Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 III 284



128 III 284

52. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. AG contre
Y. (recours en réforme)

    4C.385/2001 du 8 mai 2002

Regeste

    Identische Klagen (Art. 35 GestG).

    Wenn sich die gleichen Parteien gegenüberstehen und die Klagen auf
demselben Sachverhalt beruhen, müssen eine negative Feststellungsklage
und eine Leistungsklage als identisch im Sinne von Art. 35 GestG erachtet
werden (E. 3).

    Der zuerst angerufene Richter im Sinne von Art. 35 GestG bestimmt
sich nach der im kantonalen Recht definierten Rechtshängigkeit (E. 4).

Sachverhalt

    A.- De 1987 à 1995, Y. a été un membre influent du comité exécutif
du conseil d'administration de X. AG, dont le siège est en Suisse
alémanique. A des dates non précisées, il aurait demandé au président du
conseil d'administration de Z. S.A. d'intervenir en faveur de X. AG dans
le cadre d'une vente de machines à l'étranger. X. AG a versé à Z. S.A. par
deux fois des honoraires de 1'000'000 DM; elle a refusé en revanche de
payer un tel montant pour une prétendue troisième intervention.

    B.- Z. S.A. a ouvert action contre Y. à Genève. Elle concluait
à ce que le défendeur soit condamné à lui verser la somme de 820'600
fr. (contre-valeur de 1'000'000 DM), plus intérêts. Le 3 janvier 2001,
Y. a déposé une demande d'appel en cause de X. AG.

    Quelques jours plus tôt, le 20 décembre 2000, X. AG avait déposé devant
le Juge de paix d'Arbon une requête en conciliation dirigée contre Y. Ses
conclusions tendaient notamment à faire constater que Y. ne disposait
d'aucun droit de recours contre elle-même au cas où il succomberait
dans le procès introduit à Genève par Z. S.A. Le Juge de paix a délivré
l'autorisation de citer le 31 janvier 2001. X. AG a déposé la demande le
1er mars 2001 devant le Tribunal de district d'Arbon.

    A l'audience d'introduction devant le Tribunal de première instance du
canton de Genève, l'appelée en cause a soulevé un incident d'incompétence
ratione loci. Par jugement du 26 avril 2001, le tribunal a déclaré
recevable l'appel en cause déposé par le défendeur à l'encontre de X. AG,
mais a suspendu la cause jusqu'à ce que le Tribunal de district d'Arbon
ait statué sur sa compétence dans la cause introduite le 20 décembre 2000.

    Statuant le 12 octobre 2001 sur appel de Y., la Chambre civile de la
Cour de justice a annulé la mesure de suspension de la procédure d'appel
en cause.

    C.- Le Tribunal fédéral a admis le recours en réforme interjeté par
l'appelée en cause.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) La présente espèce met en jeu l'art. 35 de la loi fédérale du
24 mars 2000 sur les fors en matière civile (LFors; RS 272), qui a trait
aux actions identiques. L'alinéa 1 de cette disposition prévoit que,
lorsque des actions portant sur le même objet de litige entre les mêmes
parties sont introduites devant plusieurs tribunaux, tout tribunal saisi
ultérieurement sursoit à la procédure jusqu'à ce que le tribunal saisi
en premier lieu ait statué sur sa compétence.

    Selon l'arrêt attaqué, l'action négatoire de l'appelée en cause en
Thurgovie a été introduite avant l'appel en cause devant la juridiction
genevoise. Cependant, la cour cantonale, se fondant sur l'arrêt publié aux
ATF 105 II 229, a nié l'identité entre l'action en constat négative et
l'action condamnatoire; elle a ainsi considéré que l'une des conditions
cumulatives d'une suspension au sens de l'art. 35 al. 1 LFors n'était
pas réalisée dans le cas particulier.

