Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 III 219



127 III 219

39. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 24 avril 2001
en la cause Département fédéral de l'économie publique contre Commission
de recours pour les questions de concurrence, ainsi que Rhône-Poulenc SA
et Merck & Co. Inc. (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 2 und 9 KG; Unternehmenszusammenschluss.

    Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde im Bereich des
Wettbewerbsrechts und Beschwerdelegitimation des Departements (E. 1).

    Art. 2 Abs. 2 KG: Das Kartellgesetz ist nach dem so genannten
"Auswirkungsprinzip" anwendbar; massgeblich sind die potenziellen
Auswirkungen, die ein Unternehmenszusammenschluss voraussichtlich auf
den schweizerischen Markt haben könnte (E. 3).

    Art. 9 Abs. 1 KG: Auslegung dieser Norm und Vergleich mit dem
europäischen Recht; ein Zusammenschlussvorhaben muss gemeldet werden,
sofern die Schwellenwerte gemäss Art. 9 Abs. 1 KG erreicht werden, selbst
wenn die betroffenen Unternehmungen ihren Sitz im Ausland haben (E. 4a
und b). Eingriffskompetenzen der Wettbewerbskommission (E. 4c). Anwendung
im vorliegenden Fall (E. 5).

Sachverhalt

    Le 23 mai 1997, la société française Rhône-Poulenc SA et la compagnie
américaine Merck & Co Inc. ont regroupé leurs secteurs "santé animale"
et "génétique avicole" au sein d'une nouvelle entreprise commune
dénommée Merial. En 1996, Rhône-Poulenc SA avait réalisé en Suisse un
chiffre d'affaires de 315 millions, dont environ 3'170'000 fr. pour les
secteurs concernés par le regroupement, alors que Merck & Co Inc. avait
obtenu respectivement des chiffres d'affaires de 155 millions et 715'000
fr. environ. Sur le plan mondial, le chiffre d'affaires de Rhône-Poulenc
s'élevait à 13,217 milliards ECU (85,818 milliards de FF) et celui de
Merck & Co Inc. atteignait 15,616 milliards ECU (19,819 milliards de US$).

    Le 2 juillet 1997, la Commission des Communautés européennes a déclaré
que le regroupement en cause était compatible avec le marché commun, sur
la base du Règlement N/4064/89 du Conseil (ci-après: le Règlement CEE;
voir décision du 02.07.1997 in Journal officiel no C312 du 14/10/1997 p.
0015). Le 8 juillet suivant, Rhône-Poulenc SA et Merck & Co Inc. ont
notifié l'opération Merial au Secrétariat de la Commission de la
concurrence, en précisant qu'elles désiraient réaliser la concentration
au 1er août 1997.

    Après un échange de correspondances, notamment pour compléter les
informations fournies, le Secrétariat a, par courrier du 5 août 1997,
fixé au 1er août le point de départ du délai d'attente d'un mois prévu
dès l'ouverture de la procédure d'examen, conformément à l'art. 32 de la
loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à
la concurrence (loi sur les cartels, LCart; RS 251).

    Le 18 août 1997, la Commission de la concurrence a conclu que
l'opération Merial ne créerait pas et ne renforcerait pas davantage une
position dominante sur le marché des parasiticides et de la génétique
avicole. Rhône-Poulenc SA et Merck & Co Inc. ont toutefois réalisé
l'opération de concentration le 1er août 1997, tout en déclarant avoir
suspendu leurs ventes vers la Suisse.

    Par décision du 16 février 1998, la Commission de la concurrence a,
sur la base de l'art. 51 al. 1 LCart, infligé aux entreprises Rhône-Poulenc
SA et Merck & Co Inc. une amende de 60'000 fr. chacune pour avoir réalisé
l'opération Merial pendant le délai d'interdiction provisoire de l'art.
32 al. 2 LCart. Elle est cependant revenue sur cette décision le 21
décembre 1998 et a réduit les amendes pour tenir compte des chiffres
d'affaires annuels respectifs réalisés en Suisse par chacune des
entreprises. L'amende de Rhône-Poulenc SA a ainsi été fixée à 23'625
fr. et celle de Merck & Co Inc. à 11'625 fr.

