'est donc bien plutôt l'usurpateur du nom protégé qui doit
être contraint de mettre un ajout à son adresse internet pour éviter un
risque de confusion. Il est au demeurant significatif que la recourante,
sans doute pour parer à toute éventualité, a déjà réservé notamment le
nom de domaine "institut-montana.ch".

    4.3  Il est temps désormais d'examiner la seconde hypothèse posée au
considérant 4.1 ci-dessus, à savoir celle où il est admis que la force
distinctive du nom de la défenderesse résulte uniquement de l'utilisation
dans sa raison sociale depuis 1926 du mot "Montana", en sorte que la
recourante peut également se prévaloir de son droit au nom pour désigner
le site internet qu'elle a fait enregistrer sous l'adresse "montana.ch".

    4.3.1  Le conflit entre deux homonymes issu de l'enregistrement par
l'un d'eux d'une adresse internet revendiquée par l'autre, dont le nom de
domaine de second niveau est formé de leur nom commun protégé de manière
absolue, n'a encore jamais été soumis au Tribunal fédéral. Il convient
donc de rappeler liminairement quelques principes de résolution de conflits
entre droits absolus, qui ont été développés par la jurisprudence.

    4.3.2  Le droit au nom donne à son titulaire non seulement le droit
d'utiliser son nom pour identifier sa personne même, mais l'autorise
encore à désigner par son nom ses propres oeuvres et productions de toute
sorte et à participer aux affaires sous son propre nom (ATF 116 II 614
consid. 5c/aa).

    Toutefois, lorsqu'il y a un conflit entre le droit au nom et le droit
des marques, le Tribunal fédéral a jugé que l'existence d'une marque
célèbre antérieure justifiait que soient imposées à l'homonyme, nouveau
participant à la concurrence, des restrictions quant à l'utilisation de
son nom (ATF 125 III 91 consid. 3c et la référence). Dans le cadre d'une
collision des mêmes droits absolus, la juridiction fédérale a estimé que si
une marque patronymique a acquis une force distinctive telle que le public
assimile sans autre le patronyme aux produits de l'entreprise du titulaire
et que les acheteurs partent de l'idée que toute autre marque postérieure,
même dotée d'adjonctions propres à la différencier, désigne ces produits
ou se rapporte à cette entreprise, le titulaire de la marque la plus
récente doit se voir interdire d'y faire figurer son nom patronymique
comme élément caractéristique, dès l'instant où il s'agit du seul moyen
idoine pour éviter des confusions (ATF 116 II 614 consid. 5c/aa).

    Dans le domaine de la protection de la personnalité, qui englobe,
comme on l'a vu, la protection du nom, le droit d'exercer l'activité de
son choix de l'un ne doit pas être limité par le besoin de protection d'un
autre d'après des règles schématiques de priorité. Au contraire, il est
nécessaire de peser les intérêts en présence dans chaque cas, de manière
à adopter la solution qui soit le plus équitable (arrêt 4C.516/1996 du 4
juin 1997, consid. 3c , in sic! 5/1997 p. 493; cf. aussi ATF 125 III 91
consid. 3c; 116 II 614 consid. 5d p. 619). En tout cas, le principe de
priorité dans le temps qui régit l'enregistrement des noms de domaine
ne peut pas entraîner que le premier qui a déposé son patronyme comme
nom de domaine sous un TLD géographique (code de son pays) puisse de
ce seul fait avoir la prééminence sur n'importe quel homonyme désirant
aussi enregistrer un nom de domaine formé sur son nom avec le même TLD
(cf. à ce propos ATF 126 III 239 consid. 3b in fine).

    4.3.3  Dans le cas présent, il convient de ne pas perdre de vue
qu'il y a homonymie (partielle) entre une commune et une personne
morale de droit privé. Certes, si aucun schématisme ne doit gouverner la
solution à apporter à la querelle, qui dépend de la pesée des intérêts
antagonistes, il n'en demeure pas moins que seul un sujet de droit dont
le nom bénéficierait en Suisse d'une notoriété au moins égale à celui de
la corporation publique pourrait revendiquer l'utilisation d'une adresse
internet avec son nom comme nom de domaine de deuxième niveau, sans y
apporter aucune autre adjonction (cf. JANN SIX, op. cit., p. 147-150).

    Il a été retenu souverainement que la commune demanderesse bénéfiice
tant dans la Suisse entière qu'à l'étranger d'une large renommée au
plan touristique, alors que la défenderesse, qui exploite une école
internationale au Zugerberg, ne jouit d'une certaine notoriété qu'auprès
d'une "clientèle étudiante internationale" et tout au plus localement,
soit dans la région de Zoug.

    Il est indubitable que le nom "Montana" est immédiatement associé en
Suisse dans l'esprit du public au secteur du tourisme et des loisirs,
plus particulièrement en région de montagne. La demanderesse abrite en
effet sur son territoire une célèbre station de sports d'été et d'hiver,
où il a été organisé en 1987 une compétition mondiale dans une discipline
sportive parmi les plus populaires dans le pays.

    En comparaison, la renommée de la défenderesse apparaît bien moindre,
et, à tout le moins, limitée au nord-est de la Suisse. On ne sait du reste
rien des matières qui y sont enseignées, des professeurs qui y dispensent
leur savoir, ni des étudiants qui la fréquentent.

    Dans ces circonstances, il est évident que l'utilisateur moyen
d'internet escompte trouver sous le nom de domaine "montana.ch", lequel
éveille en lui un endroit de villégiature dans les Alpes valaisannes, des
informations relatives à la demanderesse. L'utilisateur, qui arrive sur
le site de la défenderesse après avoir tapé l'adresse internet précitée,
est ainsi amené à croire que la recourante a un quelconque lien avec
l'intimée, alors qu'il n'en est rien. On ne saurait admettre que la
défenderesse puisse tirer un profit indu de la réputation de sa partie
adverse. Il suit de là que l'intérêt de la demanderesse à utiliser son nom,
sans adjonction, comme nom de domaine l'emporte largement sur l'intérêt
opposé de la défenderesse.

    La cour cantonale n'a nullement violé le droit fédéral en considérant
que l'usage du nom de domaine litigieux consacrait une atteinte au droit
au nom de l'intimée.