Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 III 553



127 III 553

94. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 3 juillet 2001 dans la
cause X. S.A. contre Y. SpA (recours en réforme)

Regeste

    Überweisungsauftrag; Qualifikation; anwendbares Recht; Widerruf einer
Anweisung (Art. 2 und 5 LugÜ; Art. 117 IPRG; Art. 466, 468 und 470 OR).

    Die Qualifikation richtet sich nach der lex fori (E.  2c).

    Bei internationalen Verhältnissen ist auf die Anweisung das Recht
anwendbar, das im Staat gilt, in dem der Angewiesene seinen gewöhnlichen
Aufenthalt oder seinen Sitz hat (E. 2d).

    Bedingungen, unter denen der Anweisende gegenüber dem Angewiesenen
eine Anweisung widerrufen kann (Art. 470 Abs. 2 OR); Umstände, unter denen
davon auszugehen ist, dass eine Annahme im Sinne von Art. 468 Abs. 1 OR
erklärt worden ist (E. 2e).

    Die Bank, die eine gültig widerrufene Anweisung ausführt, bleibt
gegenüber dem Anweisenden Schuldnerin in Bezug auf den Betrag, der ihr
zur Zahlung anvertraut worden ist (E. 2f und g).

Sachverhalt

    A.- a) En 1995, grâce à l'intervention de A. Ltd, société spécialisée
dans la recherche de bailleurs de fonds (ci-après: A.), la succursale
genevoise de la banque française Z. (devenue X., ci-après: la banque) s'est
déclarée disposée à accorder à la société italienne Y. SpA (ci-après:
Y.) un prêt de 20'000'000 US$ à certaines conditions, essentiellement la
remise d'une garantie bancaire irrévocable et inconditionnelle.

    Lors d'une réunion tenue à Genève le 3 mars 1995, Y. a donné à la
succursale de la banque l'ordre irrévocable de transférer la somme de
440'000 US$ sur le compte de A. dans un délai de 45 jours, si la banque ne
recevait pas une lettre de crédit irrévocable de 2'000'000 US$ en faveur
de A. (à titre de commission) avant le 20 mars 1995.

    Ce transfert supposait l'ouverture préalable de comptes par Y. et
A. auprès de l'établissement bancaire genevois; ces démarches ont été
accomplies le même jour.

    Le 10 mars 1995, Y. a remis un chèque de 440'000 US$ à la banque
afin de couvrir l'exécution de l'ordre irrévocable. Cette dernière n'a
cependant pas procédé au versement des 440'000 US$ dans le délai de 45
jours, faute de couverture suffisante car elle n'avait pas pu encaisser
le chèque, refusé par la banque tirée.

    b) Les garanties exigées n'ayant pas été fournies, Y.  n'a pas
obtenu le prêt de 20'000'000 US$. Par courrier du 14 juin 1995, elle
a formellement révoqué toutes les instructions données par le passé en
rapport avec son compte auprès de la succursale genevoise de la banque,
y compris celles qui figuraient dans le document du 3 mars

1995. Simultanément, elle informait la banque qu'elle avait pris des
dispositions pour que son compte soit couvert. Ce dernier a été crédité
le 22 juin 1995 de 500'000 US$.

    Par courrier du 27 juin 1995, la banque a répondu que, selon le
droit suisse, les instructions données par Y. le 3 mars 1995 étaient
irrévocables et qu'en conséquence elle était légalement tenue de procéder
au transfert des 440'000 US$ sur le compte de A.; elle a par ailleurs
affirmé que l'ordre de virement avait déjà été exécuté, ce qui était faux.
L'opération en question a été effectuée le lendemain, soit le 28 juin 1995.

    B.- Par jugement du 31 mai 2000, le Tribunal de première instance a
condamné la banque à verser à Y. la somme de 505'120 fr. (contre-valeur
au 28 juin 1995 de 440'000 US$) avec intérêts à 5% dès le 28 juin 1995.

    La Chambre civile de la Cour de justice genevoise a confirmé ce
jugement. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme interjeté
par la banque.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) La cour cantonale a admis la compétence des tribunaux suisses,
en se référant à l'art. 5 ch. 5 de la Convention du 16 septembre 1988
concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en
matière civile et commerciale (Convention de Lugano, CL; RS 0.275.11),
considérant que la contestation se rapportait à l'exploitation de la
succursale genevoise d'une banque française. Il ressort cependant des
constatations cantonales - sans qu'aucune contestation ne s'élève à ce
sujet - que la recourante a succédé aux droits et obligations de cette
succursale; comme la recourante est elle-même une société anonyme ayant
son siège en Suisse, elle peut évidemment, en tant que personne morale
distincte, être recherchée en paiement devant les tribunaux suisses,
sans qu'il y ait lieu de se référer à la disposition citée (cf. art. 2
al. 1 CL; art. 21 al. 1 LDIP [RS 291]).

    b) Selon les constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral
saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) -, l'intimée a transféré,
le 22 juin 1995, la somme de 500'000 US$ sur son compte auprès de la
banque recourante. A réception de cette somme, la banque est donc devenue
débitrice de ce montant à l'égard de sa cliente, l'intimée.