    Statuant le 4 juillet 2000 sur le recours déposé par Rhône-Poulenc
SA et Merck & Co Inc., la Commission de recours pour les questions de
concurrence a admis le recours et annulé la décision du 21 décembre
1998. Elle a retenu en bref que les règles sur la notification des
opérations de concentration (art. 9 LCart) n'étaient pas applicables,
dès lors que rien ne permettait d'admettre que le regroupement en cause
serait en mesure d'influencer de manière sensible la concurrence en
Suisse. Dans ces conditions, elle a estimé qu'il n'était pas nécessaire
d'examiner s'il y avait eu contravention à l'interdiction provisoire prévue
à l'art. 32 al. 2 LCart et si, le cas échéant, les sanctions prononcées
étaient justifiées.

    Le Département fédéral de l'économie publique a formé un recours de
droit administratif contre cette décision, en faisant notamment valoir que
la loi sur les cartels s'applique dès qu'un effet se produit en Suisse,
sans égard à son intensité et à sa nature.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) Le présent litige porte sur les mesures administratives que
la Commission de la concurrence a la compétence de prendre en vertu
des art. 18 ss LCart. La décision de la Commission de recours pour les
questions de concurrence est donc bien une décision au sens de l'art. 97
al. 1 OJ, en relation avec l'art. 5 al. 1 PA (RS 172.021), prise par une
commission fédérale (art. 98 lett. f OJ), qui est susceptible d'être
attaquée auprès du Tribunal fédéral par la voie du recours de droit
administratif. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés par la Commission de recours, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles
essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

    b) Selon l'art. 103 lett. b OJ, le département fédéral compétent dans
le domaine en cause a qualité pour former un recours de droit administratif
contre les décisions émanant des commissions fédérales de recours, lorsque,
comme en l'espèce, il défend un intérêt public à l'application correcte
du droit fédéral (ATF 127 II 32 consid. 1b p. 35 et les références citées).

    c) Il y a lieu dès lors d'entrer en matière sur le recours de droit
administratif qui a en outre été déposé en temps utile et dans les formes
requises.

Erwägung 2

    2.- Les entreprises Rhône-Poulenc et Merck & Co Inc. ont leur
siège respectif en France et aux Etats-Unis et ne possèdent pas
d'établissements ou de filiales en Suisse. Après avoir notifié leur
opération de concentration à la Commission des Communautés européennes
(ci-après: la Commission CEE), selon l'art. 4 du Règlement CEE, elles
ont obtenu un avis positif, le 2 juillet 1997. Elles ont ensuite notifié
l'opération en cause au Secrétariat de la Commission de la concurrence,
conformément à l'art. 9 al. 1 LCart, en déclarant vouloir réaliser
la concentration au 1er août 1997. Pour expliquer leur démarche, les
intimées ont soutenu devant la Commission de recours pour les questions
de concurrence que la décision de la Commission CEE revêtait un caractère
préalable pour la notification en Suisse, car il s'agissait de savoir si
l'opération Merial devait ou non être considérée comme une entreprise
commune de nature "concentrative" soumise à notification (voir recours
du 28 janvier 1999). Après la procédure de notification, elles ont
toutefois prétendu, comme dans leur réponse au présent recours, que la
loi sur les cartels n'était pas applicable à la concentration en cause,
du moment que celle-ci n'engendrait aucune modification structurelle,
soit aucun effet qualifié sur le marché suisse, seul visé par l'art. 2
al. 2 LCart. Or, l'opération Merial ne produisait des effets que sur les
ventes de produits non concurrents effectuées en Suisse et n'entrait donc
pas dans le champ d'application de la loi. La Commission de recours a
partagé ce point de vue et a, par conséquent, annulé la décision de la
Commission de la concurrence du 21 décembre 1998.

    Il s'agit dès lors d'examiner au préalable si la loi sur les cartels
est ou non applicable à la concentration réalisée par les entreprises
intimées.

Erwägung 3

    3.- a) Selon l'art. 2 LCart, la loi sur les cartels s'applique:

    - "aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties

    à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence, qui sont

    puissantes sur le marché ou participent à des concentrations
d'entreprises

    (al. 1);

    - aux états de faits qui déploient leurs effets en Suisse, même
s'ils se

    sont produits à l'étranger (al. 2)." (En allemand: "Das Gesetz ist auf

    Sachverhalte anwendbar, die sich in der Schweiz auswirken, auch
wenn sie

    im Ausland veranlasst werden").

