Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 III 153



127 III 153

26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 14 février 2001 dans la
cause X. S.A. contre G. (recours en réforme) Regeste

    Arbeitsvertrag; ungerechtfertigte fristlose Auflösung; Verwarnung.

    Das Gericht entscheidet unter Würdigung sämtlicher Umstände über
das Vorliegen wichtiger Gründe. Die Rechtsprechung kann deshalb nicht
starre Regeln über Anzahl und Inhalt der Verwarnungen aufstellen,
deren Missachtung durch den Arbeitnehmer eine fristlose Entlassung zu
rechtfertigen vermag (E. 1).

    Ungerechtfertigte Entlassung im beurteilten Fall trotz vorheriger
Verwarnung (E. 2).

Sachverhalt

    A.- G. a été engagé par X. S.A., le 1er avril 1995, comme
déménageur-emballeur. Son dernier salaire mensuel brut s'élevait à
4'455 fr.

    Le 8 octobre 1999, G., au cours d'une journée de congé, a aidé son
ancien chef, qui était au service de T., à réceptionner une collection
de tableaux dont lui-même s'était occupé précédemment pour le compte
de X. S.A. En raison de cet événement, celle-ci lui a adressé, le 26
octobre 1999, un "dernier avertissement", en lui indiquant que, si son
comportement ne devait pas changer, elle se verrait dans l'obligation de
prendre les mesures qui s'imposaient, c'est-à-dire son renvoi avec effet
immédiat pour juste motif. Du fait de ce manquement, X. S.A. a réduit de
200 fr. le bonus du travailleur.

    Le 25 janvier 2000, G. a été licencié avec effet immédiat parce
qu'il avait refusé l'ordre de son employeur de remplacer un collègue pour
effectuer un déménagement à Zurich.

    B.- Par demande du 9 février 2000, G. a assigné X.  S.A. en paiement
de son salaire jusqu'à l'échéance normale du contrat, compte tenu d'une
incapacité de travail. Il a réclamé, en sus, la rémunération pour le
travail effectué le 8 octobre 1999, ainsi que le versement de la retenue
de 200 fr. Par jugement du 18 avril 2000, le Tribunal des prud'hommes du
canton de Genève a condamné la défenderesse à verser au demandeur 20'503
fr. 20 à titre de salaire. Il a refusé au demandeur toute rémunération
pour la journée du 8 octobre 1999, s'agissant d'un travail effectué pour
un tiers, et a estimé que la retenue de 200 fr. était justifiée.

    Saisie par la défenderesse, la Cour d'appel des prud'hommes a confirmé
ce jugement par arrêt du 20 septembre 2000.

    C.- La défenderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral, en
concluant au rejet total de la demande. Elle reproche à la cour cantonale
d'avoir violé l'art. 337 CO en admettant que le licenciement immédiat du
demandeur était injustifié.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) L'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement
le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs (art. 337
al. 1 CO). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les
circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas
d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de
travail (art. 337 al. 2 CO).

    Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit
être admise de manière restrictive (BRUNNER/BÜHLER/WAEBER, Commentaire
du contrat de travail, 2e éd., n. 1 ad art. 337c CO; STREIFF/VON KAENEL,
Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 3 ad art. 337 CO et les
références). D'après la jurisprudence, seul un manquement particulièrement
grave du travailleur justifie son licenciement immédiat. Si le manquement
est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il
a été répété malgré un avertissement (ATF 121 III 467 consid. 4d; 117 II
560 consid. 3; 116 II 145 consid. 6a p. 150).

    Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art.
337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4
CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas
particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur,
la nature et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature
et l'importance des manquements (ATF 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal
fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière
instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison
des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de
libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le
cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle
n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en
considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un
pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement
injuste ou à une iniquité choquante (ATF 119 II 157 consid. 2a in fine;
116 II 145 consid. 6a).

    b) La doctrine s'exprime de façon nuancée sur le nombre, le contenu
et la portée des avertissements qui doivent nécessairement précéder un
licenciement immédiat, lorsque le manquement imputable au travailleur n'est
pas assez grave pour justifier un tel licenciement sans avertissement.

