Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 II 198



127 II 198

22. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 5 juin 2001 dans
la cause Abacha et Bagudu contre Chambre d'accusation du canton de Genève
(recours de droit administratif) Regeste

    Internationale Rechtshilfe in Strafsachen und kantonales
Strafverfahren; Akteneinsicht; Art. 80e IRSG.

    Der Entscheid über die Einsicht in die Akten eines kantonalen
Strafverfahrens ist mit Verwaltungsgerichtsbeschwerde anzufechten, wenn
dieser Entscheid die Beurteilung des konnexen Rechtshilfegesuchs direkt
beeinflusst (E. 2a).

    Umwandlung der staatsrechtlichen Beschwerde in eine
Verwaltungsgerichtsbeschwerde (E. 2b-d). Begriff des nicht wieder
gutzumachenden Nachteils im Sinne von Art. 80e lit. b IRSG (E. 2b).

    Vorliegend sind das Rechtshilfeverfahren und das Strafverfahren
derart miteinander verknüpft, dass die nach kantonalem Recht erteilte
unbegrenzte Bewilligung des Rechts zur Einsichtnahme in die Akten des
Strafverfahrens im Rahmen des Rechtshilfeverfahrens einen Verstoss gegen
wesentliche Grundsätze des IRSG darstellt (E. 4).

Sachverhalt

    Le 30 septembre 1999, la République fédérale du Nigeria (ci-après: la
République fédérale) a annoncé à l'Office fédéral de la justice (ci-après:
l'Office fédéral) qu'elle envisageait de demander à la Suisse l'entraide
judiciaire pour les besoins de l'enquête ouverte au Nigeria à l'encontre
des parents et des proches de feu Sani Abacha, Président de la République
fédérale du 17 novembre 1993 à son décès le 8 juin 1998. Les personnes
poursuivies le sont pour détournement de fonds publics.

    Le 28 octobre 1999, le Procureur général du canton de Genève, se
fondant sur des communications faites en application de la loi fédérale du
10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans
le secteur financier (LBA; RS 955.0), a, dans le même complexe de faits,
ordonné l'ouverture d'une information pénale des chefs d'organisation
criminelle (art. 260ter CP) et de blanchiment d'argent (art. 305bis
CP). Cette procédure a été désignée sous la rubrique P/12983/99.

    Le 24 novembre 1999, la République fédérale a déposé auprès du
Procureur général une plainte pénale notamment pour abus de confiance,
escroquerie, extorsion, gestion déloyale, recel, participation à
une organisation criminelle et blanchiment d'argent notamment contre
Mohamed Sani Abacha, fils de Sani Abacha, et Abubakar Attiku Bagudu,
homme d'affaires et ami de Sani Abacha. Le Procureur général a ordonné
l'ouverture d'une information pénale. Cette procédure, désignée sous
la rubrique P/14457/99, a été jointe à la procédure P/12983/99, le 29
novembre 1999.

    Le 3 décembre 1999, le Juge d'instruction a admis la République
fédérale comme partie civile à la procédure P/12983/99, ainsi qu'aux
procédures connexes.

    Le 22 décembre 1999, le Juge d'instruction a joint toutes les
procédures connexes à la procédure principale P/12983/99, au dossier de
laquelle il avait donné accès à la République fédérale, le 9 décembre 1999.

    Le 20 décembre 1999, la République fédérale a présenté à l'Office
fédéral une demande formelle d'entraide judiciaire, pour les besoins de
l'enquête conduite par la "Special Fraud Unit" de la police nigériane
contre les parents et les proches de feu Sani Abacha. Les faits évoqués
dans la demande d'entraide sont identiques à ceux appuyant la plainte du
24 novembre 1999.

    Le 20 janvier 2000, l'Office fédéral a rendu une décision d'entrée
en matière et ordonné le blocage d'une série de comptes bancaires. Il
a délégué au même Juge d'instruction que celui chargé des procédures
pénales ouvertes à Genève la mission de réunir la documentation relative
à ces comptes, en l'invitant à remettre "toute information additionnelle
recueillie dans le cadre de sa propre procédure et ayant une utilité
potentielle pour répondre à la demande". Cette procédure a été désignée
sous la rubrique CP/286/99.