    L'ancien droit se fondait déjà sur le principe dit des effets et
admettait ainsi l'application du droit suisse lorsqu'une restriction de
concurrence produisait ses effets sur le marché suisse (ATF 93 II 192
consid. 3 p. 196). La loi du 6 octobre 1995 innove en ce sens qu'elle
précise expressément son champ d'application géographique et le définit
en fonction du principe des effets sur le marché suisse, même si les
restrictions à la concurrence se sont produites à l'étranger (art. 2 al. 2
LCart.; Message concernant la loi sur les cartels du 23 novembre 1994 in
FF 1995 I 535/536). Avec l'art. 2 al. 2 LCart, le principe des effets
("Auswirkungsprinzip"), largement reconnu sur le plan international,
est donc maintenant inscrit dans la loi. Il ne s'agit cependant que
des effets sur le marché suisse prévisibles d'emblée, afin de réserver
à l'autorité compétente la possibilité de procéder ensuite à un examen
plus approfondi (JÜRG BORER, Schnittstellen der schweizerischen mit der
europäischen Wettbewerbsordnung, in "Der Einfluss des europäischen Rechts
auf die Schweiz, Festschrift für Professor Roger Zäch zum 60. Geburtstag",
Zurich 1999, p. 221; ULRICH IMMENGA, Zur extraterritorialen Anwendung der
europäischen Fusionskontrolle, ebenda, p. 349 ss). L'art. 2 al. 2 LCart est
donc une règle de conflit qui fixe les conditions d'application de la loi
suisse sur les cartels et oblige la Commission de la concurrence à exercer
un contrôle préventif, en examinant l'influence de la concentration sur
le marché suisse déjà au stade de la notification de l'opération en cause
selon l'art. 9 al. 1 LCart (JÜRG BORER, Kommentar zum schweizerischen
Kartellgesetz, Zurich 1998, n. 20 à 23 ad art. 2, p. 104 à 109).

    b) Conscient des difficultés qui pouvaient survenir lorsqu'aucune des
entreprises concernées ne relevait de la juridiction suisse et que tout
leur patrimoine se trouvait à l'étranger, le Conseil fédéral avait certes
introduit une règle de conflit spéciale qui visait à limiter l'application
du principe des effets. L'art. 9 al. 4 du projet de loi prévoyait ainsi
qu'une concentration d'entreprises n'était pas soumise au régime de
l'autorisation lorsque toutes les entreprises participantes avaient leur
siège à l'étranger et n'étaient pas affiliées à une entreprise en Suisse,
ni ne disposaient d'un établissement en Suisse actif sur les mêmes marchés
ou sur les marchés voisins (FF 1995 I 575/576). La Commission du Conseil
national a cependant décidé de supprimer cette disposition, jugeant
préférable de ne pas se priver de toute possibilité d'intervention. Le
Parlement a ensuite approuvé sans discussion cette modification (voir BRUNO
SCHMIDHAUSER, Kommentar zum schweizerischen Kartellgesetz, Zurich 1997,
n. 43 ad art. 2, p. 17; DUCREY/DROLSHAMMMER, Kommentar zum schweizerischen
Kartellgesetz, Zurich 1997, Vorbemerkungen zu Art. 9 bis 11, n. 12 à 18,
p. 9 à 11 et n. 29 ad art. 9, p. 18).

    Il s'ensuit que l'obligation d'annoncer les opérations de concentration
selon le droit suisse peut déjà résulter des effets potentiels que lesdites
opérations sont susceptibles de produire sur le marché suisse, même si
les entreprises concernées ne sont pas physiquement présentes en Suisse
(DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 30 ad art. 9, p. 19; ROLF BÄR, Das
Auswirkungsprinzip im schweizerischen und europäischen Wettbewerbsrecht,
in "Die neue schweizerische Wettbewerbsordnung im internationalen Umfeld",
Berner Tage für die juristische Praxis 1996, p. 93).

Erwägung 4

    4.- a) L'obligation d'annoncer une concentration d'entreprises est
réglée par l'art. 9 al. 1 LCart, qui en fixe les critères formels de la
manière suivante:
      "1. Les opérations de concentration d'entreprises doivent être

    notifiées avant leur réalisation à la Commission de la concurrence

    lorsque, dans le dernier exercice précédant la concentration:
      a. les entreprises participantes ont réalisé ensemble un chiffre

    d'affaires minimum de 2 milliards de francs ou un chiffre d'affaires en

    Suisse de 500 millions de francs, et
      b. au moins deux des entreprises participantes ont réalisé

    individuellement en Suisse un chiffre d'affaires de 100 millions de

    francs."