    STAEHELIN (Commentaire zurichois, n. 10 ad art. 337 CO) enseigne que
l'avertissement remplit deux fonctions: d'une part, il contient un reproche
formulé par l'employeur, quant au comportement critiqué (Rügefunktion);
d'autre part, il exprime la menace d'une sanction (Warnfunktion). Il
n'est pas nécessaire que l'employeur menace expressément le travailleur
d'un licenciement immédiat: il suffit qu'il résulte clairement de
l'avertissement et des circonstances que l'intéressé ne s'expose pas
simplement à un licenciement ordinaire, mais à un licenciement immédiat. Au
surplus, l'employeur peut s'abstenir d'un avertissement lorsqu'il ressort
de l'attitude de l'autre partie qu'une telle démarche serait inutile.
Pour REHBINDER (Commentaire bernois, n. 2 ad art. 337 CO), l'avertissement
doit en principe comporter la menace d'un licenciement immédiat en cas de
récidive; toutefois, selon les cas, on peut attendre de l'employeur qu'il
procède à plusieurs avertissements avant de considérer que le rapport
de confiance est rompu; inversement, plusieurs manquements successifs
peuvent justifier un licenciement immédiat, même sans avertissement.
STREIFF/VON KAENEL (op. cit., n. 13 ad art. 337 CO) sont d'avis qu'il
n'est pas possible d'établir des règles générales sur le point de savoir
quand le licenciement immédiat doit être précédé d'un avertissement ou
d'une menace de licenciement immédiat; un simple rappel à l'ordre est
également utile, mais ne peut avoir qu'un effet limité. SCHNEIDER (La
résiliation immédiate du contrat de travail, in: Journée 1993 de droit du
travail et de la sécurité sociale, Zurich 1994, p. 56/57) estime que, en
recevant l'avertissement, le travailleur doit comprendre à quelle sanction
il s'expose en cas de récidive. L'avertissement doit donc comporter,
en règle générale, la menace d'un licenciement immédiat. Toutefois,
selon les circonstances, l'employeur peut se contenter d'un avertissement
moins précis. BRÜHWILER (Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 9
ad art. 337 CO) rappelle, pour sa part, que l'exigence d'un avertissement
est liée à la règle selon laquelle le licenciement immédiat ne se justifie
que si la poursuite des rapports de travail ne peut plus être attendue
de l'employeur. D'une manière générale, pour que cette condition soit
remplie dans les cas où les manquements ne sont pas particulièrement
graves, l'avertissement doit contenir la menace d'un licenciement
immédiat en cas de récidive. Souvent, des avertissements dépourvus de
menace de licenciement immédiat ne permettent pas de justifier un tel
licenciement. D'après RAPP (Die fristlose Kündigung des Arbeitsvertrages,
in: BJM 1978 p. 172/173 et 176), étant une ultima ratio, le licenciement
immédiat ne se justifie que s'il apparaît qu'un avertissement ne suffirait
pas pour redresser la situation; cet auteur n'exige pas que l'avertissement
comporte dans tous les cas la menace d'un licenciement immédiat. Enfin,
selon SCHWEINGRUBER (Commentaire du contrat de travail, n. 10 ad art. 337
CO), certains manquements ne justifient un licenciement immédiat que s'ils
se reproduisent malgré des avertissements réitérés; l'avertissement peut
comporter une menace de licenciement immédiat, mais cet auteur ne paraît
pas l'exiger.

    Selon un arrêt rendu par le Tribunal fédéral en 1982, lorsque le
travailleur refuse de travailler ou s'absente sans motif, le licenciement
immédiat n'est justifié que s'il est précédé de la menace claire d'un
licenciement immédiat (ATF 108 II 301 consid. 3b p. 303). Dans cet
arrêt, le Tribunal fédéral se réfère à SCHWEINGRUBER et à RAPP, lesquels,
toutefois, en particulier le second, ne jugent pas indispensable, comme
on l'a vu, que l'avertissement donné au travailleur comporte dans tous
les cas la menace d'un licenciement immédiat. Dans d'autres arrêts, le
Tribunal fédéral a seulement indiqué que, si les manquements n'étaient
pas particulièrement graves, ils ne justifiaient un licenciement immédiat
qu'après de vains avertissements de l'employeur. Il n'en résulte pas
que l'avertissement devrait nécessairement comporter la menace d'un
licenciement immédiat (ATF 117 II 560 consid. 3b p. 562; 116 II 145
consid. 6a p. 150; 112 II 41 consid. 3a; 108 II 444 consid. 2 p. 446;
104 II 28 consid. 2b; 101 Ia 545 consid. 2c p. 549). Enfin, selon un
arrêt plus récent, l'avertissement n'est rien d'autre qu'une mise en
demeure d'exécuter correctement le contrat, assortie de la fixation
d'un délai convenable d'exécution au sens de l'art. 107 CO, soit une
démarche nécessaire sauf s'il ressort de l'attitude du débiteur qu'une
telle sommation serait sans effet (art. 108 ch. 1 CO; arrêt non publié
du 3 janvier 1995, dans la cause 4C.327/1994, consid. 2b/aa).

    c) L'exposé des opinions émises par les spécialistes du droit du
travail et le rappel de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral
sur la question examinée révèlent clairement qu'il n'existe pas de
critère absolu dans le domaine considéré, eu égard à la diversité des
situations envisageables. Lorsqu'il statue sur l'existence de justes
motifs, le juge se prononce à la lumière de toutes les circonstances.
La jurisprudence ne saurait donc poser des règles rigides sur le nombre et
le contenu des avertissements dont la méconnaissance, par le travailleur,
est susceptible de justifier un licenciement immédiat. Sont décisives,
dans chaque cas particulier, entre autres circonstances, la nature, la
gravité, la fréquence ou la durée des manquements reprochés au travailleur,
de même que son attitude face aux injonctions, avertissements ou menaces
formulés par l'employeur. Les juridictions cantonales disposent à cet
égard d'un large pouvoir d'appréciation.