    Le Juge d'instruction a inculpé Abacha et Bagudu de participation à
une organisation criminelle, de blanchiment d'argent, d'escroquerie, de
gestion déloyale, subsidiairement de gestion déloyale des intérêts publics.

    Le 7 novembre 2000, Bagudu s'est adressé au Juge d'instruction
pour se plaindre de ce que la République fédérale aurait eu accès à
des renseignements, contenus dans le dossier de procédure P/12983/99
équivalents, selon lui, à ceux réclamés dans la demande d'entraide
judiciaire (CP/286/99), dont le traitement était en cours. De cette
manière, la République fédérale aurait obtenu, de manière indue et
prématurée, des informations qu'elle n'aurait pu obtenir qu'au terme
de la procédure d'entraide. Bagudu a demandé au Juge d'instruction de
suspendre le droit de la République fédérale de consulter le dossier,
subsidiairement de lui faire interdiction d'utiliser les renseignements
obtenus dans le cadre de la procédure P/12983/99 jusqu'à droit connu sur
la demande d'entraide judiciaire.

    Abacha a fait sienne la demande de Bagudu.

    Le 23 novembre 2000, le Juge d'instruction a rejeté cette requête.

    Par deux décisions du 14 février 2001, la Chambre d'accusation a
rejeté les recours formés par Bagudu et Abacha contre la décision du 23
novembre 2000, qu'elle a confirmée.

    Agissant séparément par la voie du recours de droit public, Mohamed
Sani Abacha et Abubakar Bagudu demandent au Tribunal fédéral d'annuler la
décision du 14 février 2001. Bagudu requiert en outre le renvoi de la cause
à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants.
Les recourants invoquent les art. 5 al. 3, 9, 29 al. 2 et 49 al. 1 Cst.

    Le Tribunal fédéral, après avoir joint les recours, a admis ceux-ci,
traités comme recours de droit administratif. Il a annulé les décisions
attaquées et renvoyé les causes au Juge d'instruction pour nouvelle
décision au sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 II 41 consid. 2a
p. 42; 126 I 81 consid. 1 p. 83, 207 consid. 1 p. 209, 257 consid. 1a
p. 258, et les arrêts cités).

    a) Le recours de droit public n'est pas recevable si le grief peut
être soumis par un autre moyen de droit au Tribunal fédéral ou à une autre
autorité fédérale (art. 84 al. 2 OJ). En l'occurrence, les recourants
reprochent essentiellement aux autorités cantonales d'avoir éludé les
prescriptions de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière
pénale du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1). Ils font valoir que la décision de
donner à la République fédérale, partie civile, le libre accès au dossier
de la procédure P/12983/99, en application de l'art. 142 al. 1 CPP/GE,
reviendrait, de fait, à lui accorder tout ce qu'elle a réclamé à l'appui
de la demande d'entraide judiciaire, avant même qu'une décision de clôture
au sens de l'art. 80d EIMP ne soit rendue, ce qui serait inconciliable
avec les règles fondamentales de l'entraide judiciaire et notamment
le principe de la spécialité ancré à l'art. 67 al. 1 EIMP. Invoquant la
primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), les recourants soutiennent
à cet égard que le Juge d'instruction et la Chambre d'accusation auraient
appliqué arbitrairement le droit cantonal de procédure en lieu et place
du droit public de la Confédération, soit l'EIMP. Or, un tel grief doit
être soulevé dans le cadre du recours de droit administratif, selon ce
que prévoit l'art. 25 al. 1 EIMP. Cette règle correspond au système des
art. 97 et 98 let. g OJ, mis en relation avec l'art. 5 PA (RS 172.021),
selon lequel la voie du recours de droit administratif est ouverte
contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance et
qui sont fondées sur le droit fédéral - ou qui auraient dû l'être - pour
autant qu'aucune des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la
législation spéciale ne soit réalisée (ATF 127 II 1 consid. 2b/aa p. 3/4;
126 I 50 consid. 1 p. 52; 126 II 171 consid. 1a p. 173, 300 consid. 1a p.
301/302; 126 V 252 consid. 1a p. 253/354, et les arrêts cités), cette
voie de droit étant aussi ouverte contre les décisions cantonales fondées
à la fois sur le droit fédéral et sur le droit cantonal dans la mesure
où la violation de dispositions du droit fédéral directement applicables
est en jeu (cf. art. 104 let. a OJ; ATF 126 V 30 consid. 2 p. 31; 125 I
10 consid. 2a p. 13; 124 II 409 consid. 1d/dd p. 414/415, et les arrêts
cités). Ces principes jurisprudentiels valent aussi dans le domaine de
l'entraide judiciaire, qui relève du droit public de la Confédération. En
d'autres termes, lorsque dans le cadre d'une procédure pénale régie par
le droit cantonal, une partie soulève le grief de violation des règles de
l'EIMP applicables à une procédure d'entraide connexe, l'autorité cantonale
(d'exécution ou de recours) rend une décision fondée sur le droit fédéral,
contre laquelle seule est ouverte la voie du recours de droit administratif
(cf. art. 80e, 80f et 80i EIMP; cf. ATF 115 Ib 366 consid. 1 p. 369/370
et l'arrêt non publié F. du 23 mars 1994).

