Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 III 147



127 III 147

25. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 12 février 2001 dans la
cause X. S.A. contre A. S.A. (recours en réforme) Regeste

    Kontokorrent; Gültigkeit der Rückbelastung einer Gutschrift.

    Hat der Bankkunde die Anzeige der Rückbelastung einer Gutschrift nicht
innert der vertraglichen Frist angefochten, weil er sich für die Erstattung
des zurückbelasteten Betrages vorerst nicht an die Bank, sondern an einen
anderen Beteiligten halten wollte, hat er die Rückbelastung konkludent
akzeptiert und damit mit der Bank ein negatives Schuldanerkenntnis
geschlossen. Im vorliegenden Fall war dieser Vertrag nicht mit einem
Willensmangel behaftet (E. 2).

Sachverhalt

    A.- a) B. S.A., devenue par la suite A.  S.A., pratique le commerce
des cigarettes et fournit notamment D. dont le siège est à Dubai (Emirats
Arabes Unis).

    Pour le paiement de la marchandise, D. donnait un ordre à sa banque,
C., à Dubai, qui le transmettait à sa banque correspondante, E., à
New York, laquelle créditait un compte du groupe X., à New York, les
fonds étant ensuite portés au crédit du compte courant no 719.100.82.1
de B. S.A. ouvert auprès de la succursale genevoise de X. S.A. Ce compte
courant était soumis aux conditions générales de la banque, qui prévoyaient
à l'art. 7 ce qui suit:
      "Toute réclamation du client relative à l'exécution ou à
      l'inexécution

    d'un ordre ainsi qu'à l'encontre d'autres communications de la
banque doit

    être présentée à réception de l'avis correspondant ou au plus tard
dans le

    délai fixé par la banque (...). Les contestations concernant les
relevés

    de compte et de dépôts doivent être présentées dans le délai d'un
mois. Ce

    délai écoulé, les relevés sont considérés comme
approuvés. L'approbation

    expresse ou tacite du relevé de compte emporte celle de tous les
articles

    qui y figurent ainsi que des réserves éventuelles de la banque".

    L'art. 14 desdites conditions générales déclarait le droit suisse
applicable et fixait le for au siège de la banque ou au lieu de la
succursale traitant avec le client.

    B. S.A. étant un important client de X. S.A., il avait été convenu
qu'elle devait percevoir des intérêts sur les montants virés en sa faveur
dès réception des fonds par X. à New York. Par le système électronique
Infaccount, A. S.A. pouvait connaître en tout temps l'état de son compte.

    b) Le 4 juillet 1991, C. à Dubai, agissant sur mandat de D., a envoyé
à E. un ordre électronique de payer, valeur 5 juillet 1991, 6 600 000 US$
à X. à New York, par le débit du compte de C. auprès de E. Le même jour,
C. a fait parvenir à X. S.A. à Zurich un ordre de transfert télégraphique,
priant ladite banque de créditer, valeur 5 juillet 1991, le compte de
B. S.A. à Genève, précisant "avoir crédité" du montant en question le
compte de X. à New York, également valeur 5 juillet 1991.

    Toujours en date du 4 juillet 1991 - jour férié aux Etats-Unis
d'Amérique -, X. S.A., se fiant à l'arrivée des fonds à X. à New York,
a crédité le compte de B. S.A., valeur 5 juillet 1991, puis a établi et
expédié à B. S.A. un avis de crédit ordinaire, sans condition ni réserve,
valeur à la même date.

    Le 5 juillet 1991, les avoirs de C. ont été bloqués dans le monde
entier, suite au retrait de l'autorisation de pratiquer accordée à cette
banque. E. a décidé de ne pas exécuter l'ordre donné par C. en faveur du
groupe S., alors même que cet ordre était antérieur au blocage et que le
compte de C. auprès de E. était suffisamment provisionné.

    Le 8 juillet 1991, X. S.A. a pris connaissance de cette situation tout
à fait exceptionnelle et a informé par téléphone B. S.A. que le crédit
devait malheureusement être extourné. Le lendemain, X. S.A. a procédé à
l'extourne sur le compte de B. S.A., valeur 5 juillet 1991.

    Le 9 juillet 1991, X. S.A. a adressé à B. S.A. un avis de débit
portant sur 6'600'000 US$ valeur 5 juillet 1991 avec la mention "extourne
de notre écriture du 5 juillet 1991". Ce débit figure également sur le
relevé mensuel de compte au 31 juillet 1991 et sur les relevés trimestriels
au 30 juin 1991 et au 30 septembre 1991.

    Il n'est pas prouvé que B. S.A. ait protesté ou émis des réserves.

    Pour obtenir la livraison de B. S.A., D. lui a versé à nouveau la
somme de 6'600'000 US$. D. a produit une créance de 6'600'000 US$ dans
la liquidation de C., recevant des liquidateurs au total 3 044 537,64 US$.