    En tout état de cause, il convient de ne pas perdre de vue que ce n'est
pas l'avertissement en soi, fût-il assorti d'une menace de licenciement
immédiat, qui justifie une telle mesure, mais bien le fait que l'acte
imputé au travailleur ne permet pas, selon les règles de la bonne foi,
d'exiger de l'employeur la continuation des rapports de travail jusqu'à
l'expiration du délai de congé. A cet égard, il est douteux qu'un
avertissement, même formulé avec soin, qui a été donné pour des faits
totalement différents, permette de licencier le travailleur à la moindre
peccadille. La gravité de l'acte, propre à justifier un licenciement
immédiat, peut être absolue ou relative. Dans le premier cas, elle résulte
d'un acte pris isolément (p. ex. le travailleur puise dans la caisse de
l'employeur). Dans le second, elle résulte du fait que le travailleur,
pourtant dûment averti, persiste à violer ses obligations contractuelles
(p. ex. le travailleur, bien que sommé de faire preuve de ponctualité,
n'en continue pas moins d'arriver en retard à son travail); ici, la gravité
requise ne résulte pas de l'acte lui-même, mais - à l'image de la récidive
en droit pénal - de sa réitération. Cela étant, savoir s'il y a gravité
suffisante dans un cas donné restera toujours une question d'appréciation.

Erwägung 2

    2.- a) En l'occurrence, le défendeur a été invité à remplacer un
chauffeur pour conduire un véhicule jusqu'à Zurich. Il a définitivement
refusé cet ordre le 25 janvier 2000 en début d'après-midi. Cette attitude
était contraire à l'art. 321a al. 1 CO, qui commande au travailleur
d'exécuter avec soin le travail qui lui est confié et de sauvegarder
fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur (obligation de diligence
et de fidélité) et à l'art. 321d al. 2 CO, en vertu duquel le travailleur
doit observer, selon les règles de la bonne foi, les directives générales
et les instructions particulières qui lui ont été données (obligation
d'obéissance).

    Cependant, la cour cantonale n'a pas abusé de son pouvoir
d'appréciation en considérant qu'un tel manquement n'était pas
suffisamment grave pour justifier un licenciement immédiat, compte tenu
des circonstances suivantes: premièrement, la tâche ordinaire du demandeur
était celle d'un emballeur et non pas celle d'un chauffeur, même s'il
effectuait parfois des remplacements comme chauffeur. Deuxièmement, la
défenderesse avait laissé ses employés régler entre eux le remplacement
du chauffeur qui devait initialement se rendre à Zurich; or, le
demandeur avait fait savoir qu'il n'était pas disponible. Troisièmement,
l'intéressé ressentait des douleurs au genou, attestées par des certificats
médicaux. Quatrièmement, ce n'est qu'en début d'après-midi, le 25 janvier
2000, que la supérieure du demandeur lui a formellement ordonné de se
rendre à Zurich; cet ordre était tardif, eu égard aux motifs d'organisation
familiale dont le demandeur avait déjà parlé à ses collègues, et il n'est
pas établi qu'il ait été assorti de la menace d'un licenciement immédiat
pour le cas où le demandeur ne l'exécuterait pas. Cinquièmement, malgré
le refus du demandeur, le déménagement a pu être effectué par un autre
salarié de l'entreprise.

    b) Sans doute le demandeur avait-il déjà reçu un avertissement, le 26
octobre 1999, après qu'il eut consacré une journée de congé à travailler
pour un tiers.

    Toutefois, la cour cantonale, sur le vu des circonstances de cet acte,
n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en relativisant la portée de la
faute commise le 8 octobre 1999 par le demandeur et en considérant qu'elle
ne justifiait pas la menace toute générale d'un licenciement immédiat. De
fait, la société pour laquelle le demandeur avait travaillé à la date
précitée était née d'une scission des activités de la défenderesse. Or,
selon les juges précédents, en raison des liens comptables qui ont
subsisté quelque temps entre ces deux sociétés, il n'était pas exclu que
le demandeur, qui a agi ouvertement, n'ait pas eu conscience de commettre
une violation grave de son contrat de travail. Tout au plus devait-on
admettre qu'il aurait dû se montrer plus perspicace et se renseigner
avant d'accepter de consacrer une journée de congé au service de T.

    Quoi qu'il en soit, la faute subséquente commise par le demandeur,
soit son refus d'aller à Zurich, était de gravité moyenne dans les
circonstances concrètes et ne suffisait pas à justifier un licenciement
immédiat, même en tenant compte de l'avertissement antérieur, dès lors que
le comportement incriminé était sans aucun rapport avec celui qui avait
motivé cet avertissement et qu'il n'y avait donc pas une persistance dans
la commission de la même faute, ni une violation constamment répétée des
obligations contractuelles de la part d'un travailleur au sujet duquel
la défenderesse n'a d'ailleurs pas prétendu qu'il aurait commis un autre
manquement quelconque depuis son engagement le 1er avril 1995.

    Force est d'admettre, en conclusion, que la cour cantonale n'a pas
abusé du large pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 337 al. 3
CO en qualifiant d'injustifié le licenciement immédiat du demandeur.