    A noter que ces montants ne s'appliquent pas aux entreprises de
journaux et aux diffuseurs de programmes radio et télévision (art. 9
al. 2 LCart) et que d'autres critères sont prévus pour les assurances et
les banques (art. 9 al. 3 LCart).

    L'art. 9 al. 1 LCart contient donc deux conditions cumulatives: la
première concrétise le principe des effets (lettre a) et la seconde a pour
but de soustraire au contrôle les concentrations entre petites entreprises
ou entre des entreprises qui n'ont pratiquement pas d'activités en Suisse
(lettre b, dénommée "clause bagatelle"; à propos de cette disposition,
voir DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit. n. 1, 34 avec remarque, et 41 ad
art. 9, p. 8, 21 et 24; JÜRG BORER, Kommentar, n. 15 ad art. 2, p. 101;
PATRIK DUCREY, Unternehmenszusammenschlüsse im Kartellrecht, in Mergers &
Acquisitions, Zurich 1998, p. 138; EUGEN MARBACH, Die Fusionskontrolle
im schweizerischen und europäischen Wettbewerbsrecht, in "Die neue
schweizerische Wettbewerbsordnung im internationalen Umfeld", Berner Tage
für die juristische Praxis 1996, p. 122/123; ROLF WATTER/URS LEHMANN,
Die Kontrolle von Unternehmenszusammenschlüssen im neuen Kartellgesetz,
in. PJA 1996 p. 864). Les montants relativement élevés des valeurs
seuils ont pour résultat de limiter le contrôle de la Commission de la
concurrence aux entreprises qui ont une certaine puissance financière
et sont à même d'acquérir une position dominante sur le marché suisse
(FF 1995 I 572/573; JÜRG BORER, Kommentar, n. 2 ad art. 9, p. 229/230;
ISABELLE CHABLOZ, Influence du droit européen sur le droit suisse des
"cartels", in "La décartellisation en Suisse: influences européennes"
p. 48, Fribourg 1999). Ainsi fixées dans la loi, les valeurs seuils offrent
une certaine sécurité sur le plan juridique et permettent également aux
entreprises de pouvoir évaluer plus facilement si elles ont l'obligation
d'annoncer leur concentration (JÜRG BORER, Kommentar, n. 15 ad art. 2,
p. 102). Les modes de calcul des valeurs seuils selon les chiffres
d'affaires sont précisés aux art. 3 à 5 de l'ordonnance du 17 juin 1996 sur
le contrôle des concentrations d'entreprises (OCCE; RS 251.4). Lorsque,
comme en l'espèce, la concentration concerne deux secteurs de production,
les chiffres d'affaires des entreprises participantes doivent être pris en
compte globalement, pour tenir compte de leur puissance économique sur le
marché suisse, et non pas seulement sur la base des secteurs directement
concernés par l'opération (DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 14 et 47 à
53 ad art. 9, p. 14 et 27/28; EUGEN MARBACH, op. cit., p. 123).

    b) La loi sur les cartels de 1962 ne faisait aucune allusion aux
opérations de concentrations d'entreprises ou à leur contrôle; quant à la
loi de 1985, elle permettait à l'ancienne Commission des cartels d'ouvrir
une enquête, qui s'effectuait le plus souvent a posteriori, s'il paraissait
qu'une fusion avait pour effet de créer ou de renforcer une position
dominante. L'idée d'un contrôle des concentrations s'est en fait développée
à la lumière du droit communautaire (FRANK SCHERRER, Das europäische und
das schweizerische Fusionskontrollverfahren, thèse Zurich 1996, p. 312 ss;
CHRISTIAN BOVET, Premières expériences dans le contrôle des concentrations,
in Journée du droit de la concurrence, Genève 1998, p. 61/62). Fondé
sur les art. 85 et 86 du Traité CEE, ainsi que sur le Règlement CEE,
le droit européen de la concurrence joue en effet un "rôle locomotive"
à l'égard des législations nationales et le Conseil fédéral s'en est
également inspiré lorsqu'il a édicté le projet de loi, en particulier
pour fixer les valeurs seuils permettant de soumettre les entreprises
participantes au contrôle (FF 1995 I 530 et 532; THOMAS HUGGENBERGER, Die
marktbeherrschende Stellung in der Fusionskontrolle der EG, Berne 2000,
p. 47 ss; FRANK SCHERRER, op. cit., p. 335/336). Selon le Règlement
CEE, toute opération de concentration est de dimension communautaire,
lorsque le chiffre d'affaires réalisé sur le plan mondial représente
un montant supérieur à 5 milliards d'écus (= environ 7,5 milliards de
francs) et lorsque le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans
la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un
montant supérieur à 250 millions d'écus (= environ 380 millions de francs;
DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 96 à 100 ad art. 9, p. 50).