    La défenderesse soutient qu'elle s'est libérée, à concurrence de
440'000 US$, en exécutant, le 28 juin 1995, l'ordre de transfert qui

lui avait été donné le 3 mars 1995. La demanderesse considère pour sa
part que la banque n'était pas en droit d'effectuer cette opération,
parce que l'ordre avait été révoqué par la lettre du 14 juin 1995.

    Pour trancher la question litigieuse, il faut tout d'abord procéder
à la qualification juridique de l'ordre de transfert donné le 3 mars 1995.

    c) La qualification doit être opérée selon la loi du for (ATF 127
III 123 consid. 2c).

    L'ordre donné à la banque se caractérise comme une assignation au
sens de l'art. 466 CO. L'ordre de paiement émis le 3 mars 1995 par la
cliente de la banque en faveur d'un tiers constituait un acte juridique
par lequel l'assignant autorisait l'assigné à remettre à l'assignataire
une somme d'argent, que l'assignataire était autorisé par le même assignant
à recevoir chez l'assigné (ATF 121 III 109 consid. 2).

    d) Il ne résulte pas de l'état de fait cantonal qu'une élection de
droit ait été convenue (cf. art. 116 LDIP).

    En pareille situation, le contrat est régi par le droit de l'Etat avec
lequel il présente les liens les plus étroits (art. 117 al. 1 LDIP). Ces
liens sont réputés exister avec l'Etat dans lequel la partie qui doit
fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou, si
le contrat est conclu dans l'exercice d'une activité professionnelle ou
commerciale, son établissement (art. 117 al. 2 LDIP). Comme l'assignation
a pour objet un service, il faut considérer que ce service constitue la
prestation caractéristique (art. 117 al. 3 let. c LDIP; ATF 127 III 123
consid. 2b). En conséquence, l'assignation, en droit international privé
suisse, est régie, en l'absence d'élection, par le droit de l'Etat dans
lequel l'assigné a sa résidence habituelle ou son établissement (ATF 121
III 109 consid. 2; 100 II 200 consid. 5b).

    Dès lors que la recourante a conclu le contrat dans l'exercice de son
activité professionnelle ou commerciale, c'est le lieu de son établissement
qui est déterminant (art. 117 al. 2 LDIP). L'établissement d'une société
se trouve dans l'Etat dans lequel elle a son siège ou une succursale
(art. 21 al. 3 LDIP; ATF 127 III 123 consid. 2c).

    En l'espèce, il a été constaté que le contrat a été passé avec la
succursale genevoise de la banque française, de sorte que le droit suisse
est applicable.

    e) Selon les constatations cantonales souveraines, l'assignant a
révoqué l'assignation par lettre du 14 juin 1995.

    Il faut donc examiner, à la lumière du droit suisse, si et à quelles
conditions l'assignant peut révoquer l'assignation à l'égard de l'assigné.

    aa) On constatera tout d'abord que l'assignation du 3 mars 1995 avait
été déclarée irrévocable.

    L'art. 470 al. 2 CO permet cependant à l'assignant de révoquer
l'assignation à l'égard de l'assigné, tant que celui-ci n'a pas notifié
son acceptation à l'assignataire.

    Il a déjà été jugé que cette disposition était impérative et accordait
à l'assignant un droit de révocation auquel il ne pouvait valablement
renoncer (ATF 122 III 237 consid. 3c et la référence citée).

    La clause prévoyant que l'ordre est irrévocable est donc dépourvue
d'effet juridique.

    bb) A teneur de l'art. 470 al. 2 CO, la révocation n'est cependant
possible qu'aussi longtemps que l'assigné n'a pas notifié son acceptation
à l'assignataire.

    Il ne faut pas confondre ici l'acceptation à l'égard de l'assignant
(cf. art. 467 al. 3 CO) et l'acceptation à l'égard de l'assignataire
(art. 468 al. 1 CO).

    Lorsque la banque assignée accepte l'assignation que lui adresse
l'assignant - comme c'est manifestement le cas en l'espèce -, elle conclut
avec lui le contrat d'assignation.

    Si, en plus d'accepter l'assignation, la banque assignée notifie son
acceptation à l'assignataire sans faire de réserve (art. 468 al. 1 CO),
elle devient directement débitrice à son égard et il s'agit alors d'une
dette abstraite, qui oblige l'assigné sans que celui-ci ne puisse faire
valoir des exceptions tirées du rapport de couverture ou de valeur (ATF
124 III 253 consid. 3b; 122 III 237 consid. 1b; 121 III 109 consid. 3a).