    A la suite d'un avis de droit donné par son actuel avocat, B.  S.A. a
réclamé à X. S.A., par lettre du 29 juillet 1997, le remboursement du
montant extourné, faisant valoir que l'extourne n'était pas justifiée.

    B.- Le 9 février 1998, B. S.A. a déposé devant les tribunaux genevois
une demande en paiement dirigée contre X. S.A., concluant en dernier
lieu au versement de 3'555'462,36 US$ plus intérêts.

    Par jugement du 27 janvier 2000, le Tribunal de première instance de
Genève, après avoir constaté que B. S.A. était devenue A. S.A., a débouté
cette dernière de toutes ses conclusions.

    Statuant sur appel de la demanderesse par arrêt du 6 septembre 2000,
la Chambre civile de la Cour de justice genevoise a au contraire condamné
X. S.A. à payer à A. S.A. 3'555'462,36 US$ avec intérêts.

    C.- X. S.A. recourt en réforme au Tribunal fédéral.  Elle conclut
principalement au rejet de la demande.

    Le Tribunal fédéral admet le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Entre la venderesse (la demanderesse) et l'acheteuse (D.), il
avait été convenu d'un paiement au moyen de virements bancaires en série
(sur cette figure juridique: cf. ATF 124 III 253 consid. 3b; 121 III
310 consid. 3a). Dans un tel cas, l'engagement pris par chaque banque
assignée revêt un caractère abstrait, c'est-à-dire qu'il est indépendant
du rapport de provision et du rapport de valeur (ATF 124 III 253 ibidem;
121 III 109 consid. 3a).

    La question posée par le recours n'est cependant pas celle de la
validité de l'avis de crédit, mais bien celle de la validité de l'extourne.

    Il faut donc s'interroger sur le sens et la portée juridique de
l'extourne.

    b) Il convient tout d'abord d'observer que les parties avaient conclu
un contrat de compte courant (sur cette figure juridique: cf. ATF 100
III 79; ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2ème éd., p. 773
s.). Dans un compte courant, les prétentions et contre-prétentions portées
en compte s'éteignent par compensation et une nouvelle créance prend
naissance à concurrence du solde (cf. ATF 104 II 190 consid. 2a et 2c;
arrêt du 23 décembre 1993 publié in: SJ 1994 p. 269 ss, consid. 4a/bb). Il
y a novation lorsque le solde du compte a été arrêté et reconnu (art. 117
al. 2 CO). Les parties peuvent convenir d'une reconnaissance tacite
(cf. DANIEL GUGGENHEIM, Die Verträge der schweizerischen Bankpraxis,
p. 228 s.). La novation suppose cependant une cause valable (ATF 104
II 190 consid. 3a; arrêt du 23 décembre 1993 précité, ibidem). Il n'est
donc pas a priori exclu de démontrer que le solde reconnu est faux (ATF
104 II 190 consid. 3a; LAURENT ETTER, Le contrat de compte courant, thèse
Lausanne 1994, p. 219). Il est cependant admis que la reconnaissance du
solde vaut renonciation à invoquer les exceptions et objections connues
(ATF 104 II 190 consid. 3a; GUGGENHEIM, op. cit., p. 230).

    c) Les parties ne se sont pas bornées à conclure un contrat de compte
courant; elles ont aussi adopté l'art. 7 des conditions générales de
la défenderesse.

    Cette clause contractuelle prévoit qu'il incombe au client, en cas
de désaccord, de réagir immédiatement à l'égard de toute communication
de la banque (et non pas seulement lorsqu'il s'agit d'établir un solde
de compte). Certes, cette clause générale ne fixe pas un délai précis
pour réagir, mais elle prévoit en revanche clairement, pour ce qui est
des relevés de compte périodiques, que les contestations doivent être
présentées dans le délai d'un mois. Cette exigence d'une réclamation
dans un certain délai n'est pas sans rappeler l'art. 454 al. 2 CO. On
peut donc se demander si l'on ne se trouve pas en présence d'une clause
instituant une péremption conventionnelle.

    La jurisprudence a d'ailleurs reconnu, au sujet de ce même art. 7
des conditions générales, que la défenderesse avait un intérêt légitime
à connaître rapidement les postes contestés (arrêt du 7 décembre 1984
publié in: SJ 1985 p. 246 ss consid. 2).