    En l'espèce, la procédure P/12983/99 présente un lien étroit avec
la procédure CP/286/99 ouverte en exécution de la demande d'entraide
du 20 décembre 1999: la République fédérale, comme Etat requérant et
comme partie civile, défend les mêmes intérêts; les faits évoqués dans
la plainte pénale et dans la demande d'entraide sont identiques; les
personnes impliquées sont les mêmes; les mesures de contrainte portent
sur les mêmes comptes. Les deux procédures sont à ce point imbriquées
qu'il est pour ainsi dire impossible de mener l'une indépendamment de
l'autre. Ce point n'a d'ailleurs pas échappé à l'Office fédéral. Dans sa
décision d'entrée en matière du 20 janvier 2000, celui-ci a invité le Juge
d'instruction chargé simultanément de la procédure pénale (P/12983/99) et
de l'exécution de la demande d'entraide (CP/286/99) à lui remettre, en vue
d'une transmission à l'Etat requérant, "toute information additionnelle
recueillie dans le cadre de sa procédure pénale et ayant une utilité
potentielle" pour la procédure étrangère. Les mesures de contrainte -
notamment la saisie d'une très importante documentation bancaire -
ont été ordonnées aussi bien pour les besoins de la procédure pénale
que pour l'exécution de la demande d'entraide judiciaire. En accordant
à la République fédérale l'accès au dossier de la procédure P/12983/99,
sans aucune restriction, le Juge d'instruction a pris une décision qui
a influé sur le déroulement de la procédure d'entraide, puisque l'Etat
requérant s'est trouvé autorisé à consulter les pièces recueillies pour
l'exécution de la demande d'entraide, avant tout tri préalable. En cela,
le Juge d'instruction ne s'est pas placé uniquement sur le terrain de
l'art. 142 CPP/GE; il a aussi statué en application de l'EIMP. Les mêmes
remarques valent pour la Chambre d'accusation, autorité cantonale de
recours compétente pour connaître des décisions du Juge d'instruction aussi
bien pour ce qui concerne la procédure pénale cantonale (art. 190 CPP/GE),
que la procédure d'entraide (art. 34 de la loi genevoise d'application du
Code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1973
[LACP]). La Chambre d'accusation devait admettre, sur le vu des recours
formés par les recourants contre la décision du 23 novembre 2000, que
l'affaire portait sur l'application et le respect de l'EIMP. Partant,
elle devait considérer la décision entreprise comme une décision incidente
fondée sur cette loi et la traiter comme telle (cf. l'art. 45 PA). Bien
que ce point ait échappé à la Chambre d'accusation, celle-ci a néanmoins
écarté expressément le grief tiré de l'élusion de l'EIMP. En cela, elle
a matériellement appliqué le droit fédéral. Le lien de connexité très
étroit unissant les deux procédures commande d'admettre que la décision
devait être attaquée par la voie du recours de droit administratif.