    L'acceptation de l'assigné à l'égard de l'assignataire suppose une
manifestation de volonté adressée à ce dernier; elle n'a pas besoin de
revêtir une forme spéciale et peut résulter d'actes concluants (ATF
122 III 237 consid. 3b; 121 III 109 consid. 3a). Il faut cependant
que l'assignataire puisse croire de bonne foi, en se fondant sur la
manifestation de volonté, que l'assigné a l'intention de s'engager à son
égard (ATF 122 III 237 consid. 3b et les arrêts cités).

    En l'espèce, il ne ressort pas des constatations cantonales que
la banque, avant la révocation, avait adressé à l'assignataire une
communication manifestant expressément la volonté de s'engager à son
égard. Il reste donc à examiner s'il y aurait eu de sa part une attitude
concluante.

    Il convient de rappeler que le paiement n'est intervenu qu'après la
révocation. Le seul indice en faveur d'une acceptation est la remise lors
de la séance du 3 mars 1995 d'une copie de l'ordre de transfert.

Il faut donc examiner, selon la théorie de la confiance, si un tel acte
peut être interprété comme une volonté de s'obliger de manière abstraite
à l'égard de l'assignataire (sur la théorie de la confiance: cf. ATF
126 III 375 consid. 2e/aa; sur le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral
dans ce cadre: cf. ATF 126 III 10 consid. 2b; 125 III 305 consid. 2b;
123 III 165 consid. 3a).

    Selon les usages commerciaux, la simple remise d'une copie traduit un
souci d'information, mais ne permet pas de déduire la volonté de prendre
un engagement distinct. La banque a manifestement voulu permettre à
l'assignataire, qui était présent lors de la réunion, de compléter son
dossier. Il aurait fallu cependant une mention plus précise pour que
l'assignataire puisse en déduire de bonne foi une volonté de la banque
de s'engager à son égard. Il faut d'ailleurs rappeler qu'il est apparu
lors de la réunion que ni l'assignant ni l'assignataire n'avaient encore
de comptes auprès de la défenderesse, de sorte que celle-ci n'était
à l'évidence pas provisionnée et qu'il était invraisemblable dans ces
circonstances qu'elle prenne un engagement abstrait dont on ne voit pas
le fondement économique. On doit déduire de ces circonstances, selon les
règles du droit fédéral sur l'interprétation des manifestations de volonté,
que la banque n'avait pas manifesté envers l'assignataire la volonté de
s'engager à son égard.

    cc) Il en résulte que la révocation de l'assignation est intervenue
en temps utile selon la disposition impérative de l'art. 470 al. 2 CO de
sorte que la banque n'était plus en droit, dans ses rapports contractuels
avec la demanderesse, d'exécuter l'ordre de transfert.

    f) Il a été constaté que la demanderesse avait transféré 500'000
US$, le 22 juin 1995, sur son compte auprès de la défenderesse. Il est
évident que la banque est débitrice de cette somme (cf. art. 481 CO;
DANIEL GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 4e éd.,
p. 151 s.).

    Les considérations qui précèdent montrent que l'assignation du
3 mars 1995 avait été valablement révoquée par la lettre du 14 juin
1995. Il ressort du pli du 27 juin 1995 que la défenderesse avait reçu la
révocation; celle-ci déployait donc ses effets. En exécutant néanmoins le
transfert le 28 juin 1995, la banque a procédé sans droit. Elle ne s'est
donc pas libérée par ce transfert à l'égard de son client; elle ne peut
lui opposer une opération contraire à ses instructions. En conséquence,
le transfert n'a pas de fondement juridique à l'égard du client et la
défenderesse reste débitrice de la somme qui lui a été confiée en compte.

    La condamnation de la défenderesse à payer la contre-valeur de la
somme transférée ne viole donc pas le droit fédéral.

    g) Toute discussion sur l'existence d'un dommage est ici vaine. Il
ne s'agit en effet pas de réparer un préjudice. La banque est redevable
à l'égard de son client de la somme que celui-ci lui a confiée, dès lors
que le transfert auquel elle a procédé n'avait pas de fondement.

    La défenderesse aurait pu éventuellement exciper de compensation
avec une créance pour enrichissement illégitime, en établissant que le
transfert avait enrichi l'intimée, notamment en diminuant son passif
(sur cette question: cf. ATF 121 III 109 consid. 4a p. 116).

    Il ne ressort cependant pas des constatations cantonales que
l'intéressée aurait soulevé une telle exception - qui ne peut pas être
invoquée pour la première fois dans un recours en réforme (art. 55 al. 1
let. c 3ème phrase OJ; CORBOZ, Le recours en réforme au Tribunal fédéral,
in SJ 2000 II p. 1 ss, p. 46 n. 355).