Erwägung 3

    3.- Il convient à présent d'examiner les deux actions introduites
par l'appelée en cause, respectivement le défendeur.

    a) Il ne fait aucun doute que l'action engagée en Thurgovie
met aux prises les mêmes parties que celles opposées dans l'appel
en cause genevois. A cet égard, le rôle des parties dans chacune des
procédures est sans importance; que X. AG soit, d'un côté, demanderesse
et, de l'autre côté, appelée en cause contre laquelle sont prises
des conclusions récursoires, ne l'empêche pas de se prévaloir de
l'exception de litispendance (PETER RUGGLE/KRISTINA TENCHIO-KUZMIC,
Bundesgesetz über den Gerichtsstand in Zivilsachen, in Kommentar zum
Schweizerischen Zivilprozessrecht, n. 6 et 7 ad art. 35 LFors, p. 351;
FRANZ KELLERHALS/ANDREAS GÜNGERICH, GestG-Kommentar, Berne 2001, n. 4 ad
art. 35 LFors, p. 277; FELIX DASSER, Kommentar GestG, Zurich 2001, n. 8
et 10 ad art. 35 LFors, p. 856; YVES DONZALLAZ, Commentaire de la loi
fédérale sur les fors en matière civile, n. 28, p. 739 et n. 38, p. 744;
JEAN-MARC REYMOND, L'exception de litispendance, thèse Lausanne 1990,
p. 205/206, p. 208/209, p. 243/244 et p. 302). La condition de l'identité
subjective est réalisée.

    b) L'application de l'art. 35 LFors suppose en outre l'identité
de l'objet du litige. En relation avec l'exception de chose jugée,
le Tribunal fédéral a admis que tel était le cas lorsque, dans l'un et
l'autre procès, les parties soumettent au juge la même prétention en se
fondant sur les mêmes causes juridiques et les mêmes faits (ATF 123 III
16 consid. 2a p. 18; 121 III 474 consid. 4a p. 477 et l'arrêt cité).
L'identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel; il n'est pas
nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de
manière identique (ATF 123 III 16 consid. 2a p. 19; 121 III 474 consid. 4a
p. 478; cf. également DONZALLAZ, op. cit., n. 31, p. 740/741).

    aa) La conclusion principale de l'appel en cause tend à "condamner
X. AG à relever et garantir M. Y. de toute condamnation qui pourrait
être prononcée contre lui dans le cadre de la cause No C/... en capital,
intérêts et frais". Quoi qu'en dise l'appelée en cause, cette action
récursoire est bien de nature condamnatoire, car elle tend à l'exécution
d'une prestation en faveur du défendeur (cf. CHARLES CEPPI, Les conclusions
en procédure civile - supplément, p. 9).

    Parmi les conclusions de la demande déposée devant le Tribunal de
district d'Arbon, seule la quatrième, par laquelle l'appelée en cause
veut notamment faire constater l'absence de recours du défendeur au cas
où ce dernier perdrait son procès contre Z. S.A., repose

sur le même fondement juridique et le même complexe de faits que
l'appel en cause formé à Genève. A priori, il y a identité de l'objet du
litige. Cependant, la question de l'éventuelle identité entre une action
négatoire et une action condamnatoire est controversée; elle mérite dès
lors un plus ample examen dans le cadre de la LFors.

    bb) Dans l'arrêt publié aux ATF 105 II 229, rendu en application d'une
convention bilatérale d'exécution de décisions judiciaires, le Tribunal
fédéral a rejeté l'exception de litispendance, faute d'identité entre une
action négatoire de droit antérieure et une action condamnatoire déposée
postérieurement; il a considéré comme déterminant à cet égard le fait que,
en cas de rejet, l'action en constat négative n'excluait pas une action en
paiement ultérieure (consid. 1b p. 233). En revanche, cette jurisprudence
a été expressément écartée dans le cadre de la Convention de Lugano du
16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale (Convention de Lugano ou CL;
RS 0.275.11). S'inspirant des arrêts rendus par la Cour de Justice des
Communautés européennes (CJCE), le Tribunal fédéral a jugé que l'action
tendant à faire constater, en Suisse, que les demanderesses ne devaient
rien à la défenderesse en raison des faits exposés dans la demande déposée
en Grande-Bretagne, portait sur le même objet et la même cause au sens
de l'art. 21 CL que l'action condamnatoire introduite outre-Manche par la
défenderesse (ATF 123 III 414 consid. 5 p. 422/423; cf. également ATF 125
III 346 consid. 4b). En effet, le but visé par l'art. 21 CL est d'éviter
que les tribunaux des Etats contractants rendent des décisions exécutoires
contradictoires; or, ce but ne peut être atteint que si la disposition
sur la litispendance s'applique à toutes les procédures judiciaires où
ce risque existe (ATF 123 III 414 consid. 5 p. 422).