    Il n'est toutefois pas nécessaire d'approfondir la question sous
cet angle.

    d) En envoyant l'avis d'extourne, la recourante a manifesté sa volonté
d'annuler les effets de l'avis de crédit. Cet avis doit s'interpréter
comme une offre de convenir que l'avis de crédit est sans effet. En
n'émettant ni opposition ni réserves dans le délai contractuel et
en entreprenant les démarches décrites en détail dans le jugement de
première instance, l'intimée, choisissant de ne pas s'en prendre à la
banque, a accepté l'extourne par acte concluant. Un contrat a donc été
conclu sur un objet qui était indiscutablement à la libre disposition des
parties. En présence d'une situation exceptionnelle et complexe, alors
que la défenderesse contestait s'être engagée valablement, les parties
sont convenues d'admettre qu'il n'y avait pas dette. La qualification
juridique de ce contrat, qui relève de la liberté contractuelle, peut
paraître délicate puisqu'il présente tout à la fois les aspects de la
remise d'une dette éventuelle et ceux d'une transaction; la doctrine
connaît cette figure sous la dénomination de contrat de reconnaissance
de dette négative (VON TUHR/ESCHER, Allgemeiner Teil des Schweizerischen
Obligationenrechts, vol. II, p. 179; GONZENBACH, Commentaire bâlois,
2ème éd., n. 3 ad art. 115 CO; AEPLI, Commentaire zurichois, n. 22 ad
art. 115 CO). Ainsi, il a été conclu une convention qui lie l'intimée.
Dans un tel contrat, les possibilités d'invoquer une erreur sont très
restreintes (VON TUHR/ESCHER, op. cit., ibidem).

    e) Il reste à vérifier si ce contrat n'est pas affecté d'un vice du
consentement (art. 23 ss CO).

    Il résulte des constatations cantonales que l'intimée a connu
immédiatement l'ensemble des faits de façon véridique; la défenderesse lui
a aussi exposé sans retard sa position juridique. La demanderesse disposait
donc de tous les éléments de fait nécessaires pour se déterminer et il
lui appartenait d'examiner de manière critique l'argumentation juridique
de son cocontractant. Il est évident que l'intimée devait prendre en
considération les possibilités d'obtenir satisfaction par une autre voie,
dans le souci de maintenir de bonnes relations avec sa banque et de se
prémunir contre les risques liés à toute procédure judiciaire. L'intimée
soutient qu'elle n'a pas pensé, pendant environ six ans, à l'argumentation
juridique soutenue actuellement par son avocat. Dans le contexte de cette
affaire, on peut parfaitement imaginer que la demanderesse, souhaitant
garder de bonnes relations avec la défenderesse, ait trouvé inéquitable,
dans ces circonstances exceptionnelles, que celle-ci doive supporter la
perte et qu'elle ait préféré s'adresser à un autre protagoniste de cette
affaire, d'autant que ce procédé pouvait lui apparaître plus efficace. On
voit donc que la qualité de l'argumentation juridique n'était que l'un des
paramètres à prendre en compte; partant, il ne s'agissait pas d'un élément
nécessaire et, s'il y a eu erreur, il faut considérer qu'il ne s'agit que
d'une erreur sur les motifs (art. 24 al. 2 CO; ATF 118 II 58 consid. 3).

    Il y a ensuite lieu de rechercher si l'intimée a conclu sous l'effet
d'un dol (art. 28 CO).

    Il n'est cependant pas établi que l'un ou l'autre des auxiliaires de
la banque ait eu l'intention de tromper la demanderesse ou qu'ils aient
donné sciemment des renseignements faux sur les faits. Le seul reproche
qu'on leur adresse concerne leur argumentation juridique, qui n'est pas
celle que la cour cantonale a retenue.

    On rejoint ici un autre argument invoqué, à savoir que la banque
serait de mauvaise foi, parce qu'elle aurait malicieusement dissuadé
l'intimée d'agir contre elle.

    L'autorité cantonale admet elle-même que le résultat aurait été
différent si la banque avait assorti son avis de crédit d'une condition,
par exemple "sauf encaissement" ou "sous réserve de bonne fin". Elle ajoute
cependant qu'il existe des situations, notamment pour l'encaissement
des effets de change, où cette condition est implicite. Cette opinion
est conforme à la doctrine (ETTER, op. cit., p. 135/136). Dans le cas
d'espèce, la défenderesse avait accepté, dans l'intérêt de sa cliente,
d'inscrire rapidement les virements en compte, pour qu'ils portent intérêt,
sans attendre une communication interne de X. à New York. On peut se
demander si, dans de telles circonstances, la clause "sauf bonne fin"
n'était pas implicite. Il ne s'agit pas ici de trancher la question, mais
il faut constater que la situation était suffisamment complexe pour que
la banque puisse soutenir de bonne foi la position juridique qui a été
la sienne. Que le juge de première instance lui ait donné gain de cause
confirme d'ailleurs que la situation n'était pas évidente. En conséquence,
on ne saurait dire que la défenderesse, par la position qu'elle a adoptée
sur le plan du droit, a agi de mauvaise foi ou fait preuve d'une intention
dolosive.

    Ayant accepté l'extourne par acte concluant, l'intimée se trouve liée
par cet accord, de sorte que sa demande doit être rejetée.

    Dans ces conditions, il est superflu d'examiner l'autre grief
soulevé par la recourante. Enfin, pour répondre à un argument de
l'intimée, il convient de rappeler que, dans le rapport entre l'assigné
et l'assignataire, l'assigné n'est pas garant de l'exactitude de ses
opinions juridiques; dans une assignation bancaire, la banque assignée
ne joue pas le rôle de conseiller de son client.