    Au regard de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit public est
ainsi irrecevable. Il peut cependant être converti en recours de droit
administratif, pour autant qu'il réponde aux exigences des art. 97 ss
OJ (ATF 121 II 72 consid. 1f p. 77; 120 Ib 287 consid. 3d p. 298, 379
consid. 1a p. 381; 118 Ib 326 consid. 1b p. 330).

    b) Dans le domaine de l'EIMP, peuvent faire l'objet d'un recours
la décision de clôture de la procédure d'entraide et, conjointement
avec celle-ci, les décisions incidentes antérieures (art. 80e let. a
EIMP). Celles-ci sont séparément attaquables, selon l'art. 80e let. b EIMP,
si elles causent à leur destinataire un préjudice immédiat et irréparable
découlant de la saisie d'objets ou de valeurs (ch. 1) ou de la présence de
personnes qui participent à la procédure à l'étranger (ch. 2). L'existence
d'un préjudice immédiat et irréparable ne peut être admise que dans l'un
ou l'autre cas visé à l'art. 80e let. b EIMP, dont l'énumération est en
principe exhaustive (ATF 126 II 495 consid. 5 p. 499 ss).

    La décision refusant de limiter le droit de consulter le dossier, est
de nature incidente. Ne portant pas sur la saisie d'objets ou de valeurs,
elle ne cause pas aux recourants le préjudice mentionné à l'art. 80e
let. b ch. 1 EIMP. Elle n'entre pas davantage dans la catégorie définie
à l'art. 80e let. b ch. 2 EIMP, les autorités de l'Etat requérant n'ayant
pas demandé à participer à l'exécution de la demande d'entraide.

    Cela étant, si l'art. 80e let. b ch. 2 EIMP ouvre la voie du recours
séparé contre la décision incidente prise selon l'art. 65a EIMP, c'est
parce que la participation à l'exécution de la demande de fonctionnaires
étrangers peut, selon les circonstances, comporter le risque d'un
dévoilement prématuré d'informations et de documents dont la transmission
ne peut être ordonnée que dans le cadre d'une décision de clôture au sens
de l'art. 80d EIMP (cf. les arrêts non publiés J. du 29 septembre 1999
et F. du 17 juin 1998). Or, en l'espèce, le préjudice redouté par les
recourants est de nature semblable: si la République fédérale, par le
truchement d'une procédure pénale parallèle à laquelle elle est partie,
reçoit des documents et informations qu'elle ne pourrait obtenir, par
la voie de l'entraide judiciaire, qu'après le prononcé d'une décision de
transmission définitive, la décision lui donnant un accès inconditionnel
et illimité à la procédure pénale cause à la personne touchée par cette
divulgation prématurée un dommage analogue à celui visé à l'art. 80e let.
b ch. 2 EIMP. Cette conclusion s'impose aussi au regard de la jurisprudence
qui dénie à l'Etat requérant, sauf exceptions, la qualité de partie à la
procédure d'entraide (cf. ATF 125 II 411), afin d'éviter, précisément,
le dommage provoqué par le dévoilement intempestif d'informations et de
renseignements dans le cadre de la procédure d'entraide.

    Le préjudice allégué est irréparable. Si, pour une raison ou
pour une autre, la demande d'entraide devait être rejetée, avec la
conséquence que les documents et renseignements recueillis par le Juge
d'instruction ne devaient pas être transmis à la République fédérale,
il n'en demeurerait pas moins que celle-ci aurait eu connaissance de
ces pièces (dont elle aurait pu établir des copies, comme le permet
expressément l'art. 142 CPP/GE), dans la procédure P/12983/99. Lorsque,
dans la procédure d'entraide, l'Etat requérant obtient indûment des
documents qu'il n'aurait pas dû recevoir, l'autorité d'exécution qui
est allée au-delà de ce qu'elle aurait dû faire doit chercher à obtenir
la restitution de ces documents et informations (ATF 115 Ib 186 consid.
4 p. 193), sans que l'Etat requérant - auquel l'erreur de l'autorité suisse
n'est pas opposable - n'y soit cependant tenu en vertu de ses obligations
(cf. ROBERT ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière
pénale, Berne 1999, no 170 p. 128). L'Etat requérant serait d'autant moins
obligé de restituer les pièces copiées dans le cas où, comme en l'espèce,
il aurait eu connaissance d'informations confidentielles dans le cadre
d'une procédure pénale ouverte dans l'Etat requis, dont les autorités
lui auraient reconnu la qualité de partie civile.

    c) Contre une décision incidente, le délai de recours est de dix jours
(art. 80k EIMP). Le recours, déposé le 28 mars 2001 contre la décision
notifiée le 23 février 2001, est tardif, partant irrecevable à cet égard.