    Les auteurs sont partagés sur la question. Pour certains, la
jurisprudence de l'ATF 105 II 229 est valable sous l'empire de la
LFors. Ils en tirent la conclusion qu'il ne peut y avoir identité
objective si l'action négatoire précède l'action condamnatoire
(RUGGLE/TENCHIO-KUZMIC, op. cit., n. 14 ad art. 35 LFors, p. 354;
KELLERHALS/GÜNGERICH, op. cit., n. 7 et note de pied 2 ad art. 35 LFors,
p. 278). Sans prendre réellement position, DONZALLAZ observe que la
jurisprudence très extensive de la CJCE et du Tribunal fédéral à propos
de l'art. 21 CL conduit parfois à des résultats choquants, notamment en
cas de procès dilatoire ou de blocage (op. cit., n. 42 et 43 ad art. 35
LFors et note de pied 2864 décrivant le procédé dit de l'Italian Torpedo,
p. 746). Pour DASSER, le cas d'une action négatoire antérieure à une

action condamnatoire relève de l'art. 36 LFors, relatif aux actions
connexes; la suspension supposerait alors l'existence d'un intérêt
particulier à la constatation demandée (op. cit., n. 17 ad art. 35
LFors, p. 858). Le même auteur relève pourtant que l'entrée en vigueur
de la LFors peut être l'occasion d'adapter la jurisprudence suisse à
la solution européenne (op. cit., n. 17 ad art. 35 LFors, p. 858/859).
C'est précisément l'opinion de ISAAK MEIER, qui estime que la notion
d'actions identiques doit s'interpréter de la même manière à l'art. 21 CL
et à l'art. 35 LFors (GestG - Konzept des neuen Rechts und erste Antworten
auf offene Fragen, in Revue de l'Avocat 1/2001 p. 29).

    L'art. 35 LFors tend à éviter des jugements contradictoires au cas
où des actions identiques sont introduites à plusieurs endroits (Message
concernant la LFors, in FF 1999 p. 2632; JACQUES HALDY, Présentation
générale des nouveaux fors fédéraux, in Les nouveaux fors fédéraux et les
nouvelles organisations judiciaires, CEDIDAC 2001 p. 21). Cette disposition
poursuit donc le même but que l'art. 21 CL (cf. ATF 123 III 414 consid. 5
p. 422). Du reste, le Conseil fédéral souligne le parallélisme entre
l'art. 36 du projet (= art. 35 LFors) et l'art. 21 CL; en note de bas de
page, il se réfère même expressément à l'arrêt publié aux ATF 123 III
414, rendu en application de l'art. 21 CL (Message du 18 novembre 1998
concernant la loi sur les fors, in FF 1999 p. 2632/2633; DONZALLAZ,
op. cit., n. 18 ad art. 35 LFors, p. 734; HALDY, op. cit., p. 21).

    Vu l'analogie entre les deux dispositions et leur but semblable, on ne
voit pas pourquoi la notion de l'identité de l'objet du litige développée
par la jurisprudence dans le cadre de la Convention de Lugano ne serait
pas valable également dans le cadre de la LFors (cf. DONZALLAZ, op.
cit., n. 30 ad art. 35 LFors, p. 740, pour lequel l'objet du litige se
définit de la même manière à l'art. 35 LFors et à l'art. 21 CL). Si elles
opposent les mêmes parties et portent sur le même complexe de faits,
une action négatoire et une action condamnatoire doivent ainsi être
considérées comme identiques au sens de l'art. 35 LFors (cf. ATF 123 III
414 consid. 5 p. 423). Peu importe à cet égard que l'action en négation de
droit précède ou suive l'action en exécution, car il serait contraire à la
logique de faire dépendre la notion d'identité de l'ordre d'introduction
des procédures: soit les actions sont identiques, soit elles ne le sont pas
(cf. DASSER, op. cit., n. 18 ad art. 35 LFors, p. 859). Par ailleurs,
le risque de blocage évoqué plus haut ne doit pas être surestimé. Les
tribunaux suisses ne paraissent pas avoir pour habitude de laisser les
affaires s'enliser. On peut dès lors compter sur la rapidité du juge

saisi en premier à se prononcer sur sa compétence, voire à rendre une
décision d'irrecevabilité en cas de défaut d'intérêt manifeste à la
constatation.