    En comparaison, la Suisse a donc des valeurs seuils relativement
élevées par rapport à la dimension de son marché. Ces valeurs ont cependant
été voulues par le législateur pour des raisons politiques (FF 1995 I 573
et 579; DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 39 ad art. 9, p. 22; JÜRG BORER,
Kommentar, n. 2 ad art. 9, p. 229/230; FRANK SCHERRER, op. cit., p. 342;
ROLF DÄHLER, Die Fusionskontrolle, in "Das neue schweizerische Kartell-
und Wettbewerbsrecht", Zurich 1996, numéro spécial de la Revue suisse
du droit des affaires, p. 27). Les montants prévus par l'art. 9 al. 1
LCart excluent en principe que les entreprises qui réalisent ensemble un
chiffre d'affaires de 500 millions (ou 2 milliards sur le plan mondial)
et individuellement de 100 millions n'aient aucune influence sur le marché
suisse. Il paraît dès lors peu probable qu'elles ne soient pas assujetties
à la loi en vertu de l'art. 2 al. 2 LCart et qu'un éventuel conflit puisse
survenir entre les deux dispositions (JÜRG BORER, Kommentar, n. 23 ad art.
2, p. 108/109; DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., n. 29 et 39 ad art. 9, p. 18
et 22; Scherrer, op. cit., p. 336). Au contraire, en ce qui concerne
l'obligation d'annoncer, les valeurs seuils ainsi fixées par l'art. 9
al. 1 LCart concrétisent le principe des effets ("Auswirkungsprinzip")
contenu à l'art. 2 al. 2 LCart.

    Dans ces conditions, il y a lieu d'admettre que les entreprises
dont les chiffres d'affaires atteignent les valeurs seuils de l'art. 9
al. 1 LCart sont assujetties à la loi sur les cartels et ont l'obligation
d'annoncer leur opération de concentration, même si elles ont leur siège à
l'étranger. C'est au demeurant la procédure qui a tout d'abord été suivie
par les entreprises intimées, avant qu'elles ne soutiennent que la loi
suisse n'était pas applicable dans leur cas.

    c) La notification d'une opération de concentration selon l'art. 9
LCart entraîne automatiquement l'ouverture de la procédure d'examen selon
les art. 32 ss LCart, procédure qui présente plusieurs similitudes avec
celle du Règlement CEE, notamment en ce qui concerne la suspension de
l'opération de concentration pendant la procédure d'examen: un mois selon
l'art. 32 al. 2 LCart et trois semaines selon l'art. 7 du Règlement CEE,
avec des possibilités de prolongation ou de dérogation semblables (FRANZ
HOFFET, Unternehmenszusammenschlüsse - Materielles Fusionskontrollrecht,
Art. 9-10 KG, in "Das Kartellgesetz in der Praxis", Zurich 2000; voir
aussi tableau comparatif de JÜRG BORER, Erste Erfahrungen im Bereich
der Fusionskontrolle, in "Das neue Kartellgesetz. Erste Erfahrungen
in der Praxis", p. 156 ss). La violation de cette interdiction peut
entraîner des sanctions administratives (art. 51 LCart: paiement d'un
montant d'un million de francs au plus) et pénales (art. 55 LCart:
amende de 20'000 fr. au plus). Faute de compétence de la Commission
de la concurrence sur le plan international, ces sanctions restent
certes difficiles à imposer aux entreprises qui n'ont aucune présence
physique en Suisse (DUCREY/DROLSHAMMER, op. cit., ad art. 9 ch. 30,
p. 19 et ch. 38, p. 22, voir aussi l'analyse de l'affaire Merial par
CHRISTIAN BOVET, op. cit., p. 88/89). Toutefois, comme on l'a vu
(supra consid. 3b), la volonté du législateur était clairement de
donner à la Commission la possibilité d'intervenir, dans chaque cas,
pour rétablir une concurrence efficace, plusieurs mesures étant prévues
à cette fin (art. 37 LCart). Il paraît donc logique que la Commission
de la concurrence puisse aussi intervenir déjà au stade de la procédure
d'examen, en particulier pour faire respecter le délai d'attente de l'art.
32 al. 2 LCart. Au demeurant, le Tribunal fédéral, comme les instances
fédérales compétentes en la matière, reste lié par cette réglementation
aussi longtemps qu'il n'existe pas de normes internationales contraires
(art. 191 Cst.). La Commission CEE connaît d'ailleurs des problèmes
semblables lorsqu'il s'agit d'appliquer le Règlement CEE à des pays qui
ne sont pas membres de la Communauté européenne. Fondamentalement, la
véritable solution ne peut donc être trouvée qu'au travers des conventions
internationales (FRANK MONTAG/CHRISTOPH LEIBENATH, Aktuelle Probleme in der
Europäischen Fusionskontrolle, in "Neueste Entwicklungen im europäischen
und internationalen Kartellrecht, Siebentes St. Galler Internationales
Kartellrechtsforum 2000, p. 98 ss, spéc. p. 100; ULRICH IMMENGA, op. cit.,
in "Festschrift für Professor Roger Zäch zum 60. Geburtstag", Zurich 1999,
p. 358).