    Lorsqu'il existe une obligation de mentionner une voie de droit,
son omission ne doit pas porter préjudice au justiciable (ATF 126 II 506
consid. 1b p. 509; 123 II 231 consid. 8b p. 238; 119 IV 330 consid. 1c
p. 333). Cependant, celui qui s'aperçoit du vice affectant l'indication
de la voie de droit ou qui devait s'en apercevoir en faisant usage de
la prudence que l'on pouvait attendre de lui, ne peut se prévaloir d'une
indication inexacte ou incomplète sur ce point (ATF 121 II 72 consid. 2a
p. 78; 119 IV 330 consid. 1c p. 333; 118 Ib 326 consid. 1c p. 330; 117 Ia
421 consid. 2a p. 422). En particulier, ne mérite pas de protection la
partie dont l'avocat eût pu déceler l'omission ou l'erreur par la seule
lecture du texte légal, sans recourir à la consultation de la jurisprudence
ou de la doctrine (ATF 117 Ia 297 consid. 2 p. 299, 421 consid. 2a p. 422).

    En l'espèce, les décisions attaquées ne mentionnent pas la voie
du recours de droit administratif et le délai de recours de dix jours,
contrairement à ce que prévoit l'art. 22 EIMP. Cela s'explique par le
fait que la Chambre d'accusation, à la suite du Juge d'instruction, a
méconnu que le litige portait non seulement sur l'application de l'art. 142
CPP/GE, mais aussi sur celle de l'EIMP, ce qui aurait commandé de statuer
selon cette loi (consid. 2a ci-dessus). Cette omission justifie d'entrer
en matière malgré le caractère tardif du recours et quand bien même on
peut se demander si les recourants, représentés par des mandataires qui
ont invoqué essentiellement les prescriptions de l'EIMP, n'auraient
pas dû s'apercevoir de la méprise des autorités cantonales et agir,
par précaution, dans le délai de dix jours prescrit par l'art. 80k EIMP.

    d) Les recourants sont titulaires de comptes bancaires dont le Juge
d'instruction a ordonné le séquestre et la remise de la documentation
y relative. Sous cet aspect, ils auraient qualité pour agir contre
une décision de clôture de la procédure d'entraide (cf. ATF 126 II 258
consid. 2d/aa p. 260; 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362; 123 II 161 consid.
1d/aa p. 164; 122 II 130 consid. 2a p. 132/133).

    Les recours, traités comme recours de droit administratif, sont
ainsi recevables.

Erwägung 4

    4.- De l'avis des recourants, le fait d'accorder à la République
fédérale, comme partie civile, le droit de consulter le dossier de la
procédure P/12983/99 et d'en copier les pièces, aurait pour effet de
contourner les règles de l'entraide judiciaire régie par l'EIMP, en
violation de la primauté du droit fédéral.

    a) La coopération judiciaire internationale en matière pénale est
du domaine exclusif de la Confédération. Le rôle des cantons dans ce
domaine se limite à l'adoption des normes d'exécution du droit fédéral
qui ne sauraient contrecarrer l'application de celui-ci. La même règle
prévaut dans la mise en oeuvre, par le canton, de ses compétences propres.
Lorsque, comme en l'espèce, le Juge d'instruction conduit parallèlement
à l'exécution de la demande d'entraide une procédure pénale distincte,
il doit veiller à ce que l'application, en soi correcte, des prescriptions
cantonales ne produise pas des effets contraires au droit fédéral.