    Au demeurant, cette solution s'impose indépendamment du parallélisme
existant entre l'art. 35 LFors et l'art. 21 CL. En effet, la jurisprudence
consacrée à l'ATF 105 II 229 ne peut être reprise pour les raisons
exposées ci-après. Selon l'arrêt susmentionné, il n'y a litispendance que
si la première procédure permet d'aboutir à un jugement ayant autorité
de chose jugée, c'est-à-dire qui tranche définitivement le sort de la
prétention faisant l'objet des deux procédures. Or, en cas de rejet de
l'action en négation de droit, le défendeur n'obtient pas le résultat
que l'admission de ses conclusions condamnatoires lui assurerait. Tirant
argument de ce cas de figure, le Tribunal fédéral a refusé de qualifier
d'identiques les actions négatoire et condamnatoire (ATF 105 II 229
consid. 1b p. 233). Cette jurisprudence a été critiquée par KUMMER
(Die privatrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahre 1979,
in RJB 117/1981 p. 162 ss; approuvé par POUDRET, Commentaire de la loi
fédérale d'organisation judiciaire [COJ] II, n. 1.3.2.6 ad art. 43 OJ,
p. 117; cf. également REYMOND, op. cit., p. 221). Comme cet auteur le
fait observer avec pertinence, la coexistence des deux actions crée
un risque de décisions contradictoires. Or, l'art. 35 LFors, qui tend
précisément à éviter des jugements contradictoires, doit être interprété
de manière à écarter un tel risque. En l'occurrence, si aucun des deux
procès n'est suspendu, le Tribunal de district d'Arbon pourrait, par
hypothèse, reconnaître le principe de la dette de l'appelée en cause
envers le défendeur, en rejetant l'action négatoire, alors que le juge
genevois, qui doit trancher cette question préalablement, pourrait y
répondre négativement et rejeter l'appel en cause; le risque de décisions
contradictoires existe donc. A l'inverse, un jugement thurgovien antérieur
admettant l'action en constat négative aurait autorité de chose jugée et
rendrait la procédure genevoise sans objet. Mais, dans cette hypothèse-là
également, des motifs d'économie du procès plaident pour ne pas laisser
les deux instances se dérouler en parallèle. La suspension de la seconde
procédure sur la base de l'art. 35 LFors apparaît dès lors comme le
moyen adéquat pour éviter des jugements contradictoires ou un procès
inutile lorsqu'une action en négation de droit est opposée à une action
condamnatoire.

    Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale a violé l'art.
35 LFors en considérant que l'action négatoire introduite en Thurgovie
n'était pas identique à l'appel en cause genevois.

Erwägung 4

    4.- Cela étant, le défendeur, dans son mémoire de réponse, conteste
l'antériorité de l'action introduite à Arbon par l'appelée en cause.

    a) L'art. 38 du projet de LFors prévoyait que la litispendance
est créée par l'ouverture de l'action. Cette solution n'a pas été
retenue par le Parlement, qui ne voulait pas d'un concept unifié au plan
fédéral. C'est dès lors au regard du droit cantonal qu'il conviendra de
définir la litispendance, afin de déterminer le juge saisi en premier
(RUGGLE/TENCHIO-KUZMIC, op. cit., n. 18 ss ad art. 35 LFors, p. 355 ss;
KELLERHALS/GÜNGERICH, op. cit., n. 8 ad art. 35 LFors, p. 278; DASSER,
op. cit., n. 18 ss ad Vorbemerkungen zu Art. 35-36 GestG, p. 848 ss;
DONZALLAZ, op. cit., n. 9 ad art. 35 LFors, p. 726).

    b) En droit thurgovien, le § 90 de la loi de procédure civile du 6
juillet 1988 traite de la litispendance. Son alinéa 1 a la teneur suivante:
      "Klage und Widerklage werden mit der Einlassung in den Rechtsstreit

    und, wo kein Vermittlungsvorstand stattfindet, mit dem Eintreffen der

    erforderlichen Eingabe beim Gericht rechtshängig."

    Même si la formulation adoptée n'est pas des plus claires, il est admis
que la litispendance est créée par le dépôt de la requête en conciliation
(RUGGLE/TENCHIO-KUZMIC, n. 25 ad art. 35 LFors, p. 357). Comme l'appelée
en cause a introduit la procédure de conciliation en Thurgovie le 20
décembre 2000, son action en constat négative est antérieure à l'appel
en cause formé par le défendeur à Genève le 3 janvier 2001.

    Les conditions d'une suspension au sens de l'art. 35 LFors sont
réunies en l'espèce. Il ne s'impose dès lors pas de se prononcer sur
l'éventuelle application de l'art. 36 LFors, préconisée par l'appelée en
cause à titre subsidiaire.