    d) Avec ses modalités fixées aux art. 11 ss OCCE,  la procédure
de notification reste donc une phase essentielle du contrôle des
concentrations d'entreprises. Dans cette procédure, la Commission de
la concurrence dispose d'un large pouvoir d'examen et a notamment la
possibilité de préciser les conditions de la notification, ainsi que les
informations à fournir en vertu de l'art. 11 OCCE. Par conséquent, elle
peut également déterminer dans quelle mesure une notification déposée
auprès d'une autorité étrangère est utilisable en Suisse, de sorte qu'il
paraît souhaitable que le formulaire de notification tienne compte
de l'évolution des procédures de notification à l'étranger (PHILIPPE
GUGLER/BENOÎT MERKT, Considérations sur le formulaire de notification
des concentrations d'entreprises, in Journée du droit de la concurrence,
Genève 1998, p. 92 et 100). La procédure de notification pourrait notamment
être simplifiée pour les entreprises ayant leur siège à l'étranger en
leur donnant, par exemple, la possibilité de déposer simultanément leur
formulaire devant la Commission CEE et la Commission de la concurrence. Il
est en revanche exclu que les entreprises se fondent sur le résultat
de leur démarche auprès de la Commission CEE pour déposer ou non leur
demande en Suisse, ainsi que l'ont fait les intimées.

Erwägung 5

    5.- a) En l'espèce, il n'est pas contesté que les chiffres d'affaires
des entreprises intimées doivent être pris en compte globalement (voir
supra consid. 4a). Il est également admis que ceux-ci s'élèvent en Suisse
à environ 315 millions de francs pour Rhône-Poulenc et 155 millions pour
Merck & Co Inc. (respectivement 85 Mrd FF et 19,8 Mrd US$ sur le plan
mondial), de sorte qu'ils dépassent les valeurs seuils de l'art. 9 al. 1
LCart; partant, ils ont en même temps des effets potentiels déterminants
sur le marché suisse au sens de l'art. 2 al. 2 LCart. La Commission de la
concurrence a donc admis à juste titre que l'opération de concentration
des entreprises intimées était assujettie à la loi sur les cartels. Le
fait qu'elle a reconnu par la suite la licéité de cette opération, ne
modifie pas le bien-fondé de l'examen auquel elle a procédé. Dès lors, la
décision de la Commission de recours pour les questions de concurrence,
qui a annulé la décision de l'autorité de première instance en niant
l'assujettissement des intimées à la loi, viole le droit fédéral. Le
présent recours doit ainsi être admis et la décision attaquée annulée.

    b) Dans sa décision du 4 juillet 2000, la Commission de recours pour
les questions de concurrence ne s'est pas prononcée sur les sanctions
infligées aux entreprises intimées pour violation de l'interdiction
provisoire de l'art. 32 al. 2 LCart. Il se justifie dès lors de lui
renvoyer l'affaire pour nouvelle décision sur ce point.