    Dans le domaine régi par l'EIMP, l'entraide ne peut être accordée,
pour autant que les conditions légales soient remplies, qu'après l'entrée
en force de l'ordonnance de clôture (art. 80d EIMP). Avant que cette
étape ne soit franchie, aucun renseignement, document ou information
ne peut être transmis à l'Etat requérant. La jurisprudence a souligné
maintes fois ce principe, en insistant sur la nécessité d'éviter tout
risque de dévoilement intempestif d'informations en cours de procédure
(cf. ATF 127 II 104 consid. 3d p. 109 et 125 II 238), au regard notamment
des principes de la spécialité et de la proportionnalité.

    b) Le cas d'espèce se singularise par le fait que la procédure
d'entraide (CP/286/99) et la procédure pénale (P/12983/99) sont si
étroitement liées qu'elles en deviennent indistinctes. Les documents
saisis comme moyens de preuve dans le cadre de la deuxième pourraient
être transmis en exécution de la première, comme le souligne la décision
d'entrée en matière du 20 janvier 2000, invitant le Juge d'instruction à
prendre en compte, pour la clôture de la procédure d'entraide, tous les
documents et informations utiles réunis dans la procédure pénale. Le Juge
d'instruction conduisant les deux procédures de front, il doit prendre
en compte les intérêts de l'une comme de l'autre. Cette tâche est rendue
délicate par la nature et les buts différents de l'entraide et de la
poursuite pénale, d'une part, et la superposition du droit fédéral et
cantonal, d'autre part. En l'espèce, le Juge d'instruction et la Chambre
d'accusation ont considéré ce rapport uniquement sous l'angle du droit
de consulter le dossier tel qu'il est défini par l'art. 142 CPP/GE. Cette
façon de voir les choses est trop étroite, car elle aboutit à négliger les
buts de l'EIMP. En effet, au fur et à mesure que la République fédérale
a pu exercer, sans limite et sans conditions, son droit de consulter
le dossier de la procédure pénale (P/12983/99), d'obtenir des copies
des pièces que ce dossier contient et d'en user à sa guise, la procédure
d'entraide (CP/286/99) a perdu son objet et sa substance, au point que le
prononcé d'une décision de clôture portant sur la remise de documents et
d'informations déjà en mains de la République fédérale, n'aurait plus guère
de sens. Dans leur résultat, les décisions attaquées sont inconciliables
avec le but de l'EIMP. Les recours doivent être admis sur ce point.

    c) Pour appliquer le droit cantonal de manière à sauvegarder l'EIMP,
il est nécessaire de limiter le droit de la République fédérale de
consulter le dossier de la procédure P/12983/99, dans toute la mesure
nécessaire pour préserver l'objet de la procédure d'entraide. Cela
suppose d'examiner à chaque fois quelles pièces peuvent être remises
sans dommage pour la procédure d'entraide. Une telle restriction du droit
d'être entendu pourrait s'appuyer sur l'art. 27 al. 1 let. a et al. 2 PA,
appliqué par extension et par analogie (cf. art. 12 al. 1 EIMP). Une
autre solution pourrait consister à suspendre le droit de la République
fédérale de consulter le dossier jusqu'à l'entrée en force de la décision
de clôture de la procédure d'entraide ou à interdire à la République
fédérale l'usage des documents et informations divulgués, jusqu'à l'entrée
en force de la décision de clôture. Il serait aussi envisageable de rendre
des décisions de clôture partielles, selon l'avancement des investigations
du Juge d'instruction.

    d) Comme le soulignent le Procureur général et le Juge d'instruction,
cette solution conduit au résultat paradoxal de traiter de manière plus
défavorable l'Etat étranger qui requiert l'entraide et use de ses droits de
partie civile à la procédure pénale, par rapport à celui qui, sans demander
l'entraide à la Suisse, interviendrait uniquement dans la procédure pénale
cantonale. Cette différence de traitement trouve sa source dans l'art. 142
CPP/GE qui confère aux parties un large droit de consultation du dossier
de la procédure pénale. On ne saurait cependant en déduire que cette norme
pourrait primer les règles et les exigences de l'EIMP. Pour le surplus,
la République fédérale, qui a délibérément choisi d'agir sur le plan de
l'entraide judiciaire comme sur celui de la procédure pénale, ne peut pas
prétendre à bénéficier d'un quelconque traitement de faveur à cet égard.

    e) En l'espèce, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de statuer
lui-même sur l'étendue du droit de consulter un dossier comprenant
plusieurs centaines de pièces. La Chambre d'accusation ayant tranché
sur recours, il se justifie de renvoyer l'affaire directement au Juge
d'instruction (art. 114 al. 2 OJ).